T-2215-90
William Weiler (requérant)
c.
Le ministère de la Justice et le ministère de
l'Agriculture (intimés)
RÉPERTORIÉ: WEILER c. CANADA (MINISTÈRE DE L4 JUSTICE)
(r e INST.)
Section de première instance, juge Cullen—
Ottawa, 27 juin et 3 juillet 1991.
Pratique Communications privilégiées — Secret profes-
sionnel qui lie l'avocat à son client — Demande de révision du
refus de communiquer des renseignements personnels recher-
chés en vertu de la Loi sur la protection des renseignements
personnels — Le requérant, un inspecteur du ministère de
l'Agriculture, a participé à la décision de détruire le charge-
ment d'arbres importés soupçonnés d'être infestés par la larve
de la spongieuse — Dans l'action qui a suivi, l'État était
représenté par le ministère de la Justice — Suite à la demande
de communication de documents qui mentionnaient le requé-
rant, la production de la lettre adressée par l'avocat du
ministère de la Justice au fonctionnaire du ministère de
l'Agriculture a été refusée au motif qu'elle relevait du secret
professionnel liant l'avocat à son client — Dépôt d'une plainte
auprès du commissaire à la protection de la vie privée allé-
guant que la lettre concernée contenait des propos «diffama-
toires» à l'égard de la crédibilité du requérant comme témoin
— Étude de la common law sur la question du secret profes-
sionnel de l'avocat — Le secret professionnel qui lie l'avocat à
son client a deux volets: celui qui vise les avis juridiques, et
celui qui a trait au litige — Les projets de plaidoiries, les
notes prises au cours d'entrevues avec les témoins, la corres-
pondance échangée avec les témoins, et d'autres documents
ayant servi à la conduite de l'affaire sont exemptés de commu
nication Les lettres adressées aux fonctionnaires du minis-
tère de l'Agriculture concernant les avis des avocats et les
directives du client sont visées par le secret professionnel
attaché aux avis juridiques — L'avocat est le procureur géné-
ral du Canada et les avocats du ministère de la Justice qui
relèvent de lui — Le client est la branche exécutive du
gouvernement, y compris divers ministères.
Protection des renseignements personnels Demande de
révision en vertu de l'art. 41 de la Loi sur la protection des
renseignements personnels, du refus de communiquer au
requérant des renseignements personnels recherchés en appli
cation de l'art. 12 — La communication de la lettre de l'avocat
de l'État concernant le litige consécutif à la destruction des
arbres sur les ordres du ministère de l'Agriculture est refusée
en vertu de l'art. 27 au motif qu'elle est visée par le secret
professionnel qui lie un avocat à son client — Le requérant, un
inspecteur gouvernemental, a soutenu qu'un avocat du minis-
tère de la Justice avait écrit une lettre contenant des propos
diffamatoires relativement à sa crédibilité comme témoin —
Étude de la common law relative au secret professionnel de
l'avocat Dès lors qu'est établie l'existence du secret profes-
sionnel entre les avocats du ministère de la Justice et les
fonctionnaires du ministère de l'Agriculture, les documents
sont examinés individuellement — Il y a respect des critères
applicables au secret professionnel de l'avocat.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la protection des renseignements personnels,
L.R.C. (1985), chap. P-21, art. 12, 27, 29, 41.
Loi sur la quarantaine des plantes, S.R.C. 1970, chap.
P-13.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S.
860; (1982), 141 D.L.R. (3d) 590; 70 C.C.C. (2d) 385;
28 C.R. (3d) 289; 1 C.R.R. 318; 44 N.R. 462; Susan
Hosiery Ltd v. Minister of National Revenue, [1969] 2
R.C.É. 27; [1969] C.T.C. 353; (1969), 69 DTC 5278;
Greenough v. Gaskell (1833), 39 E.R. 618 (Ch. D.);
Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821; (1979), 105
D.L.R. (3d) 745; 50 C.C.C. (2d) 495; 16 C.R. (3d) 294;
30 N.R. 380.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Bertram S. Miller Ltd. c. La Reine, [1985] 1 C.F. 72;
(1985), 18 D.L.R. (4th) 600; 15 C.R.R. 298 (1« inst.);
inf. par [1986] 3 C.F. 291; (1986), 31 D.L.R. (4th) 210;
28 C.C.C. (3d) 263; 1 C.E.L.R. (N.S.) 16; 69 N.R. 1
(C.A.); autorisation de pourvoi rejetée [1986] 2 R.C.S. v.
DÉCISIONS CITÉES:
Reg. v. Cox and Railton (1884), 14 D.B.R. 153; Canada
(Ministre de l'Industrie et du Commerce) c. Central
Cartage Company et autres (1987), 10 F.T.R. 225 (C.F.
1" inst.).
DOCTRINE
Cross, Rupert and Trapper, Colin Cross on Evidence,
7th ed., London: Butterworths, 1990.
Sopinka, John and Lederman, Sidney N. The Law of
Evidence in Civil Cases, Toronto: Butterworths, 1974.
A COMPARU:
William Weiler pour son propre compte.
AVOCATS:
Margaret N. Kinnear pour les intimés.
LE REQUÉRANT POUR SON PROPRE COMPTE:
William Weiler.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: Il s'agit d'une demande de
révision fondée sur l'article 41 de la Loi sur la
protection des renseignements personnels, L.R.C.
(1985), chap. P-21 (»la Loi»). Le requérant veut
obtenir la révision du refus de lui communiquer les
renseignements personnels qu'il réclamait en vertu
du paragraphe 12(1) de la Loi. Leur communica
tion lui a été refusée au motif qu'ils étaient proté-
gés en vertu de l'article 27 de la Loi, qui vise le
secret professionnel qui lie un avocat à son client.
LES FAITS
En mai 1982, Bertram S. Miller Ltd. a importé
un chargement d'arbres au Canada en provenance
des États-Unis. Agissant en application de la Loi
sur la quarantaine des plantes [S.R.C. 1970, chap.
P-13], Agriculture Canada a ordonné la destruc
tion des arbres parce qu'il les soupçonnait d'être
infestés par la larve de la spongieuse. À l'époque,
le requérant en l'espèce exerçait les fonctions d'ins-
pecteur auprès d'Agriculture Canada, et il a parti-
cipé à la décision de détruire le chargement.
Plus tard, le 23 décembre 1982, Bertram S.
Miller Ltd. a poursuivi l'État en dommages-inté-
rêts devant cette Cour en raison de la destruction
des arbres. L'affaire, Bertram S. Miller Ltd. c. La
Reine [[1985] 1 C.F. 72], a été jugée par le juge
Dubé du 2 au 4 avril 1985, et il a statué en faveur
de la partie demanderesse. Il a été interjeté appel
de sa décision devant la Cour d'appel fédérale, qui
a infirmé la décision de première instance et s'est
prononcée en faveur de l'Etat [[1986] 3 C.F. 291].
L'autorisation de pourvoi devant la Cour suprême
du Canada a été refusée le 18 décembre 1986
[[1986] 2 R.C.S. y]. L'État était représenté dans
ces procédures par des avocats du ministère de la
Justice, à savoir Allison Pringle, Sandra MacPher-
son et Derek Aylen.
Le 11 juillet 1989, le requérant a demandé
communication d'une lettre que M. Pringle aurait
écrite à un fonctionnaire d'Agriculture Canada en
1985, relativement à l'affaire Miller. Le requérant
a aussi demandé [TRADUCTION] «toute autre
documentation écrite» qui la mentionnait. Une
quantité considérable de documents a été commu
niquée au requérant, mais certains documents ne
lui ont pas été transmis au motif qu'ils étaient
exempts de communication en vertu du secret
professionnel liant l'avocat à son client, conformé-
ment à l'article 27 de la Loi sur la protection des
renseignements personnels.
Après ce refus partiel, le requérant a déposé une
plainte auprès du commissaire à la protection de la
vie privée dans laquelle il disait rechercher la
communication de la lettre qui aurait été écrite par
M. Pringle, au motif qu'elle contenait certains
propos «diffamatoires» à son égard relativement à
sa crédibilité comme témoin. Le commissaire à la
protection de la vie privée a fait enquête sur la
plainte en application de l'alinéa 29(1)b) de la
Loi. Il a conclu que la plainte du requérant n'était
pas justifiée, et que les documents en question
étaient protégés par le secret professionnel qui lie
l'avocat à son client. Le requérant exerce donc le
recours en révision prévu à l'article 41.
ANALYSE
Les documents recherchés par le requérant sont
annexés comme pièces au second affidavit déposé
par M. Pringle. Cet affidavit a été déposé ex parte,
scellé et tenu à part des autres dossiers de la Cour
sur ordonnance du juge Strayer, en date du 30
novembre 1990. Il ressort clairement de l'affidavit
que M. Pringle a déposé en réponse à la requête
du requérant que les documents contestés sont
exempts de communication en raison du secret
professionnel qui lie l'avocat à son client et de
l'article 27 de la Loi.
Le requérant engage cette procédure en vertu de
l'article 41 de la Loi, dont voici le libellé:
41. L'individu qui s'est vu refuser communication de rensei-
gnements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et
qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le
Commissaire à la protection de la vie privée peut, dans un délai
de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire
prévu au paragraphe 35(2), exercer un recours en révision de la
décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou après
l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la prorogation.
Certains renseignements personnels demandés en
vertu du paragraphe 12(1) peuvent être exemptés
de communication. L'article 27 de la Loi autorise
le refus de communiquer certains renseignements
personnels s'ils sont visés par le secret profession-
nel liant l'avocat à son client.
27. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la
communication des renseignements personnels demandés en
vertu du paragraphe 12(1) qui sont protégés par le secret
professionnel qui lie un avocat à son client.
Comme le secret professionnel qui lie un avocat à
son client n'est pas défini dans la Loi, il est
nécessaire de recourir à la common law pour nous
éclairer à cet égard.
Le secret professionnel de l'avocat en général
Comme le note Cross dans son ouvrage Cross on
Evidence (7 e éd., Butterworths), à la page 428, le
secret professionnel qui lie l'avocat à son client
comporte deux volets distincts, celui qui vise les
avis juridiques et celui qui a trait au litige. Le
secret qui vise les avis juridiques s'étend à toutes
les communications, écrites ou orales, échangées
entre l'avocat et son client aux fins de l'obtention
d'un avis juridique. Il n'est pas nécessaire, aux fins
du secret professionnel protégeant les avis juridi-
ques, que les services de l'avocat aient été retenus:
les communications préliminaires d'un client éven-
tuel avec un avocat dans le but de retenir ses
services sont aussi confidentielles: voir l'arrêt Des-
côteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S.
860, aux pages 876 et 877. Quant au caractère
confidentiel du litige, il protège contre la divulga-
tion les communications entre un avocat et son
client ou des tiers qui sont faites dans le cadre de
la préparation du litige, existant ou envisagé,
comme par exemple les rapports d'experts.
Dans l'arrêt Susan Hosiery Ltd v. Minister of
National Revenue, [1969] 2 R.C.É. 27, le prési-
dent Jackett a reconnu cette distinction, et il a
discuté de l'étendue de chaque volet du privilège,
qu'il a décrite comme suit (à la page 33):
[TRADUCTION] D'après moi, le privilège attaché aux rap
ports avocat-client implique habituellement deux principes tout
à fait distincts, à savoir
a) toute communication de nature confidentielle, verbale ou
écrite, entre un avocat et son client, directement reliée à la
recherche, l'élaboration ou l'offre d'un conseil ou d'une assis
tance juridique (y compris les notes de l'avocat qui se
rapportent directement à cette affaire) est protégée; et
b) toutes les notes et tous les documents préparés ou obtenus
spécialement pour le dossier de l'avocat en vue d'un litige
présent ou actuel sont protégés;
Le secret professionnel qui lie l'avocat à son
client est l'un des principes fondamentaux de notre
système juridique, et j'estime évidents sa nécessité
et son caractère souhaitable. Il y a plus d'un siècle,
le, fondement du volet du privilège qui a trait aux
avis juridiques a été énoncé par le lord chancelier
Brougham dans l'arrêt Greenough v. Gaskell
(1833), 39 E.R. 618 (Ch. D.), aux pages 620-621:
[TRADUCTION] Le fondement de cette règle n'est pas diffi-
cile à trouver. Ce n'est ni la conséquence (comme on l'a
quelquefois dit) d'une importance particulière que le droit
attribue aux affaires des juristes, ni le résultat de dispositions
particulières leur accordant une protection (même s'il n'est
certes pas tellement facile de voir pourquoi on a refusé le même
privilège à d'autres personnes et, plus particulièrement, aux
médecins).
Mais c'est en considération des intérêts de la justice, qui ne
peuvent être respectés, et de l'administration de la justice, qui
ne peut suivre son cours, sans l'aide d'hommes de loi versés
dans la théorie générale du droit, les règles de procédure devant
les tribunaux et les matières touchant les droits et les obliga
tions, qui font l'objet de toutes les procédures judiciaires. Si le
privilège n'existait pas du tout, chacun devrait s'en remettre à
ses propres ressources en matière juridique. Privée de toute
assistance professionnelle, une personne ne s'aventurerait pas à
consulter un spécialiste ou oserait seulement divulguer partiel-
lement l'affaire à son conseil.
La raison d'être du privilège attaché au litige a
été exposée par le président Jackett dans l'arrêt
Susan Hosiery, précité, de la façon suivante (aux
pages 33 et 34):
[TRADUCTION] Pour en venir à la règle applicable au «dos-
sier de l'avocat,,, sa raison d'être tient évidemment à ce que
dans notre système judiciaire de type accusatoire, l'avocat ne
doit pas être gêné dans la préparation du dossier de son client
par la possibilité que des documents qu'il rédige peuvent être
retirés de son dossier et déposés devant le tribunal, à des fins
autres que celles qu'il envisage. Les documents qui aideraient à
mettre à jour la vérité s'ils étaient présentés de la façon prévue
par l'avocat qui en a dirigé la préparation pourraient fort bien
servir à fausser la vérité s'ils étaient soumis par une partie
adverse qui ne comprend pas ce qui a donné lieu à leur
rédaction. Si les avocats pouvaient fouiller dans les dossiers les
uns des autres au moyen du processus de la communication
préalable, la simple préparation des dossiers pour l'instruction
se transformerait en un regrettable travesti de notre système
actuel.
Au Canada, ce privilège a dépassé le statut de
règle de preuve pour recevoir celui de règle de
fond. L'effet juridique du privilège a été porté
au-delà de la protection accordée aux communica
tions entre l'avocat et son client contre leur divul-
gation au cours des procédures judiciaires mettant
en cause les parties, pour s'étendre à toutes les
circonstances où ces communications pourraient
être divulguées sans le consentement du client
concerné. Dans l'arrêt Descôteaux et autre c.
Mierzwinski, précité, cette règle de droit a été
énoncée par le juge Lamer [tel était alors son titre]
de la façon suivante (à la page 875):
1. La confidentialité des communications entre client et avocat
peut être soulevée en toutes circonstances où ces communi
cations seraient susceptibles d'être dévoilées sans le consen-
tement du client;
2. À moins que la loi n'en dispose autrement,lorsque et dans la
mesure où l'exercice légitime d'un droit porterait atteinte au
droit d'un autre à la confidentialité de ses communications
avec son avocat, le conflit qui en résulte doit être résolu en
faveur de la protection de la confidentialité;
3. Lorsque la loi confère à quelqu'un le pouvoir de faire
quelque chose qui, eu égard aux circonstances propres à
l'espèce, pourrait avoir pour effet de porter atteinte à cette
confidentialité, la décision de le faire et le choix des modali-
tés d'exercice de ce pouvoir doivent être déterminés en
regard d'un souci de n'y porter atteinte que dans la mesure
absolument nécessaire à la réalisation des fins recherchées
par la loi habilitante;
4. La loi qui en disposerait autrement dans le cas du deuxième
paragraphe ainsi que la loi habilitante du paragraphe trois
doivent être interprétées restrictivement.
Comme le souligne implicitement le juge Lamer
au premier paragraphe, le privilège est celui du
client et non de l'avocat, et sa protection s'étend
dans le temps: voir Sopinka et Lederman, The Law
of Evidence in Civil Cases, aux pages 177 181.
Seul le client peut renoncer à ce privilège: voir
Cross on Evidence, précité, à la page 435.
Le privilège connaît des exceptions, par exem-
ple: la renonciation éclairée au privilège par le
client (voir l'ouvrage de Sopinka et Lederman,
précité, aux pages 177 181), ou la renonciation
implicite à un document confidentiel par son usage
devant le tribunal (voir Cross, précité, aux pages
438 et 439). Les communications entre un avocat
et son client ne sont pas confidentielles lorsque ce
dernier cherche à obtenir des avis juridiques qui
faciliteraient la perpétration d'un acte criminel ou
frauduleux: Reg. v. Cox and Railton (1884), 14
Q.B.D. 153. De plus, le privilège ne s'étend qu'aux
communications, et il ne protège pas contre la
divulgation de certains faits découverts soit par
l'avocat soit par son client dans le cadre des rap
ports qu'ils ont entre eux: Cross, à la page 441.
Application du secret à l'espèce
À mon avis, le privilège attaché aux rapports
avocat-client existe clairement entre les avocats du
ministère de la Justice et le gouvernement du
Canada dans l'affaire Miller, et il protège les
documents en question contre la communication en
vertu de l'article 27 de la Loi. L'avocat dans la
présente affaire est le procureur général du
Canada, et ceux qui travaillent sous son autorité
au ministère de la Justice. Le client est la branche
exécutive du gouvernement du Canada, qui com-
prend les divers ministères tel le ministère de
l'Agriculture. Voir l'arrêt Canada (Ministre de
l'Industrie et du Commerce) c. Central Cartage
Company et autres (1987), 10 F.T.R. 225 (C.F. ire
inst.), aux pages 236 à 238.
Cependant, même si l'on démontre l'existence de
rapports avocat-client, il faut aussi prouver que
chacun des documents au sujet desquels on invo-
que le privilège en cause respecte le critère exposé
plus haut, c'est-à-dire celui de la confidentialité,
aux fins d'obtenir un avis juridique ou d'envisager
des poursuites: voir l'arrêt Solosky c. La Reine,
[1980] 1 R.C.S. 821, à la page 837. J'ai pris soin
d'examiner attentivement, page après page, l'affi-
davit et les pièces faisant partie de l'affidavit n° 2
déposé par Allison Ross Pringle le 7 décembre
1990. L'affidavit décrit de façon assez détaillée
chaque document à l'égard duquel on réclame la
non-communication. Il a fallu un certain temps
pour étudier les quelque 350 pages qui représen-
tent les copies des pièces annexées à l'affidavit n° 2
de M. Pringle. À mon avis, le secret professionnel
qui lie l'avocat à son client s'attache à chacune
d'elles, de sorte qu'elles n'ont pas à être communi
quées en vertu de la Loi.
Ces documents sont, comme il est allégué dans
les observations des intimés, des projets de plaidoi-
ries, des notes prises au cours d'entrevues avec les
témoins, la correspondance échangée avec les
témoins, et d'autres documents ayant servi à la
conduite de l'affaire Miller. Ces documents sont
clairement visés par le secret professionnel dont
jouit le litige. D'autres documents comprennent
des lettres adressées au client représenté par des
fonctionnaires du ministère de l'Agriculture con-
cernant les avis des avocats et les directives du
client. Ces documents sont clairement visés par le
secret professionnel attaché aux avis juridiques.
Aucun document ne semble échapper au secret
professionnel.
Il convient de souligner que le requérant a agi
pour son propre compte, ce qui rend toujours les
choses difficiles pour l'avocat de la partie adverse
et certainement pour la Cour, car nous sommes
alors tenus de voir à ce que les droits du particulier
soient protégés autant que cela est possible devant
la Cour. Le requérant en l'espèce a fait valoir ou
laissé entendre qu'il était un client et par consé-
quent qu'il avait le droit de consulter tous les
documents relatifs à l'affaire antérieure Bertram
S. Miller Ltd. c. La Reine. Il n'est évidemment pas
un client, mais un témoin de la défenderesse. Il est
le témoin qui a répondu à des questions au cours
de l'interrogatoire préalable pour le compte de son
employeur, le ministère de l'Agriculture. Plusieurs
autres témoins ont été interrogés, dont un autre
employé du Ministère qui a de fait servi de témoin
au procès. Il appartient aux avocats chargés de la
conduite du procès de décider quels témoins, seront
ou ne seront pas cités, et en l'espèce ils en sont
venus à la conclusion que le témoignage du requé-
rant ne leur était pas nécessaire. La seule partie
défenderesse dans l'affaire Bertram S. Miller Ltd.
c. La Reine était Sa Majesté la Reine.
Le requérant en l'espèce était soit financière-
ment incapable de retenir les services d'un avocat
ou il ne souhaitait pas le faire, et c'est là à mon
avis un grave désavantage pour quiconque compa-
raît devant les tribunaux. Au cours de son exposé,
je lui ai demandé comment il avait même pu
apprendre que de la correspondance ou des notes
pouvaient le mentionner de façon défavorable ou,
comme il l'a dit, contenir des propos diffamatoires.
Il a répondu qu'un collègue du gouvernement fédé-
ral lui avait donné ces renseignements, mais il n'y
avait aucun affidavit en ce sens. Sans avocat et
sans preuve sous forme d'affidavit à l'appui de ce
moyen, on ne peut faire que des conjectures sur les
conséquences qu'il y aurait à demander au particu-
lier qui a donné ces renseignements de déposer un
affidavit à l'appui.
Cette demande est rejetée. Dans les circons-
tances, il n'y aura pas adjudication de dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.