T-787-88
Sa Majesté la Reine (demanderesse)
c.
ICHI Canada Ltd. (défenderesse)
RÉPERTORIÉ' CANADA C. ICHI CANADA LTD. lie MST)
Section de première instance, juge Reed—Vancouver,
16 et 19 septembre 1991.
Pratique — Communication de documents et interrogatoire
préalable — Interrogatoire préalable — Une décision par
laquelle la Cour d'appel de la C.-B. a statué qu'il n'y avait pas
engagement implicite à n'utiliser les renseignements obtenus
pendant l'interrogatoire préalable qu'aux fins de l'instance
n'a pas été suivie — L'engagement implicite limitant l'utilisa-
tion des renseignements s'applique aux interrogatoires préa-
lables devant la Cour fédérale — Contrairement à ce qui se
produit aux États-Unis, les documents obtenus dans le cadre
de l'interrogatoire préalable ne font pas partie du dossier
public tant qu'ils ne sont pas déposés devant la Cour — L'en-
gagement implicite réduit le nombre de requêtes préalables au
procès — Cela n'entraîne pas la multiplication des litiges —
La jurisprudence établie en d'autres endroits (R.-U., Saskat-
chewan, Ontario, Alberta et Nouveau-Brunswick), selon
laquelle un engagement implicite existe, est convaincante —
L'engagement implicite ne limite pas l'utilisation des rensei-
gnements qui font subséquemment partie du domaine public et
n'influe pas sur l'utilisation des renseignements obtenus pen
dant l'interrogatoire préalable qui auraient pu être obtenus
d'autres sources — La partie peut demander, dans une ins
tance connexe, à être relevée d'un engagement implicite.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 5.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS NON SUIVIES:
Kyuquot Lagging Ltd. v. British Columbia Forest Pro
ducts Ltd. et al. (1986), 30 D.L.R. (4th) 65; [1986] 5
W.W.R. 481; 5 B.C.L.R. (2d) 1; 15 C.P.C. (2d) 52; 12
C.P.R. (3d) 347 (C.A.); Harman v. Secretary of State for
the Home Department, [1983] 1 A.C. 280; [1982] 1 All
E.R. 532 (H.L.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Williams v. Prince of Wales' Life, & Company (1857), 23
Beav. 338; 53 E.R. 133 (Rolls Ct.); Reynolds v. Godlee
(1858), 4 K. & J. 88; 70 E.R. 37 (Vice -Chancellor's Ct.);
Tagg v. South Devon Railway Company (1849), 12 Beav.
151; 50 E.R. 1017 (Rolls Ct.).
DÉCISIONS CITÉES:
Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Sou-
tham Inc. (1991), 36 C.P.R. (3d) 22 (Trib. conc.); Alters-
kye v. Scott, [1948] 1 All E.R. 469 (Ch. D.); Laxton Hldg.
Ltd. v. Madill, [1987] 3 W.W.R. 570; (1987), 56 Sask. R.
152; 26 C.C.L.I. 121; 18 C.P.C. (2d) 117 (C.A.); Ander-
son v. Anderson et al. (1979), 26 O.R. (2d) 769; 105
D.L.R. (3d) 341; 14 C.P.C. 87; 12 R.F.L. (2d) 353 (H.C);
Lac Minerals Ltd. v. New Cinch Uranium Ltd. et al.
(1985), 50 O.R. (2d) 260; 17 D.L.R. (4th) 745; 48 C.P.C.
199 (H.C.); Reichmann et al. v. Toronto Life Publishing
Co. et al. (1988), 28 C.P.C. (2d) 11 (H.C. Ont.); National
Gypsum Co. v. Dorrell (1989), 68 O.R. (2d) 689; 34
C.P.C. (2d) 1; 25 C.P.R. (3d) 15 (H.C.); Miller, (Ed) Sales
& Rentals Ltd. v. Caterpillar Tractor Co. (1986), 43 Alta.
L.R. (2d) 299 (B.R.); Wirth Ltd. v. Acadia Pipe & Supply
Corp. et al. (1991), 113 A.R. 298; 79 Alta. L.R. (2d) 345
(B.R.); Blake v. Hudson's Bay Co., [1988] 1 W.W.R. 176;
(1987), 22 C.P.C. (2d) 95 (B.R. Man.); Rocca Enterprises
Ltd. et al. c. University Press of New Brunswick Ltd. and
Crowther (1989), 103 R.N.-B. (2d) 224; 259 A.P.R. 224
(B.R.); Lubrizol Corp. c. Imperial Oil Ltd., [1991] 1 C.F.
325; (1990), 33 C.P.R. (3d) 49 (Ire inst.); Smith, Kline &
French Laboratories Ltd. c. Canada (Procureur général),
[1989] 3 C.F. 540; (1989), 24 C.P.R. (3d) 484; [1989] 2
C.T.C. 63; 89 DTC 5205 (1 7 C inst.); Richardson v. Has-
tings (1844), 7 Beay. 354; 49 E.R. 1102 (Rolls Ct.).
DOCTRINE
Bray, E. The Principles and Practice of Discovery, Lon-
don: Reeves & Turner, 1885.
Eagles, Ian «Disclosure of Material Obtained on Disco
very» (1984), 47 Mod. L. Rev. 284.
Hare, T. A Treatise on the Discovery of Evidence, 2nd ed.,
London: Stevens & Sons, 1877.
Love, P. H. «Constructing a Public Right of Access to
Pretrial Proceedings: How Sound is the Structure?»
(1988), 66 Wash. U.L.Q. 745.
Seton, Sir H. W. Forms of Judgments and Orders in the
High Court of Justice and Court of Appeal, 7th ed. par
A. R. lngpen, F. T. Bloxman et H. G. Garrett, London:
Stevens & Sons, 1912.
Williston, W. B. et R. J. Rolls The Law of Civil Proce
dure, Vol. 2, Toronto: Butterworths, 1970.
AVOCATS:
Mary Jane Dodge, c. r., pour la demanderesse.
Lana K. L. Li pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Le sous -procureur général du Canada pour la
demanderesse.
Douglas, Symes & Brissenden, Vancouver, pour
la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: La défenderesse dépose une requête
afin de forcer la demanderesse à présenter un fonc-
tionnaire pour qu'il soit interrogé au préalable. Le
litige entre les parties porte sur le statut des rensei-
gnements obtenus dans le cadre d'un interrogatoire
préalable effectué conformément aux Règles de la
Cour fédérale [C.R.C., chap. 663].
La demanderesse a présenté un fonctionnaire pour
l'interrogatoire préalable, mais a demandé à l'avocat
de la défenderesse de s'engager à n'utiliser les infor-
mations obtenues qu'aux seules fins de l'instance.
L'avocat de la défenderesse a refusé de prendre cet
engagement. À l'heure actuelle, il existerait une autre
instance pour laquelle ces informations pourraient
être pertinentes.
La question en litige est celle de savoir si la déci-
sion de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique
dans Kyuquot Logging Ltd. v. British Columbia
Forest Products Ltd. et al. (1986), 30 D.L.R. (4th)
65 1 régit l'interrogatoire préalable prévu par les
Règles de la Cour fédérale et par la pratique. Dans
l'affaire Kyuquot, le tribunal a statué que les parties
n'avaient pas l'obligation de n'utiliser qu'aux seules
fins du litige les renseignements obtenus de la partie
adverse au cours de l'interrogatoire préalable. Dans
l'affaire Kyuquot, le tribunal a décidé que ces infor-
mations tombaient dans le domaine public à moins
d'une ordonnance ou d'un engagement précis à l'ef-
fet contraire.
Politique générale concernant l'utilisation des infor-
mations obtenues dans le cadre des interrogatoires
préalables
Les conclusions de la décision Kyuquot diffèrent
des positions adoptées ailleurs. Au Royaume-Uni, la
I Cette question a également été étudiée dans le cadre des
Règles de pratique du Tribunal de la concurrence dans l'affaire
Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.
(1991), 36 C.P.R. (3d) 22 (Trib. conc.), [TRADUCTION] Motifs et
ordonnance concernant l'utilisation (l'informations obtenues à
l'interrogatoire préalable et critère (régissant les ordonnances
de non-divulgation.
partie qui obtient des documents ou des informations
au cours de l'interrogatoire préalable s'engage impli-
citement à ne pas les utiliser à des fins connexes ou
ultérieures au litige: à cet effet, voir tout particulière-
ment l'affaire Alterskye v. Scott, [1948] 1 All E.R.
469 (Ch. D.). La Cour d'appel de la Saskatchewan a
statué en 1987 que, dans cette province, le principe
était le même que celui établi en Angleterre: Laxton
Hldg. Ltd. v. Madill, [1987] 3 W.W.R. 570 (C.A.
Sask.). En Ontario, diverses décisions de première
instance font référence à l'engagement implicite:
Anderson v. Anderson et al. (1979), 26 O.R. (2d) 769
(H.C.); Lac Minerals Ltd. v. New Cinch Uranium Ltd.
et al. (1985), 50 O.R. (2d) 260 (H.C.); Reichmann et
al. v. Toronto Life Publishing Co. et al. (1988), 28
C.P.C. (2d) 11 (H.C. Ont.); National Gypsum Co. v.
Dorrell (1989), 68 O.R. (2d) 689 (H.C.) 2 .
En Alberta, au Manitoba et au Nouveau-Bruns-
wick, les tribunaux, du moins en première instance,
appliquent le principe de l'engagement implicite:
Miller, (Ed) Sales & Rentals Ltd. v. Caterpillar Trac
tor Co. (1986), 43 Alta L.R. (2d) 299 (B.R.); Wirth
Ltd. v. Acadia Pipe & Supply Corp. et al. (1991), 113
A.R. 298 (B.R.); Blake v. Hudson's Bay Co., [1988]
1 W.W.R. 176 (B.R. Man.); Rocca Enterprises Ltd. et
al. c. University Press of New Brunswick Ltd. and
Crowther (1989), 103 R.N.-B. (2d) 224 (B.R.). Une
décision du protonotaire adjoint de notre Cour a tout
récemment reconnu l'existence de l'engagement
implicite dans l'affaire suivante: Lubrizol Corp. c.
Imperial Oil Ltd., [1991] 1 C.F. 325 (lére inst.). Voir
également Smith, Kline & French Laboratories Ltd.
c. Canada (Procureur général), [1989] 3 C.F. 540
(lére inst.), aux pages 555 et 556 sur cette question.
La situation de la Colombie-Britannique et l'arrêt
Kyuquot
A la lumière de cette jurisprudence, il convient
d'examiner plus attentivement la décision de l'affaire
Kyuquot. Dans cette affaire, le demandeur, dans une
poursuite intentée contre la British Columbia Forest
Products Limited (la «BCFP») et la Couronne, sou-
haitait révéler les documents et autres informations
obtenues au cours de l'interrogatoire préalable de la
2 Le traité de W. B. Williston et R. J. Rolls, The Law of Civil
Procedure, vol. 2 (Toronto: Butterworths, 1970), décrit égale-
ment à la p. 941 cet engagement implicite.
BCFP à des personnes agissant en qualité de deman-
deurs dans un autre litige découlant des mêmes évé-
nements. Ces derniers intentaient une poursuite con-
tre la Couronne seule, ayant réglé avec BCFP, et par
conséquent, n'avaient donc pas le droit de procéder à
l'interrogatoire préalable de la BCFP. Dans un juge-
ment écrit, madame le juge McLachlin, J.C.A. (son
titre à l'époque), pour la majorité, s'est d'abord pen-
chée sur l'état du droit anglais en 1858 (date de sa
réception en Colombie-Britannique). Elle a statué
qu'en 1858, il n'existait en Angleterre aucun engage
ment implicite visant à limiter l'utilisation des docu
ments obtenus dans le cadre d'un interrogatoire préa-
lable à la seule affaire au cours de laquelle ils avaient
été produits. Elle a également passé en revue l'évolu-
tion ultérieure du droit dans ce pays qui a amené
l'adoption de la position moderne sur l'engagement
implicite dont elle a clairement reconnu l'existence
en Angleterre. Elle a conclu [à la page 83] que:
[TRADUCTION] ... l'idée d'un engagement implicite envers le
tribunal dont la violation serait susceptible d'être sanctionnée
comme un outrage au tribunal a pris naissance avec l'affaire
Alderskye et n'a pas été confirmée avant l'affaire Harman.
Auparavant, l'obligation des parties en possession de docu
ments obtenus lors d'un interrogatoire préalable était appliquée
soit par le biais d'engagements soit par injonction exprès.
La Cour d'appel a déclaré qu'en Colombie-Britan-
nique, l'état du droit était celui qui existait en Angle-
terre avant l'affaire Alterskye.
La décision a également été motivée apparemment
par des considérations générales: une règle d'applica-
tion générale interdisant l'utilisation d'informations
obtenues lors d'un interrogatoire préalable à des fins
autres que celles de l'affaire pourrait entraîner un
nombre excessif de litiges.
La jurisprudence contenue dans les recueils judi-
ciaires privés (Nominate Reports)
Le résumé du droit anglais avant l'affaire Alterskye
tel que présenté par la Cour d'appel de la Colombie-
Britannique est fondé, du moins en partie, sur cer-
taines décisions anciennes contenues dans les recueils
judiciaires privés 3 . Les recueils judiciaires privés
3 Voici les affaires dont il est question aux pages 16 et 17:
Williams v. Prince of Wales' Life, & Company (1857), 23
Beav. 338; 53 E.R. 133 (Rolls Ct.); Reynolds v. Godlee (1858),
(Suite à la page suivante)
donnent souvent lieu à des interprétations divergentes
parce qu'il ne s'agit pas de rapports officiels, mais
tout simplement de notes transcrites et compilées par
des rapporteurs. Je ne tire pas les mêmes conclusions
de ces affaires que celles qu'en a tirées la Cour dans
l'arrêt Kyuguot. Par exemple, on a conclu que l'af-
faire Williams v. Prince of Wales' Life, & Company
(1857), 23 Beav. 338; 53 E.R. 133 (Rolls Ct.) établis-
sait le principe qu'il fallait une ordonnance expresse
du tribunal ou un engagement exprès pour restreindre
l'utilisation des documents obtenus pendant l'interro-
gatoire préalable au litige. Â mon avis, cette décision
n'établit pas ce principe.
Dans l'affaire Williams, les défendeurs, avant de
préparer l'annexe énumérant les documents en leur
possession (l'affidavit attestant l'exactitude de la liste
des documents), s'étaient engagés à permettre au
demandeur de consulter les documents en question.
Les documents étaient volumineux. L'examen s'est
mal déroulé. Le demandeur a sollicité une ordon-
nance de la Cour exigeant la production des docu
ments. Le demandeur alléguait que les défendeurs
n'autorisaient que le demandeur en personne à l'ex-
clusion de toute autre personne à consulter les docu
ments, et ce, une heure par jour seulement. Les
défendeurs ont soutenu que le secrétaire de l'avocat
du demandeur était impoli et insolent et que le
demandeur faisait mauvais emploi des documents en
les rendant publics. Le tribunal a conclu que les deux
parties avaient tort. Le tribunal a statué que le deman-
deur et ses agents devaient avoir accès raisonnable
aux documents et quant au comportement du deman-
deur 4 :
[TRADUCTION] ... le demandeur qui a obtenu accès aux docu
ments du défendeur n'a pas le droit de les rendre publics. La
Cour a émis des injonctions visant à l'en empêcher, et j'ai moi-
même pris cette mesure afin d'empêcher un demandeur com-
merçant de rendre publiques les informations obtenues en
vertu d'une ordonnance d'examen.
Dans la présente affaire, j'accorderai une ordonnance avec
l'engagement du demandeur de ne pas rendre public, ni de
communiquer à aucun étranger au litige le contenu de ces
documents, ni de ne le rendre public d'aucune façon.
(Suite de la page précédente)
4 K. & J. 88; 70 E.R. 37 (Vice -Chancellor's Ct.); Tagg v. South
Devon Railway Company (1849), 12 Beav. 151; 50 E.R. 1017
(Rolls Ct.); Richardson v. Hastings (1844), 7 Beav. 354; 49
E.R. 1102 (Rolls Ct.).
a (1857), 23 Beav. 338, à la p. 340.
À mon avis, l'arrêt Williams n'établit pas le prin-
cipe que seule une ordonnance ou un engagement
exprès permet de restreindre l'usage des documents.
Au contraire, dans cette décision il appert que l'on
reconnaît l'existence de l'obligation de ne pas utiliser
les documents communiqués à des fins étrangères au
litige, même en l'absence d'une ordonnance expresse
du tribunal. Dans cette affaire, le juge a exigé un
engagement exprès, comme condition de l'ordon-
nance émise, pour obtenir une «assurance supplémen-
taire» plutôt que par nécessité.
Quant à l'affaire Reynolds v. Godlee 5 sur laquelle
le tribunal s'est en partie fondé dans l'affaire Kyu-
quot 6 , les affirmations portant sur les engagements
pris au sujet des documents communiqués ne consti-
tuaient que de simples remarques incidentes. Cette
décision porte sur le secret professionnel de l'avocat
et grâce à ce principe, le demandeur a finalement
obtenu la permission de refuser de produire le docu
ment. Le demandeur avait certes d'abord refusé de
produire les documents, non pas en invoquant le
secret professionnel de l'avocat, mais parce qu'il
avait obtenu ce document d'un autre défendeur par
voie de requête, mais la décision ne se fonde pas sur
ce point. De plus, quant aux remarques incidentes, la
décision dit tout simplement qu'il n'est pas permis de
refuser de produire un document parce qu'il a été
obtenu d'une autre personne à titre confidentiel et
que, si le document a été obtenu suite à une ordon-
nance de communication, le tribunal peut en ordon-
ner la divulgation à des tiers.
Quant à la décision dans l'affaire Tagg v. South
Devon Railway Company 7 , la Court of Chancery
avait refusé à l'époque d'émettre une ordonnance
interdisant l'utilisation des documents communiqués
dans une poursuite. Avant 1854, la seule façon d'ob-
tenir la communication de documents dans une pour-
suite était de déposer une demande de divulgation
auprès de la Court of Chancery.
5 Supra, note 3.
6 Et également dans l'article de Ian Eagles, «Disclosure of
Material Obtained on Discovery» (1984), 47 Mod. L. Rev. 284,
au par. 286n dont il est question dans la décision Kyuquot.
7 Supra, note 3.
Autres considérations
Quant aux références à la position adoptée par les
Etats-Unis dont il est question dans l'affaire Kyuquot,
les Federal Rules of Procedure des Etats-Unis exigent
que la plupart des documents échangés par les parties
au cours de l'enquête préalable soient déposés au
greffe; les documents font donc partie du domaine
public. C'est pour cette raison sans doute que l'en-
quête préalable ne fait pas l'objet d'un engagement
implicite visant à restreindre l'usage des documents
aux Etats-Unis 8 . Les transcriptions de l'enquête préa-
lable ne sont pas automatiquement déposées aux dos
siers publics de la Cour fédérale. Elles y sont dépo-
sées lorsqu'elles sont présentées par les parties au
cours de l'instance ou lorsque des extraits du docu
ment sont annexés aux affidavits préparés pour cer-
taines requêtes avant procès. Avant d'être consignée
au dossier officiel, l'enquête préalable demeure con-
fidentielle en vertu des Règles de la Cour fédérale.
Quant à l'argument voulant qu'une interdiction
générale d'utiliser les informations et les documents
obtenus lors de l'examen à des fins étrangères au
litige pourrait entraîner de nombreux litiges, l'opi-
nion contraire est tout aussi défendable. En fait, il
semble que la règle générale ait été appliquée dans
divers pays, depuis des années, sans donner lieu à de
nombreux litiges. L'absence de jurisprudence rappor-
tée au Royaume-Uni entre les anciens recueils judi-
ciaires privés et la décision de l'arrêt Alterskye de
1948 le démontre clairement. Même si de nombreux
traités plus anciens mentionnent la notion d'engage-
ment implicite, tels que Hare on Discovery 9 , Bray on
Discoveryl° et Seton's Judgments and Ordersll, il
n'existe pratiquement aucune autre référence à cette
pratique à cette époque. On peut conclure qu'il y a
bien peu de jurisprudence rapportée sur ce sujet parce
R Voir P. H. Love, «Constructing a Public Right of Access to
Pretrial Proceedings: How Sound is the Structure?» (1988) 66
Wash. U.L.Q. 745, à la p. 763.
9 T. Hare, A Treatise on the Discovery of Evidence, 2e éd.
par S. flare (London: Stevens & Sons, 1877) à la p. 268n.
10 E. Bray, The Principles and Practice of Discovery (Lon-
don: Reeves & Turner, 1885), à la p. 238.
11 Sir H. W. Seton, Forms of Judgments and Orders in the
High Court of Justice and Court of Appeal, 7e éd. par A. R.
Ingpen, F. T. Bloxam and H. G. Garrett (London: Stevens &
Sons, 1912) à la p. 76.
que le principe de l'engagement implicite était claire-
ment établi, bien compris et fonctionnait facilement.
Il faut invoquer une autre affaire: Harman v. Secre
tary of State for the Home Department, [1983] 1 A.C.
280; [ 1982] 1 All E.R. 532 (H.L.). Il faut la citer
parce qu'il s'agit d'une décision étonnante qui a été
mentionnée dans l'arrêt Kyuquot. La décision Har-
man portait sur le moment où prend fin l'engagement
de ne pas utiliser les documents. La décision porte
sur l'existence des engagements implicites même si,
en réalité, dans cette affaire, il s'agissait d'un engage
ment exprès. La décision est étonnante parce que le
tribunal statue que la communication par un avocat à
un journaliste d'un document qui a été lu en audience
publique constitue une violation à l'engagement et,
par conséquent, un outrage au tribunal. On peut rai-
sonnablement conclure que les juridictions cana-
diennes seraient réticentes à appliquer la décision de
l'affaire Harman en l'absence d'une décision de la
Cour suprême reconnaissant l'importance du prin-
cipe. En fait, les Rules of Court anglaises [Rules of
the Supreme Court 1965] ont été modifiées en 1987
[S.I. 1987 No. 1423] (après l'affaire Hannon) afin
d'énoncer expressément la règle selon laquelle l'en-
gagement portant sur l'utilisation d'un document
communiqué expire au moment où on en fait lecture
ou référence publiquement au cours d'une audience
judiciaire 12 .
Procédure de la Cour fédérale
Qu'en est-il donc de la position de la Cour fédérale
quant à l'information obtenue lors de l'enquête préa-
lable dans un litige?
À mon avis, le processus d'interrogatoire préalable
de la Cour fédérale comprend l'engagement implicite
de limiter l'utilisation des informations obtenues
(transcriptions et documents). Nous l'avons dit, dans
la présente Cour, les documents ne font pas partie du
12 0. 24, r. 14A:
[TRADUCTION] 14A. L'engagement implicite ou exprès de
ne pas utiliser un document à d'autres fins que celles de
l'instance au cours de laquelle il a été communiqué prend
fin au moment où lecture en est faite ou qu'on s'y est référé
en audience publique à moins que la Cour, pour des mdtifs
particuliers, n'émette une ordonnance à l'effet contraire à la
demande d'une partie ou d'une personne à qui le document
appartient.
dossier tant qu'il n'y ont pas été versés. Deuxième-
ment, l'application d'un engagement implicite réduit
probablement le nombre de requêtes avant procès qui
pourraient être déposées. Troisièmement, la jurispru
dence des autres pays et provinces, plus particulière-
ment celle des provinces autres que la Colombie-Bri-
tannique de même que celle du Royaume-Uni, est
convaincante.
La Règle 5 des Règles de la Cour fédérale énonce
que lorsque se pose une question non autrement visée
par une disposition des Règles, la Cour peut ordonner
d'adopter la pratique et la procédure applicables en
pareils cas dans les cours de la province à laquelle se
rapporte plus particulièrement l'objet des procédures
(la règle des lacunes). Les avocats n'ont pas tenté
d'obtenir de telles directives dans cette affaire et cer-
tes, s'ils l'avaient fait, je n'aurais pas été encline à
suivre la jurisprudence de la Colombie-Britannique.
Je ne crois pas à l'existence d'une «lacune» à laquelle
la Règle 5 puisse s'appliquer et il me semble que les
avocats n'y ont pas cru non plus, puisqu'ils n'ont pas
soulevé cette question.
Une ordonnance sera donc émise exigeant que la
demanderesse convoque un représentant aux fins de
l'interrogatoire préalable. La défenderesse apprendra,
à la lecture des présents motifs, l'existence d'un
engagement implicite automatique, de telle sorte que
l'information obtenue, lors de l'interrogatoire, ne
pourra être utilisée qu'aux seules fins du litige pour
lequel elle a été obtenue. Bien entendu, cela ne limite
pas l'utilisation d'informations qui, subséquemment,
feront partie du dossier public. Cette décision n'af-
fecte pas non plus l'utilisation d'informations obte-
nues lors de l'interrogatoire préalable qui auraient pu
être obtenues d'une autre source. L'engagement
implicite ne peut porter sur des documents et des
informations obtenus d'une source étrangère à l'in-
terrogatoire préalable, sous prétexte qu'ils ont été
obtenus pendant l'enquête préalable. De plus, l'enga-
gement implicite n'empêche pas une partie de
demander, dans le contexte d'une instance connexe,
d'être relevée de cet engagement implicite, afin que
les informations obtenues lors de l'interrogatoire
préalable puissent être utilisées dans cette autre ins
tance. Toutefois, il s'agit d'une question qui devra
être déterminée dans le contexte de cette instance et
non dans la présente affaire.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.