T-963-89
David M. Warriner (requérant)
c.
Le tribunal disciplinaire du pénitencier de Kings-
ton, c'est-à-dire Michael McCue, président indé-
pendant (intimé)
RÉPERTORIÉ: WARRINER c. PÉNITENCIER DE KINGSTON (1 1e
INST.)
Section de première instance, juge MacKay —
Ottawa, 21 novembre 1989; 7 décembre 1990.
Pénitenciers — Demande d'annulation de la décision par
laquelle un détenu a été déclaré coupable d'une infraction à la
discipline, qui consistait dans l'omission d'obtempérer à un
ordre légitime — Il a refusé de «se pencher» pour exposer la
région rectale au cours d'une fouille à nu après une «visite-
contact» avec sa femme — Le président n'a pas eu tort de
refuser d'examiner l'application de la Charte pour déterminer
si l'ordre était légitime, la question n'ayant pas été soulevée à
l'audience disciplinaire — L'ordre de se pencher est autorisé
par la loi — Cet ordre a été donné en vertu des ordres
permanents de l'institution et de la Directive du Commissaire,
qui, bien qu'ils n'eussent pas force de loi, se sont conformés à
l'art. 41(2)c) du Règlement sur le service des pénitenciers —
L'art. 41(2)c) prévoit qu'un membre peut fouiller un détenu
lorsqu'il considère une telle mesure raisonnable et nécessaire
pour déceler la présence de contrebande ou pour maintenir le
bon ordre — L'exercice du pouvoir de fouiller prévu à l'art.
41(2)c) doit seulement correspondre aux fins prévues par le
Règlement — Bien que le Règlement ne définisse pas la
fouille, il est loisible au Commissaire d'établir des définitions
et des procédures pour les fins générales prévues à l'art.
41(2)c).
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Un détenu a refusé d'obtempérer à
l'ordre de «se pencher» pour permettre un examen visuel de la
région rectale après une «visite-contact» avec sa femme —
L'ordre constitue une fouille au sens de l'art. 8 de la Charte
— La fouille est raisonnable compte tenu des motifs qui
sous-tendent cette pratique — Elle est autorisée par la loi —
La loi n'a rien d'abusif — Bien que la fouille porte atteinte à
la vie privée, le droit de s'attendre raisonnablement à la
protection de sa vie privée qu'un détenu d'une institution à
sécurité maximale peut avoir diffère de celui de toute autre
personne.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et
sécurité — Un détenu a refusé d'obtempérer à l'ordre de «se
pencher» pour permettre un examen visuel de la région rectale
au cours d'une fouille à nu après une «visite-contact» avec sa
femme — L'art. 7 de la Charte ne s'applique pas — Les
rédacteurs de la Charte n'ont pas voulu interdire à l'art. 7 des
fouilles qui ne seraient pas interdites par l'art. 8.
Il s'agit d'une demande de bref de certiorari qui annulerait la
décision par laquelle le tribunal a déclaré le requérant, qui était
détenu au pénitencier de Kingston, coupable d'une infraction à
la discipline, qui consistait dans l'omission d'obtempérer à un
ordre légitime. Le détenu a refusé de se pencher pour exposer
sa cavité rectale afin de permettre un examen visuel au cours
d'une fouille à nu après une «visite-contact» avec sa femme. Il
s'est senti avili et humilié et ne connaissait aucun comporte-
ment de sa part ni aucun autre élément de preuve faisant
raisonnablement croire qu'il était en possession de contrebande.
Le requérant soutient que l'ordre n'était pas autorisé par la loi,
puisqu'il n'était prévu ni dans la Loi sur les pénitenciers ni dans
le Règlement sur le service des pénitenciers, et qu'il violait les
droits que le requérant tenait de l'article 7 (le droit d'exiger
qu'on ne porte atteinte à la sécurité de la personne qu'en
conformité avec les principes de justice fondamentale) et de
l'article 8 (le droit à la protection contre les fouilles, les
perquisitions ou les saisies abusives) de la Charte. La demande
conteste seulement la validité de l'ordre de «se pencher» donné
dans le cadre de la fouille à nu, et non la validité des fouilles à
nu en général. L'alinéa 39a) du Règlement fait de l'omission
d'obéir à un ordre légitime une infraction à la discipline.
L'alinéa 41 (2)c) prévoit qu'un membre du Service correctionnel
peut fouiller un détenu lorsqu'il considère une telle mesure
raisonnable et nécessaire pour déceler la présence de contre-
bande ou pour maintenir le bon ordre. La Directive n° 571 du
Commissaire permet la fouille à nu, qui est définie, comme une
fouille visuelle d'une personne nue, y compris les cavités corpo-
relles, pendant que l'individu se penche. L'ordre permanent du
pénitencier de Kingston relativement à la fouille des détenus
exige le fait de se pencher dans sa définition de fouilles à nu. Il
prévoit également qu'on doit procéder à la fouille à nu des
détenus qui reviennent d'une visite-contact. Le requérant sou-
tient qu'un ordre qui porte atteinte à l'intégrité physique, le
premier objet de l'individualité et de la liberté d'une personne,
avec pour conséquence l'humiliation, la dégradation et le
trauma que cela entraîne viole l'article 7 de la Charte. Il s'agit
d'examiner si le président a eu tort de refuser d'examiner
l'application de la Charte pour déterminer si l'ordre était
légitime, si l'ordre de »se pencher» était autorisé par la loi et si
cet ordre contrevenait à l'article 7 ou à l'article 8 ou à ces deux
articles de la Charte.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Le président n'a pas commis d'erreur en omettant d'aborder
les questions relatives à la Charte. Le requérant n'a pas soulevé
la question de l'applicabilité de la Charte à sa situation au
cours de l'audience disciplinaire. Le requérant a limité son
argumentation à l'idée que l'ordre de »se pencher» était illégi-
time puisqu'il n'était pas autorisé par le Règlement sur le
service des pénitenciers.
L'ordre de «se pencher» donné dans le cadre de la fouille à nu
par suite d'une visite-contact était autorisé par la loi. Il a été
donné en vertu des ordres permanents de l'institution et de la
Directive du Commissaire, qui, bien qu'ils n'eussent pas force
de loi, étaient visés par l'alinéa 41 (2)c) du Règlement. Rien ne
limite l'exercice du pouvoir de fouiller des détenus prévu à
l'alinéa 41(2)c), sauf que cet exercice doit correspondre aux
fins prévues par le Règlement. Celui-ci n'exige pas que l'agent
qui procède à la fouille considère une fouille raisonnable et
nécessaire pour les fins fixées. La fouille en l'espèce était une
question de routine prévue par l'ordre permanent du pénitencier
de Kingston, et a été effectuée par suite d'une visite-contact
pour déceler la présence de contrebande. Bien que le Règlement
ne donne aucune définition ni ne prévoie de procédure particu-
lière en matière de «fouille», il était loisible au Commissaire,
responsable de l'administration du Service correctionnel et des
pénitenciers, d'établir des définitions et des procédures de
fouille pour les fins générales prévues à l'alinéa 41(2)c). Si la
politique et les lignes directrices établies correspondent aux
questions ou aux fins envisagées par la Loi et le Règlement,
elles relèvent alors du pouvoir de fouiller des détenus prévu à
l'alinéa 41(2)c).
Il est peu probable que les rédacteurs de la Charte aient
voulu interdire à l'article 7 les fouilles qui ne seraient pas
interdites par l'article 8. L'article 7 de la Charte ne s'applique
pas en l'espèce.
L'ordre de se pencher, donné dans le cadre d'une fouille à nu,
ne violait pas l'article 8 de la Charte compte tenu des motifs qui
sous-tendent l'établissement de cette routine. L'obligation pour
une personne nue de se pencher pour permettre un examen
visuel de la cavité anale constituait une fouille au sens de
l'article 8. La fouille n'était pas abusive parce que 1) elle était
autorisée par la loi; 2) il n'a pas été question de la manière dont
elle a été effectuée puisqu'elle n'a jamais eu lieu; 3) la loi
n'avait rien d'abusif. Quant à la dernière condition, bien que la
fouille ait porté effectivement atteinte à la vie privée du détenu,
le droit de s'attendre raisonnablement à la protection de sa vie
privée qu'un détenu d'une institution à sécurité maximale peut
avoir diffère de celui de toute autre personne. Les fouilles de
divers genres au sein des institutions à sécurité maximale
s'imposent pour la sécurité des détenus et du personnel, pour le
bon ordre de l'institution et le contrôle de la contrebande. Une
fouille à nu comprenant l'ordre de se pencher pour un examen
visuel de la cavité anale, entamée dans le cadre d'une procédure
de fouille habituelle par suite d'une visite-contact et reposant
sur la croyance par le directeur que ces fouilles sont essentielles
à la sécurité des détenus et du personnel et au bon ordre de
l'institution, n'exige pas que les agents procédant à la fouille
aient la croyance simultanée que des articles de contrebande
sont cachés sur la personne du détenu fouillé.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44], art. I, 7, 8.
Loi sur les pénitenciers, L.R.C. (1985), chap. P-5.
Règlement sur le service des pénitenciers, C.R.C., chap.
1251, art. 38.1(2) (mod. par DORS/80-209, art. 3;
DORS/85-640, art. 3), 39a) (mod. par DORS/85-640,
art. 4; DORS/88-547, art. 5), 41(2)c) (mod. par
DORS/80-462, art. I; DORS/88-547, art. 1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Wilson c. Ministre de la Justice, [1985] 1 C.F. 586
(C.A.); (1985), 13 Admin. L.R. I; 20 C.C.C. (3d) 206; 6
C.P.R. (3d) 283; 46 C.R. (3d) 91; 16 C.R.R. 271; 60
N.R. 194; Robertson c. Yeoman, [1982] 1 C.F. 53;
(1981), 121 D.L.R. (3d) 353; 58 C.C.C. (2d) 1 (l f° inst.);
Weatherall c. Canada (Procureur général), [1988] 1 C.F.
369; (1987), 59 C.R. (3d) 247; I1 F.T.R. 279 (I"° inst.);
R. c. Collins, [1987] I R.C.S. 265; (1987), 38 D.L.R.
(4th) 508; [1987] 3 W.W.R. 699; 13 B.C.L.R. (2d) 1; 33
C.C.C. (3d) 1; 56 C.R. (3d) 193; 28 C.R.R. 122; 74 N.R.
276.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Hanna c. Tribunal disciplinaire de l'établissement de
Matsqui, T-1479-90, C.F. I" inst., juge Teitelbaum,
jugement en date du 13-7-90, encore inédit; Jackson c.
Pénitencier de Joyceville, [1990] 3 C.F. 55; (1990), 55
C.C.C. (3d) 50; 75 C.R. (3d) 174 (1' inst.); Gunn c.
Yeomans, [1981] 2 C.F. 99; (1980), 114 D.L.R. (3d)
288; 55 C.C.C. (2d) 452 (1" inst.); Re Maltby et al. and
Attorney -General of Saskatchewan et al. (1982), 143
D.L.R. (3d) 649; 20 Sask. R. 366; 2 C.C.C. (3d) 153; 4
C.R.R. 348 (B.R. Sask.); confirmé par (1984), 10 D.L.R.
(4th) 745; 34 Sask. R. 177; 13 C.C.C. (3d) 308; 14
C.R.R. 132 (C.A.); Soenen v. Director of Edmonton
Remand Centre, Attorney General of Alberta and Solici
tor General of Alberta (1983), 48 A.R. 31; 31 D.L.R.
(4th) 658; [1984] 1 W.W.R. 71; 28 Alta. L.R. (2d) 62; 8
C.C.C. (3d) 224; 35 C.R. (3d) 206; 6 C.R.R. 368 (B.R.).
DÉCISIONS CITÉES:
Weatherall c. Canada (Procureur général), [1989] 1 C.F.
18; (1988), 65 C.R. (3d) 27; 19 F.T.R. 160; 86 N.R. 168
(C.A.); Martineau et autre c. Comité de discipline des
détenus de l'Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118;
(1977), 74 D.L.R. (3d) 1; 33 C.C.C. (2d) 366; 14 N.R.
285; Martineau c. Comité de discipline de l'Institution de
Matsqui, [1980] 1 R.C.S. 602; (1979), 106 D.L.R. (3d)
385; 50 C.C.C. (2d) 353; 13 C.R. (3d) 1; 15 C.R. (3d)
315; 30 N.R. 119; Hunter et autres c. Southam Inc.,
[1984] 2 R.C.S. 145; (1984), 55 A.R. 291; 11 D.L.R.
(4th) 641; [1984] 6 W.W.R. 577; 33 Alta. L.R. (2d) 193;
27 B.L.R. 297; 14 C.C.C. (3d) 97; 2 C.P.R. (3d) 1; 41
C.R. (3d) 97; 9 C.R.R. 355; 84 DTC 6467; 55 N.R. 241.
AVOCATS:
Donald A. Bailey pour le requérant.
Ian M. Donahoe pour l'intimé.
PROCUREURS:
O'Connor, Ecclestone & Kaiser, Kingston
(Ontario), pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: L'espèce a été entendue à
Ottawa (Ontario), le 21 novembre 1989. Le requé-
rant, détenu au pénitencier de Kingston, conclut à
une réparation sous forme d'une ordonnance de
certiorari qui infirmerait la décision en date du
7 janvier 1988 par laquelle l'intimé l'a déclaré
coupable d'une infraction à la discipline. À cette
fin, le requérant fait valoir que l'infraction qui lui
est reprochée, c'est-à-dire l'omission d'obtempérer
à un ordre légitime, a trait à l'ordre de se pencher
pour exposer la cavité rectale au cours d'une
fouille à nu, ordre qui ne serait pas autorisé par la
loi. Il prétend que cet ordre n'est prévu ni dans la
Loi sur les pénitenciers, L.R.C. (1985), chap. P-5,
ni dans le Règlement sur le service des péniten-
ciers [C.R.C., chap. 1251], et qu'il viole les droits
garantis par les articles 7 et 8 de la Charte cana-
dienne des droits et libertés [qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982,
annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap.
11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 44]].
Le 14 décembre 1987, le requérant, après une
«visite-contact» avec sa femme, a fait l'objet de
deux fouilles à nu effectuées par des agents du
pénitencier de Kingston, établissement à sécurité
maximale qui relève du Service correctionnel du
Canada. La première fouille a été effectuée par
l'agent Demers qui, lorsque le requérant n'a pas
obéi à son ordre relativement à la fouille, a amené
Warriner au corridor des cellules d'isolement. Là,
le requérant a été soumis à une deuxième fouille à
nu, commencée par Demers et complétée par
l'agent Bertrand au cours de laquelle Warriner a
encore une fois refusé d'obéir à un ordre relatif à
la fouille.
Dans ces fouilles, le requérant a coopéré avec les
agents en enlevant tous ses vêtements et en faisant
tout ce qu'on attendait de lui, jusqu'au moment où
on lui a ordonné de se pencher jusqu'à la ceinture
et de toucher ses orteils pour exposer sa cavité
anale en vue d'une inspection. Il a refusé de le
faire. Selon le requérant, il a refusé de se pencher
comme on le lui a demandé parce qu'il [TRADUC-
TION] «se sentait avili et humilié par cette pratique
et ... était d'avis que cela était illégal et inutile».
Au moment où le requérant a refusé d'obéir à
l'ordre, il croyait apparemment, et continue de
croire, qu'aucune loi ni aucun règlement n'autori-
sait un tel ordre.
Le requérant 'a été accusé de deux infractions à
la discipline, soit d'avoir désobéi ou omis d'obéir à
un ordre légitime d'un agent du pénitencier, en
application de l'alinéa 39a) du Règlement sur le
service des pénitenciers [mod. par DORS/85-640,
art. 4; DORS/88-547, art. 5]. Une audience devant
l'intimé, le président indépendant Michael Mc-
Cue, a eu lieu le 17 décembre 1987 et le 7 janvier
1988. Le requérant a plaidé non coupable pour ce
qui est des accusations portées contre lui. Il a été
déclaré coupable d'une infraction qu'on lui repro-
chait, et il a été condamné à la perte de privilèges
pendant sept jours.
La question de savoir si le requérant a refusé de
se pencher selon l'ordre donné n'est pas en litige.
Le requérant concède ce point dans son affidavit
qui énonce notamment:
[TRADUCTION] J'ai refusé de me pencher comme on me l'a
demandé parce que je me sentais avili et humilié par cette
pratique et que j'étais d'avis que cela était illégal et inutile.
À ce moment, je n'étais en possession d'aucun article de
contrebande sur une partie de mon corps, dont ma cavité anale.
Je ne connaissais pas non plus un comportement ni un autre
élément de preuve faisant raisonnablement croire que j'étais en
possession de contrebande.
Le requérant conclut maintenant à une ordon-
nance de certiorari qui infirmerait la décision par
laquelle l'intimé a conclu à sa culpabilité relative-
ment à l'infraction la discipline qui aurait été
commise. Les motifs de la demande figurent dans
l'avis de demande:
1. L'ordre auquel le détenu a refusé d'obéir n'était pas un ordre
légitime; au contraire, obliger le requérant à y obtempérer
revenait à empiéter sur la sécurité de sa personne, contraire-
ment aux principes de justice fondamentale, et violait ainsi son
droit fondamental garanti par l'article 7 de la Charte cana-
dienne des droits et libertés;
2. De plus ou subsidiairement, rien dans la loi ne permet à un
agent de prison d'ordonner à un détenu non seulement d'enlever
ses vêtements, mais aussi de se pencher pour toucher ses orteils
pendant qu'il est nu;
3. De plus ou subsidiairement, même si un tel ordre est prescrit
par la loi, une telle limitation n'est pas une limitation qui soit
raisonnable et dont la justification puisse se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique;
4. De plus ou subsidiairement, dans les circonstances particu-
lières de l'affaire, obliger le requérant à se pencher nu revenait
à violer la sécurité de sa personne, il s'agissait d'une pratique
dégradante, particulièrement étant donné l'absence d'éléments
de preuve faisant croire à une inconduite de la part du requé-
rant; cela équivalait à une violation injustifiée de ses droits
garantis par l'article 7 de la Charte;
5. De plus, ou subsidiairement, l'intimé a ou bien omis d'abor-
der la question de la violation des droits du requérant garantis
par l'article 7, et a donc commis une erreur en matière de
compétence ou bien, subsidiairement, a eu tort de décider qu'il
n'y avait pas eu violation des droits que le requérant tient de
l'article 7.
Au cours de l'audition de la présente demande,
l'avocat du requérant soulève également la ques
tion de la prétendue violation de l'article 8 de la
Charte canadienne des droits et libertés. Il fait
remarquer que le requérant avait cherché à soule-
ver cette question dans sa comparution devant le
président indépendant intimé, au cours de laquelle
il se représentait lui-même comme c'était la prati-
que dans ces procédures disciplinaires.
L'intimé insiste sur le fait que le requérant ne
semble pas contester la légitimité d'une politique
qui consiste à exiger des détenus qu'ils se soumet-
tent à des fouilles à nu après les visites-contacts,
mais que la seule objection porte sur l'ordre de se
pencher en vue d'une fouille rectale visuelle dans le
cadre de la pratique de la fouille à nu. Le requé-
rant a toutefois prétendu dans sa note:
[TRADUCTION] 21. Il est respectueusement allégué que l'auto-
risation légale de la conduite des fouilles par les agents de
correction est limitée à l'alinéa 41(2)c) du Règlement sur le
service des pénitenciers, qui autorise un agent du Service
correctionnel à fouiller «un détenu ou des détenus, lorsqu'un
agent considère une telle mesure raisonnable et nécessaire pour
déceler la présence de contrebande ou pour assurer le bon ordre
au sein de l'institution».
Règlement sur le service des pénitenciers, alinéa 41(2)c)
22. Il est respectueusement allégué que l'alinéa 41(2)c) est
ultra vires la Constitution du Canada, vu qu'il viole les articles
7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés, et est donc
inopérant.
L'intimé fait remarquer que [TRADUCTION] «on a
émis des doutes sur la validité de l'alinéa 41(2)c)
du Règlement sur le service des pénitenciers», mais
il prétend qu'iil ne s'agit pas du moyen approprié
pour faire examiner cette question puisqu'un juge-
ment déclaratoire doit être demandé par voie
d'action».
Je suis d'accord avec l'avocat de l'intimé à cet
égard. Il ressort de l'avis de demande que le requé-
rant cherche seulement à obtenir une ordonnance
de certiorari pour faire annuler la décision de
l'intimé. Cet avis ne fait pas savoir que le requé-
rant conclut à un jugement déclaratoire portant
que l'alinéa 41(2)c) du Règlement sur le service
des pénitenciers [mod. par DORS/80-462, art. 1;
DORS/88-547, art. 1] est invalide. Si un jugement
déclaratoire est demandé, les Règles de la Cour
exigent que ce soit par voie d'action et non par voie
de requête introductive d'instance, à moins que
l'intimé ne consente à l'action et que les parties ne
versent au dossier un exposé conjoint de tous les
faits sur lesquels les questions en litige devront être
tranchées', circonstances qui ne prévalent pas en
l'espèce.
La demande de redressement du requérant et les
faits allégués dans son affidavit ne mettent pas en
question la fouille à nu des détenus en général, ou
même après les visites-contacts. Cette demande
soulève seulement la question de la validité de
l'ordre de «se pencher» dans le cadre de la pratique
d'une fouille à nu, et seulement dans la mesure où
cela se rapporte à la validité de la décision de
l'intimé.
La présente demande soulève donc les questions
suivantes:
a) Le président a-t-il eu tort de refuser d'examiner l'applica-
tion de la Charte pour déterminer si l'ordre était légitime?
b) L'ordre de «se pencher» était-il autorisé par la loi?
c) L'ordre allait-il à l'encontre de l'article 7 ou de l'article 8
ou de ces deux articles de la Charte canadienne des droits et
libertés et était-il donc illégitime?
Le cadre réglementaire
Avant d'aborder les points litigieux, il convient
d'exposer les règlements, les directives et les ordres
permanents applicables à l'espèce.
Les alinéas 39a) et 41(2)c) du Règlement sur le
service des pénitenciers, C.R.C., chap. 1251, modi-
fié, sont ainsi rédigés:
39. Est coupable d'une infraction à la discipline, un détenu
qui
a) désobéit ou omet d'obéir à un ordre légitime d'un agent;
41. ...
(2) Sous réserve du paragraphe (3), [qui est ainsi conçu:
«Une personne du sexe féminin qui est fouillée aux termes du
paragraphe (2) ne peut être fouillée que par une personne du
même sexe»], un agent peut fouiller
c) un détenu ou des détenus, lorsqu'un agent considère une
telle mesure raisonnable et nécessaire pour déceler la pré-
sence de contrebande ou pour assurer le bon ordre au sein
d'une institution; ...
La Directive n° 571, en date du 1-3-1987, du
Commissaire du Service correctionnel du Canada
comprend ce qui suit sous la rubrique «Fouilles des
personnes»:
'Wilson c. Ministre de la Justice, [1985] 1 C.F. 586 (C.A.),
le juge Mahoney, J.C.A., à la p. 589.
5. Lors des fouilles, il faut toujours respecter la dignité de la
personne fouillée et faire preuve de discrétion.
7. Il y a trois façons de fouiller des personnes, et chacune peut
inclure la fouille des objets qu'elles ont en leur possession.
a. La fouille par palpation est l'examen par palpation d'une
personne habillée, effectué le long du corps, de la tête aux
pieds ...
b. Une personne faisant l'objet d'une fouille à nu doit se
dévêtir complètement, être soumise à un examen visuel et se
pencher de manière à permettre une inspection visuelle des
cavités. Toute fouille à nu doit être effectuée par un membre
du même sexe et habituellement en présence d'un témoin. Ce
témoin doit également être du même sexe. De plus, tous les
vêtements et les effets sont également examinés.
c. Un examen des cavités corporelles est une fouille à nu
comprenant un examen par palpation de toutes les cavités
corporelles.
L'Ordre permanent du pénitencier de Kingston
relatif à la fouille des détenus, numéro 571-2, en
date du 31 octobre 1987, contient une définition de
«skin search» (fouille à nu), qui semble se rappor-
ter à la «strip search» (fouille à nu) figurant dans
la Directive 571 du Commissaire:
[TRADUCTION] Fouille à nu: une fouille à nu signifie que le
détenu doit se dévêtir dans un endroit privé, et qu'on le fouille
complètement. Doit être faite une inspection visuelle de sa
personne, dont la bouche, les pieds et tous les autres orifices.
On obligera la détenu à se pencher pour exposer pleinement ses
parties rectale et génitale. Les agents qui procèdent à la fouille
ne doivent pas toucher le détenu sauf les cheveux: Deux agents
doivent être présents sous la surveillance d'un agent de
correction.
Je fais remarquer que, bien que cette remarque ne
se rapporte pas à la présente procédure, après les
événements qui ont donné lieu à la présente
demande, en juillet 1988, on a modifié la fin de la
troisième phrase de l'Ordre permanent 571-2 pour
inclure les mots [TRADUCTION] «il ne sera toute-
fois pas requis d'écarter ses fesses». Kenneth
Harvey Payne, qui, en tant que directeur du péni-
tencier de Kingston de septembre 1987 à janvier
1989, était chargé de la rédaction de l'Ordre per
manent 571-2 relatif aux fouilles et aux procédures
de fouille, déclare dans son affidavit:
[TRADUCTION] Les définitions correspondaient à la définition
de «fouille à nu» figurant à l'alinéa 7b) de la directive 571 du
Commissaire, et précisaient que le détenu faisant l'objet de la
fouille était tenu de se pencher pour exposer pleinement ses
parties rectale et génitale.
L'Ordre permanent prévoyait également:
[TRADUCTION] 5. La fouille des détenus doit être effectuée
régulièrement et systématiquement pour empêcher que les déte-
nus ne soient en possession de contrebande.
6. Les détenus doivent être fouillés:
c. lorsqu'ils arrivent à la zone des visites et quittent celle-ci.
8. ... En outre, les détenus qui reviennent d'une visite feront
l'objet d'une fouille à nu dans la zone des visites et de la
correspondance.
Je vais maintenant examiner les trois questions
soulevées par la présente demande, telles qu'elles
ont été exposées ci-dessus.
a) Le président a-t-il eu tort de refuser d'examiner
l'application de la Charte pour déterminer si
l'ordre était légitime?
Le requérant prétend essentiellement que le pré-
sident indépendant avait compétence pour connaî-
tre d'une défense fondée sur la Charte qu'a invo-
quée le requérant à son audition initiale, et que, en
omettant d'aborder les questions relatives à la
Charte, le président a commis une erreur. Le
requérant prétend que le paragraphe 38.1(2) du
Règlement sur le service des pénitenciers [mod.
par DORS/80-209, art. 3; DORS/85-640, art. 3]
impose au président la responsabilité d'entendre la
défense de l'accusé, et que rien dans ce paragraphe
ne limite le recours aux défenses fondées sur la
Charte. Le requérant prétend qu'il faut trancher
une question préliminaire dans une accusation
portée en vertu de l'alinéa 39a) du Règlement,
savoir la légitimité de l'ordre, et il soutient donc
que:
[TRADUCTION] ... le président indépendant a outrepassé sa
compétence en déclarant le requérant coupable sans aborder au
préalable la question de la légitimité de l'ordre qui le visait.
L'intimé fait valoir que l'exposé des points de
droit et d'arguments du requérant a été rédigé sans
s'appuyer sur la transcription de l'audience disci-
plinaire, et que:
[TRADUCTION] Il ressort même de l'examen le plus superficiel
de la transcription que le président indépendant a, en fait,
soigneusement examiné le seul moyen de défense invoqué par le
requérant, savoir que l'ordre était illégitime.
Prenant connaissance de la transcription, soumise
comme pièce jointe à un affidavit déposé pour le
compte de l'intimé, j'estime que l'argument de
l'intimé doit être accueilli. Le requérant n'a pas
fait état de l'article 7 de la Charte au cours de son
audience disciplinaire. Il a effectivement men-
tionné l'article 8 de la Charte, brièvement, à une
seule occasion, pendant qu'il discutait des recom-
mandations de la Commission de réforme du droit
relatives à la fouille à nu. La discussion par le
requérant de l'article 8 est enregistrée, dans sa
totalité, comme suit:
[TRADUCTION] Je l'ai apporté [Document de travail n° 30 de la
Commission de réforme du droit du Canada] étant donné les
descriptions qui ont été faites au sujet de la Charte canadienne
des droits, article 8, pour ce qui est des fouilles à nu, et bien
d'autres choses encore, et tout y est inclus, notamment les actes
très explicites exigés par la police de jadis, relativement aux
fouilles de la cavité anale et du vagin, et ainsi de suite.
Le requérant lui-même n'a à aucun moment de
l'audience invoqué l'argument selon lequel l'article
du Règlement sur le service des pénitenciers auto-
risant la fouille violait les droits qu'il tient de
l'article 7 ou de l'article 8 ou de ces deux articles
de la Charte. Bien que le requérant ait présenté sa
cause d'une façon compétente, ses arguments
étaient limités à l'idée générale que l'ordre de «se
pencher» était illégitime, puisque rien dans le
Règlement sur le service des pénitenciers n'ap-
prouvait un tel ordre.
Il ressort, semble-t-il, de la transcription que,
lorsque l'audience disciplinaire a commencé, le
requérant n'était au courant ni de la directive
numéro 571 du Commissaire ni de la mention
expresse à l'alinéa 7.b de cette directive de l'obli-
gation, au cours d'une fouille à nu, pour la per-
sonne faisant l'objet de la fouille de «se pencher de
manière à permettre une inspection visuelle des
cavités». Cela clarifié, le requérant prétend en
outre que les directives du Commissaire n'ont pas
force de loi. Le propre résumé que le requérant a
fait de son argument, la partie de la réponse du
président indépendant et des motifs qu'il a invo-
qués pour déclarer le requérant coupable de l'in-
fraction à la discipline en question ont été trans-
crits comme suit:
[TRADUCTION] M. WARRINER: J'estime que l'agent n'avait
pas l'autorisation légale de me donner un ordre légitime à cet
égard. Et à ce sujet, selon moi, vous le trouverez dans Martins
Related Criminal Statutes. Il s'agit d'une affaire qui porte
justement sur la légitimité ou l'illégitimité d'un ordre relatif à
la directive du Commissaire.
LE PRÉSIDENT: D'accord, mais ce que je vais vous dire est
que vous avez probablement un moyen à invoquer. J'ai écouté
votre argument, mais j'ai également pris connaissance du
Règlement sur le service des pénitenciers, de la directive du
Commissaire, et de la décision Robertson Yoemans, l'affaire
que je vous ai citée. Et compte tenu de ces trois choses prises
ensemble, j'en suis arrivé à la conclusion que, en fait, il s'agit
d'une fouille légale qu'ils ont demandé à effectuer sur vous, et
que l'agent avait effectivement l'autorisation de vous demander
de vous pencher afin qu'il pût faire une inspection des cavités,
ou tout ce qu'on appelle dans les directives du Commissaire. Et
je dis surtout que c'est à cause de cette décision de Gibson qui
dit que ce type de procédure est légale à l'établissement Kent,
selon la politique selon laquelle cela se ferait après toutes les
visites, et que c'est exactement ce qui s'est produit en l'espèce.
Un examen attentif de la transcription me
permet de dire que le requérant a eu amplement la
possibilité de répondre aux accusations et d'invo-
quer des moyens de défense et que le président
indépendant a abordé la question de la légitimité
de l'ordre soulevée par le requérant. Celui-ci n'a
pas soulevé la question de l'applicabilité de la
Charte à sa situation au cours de l'audience disci-
plinaire, et je conclus en conséquence que le prési-
dent n'a pas commis d'erreur en omettant d'abor-
der les questions relatives à la Charte comme on
l'a prétendu.
Compte tenu de cette conclusion, je trouve inu-
tile d'examiner la jurisprudence citée par l'avocat,
laquelle jurisprudence traite de l'obligation par un
tribunal administratif d'examiner les questions
relatives à la Charte. Pour mémoire, je note effec-
tivement que mon collègue le juge Teitelbaum a
décidé, par suite de l'audition en la matière, qu'un
président indépendant d'un autre tribunal discipli-
naire semblable avait le pouvoir et l'obligation
d'examiner un moyen de défense fondé sur la
Charte à l'égard d'une accusation disciplinaire 2 .
b) L'ordre de «se pencher> était-il autorisé par la
loi?
Le deuxième motif invoqué par le requérant
dans la présente demande est le suivant:
[TRADUCTION] Rien dans la loi ne permet à un agent de prison
d'ordonner à un détenu non seulement d'enlever ses vêtements,
mais aussi de se pencher en avant pour toucher ses orteils
pendant qu'il est nu; ...
Dans son exposé des points de droit et de fait, le
requérant donne les détails suivants:
[TRADUCTION] 21. 11 est respectueusement allégué que l'auto-
risation légale de la conduite des fouilles par les agents de
correction est limitée à l'alinéa 41(2)c) du Règlement sur le
service des pénitenciers, qui autorise un agent du Service
correctionnel à fouiller «un détenu ou des détenus, lorsqu'un
2 Hanna c. Tribunal disciplinaire de l'établissement de
Matsqui (encore inédit, 13 juillet 1990, C.F. 1« inst., no du
greffe: T-1479-90).
agent considère une telle mesure raisonnable et nécessaire pour
déceler la présence de contrabande ou pour assurer le bon ordre
au sein de l'institution».
23. Il est respectueusement allégué que les directives du Com-
missaire, numéro 571 (en date du 1°' mars 1987) définissent
une fouille à nu comme suit: «Une personne faisant l'objet
d'une fouille à nu doit se dévêtir complètement, être soumise à
un examen visuel et se pencher de manière à permettre une
inspection visuelle des cavités.»
24. Il est respectueusement allégué que les directives du Com-
missaire n'ont pas force de loi.
L'intimé, [TRADUCTION] «aux fins de la pré-
sente procédure et en premier lieu», ne conteste pas
l'idée que les directives du Commissaire et [TRA-
DUCTION] «probablement les ordres permanents
du pénitencier» n'ont pas force de loi, position qui
reconnaît implicitement la jurisprudence qui a exa-
miné le statut des directives du Commissaire 3 . La
directive et l'ordre permanent qui en l'espèce pré-
voyaient la fouille à nu n'ont pas force de loi, mais
constituent simplement une politique administra
tive ou interne pour les activités du Service correc-
tionnel. Dans une autre affaire, j'ai commenté ce
point de vue en ces termes 4 :
Peut-être la Cour suprême ou la Cour d'appel, réexaminera-
t-elle la question et limitera-t-elle la portée de l'arrêt Marti-
neau, lequel traitait avant tout du sens qu'il faut donner à
l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970, 2»
Supp.), chap. 10] et non pas des questions découlant de la
Charte canadienne des droits et libertés. Si je ne m'abuse, on a
demandé à la Cour d'appel dans l'affaire Weatherall, précitée,
de retenir cette solution mais elle s'en est abstenue. Néanmoins,
dans le vaste domaine des activités de l'État aujourd'hui,
diverses actions sont accomplies dans l'application de divers
actes et instruments censés avoir été pris en conformité avec des
lois et des textes réglementaires de portée générale, comme le
reconnaît implicitement le Programme de la réforme de la
réglementation fédérale. Les tribunaux seraient peut-être bien
avisés en adoptant une interprétation large de ce qui constitue
une règle de droit ou une action prévue par la loi si la Charte
des droits doit s'appliquer intégralement à l'action de l'État. En
attendant que ce principe soit reconnu, la décision de la Cour
d'appel dans l'affaire Weatherall empêche la Section de pre-
mière instance de cette Cour d'examiner cette question.
Voir: Le juge Strayer dans Weatherall c. Canada (Procu-
reur général), [1988] 1 C.F. 369 (l'° inst.), à la p. 413; et
Weatherall c. Canada (Procureur général), [1989] 1 C.F. 18
(C.A.), le juge Stone, J.C.A., aux p. 31 à 36. Voir également: le
juge Pigeon dans Martineau et autre c. Comité de discipline
des détenus de l'Institution de Matsqui [Martineau n° 1],
[1978] 1 R.C.S. 118, à la p. 129, et également Martineau c.
Comité de discipline de l'Institution de Matsqui [Martineau n°
2], [1980] 1 R.C.S. 602, aux p. 631 et 632.
Jackson c. Pénitencier de Joyceville, [1990] 3 C.F. 55 (1'»
inst.), à la p. 91.
En vertu de l'alinéa 41(2)c) du Règlement, un
membre du Service correctionnel dispose d'un
large pouvoir, celui de fouiller un détenu ou des
détenus lorsqu'il considère une telle mesure raison-
nable pour déceler la présence de contrabande ou
pour assurer le bon ordre au sein d'une institution.
Rien ne limite l'exercice de ce pouvoir, sauf que
cet exercice doit correspondre aux fins prévues par
le Règlement. À mon avis, il ressort d'une inter-
prétation littérale que le Règlement n'exige pas
que l'agent qui procède à la fouille, par opposition
à un agent en position d'autorité, considère une
fouille raisonnable pour les fins fixées. Les faits
qui ont donné lieu à la présente demande indiquent
clairement que la fouille en l'espèce était une
question de routine prévue par l'ordre permanent
du pénitencier de Kingston, par suite d'une visite-
contact, situation qui, selon le témoignage sous
forme d'affidavit rendu par M. Payne, directeur à
l'époque de la fouille, ainsi qu'il a été noté ci-des-
sus, était une situation où il a considéré le proces-
sus nécessaire, pour les motifs qu'il invoque, pour
déceler la présence de contrebande. Bien que le
Règlement ne donne aucune définition ni ne pré-
voie de procédure en matière de «fouille», je con-
clus qu'il était loisible au Commissaire, responsa-
ble de l'administration du Service correctionnel et
des pénitenciers, d'établir des définitions et des
procédures de fouille pour les fins générales pré-
vues à l'alinéa 41(2)c). Si la politique et les lignes
directrices établies correspondent aux questions ou
aux fins envisagées par la Loi et le Règlement,
elles relèvent alors du pouvoir de fouiller des déte-
nus prévu à l'alinéa 41(2)c).
À part les considérations découlant de la
Charte, que j'aborde par rapport à la question
finale soulevée en l'espèce, je fais mienne la con
clusion du juge Gibson dans l'affaire Robertson c.
Yeoman 5 selon laquelle une fouille au sens du
paragraphe 41(2) du Règlement peut légalement
inclure une «fouille à nu» qui comprend un
«examen complet du corps et des cavités du corps».
Dans l'affaire Robertson, on a demandé au juge
Gibson d'examiner les arguments selon lesquels les
ordres de fouiller à nu étaient en conflit avec le
paragraphe 41(2) du Règlement sur le service des
pénitenciers ou, subsidiairement, s'il n'y avait pas
incompatibilité, procéder à des fouilles à nu habi-
5 [1982] 1 C.F. 53 (I" inst.), particulièrement à la p. 60.
tuelles et universelles était illégal en raison du
défaut de motifs raisonnables et probables de la
part de l'agent du Service des pénitenciers qui a
ordonné la fouille. Notant que, par suite de la
décision rendue par le juge Cattanach dans l'af-
faire Gunn c. Yeomans 6 , le paragraphe 41(2) du
Règlement a été modifié (le 20 juin 1980) pour
faire disparaître le conflit entre les ordres perma
nents de diverses institutions du Service des péni-
tenciers et le Règlement dans la forme qu'il avait
alors, le juge Gibson a trouvé applicables à l'af-
faire dont il était saisi les dires du juge Cattanach
dans la décision Gunn au sujet de l'efficacité de la
fouille à nu, examinée à la lumière de son objet
déclaré:
Dans ses dépositions, le demandeur se déclare convaincu que
la fouille à nu a été délibérément imposée dans le seul dessein
d'avilir et d'humilier les détenus. S'il en était ainsi, l'ordre
permanent, dont l'exécution stricte avait été ordonnée par M.
Caros, serait illégitime parce qu'il cachait une arrière-pensée.
Il ne m'appartient pas de me substituer au chef d'institution
pour ce qui est de concevoir la méthode la plus efficace
d'assurer la sécurité et la protection de l'institution. La fouille à
nu est une méthode reconnue au sein du Service des péniten-
ciers et je dois, par conséquent, admettre le postulat selon
lequel il s'agit là de la fouille la plus efficace pour déceler les
articles de contrebande et ne requérant pas l'intervention du
personnel médical. Une fois ce postulat admis, je dois conclure
qu'il n'y a pas eu arrière-pensée'.
Le juge Gibson a conclu:
Je partage cette opinion.
En résumé, donc, vu l'ensemble de la preuve administrée,
particulièrement le témoignage de John Dowsett, directeur et
chef d'institution de Kent, administrateur compétent et expéri-
menté en matière de sécurité en général et en particulier pour
ce qui est des pénitenciers fédéraux à sécurité maximum, je suis
d'avis que depuis le 20 juin 1980 les fouilles à nu des détenus de
Kent, après les visites, sont licites.
Ses consignes [c.-à-d. celles du directeur Dowsett] de procé-
der à des fouilles à nu entrent dans sa compétence comme
membre du Service des pénitenciers et sont conformes à l'arti-
cle 41(2) du Règlement sur le service des pénitenciers.
En outre, il s'ensuit qu'il n'y a aucun fondement qui permette
de soutenir que l'article 41(2) est un excès de pouvoir pour
absence de motif raisonnable et probable d'un membre du
Service des pénitenciers de croire qu'au moment où les fouilles
à nu sont ordonnées, elles sont nécessaires pour déceler la
présence de contrebande ou pour maintenir le bon ordre à
l'établissement Kent 8 .
6 [1981] 2 C.F. 99 (1" inst.).
' Idem, aux p. 107 et 108.
8 Susmentionné, renvoi 5, à la p. 60.
Par suite de la décision rendue par cette Cour
dans l'affaire Robertson c. Yeomans, susmention-
née, et selon ma propre interprétation de l'alinéa
41(2)c) du Règlement, je conclus que l'ordre de
«se pencher» donné au requérant Warriner dans le
cadre de la fouille à nu et après une visite-contact
dans la zone des visites de l'institution était auto-
risé par la loi. L'ordre a été donné en vertu des
ordres permanents de l'institution et de la Direc
tive du Commissaire qui, bien qu'ils n'eussent pas
force de loi dans le sens formel, étaient visés par
l'alinéa 41(2)c) du Règlement.
c) L'ordre allait-il à l'encontre de l'article 7 ou de
l'article 8 ou de ces deux articles de la Charte
canadienne des droits et libertés et était-il donc
illégitime?
Le requérant fait valoir que l'ordre auquel il a
refusé d'obéir n'était pas un ordre légitime parce
qu'il violait les droits et libertés prévus aux articles
7 et 8 de la Charte canadienne des droits et
libertés. L'intimé soutient que, par suite des motifs
prononcés par le juge Strayer dans l'affaire Wea-
therall susmentionnée, l'article 7 ne s'applique pas
en l'espèce, et que les fouilles rectales visuelles ne
sont pas abusives dans les circonstances de l'es-
pèce, au sens de l'article 8 de la Charte. Je me
propose d'examiner les arguments relatifs à
• chacun des articles 7 et 8.
L'article 7 de la Charte
Le requérant soutient que l'ordre auquel il a
refusé d'obéir n'était pas un ordre légitime, puis-
qu'il violait les droits et libertés prévus à l'article 7
de la Charte canadienne des droits et libertés.
Selon le requérant, il existe trois éléments distincts
pour ce qui est des droits au sens de l'article 7, à
savoir le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité
de la personne, et si les actes reprochés ont pour
effet de priver l'individu de l'un quelconque de ces
droits et que la privation ne soit pas conforme aux
principes de justice fondamentale, ces actes vont
donc à l'encontre de l'article 7 de la Charte. En
l'espèce, on insiste sur le fait que la sécurité de la
personne protégée par l'article 7 est violée par un
ordre qui porte atteinte à l'intégrité physique, le
premier objet de l'individualité et de la liberté
d'une personne, avec pour conséquence l'humilia-
tion, la dégradation et le trauma psychologique
que cela entraîne.
L'article 7 de la Charte porte:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor-
mité avec les principes de justice fondamentale.
L'intimé insiste pour que la décision rendue par
le juge Strayer dans l'affaire Weatherall, susmen-
tionnée, soit suivie et, compte tenu de son raison-
nement, pour qu'on n'applique pas l'article 7 en
l'espèce. A une occasion antérieure, j'étais peu
disposé à accepter l'argument selon lequel l'article
7 ne s'applique nullement aux points litigieux
découlant des fouilles, question qui relève claire-
ment de l'article 8, et dans l'affaire Jackson sus-
mentionnée, j'ai fait les commentaires suivants:
En première instance dans l'affaire Weatherall, le juge Strayer
a décidé que l'article 7 de la Charte ne s'appliquait pas aux
questions dont il était saisi et au sujet desquelles il a conclu
qu'elles mettaient clairement en jeu l'article 8. Les défendeurs
soutiennent qu'il y a lieu d'établir une distinction semblable en
l'espèce. Je n'admets pas cet argument parce que les circons-
tances sont différentes. En l'espèce, Jackson n'a pas été fouillé
parce qu'il a refusé de fournir un échantillon d'urine. Il a plutôt
fait l'objet d'audiences disciplinaires et il était passible de
sanctions sévères, tout comme s'il y avait eu une fouille et si les
résultats de l'analyse d'urines avaient révélé la présence d'une
substance hallucinogène. Il est vrai que ces audiences portaient
sur l'omission d'obéir à l'ordre reçu de fournir un échantillon,
mais elles découlaient directement de l'obligation de se soumet-
tre à une fouille. Les audiences disciplinaires affectent la liberté
du demandeur, droit qui lui est garanti, avec certaines réserves,
par l'article 7. Étant donné le lien direct entre les audiences
disciplinaires et l'omission d'obéir à l'ordre de fournir un
échantillon, c'est-à-dire de permettre qu'une fouille soit effec-
tuée, il me semble à propos dans cette affaire d'examiner
l'article 41.1 du Règlement par rapport aux dispositions de
l'article 7 ainsi que de l'article 8 de la Charte 9 .
En l'espèce, les principaux faits ne diffèrent pas
beaucoup de ceux de l'affaire Spearman c. Tribu
nal disciplinaire de l'établissement de Collins Bay
[voir: Weatherall c. Canada (Procureur général),
[1988] 1 C.F. 369 (i re inst.)], que le juge Strayer a
également tranchée dans sa décision Weatherall.
Spearman était un détenu qui a été puni pour
n'avoir pas obéi à un ordre de se soumettre à une
fouille par palpation par une gardienne, et qui a
conclu à un bref de certiorari qui annulerait la
décision par laquelle le tribunal indépendant
l'avait déclaré coupable. En l'espèce, comme dans
l'affaire Spearman, le processus disciplinaire a été
invoqué après l'omission d'obéir à un ordre selon
lequel il doit y avoir une fouille habituelle de la
9 Jackson, susmentionné, renvoi 4, à la p. 100.
personne d'un détenu. Il serait artificiel de séparer
l'omission d'obéir à un tel ordre du processus de la
fouille dont cet ordre faisait partie intégrante.
Je conclus, comme l'a fait le juge Strayer et
pour les motifs qu'il a prononcés, qu'il est peu
probable que les rédacteurs de la Charte aient
voulu interdire à l'article 7 des fouilles qui ne
seraient pas interdites par l'article 8. Le juge
Strayer a tenu les propos suivants dans l'affaire
Weatherall' °:
Il est tentant d'accepter les arguments énoncés au nom des
détenus et selon lesquels il existe un droit abstrait à «la vie
privée» qui doit bien être protégé quelque part dans la Charte.
Mais ce qui fait l'objet du présent litige, c'est une forme
particulière d'intrusion dans la vie privée, soit lorsque des
gardiens procèdent à des fouilles en vue d'assurer la sécurité
dans les prisons. Les demandeurs et le requérant n'ont pas
vraiment contesté la nécessité des fouilles corporelles et de la
surveillance des cellules. Il n'est pas ici question d'intrusions
suscitées par simple curiosité ou par un excès de zèle ou
d'autorité. Il s'agit plutôt d'inspections réfléchies de personnes
et de lieux faites dans l'intérêt de la sécurité, et à mon avis, ces
actes doivent être interprétés comme une «fouille» suivant le
sens précis que les rédacteurs de la Charte ont donné à ce terme
en formulant l'article 8. Certes, comme il a été décidé dans
l'affaire Hunter[ "], c'est une forme particulière de droit à la
vie privée que l'article 8 reconnaît et protège contre une forme
particulière d'intrusion. Un système établi permet de vérifier
cette forme particulière d'intrusion et j'en déduis que les autres
vérifications, fondées sur la Charte, sont à rejeter.
J'accueille donc l'argument de l'intimé selon lequel
l'article 7 de la Charte ne s'applique pas en
l'espèce.
L'article 8 de la Charte
L'article 8 de la Charte est ainsi rédigé:
8. Chacun a droit à la protection contre les fouilles, les
perquisitions ou les saisies abusives.
Le requérant prétend que l'ordre auquel il a
refusé d'obéir violait les droits et libertés prévus à
l'article 8 de la Charte. Par contre, l'intimé sou-
tient que:
[TRADUCTION] Les affidavits du D' Workman et de M. Payne
illustrent la raison pour laquelle il est essentiel, au moins au
pénitencier de Kingston, que les fouilles à nu soient effectuées
en vue de la sécurité des détenus et du personnel.
L'intimé prétend donc que les fouilles rectales
visuelles ne sont pas abusives au sens de l'article 8
de la Charte. Mais si on trouve cette procédure de
10 Susmentionné, renvoi 3, (1r° inst.), à la p. 390.
" Hunter et autres c. Southam Inc., [ 1984] 2 R.C.S. 145.
fouille inacceptable, l'intimé s'appuie alors, subsi-
diairement, sur l'article premier de la Charte.
Il sera utile, à ce stade, d'examiner le témoi-
gnage rendu dans les affidavits du Dr Workman et
de M. Payne. Ni l'un ni l'autre n'a été contre-
interrogé sur son affidavit, et aucune preuve n'a
été produite pour réfuter leur témoignage, ce qui
fait que ce témoignage est incontesté en l'espèce.
Kenneth Harvey Payne était directeur du péni-
tencier de Kingston de septembre 1987 à janvier
1989. Auparavant, pendant plus de huit ans, il
avait été directeur à l'établissement de Joyceville
et à l'établissement de Collins Bay. Alors qu'il
était directeur du pénitencier de Kingston, il a
élaboré l'ordre permanent n° 571-2 intitulé [TRA-
DUCTION] «Fouille des détenus», dans le dessein de
souligner les procédures de l'institution en matière
de fouille des détenus au pénitencier, et pour assu-
rer que ces procédures correspondaient à la direc
tive n° 571 du Commissaire. Dans son affidavit, il
fait les déclarations suivantes:
[TRADUCTION] 10. J'ai estimé à l'époque et j'estime encore
qu'il est nécessaire, pour la sécurité des détenus et du personnel,
que tous les détenus qui reviennent d'une visite fassent l'objet
d'une fouille à nu (skin frisk) (qu'on appelle encore «strip
search» ou «skin search») et, dans le cadre de cette fouille,
soient soumis à une fouille rectale visuelle pour assurer que des
articles de contrebande ne sont pas introduits au pénitencier
pour les motifs qui suivent.
11. Le pénitencier de Kingston est un établissement multi-
sécuritaire (sécurité maximale), recevant environ 500 détenus,
et il héberge certains des détenus les plus volatiles et les plus
violents du système carcéral canadien. Les crimes dont ces gens
sont déclarés coupables comprennent le meurtre, les voies de
fait, le viol et l'attentat à la pudeur d'enfants. Des incidents
violents ne sont pas habituels au pénitencier de Kingston, mais
ils sont malheureusement loins d'être rares.
12. Les détenus désirent fortement obtenir des médicaments
psychotropes, et ces médicaments les rendent souvent plus
violents et plus dangereux physiquement. Je connais l'étude
faite par le D' Donald George Workman sur le rapport entre
l'agression et la prise de certains médicaments, et je peux
confirmer par expérience que ce qu'il a donné comme preuve
relève de faits. Les incidents violents provoqués par les médica-
ments sont principalement préoccupants pour un pénitencier. Il
est utile de citer un exemple. Quand j'étais directeur à l'établis-
sement de Collins Bay, un établissement à sécurité moyenne,
j'étais au courant d'au moins deux morts qui ont été provoquées
par des médicaments et qui se rapportaient à ceux-ci. Dans un
cas, l'omission de livrer dix comprimés de valium a coûté la vie
à un jeune détenu.
13. Les visites-contacts, bien qu'elles soient indubitablement
importantes pour la réhabilitation, permettent surtout l'intro-
duction d'articles de contrebande dans un pénitencier. Ceci est
particulièrement vrai au pénitencier de Kingston, où l'unité des
visites et de la correspondance est loin des immeubles où sont
logés les détenus.
14. Il est fâcheux qu'il ne soit pas rare pour un détenu et sa
famille de se voir presser d'introduire des articles de contre-
bande pour d'autres détenus. Naturellement, la «mule» choisie
tend à être quelqu'un qu'on ne soupçonne normalement pas de
dissimuler des articles de contrebande.
15. Les détenus sont très astucieux quant à l'introduction des
articles de contrebande dans une institution, et les articles
introduits connus sont de tous genres, allant des préservatifs et
des ballons pleins de drogues à un pistolet de petit calibre
(calibre 0,22) qui fonctionne réellement et qui est mis dans la
voie rectale. À mon avis, il faut absolument que la direction
d'un établissement ait le droit d'empêcher les détenus d'intro-
duire facilement des articles de contrebande dans l'établisse-
ment afin de protéger la vie et la sécurité du personnel et des
détenus.
Le D' Donald George Workman est un médecin
qui, depuis 1971, travaille en cette qualité à l'éta-
blissement de Millhaven, pénitencier à sécurité
maximale. Son affidavit contient ce qui suit:
[TRADUCTION] 6. Les visites-contacts permettent surtout de
faire passer des drogues à des détenus. Souvent, on se sert d'un
détenu «innocent» comme mule pour obtenir des drogues pour
d'autres. C'est un fait regrettable mais vrai. Au cours des
années, j'ai constaté que, fréquemment, les détenus qui reçoi-
vent des médicaments psychotropes tels que le diazépam
(valium) sont souvent plus violents et plus dangereux que ceux
qui n'en reçoivent pas.
7. Cette question m'a tellement préoccupé que, conjointement
avec un certain M. Cunningham, qui était à l'époque étudiant
en médecine et qui avait travaillé à l'établissement de Millha-
ven pendant deux étés à titre d'adjoint de recherche, j'ai fait
une étude sur le rapport entre l'agression en milieu carcéral et
l'utilisation de tranquillisants mineurs et d'autres médicaments.
Cette étude a constaté que les tendances violentes chez les
détenus qui reçoivent ces médicaments augmentent jusqu'à
quinze fois. Jointe comme pièce «A» à mon affidavit est une
copie conforme du document que M. (maintenant D') Cunning-
ham et moi-même nous avons rédigé et qui a été publié dans
Médecin de famille canadien en 1975.
8. Des études ultérieures étayent les résultats de notre étude
sur les médicaments et la violence, et l'usage de médicaments
continue de préoccuper l'institution. Nous avons constaté que la
majorité des détenus s'intéressent davantage aux médicaments
psychotropes que le patient moyen dans le secteur privé. À mon
avis, il faut surtout contrôler l'utilisation de ces médicaments
soit prescrits soit autrement au sein de l'établissement, et il
importe particulièrement de tenter d'empêcher tout trafic illi-
cite de ces médicaments. Quand nous associons les résultats de
notre étude avec le fait que les détenus, dans l'ensemble, sont
plus agressifs et plus violents que le citoyen moyen de la
population générale, les mesures ci-dessus s'imposent absolu-
ment.
9. J'estime que, pour la sécurité des détenus et du personnel, il
est essentiel que les autorités carcérales effectuent des fouilles à
nu complètes après les visites-contacts, exigeant surtout des
détenus qu'ils se penchent à la ceinture pour toucher leurs
orteils, de manière à exposer leur cavité anale. Si cette pratique
ne se poursuit pas, je crois que nous pourrions nous attendre à
un accroissement d'incidents violents dans les pénitenciers
canadiens.
Je note encore une fois que la présente demande
porte sur l'ordre de «se pencher» donné par des
gardiens et non sur la validité de l'alinéa 41(2)c)
du Règlement dans la mesure où il est censé
autoriser les fouilles à nu en général: La «fouille»
qui nous préoccupe en l'espèce est en conséquence
un genre de «sous-espèce», ou une phase particu-
lière de la fouille à nu plus générale l'obligation
pour l'individu de se pencher de manière à permet-
tre une inspection visuelle de la cavité anale.
L'intimé n'a, à aucun stade de la présente
action, laissé entendre que l'exigence de «se pen-
cher» au cours d'une fouille à nu ne constitue pas
une fouille au sens de l'article 8 de la Charte, et je
considère donc que cette question n'est pas en
litige. Pour mémoire, je constate que la condition
qu'une personne doive se dévêtir complètement
pour permettre une inspection visuelle des cavités
du corps constitue une fouille au sens de l'article 8.
La fouille requise dans les circonstances de l'es-
pèce est-elle une fouille qui est abusive au sens de
ce terme qualificatif utilisé à l'article 8 de la
Charte? Dans l'affaire R. c. Collins 12 , le juge
Lamer (tel était alors son titre), au nom de la
majorité de la Cour et au sujet de l'article 8, s'est
prononcé en ces termes:
Une fouille ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi,
si la loi elle-même n'a rien d'abusif et si la fouille n'a pas été
effectuée d'une manière abusive.
Les questions soulevées au débat en l'espèce por
tent sur les trois aspects de ces critères de carac-
tère abusif.
Je me propose de statuer sommairement sur
deux de ces aspects. La question de savoir si la
fouille était autorisée par la loi a été soulevée à
titre de motif distinct de la présente demande, et a
déjà été tranchée. J'ai déjà conclu que la fouille
contestée, c'est-à-dire l'examen visuel de la cavité
anale exposée par le détenu lorsqu'il s'est dévêtu
pour se pencher et toucher ses orteils, est autorisée
12 [1987] 1 R.C.S. 265, à la p. 278.
par l'alinéa 41(2)c) du Règlement. À mon avis, la
fouille était autorisée par la loi.
À un autre égard, n'est réellement pas en litige
en l'espèce la question de savoir si la manière dont
cette fouille a été effectuée était raisonnable, puis-
que Warriner a refusé de s'exécuter lorsqu'on lui a
demandé de «se pencher», et l'inspection visuelle de
sa cavité anale n'a jamais eu lieu. Dans les circons-
tances, il n'est pas étonnant que ni le requérant ni
l'intimé n'a fait d'observations sur la manière dont
la fouille pensée être faite dans la région des
cavités a été effectuée.
J'aborde maintenant le troisième aspect du cri-
tère énoncé par le juge Lamer, à savoir le carac-
tère raisonnable de la loi elle-même. S'appuyant
principalement sur les décisions de cette Cour et
de la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Weathe-
rall, le requérant soutient que:
[TRADUCTION] ... est abusive une loi autorisant la conduite
des fouilles qui exige que le détenu se déshabille et se penche de
manière à exposer sa cavité anale pour l'inspection lorsqu'un
agent de correction estime qu'une telle fouille est nécesaire
pour déceler la présence de contrebande ou pour assurer le bon
ordre au sein de l'institution.
Je note de nouveau que les faits exposés dans la
présente demande ne sont pas aussi généralement
établis que cet argument ne le laisse entendre car,
en l'espèce, la fouille à nu a été entamée conformé-
ment aux ordres permanents de l'institution,
immédiatement après une visite-contact par le
requérant avec sa femme, et, je le répète, le requé-
rant ne s'est nullement opposé à la fouille; il a
plutôt fait preuve de coopération en enlevant ses
vêtements, jusqu'au moment où on lui a ordonné
de se pencher, ce qu'il a refusé de faire. Le requé-
rant soutient que:
a) l'ordre porte atteinte au droit d'un individu
de s'attendre au respect de sa vie privée.
b) la nature de la croyance invoquée ou requise
pour instituer une fouille légale détermine si la
manière dont la fouille a été effectuée était
raisonnable, et, en l'espèce, on n'a pas rapporté
la preuve que les agents en cause croyaient que
Warriner portait sur lui des articles de
contrebande.
S'appuyant sur l'arrêt Hunter et autres c. Sou-
tham Inc.'', le requérant soutient qu'«une fouille
sans mandat est à première vue abusive»: Sur ce
point, je me contente de faire mienne la conclusion
tirée par le juge Strayer dans l'affaire
Weatherall 14 qui, en décidant que la fouille des
détenus n'exige pas de mandats, s'est livré à cette
analyse:
Dans l'affaire Hunter et autres c. Southam Inc., qui portait
également sur la fouille d'un bureau, la Cour suprême a statué
que la fouille était abusive parce que l'autorisation préalable
n'était pas adéquate, mais elle a aussi reconnu qu'une autorisa-
tion préalable n'était pas une exigence absolue. Tout d'abord, la
Cour a souligné que la garantie donnée par l'article 8 contre les
fouilles ou saisies abusives, ne vise qu'une attente raisonnable.
Elle a dit que dans une situation donnée, il faut déterminer si le
droit d'un particulier de ne pas être importuné doit céder le pas
au droit du gouvernement de s'immmiscer dans sa vie privée.
La Cour a en outre reconnu qu'il «n'est peut-être pas raisonna-
ble dans tous les cas d'insister sur l'autorisation préalable» mais
«qu'une telle autorisation, lorsqu'elle peut être obtenue, est une
condition préalable de la validité d'une fouille, d'une perquisi-
ton et d'une saisie». Il y a donc un élément de relativité dont il
faut tenir compte dans toute décision portant, comme en l'es-
pèce, sur les conditions préalables d'une fouille à nu d'un
détenu dans un établissement correctionnel.
Faisant ressortir l'urgence des fouilles des détenus,
le juge Strayer ajoute [à la page 393]:
Les prisonniers sont mobiles et les témoignages de gardiens de
prisons ont montré qu'après un laps de temps appréciable, ou
avec le déplacement de détenus, même sous surveillance,
ceux-ci arrivent souvent à se départir de contrebande ... En
outre, il n'est pas raisonnable d'établir un parrallèle entre la vie
privée recherchée dans une maison ou un bureau avec celle à
laquelle on peut s'attendre dans une prison.
Je n'accepte pas l'argument du requérant selon
lequel la fouille sans mandat d'un détenu est «à
première vue abusive».
J'accepte que la fouille litigieuse en l'espèce,
c'est-à-dire l'obligation de se pencher pour permet-
tre une inspection visuelle de la région de la cavité
anale, porte effectivement atteinte à la vie privée
du détenu en cause. Mais comme l'a noté le juge
Strayer et dans d'autres décisions concernant la
procédure de fouille imposée aux détenus, le droit
de s'attendre raisonnablement à la vie privée qu'un
détenu d'une institution à sécurité maximale peut
"Susmentionné, renvoi 11.
4 Weatherall, (lf» inst.), susmentionné, renvoi 3, aux p. 392
et 393.
avoir est très différent de celui de toute autre
personne 15 . La fouille de divers genres et l'inspec-
tion des détenus particuliers constituent l'ordre du
jour au sein des institutions à sécurité maximale,
pour la sécurité des détenus et du personnel et
pour assurer le bon ordre de l'institution et le
contrôle de la contrebande en milieu carcéral.
Je fais également mien le point de vue du juge
Gibson dans l'affaire Robertson c. Yeoman 16 ,
selon lequel une fouille à nu comprenant l'ordre de
se pencher pour un examen visuel de la région de
la cavité anale, entamée dans le cadre d'une procé-
dure de fouille habituelle et reposant sur la
croyance par le directeur que ces fouilles sont
essentielles à la sécurité et au bon ordre de l'insti-
tution, n'exige pas que les agents procédant à la
fouille aient la croyance simultanée que des arti
cles de contrebande sont cachés sur la personne du
détenu fouillé. L'alinéa 41(2)c) du Règlement,
modifié en 1980, en vigueur à l'époque de la
décision du juge Gibson, continue de s'appliquer.
Bien que cet alinéa ait été déclaré inconstitutionnel
par le juge Strayer dans sa décision Weatherall'',
sans que des normes ou conditions internes vien-
nent limiter son application, cette décision a été
modifiée en appel. La Cour d'appel a limité l'effet
de l'ordonnance du juge Strayer aux situations où
des fouilles sont effectuées en la présence d'une
personne de l'autre sexe, lorsqu'un détenu de sexe
masculin était fouillé à nu en la présence d'une
gardienne. Dans les motifs qu'il a prononcés au
nom de la Cour d'appel, le juge Stone a déclaré en
ces termes":
À mon sens, en tranchant ce point nous ne devrions pas
ignorer ces particularités de la vie carcérale ni les problèmes
spécifiques qu'elles soulèvent pour les administrateurs de pri
sons qui s'acquittent de leur responsabilité d'assurer «la sûreté
et ... la sécurité» de l'institution. Il ressort selon moi de ces
conditions particulières que les administrateurs des prisons ont
droit à une certaine latitude dans l'adoption et dans l'applica-
tion des politiques et des pratiques requises pour le maintien de
l'ordre et de la sûreté de son institution ainsi que pour la
sécurité et la protection des détenus comme du personnel. Je
n'entends pas ainsi suggérer que les autorités et le personnel
devraient être laissés complètement libres en ce qui regarde ces
questions et avoir ainsi la possibilité d'abuser de leurs pouvoirs.
15 Weatherall, (1"e inst.), susmentionné, renvoi 3, à la p. 394;
et voir le juge Stone, J.C.A., de la Cour d'appel, Weatherall,
susmentionné, renvoi 3, aux p. 37 à 43 et la jurisprudence y
citée.
16 Susmentionné, renvoi 5.
"Susmentionné, renvoi 3, (1"e inst.).
18 Susmentionné, renvoi 3, (C.A.F.), aux p. 42 et 43.
L'autorité conférée par l'alinéa 41(2)c) est limitée aux situa
tions dans lesquelles un membre considère que la mesure visée
est «raisonnable» soit pour déceler la présence d'objets détenus
illégalement soit pour assurer le bon ordre au sein de l'institu-
tion. À mon avis, de telles fouilles doivent toujours être prati-
quées de bonne foi. Elles ne peuvent avoir pour but d'intimider,
d'humilier ou de harceler les détenus ou de leur infliger une
punition. Une procédure effective de révision devrait également
être accessible après la fouille de manière à permettre une
prompte découverte des abus.
L'intimé cite la jurisprudence qui étaye son
point de vue selon lequel les fouilles du type refusé
par Warriner ne violent pas l'article 8 de la
Charte. Dans Re Maltby et al. and Attorney -
General of Saskatchewan et al. 19 , la Cour a con
firmé les fouilles à nu habituelles effectuées après
des visites-contacts et appliquées au sein d'une
institution provinciale aux détenus renvoyés en
détention provisoire en attendant le procès, et elle
a statué que ces fouilles ne violaient pas les dispo
sitions de la Charte. De même, dans l'affaire
Soenen v. Director of Edmonton Remand Centre,
Attorney General of Alberta and Solicitor General
of Alberta 20 , la Cour a confirmé, puisqu'elles ne
violent pas l'article 8, les fouilles à nu comportant
un examen visuel de la région anale imposé aux
détenus d'un centre provincial de renvoi en déten-
tion provisoire en attendant le procès. Le juge
McDonald a fait les remarques suivantes 21 :
[TRADUCTION] J'estime qu'on ne saurait dire de cette prati-
que qu'elle constitue un traitement cruel même si on présume
qu'elle est inusitée. Elle ne constitue pas non plus une fouille
abusive qui violerait l'article 8 de la Charte. A mon avis, une
fouille visuelle du rectum d'une personne tout juste arrêtée, en
l'absence de motifs raisonnables et probables de croire qu'on a
caché un objet à l'anus, pourrait être abusive et viole le droit de
s'attendre raisonnablement à la vie privée; mais une telle fouille
n'est pas abusive et ne viole pas le droit de s'attendre raisonna-
blement à la vie privée dans le cas d'un détenu qui attend son
procès dans une installation de détention, pourvu que la fouille
visuelle sait effectuée de bonne foi pour trouver des armes ou
des articles de contrebande et non dans le dessein de punir. Ces
fouilles peuvent s'effectuer en l'absence de motifs raisonnables
et probables de croire que le détenu fouillé a caché un objet
dans sa cavité corporelle.
Je reviens maintenant au témoignage sous forme
d'affidavit relatif à la question dont est saisie la
Cour, donné sous serment par M. Payne et le Dr
Workman et qui est essentiellement reproduit plus
haut dans les présents motifs. Je note encore une
19 (1982), 143 D.L.R. (3d) 649 (B.R. Sask.); confirmé par
(1984), 10 D.L.R. (4th) 745 (C.A. Sask.).
20 (1983), 48 A.R. 81 (B.R.).
21 Id., à la p. 42.
fois que ni l'un ni l'autre des déposants n'a été
interrogé relativement à son affidavit, et que la
preuve dont je dispose n'a ni mis en doute ni réfuté
leurs conclusions ou croyances. Le Dr Workman
fait état d'une étude qu'il a faite sur le rapport
entre la violence et l'usage de médicaments en
milieu carcéral, de l'expérience qu'il a acquise
dans le traitement des patients détenus qui reçoi-
vent des médicaments, et de son opinion selon
laquelle, pour la sécurité des détenus et du person
nel, [TRADUCTION] «il est essentiel que les autori-
tés carcérales effectuent des fouilles à nu complè-
tes après les visites-contacts, exigeant surtout des
détenus qu'ils se penchent à la ceinture pour tou-
cher leurs orteils, de manière à exposer leur cavité
anale». Dans son affidavit, Payne parle de son
expérience et exprime l'avis que pour la sécurité
des détenus et du personnel, il est nécessaire que
tous les détenus qui reviennent d'une visite fassent
l'objet d'une fouille à nu et, dans le cadre de cette
fouille, soient soumis à une fouille rectale visuelle
pour assurer que des articles de contrebande ne
sont pas introduits dans la prison. Payne énonce les
motifs qui appuient son avis, motifs fondés sur son
expérience et son observation de la vie carcérale.
De la preuve non contredite, je conclus que la
fouille requise en l'espèce, et contestée dans la
présente demande, reposait sur des motifs qui se
rapportaient à la sécurité des détenus et du person
nel et au bon ordre de l'institution, et qu'elle
n'était pas une fouille abusive contraire à l'article
8 de la Charte canadienne des droits et libertés.
L'ordre de se pencher pour permettre une ins
pection visuelle de la région de la cavité anale,
dans le cadre d'une fouille à nu, habituellement
effectuée à la suite d'une visite-contact d'un
détenu, ne constitue pas, étant donné les motifs qui
sous-tendent l'établissement de cette routine, une
fouille abusive interdite par l'article 8 de la
Charte. Cette conclusion ayant été tirée, il n'est
pas nécessaire d'examiner l'argument que l'avocat
du requérant a invoqué à l'audience, argument
selon lequel la fouille ne pourrait être justifiée sur
le fondement de l'article premier de la Charte.
Conclusions:
Je résume mes conclusions sur les questions
débattues.
Compte tenu des faits révélés par les affidavits
et après examen de la transcription de l'audience
disciplinaire tenue par le président indépendant
intimé, celui-ci n'a pas commis d'erreur en refu-
sant d'examiner l'application de la Charte cana-
dienne des droits et libertés pour déterminer si
l'ordre visant le requérant était légitime. À l'au-
dience, le requérant n'a pas invoqué d'arguments
et de moyens de défense fondés sur la Charte,
d'une manière qui exigeait du président qu'il se
prononçât sur ceux-ci.
Compte tenu des faits établis et de la réparation
demandée en l'espèce, la fouille en question était
limitée à l'obligation de se pencher pour permettre
une inspection visuelle de la région de la cavité
anale, dans le cadre d'une fouille à nu, à la suite
d'une visite-contact par le détenu Warriner, dans
une institution à sécurité maximale. Cette fouille
était conforme à la directive du Commissaire et
aux ordres permanents de l'institution.
Bien que les directives du Commissaire et les
ordres permanents d'un pénitencier n'aient pas,
techniquement, force de loi, ils sont destinés à
l'administration, à la conduite et à la réglementa-
tion internes du pénitencier au sein du Service
correctionnel. La directive et l'ordre permanent en
cause en l'espèce ne vont pas au-delà des fins
générales de l'alinéa 42(1)c) du Règlement, ne
sont pas incompatibles avec celles-ci et sont autori-
sés par cet alinéa; ainsi donc, ils sont autorisés par
la loi, tout comme l'était l'ordre de se pencher qui
a été donné conformément aux ordres permanents
et à la directive.
Certes, l'ordre a nécessairement porté atteinte à
la vie privée du détenu; mais il faisait partie
intégrante du processus de la fouille; le litige
découlant de cet ordre et de la fouille peut donner
lieu à la question de savoir si la fouille était valide
compte tenu de l'article 8 de la Charte, mais il ne
donne pas lieu à des questions relatives à l'article 7
de celle-ci, lequel article ne s'applique pas dans les
circonstances de l'espèce.
L'ordre, donné dans le cadre d'une fouille à nu
dont j'ai conclu qu'elle était autorisée par la loi,
n'a pas porté atteinte à la protection du requérant
contre les fouilles abusives, prévue à l'article 8 de
la Charte. Dans les circonstances de la vie carcé-
rale révélée dans l'affidavit du directeur du péni-
tencier à l'époque, la fouille ordonnée en l'espèce
n'était pas abusive compte tenu de la situation
factuelle de l'espèce.
Puisque ni l'article 7 ni l'article 8 de la Charte
n'est violé, il n'est pas nécessaire d'examiner l'ar-
gument portant sur l'article premier de la Charte.
Par ces motifs, la demande est rejetée avec
dépens.
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