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A-541-90
Le procureur général du Canada (requérant)
c.
John F. Bowen (intimé)
RÉPERTORIE: CANADA (PROCUREUR GENERAL) C. BoWEN (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Stone et Linden, J.C.A.— Calgary, 25 octobre 1991.
Impôt sur le revenu Pratique Demande d'annulation de l'ordonnance par laquelle la Cour canadienne de l'impôt (la CCI) avait décidé qu'une ordonnance de prorogation du délai d'appel n'était pas requise Revenu Canada avait envoyé à l'intimé un avis de ratification par courrier recom- mandé à trois reprises en août et septembre 1988 Les lettres ont été retournées avec la mention «refusées L'avis de rati fication n'a pas été reçu avant l'expiration du délai fixé par la Loi de l'impôt sur le revenu pour le dépôt d'un avis d'appel ou d'une demande de prorogation du délai d'appel Le juge de la Cour de l'impôt a conclu qu'il était inutile de proroger le délai, en se fondant sur l'arrêt Antoniou c. M.R.N., dans lequel la CCI avait déclaré que Revenu Canada est tenu de montrer que le contribuable a clairement été avisé du commencement et de la durée du délai d'appel lorsque le droit qu'il a de se pré- senter devant la Cour est directement touché Demande accueillie La conclusion ne tient pas compte du sens évident des art. 165(3) et 169 de la Loi de l'impôt sur le revenu Le législateur a imposé l'obligation d'aviser l'intimé par courrier recommandé Il n'a pas exigé la signification à personne ni la réception d'un avis Le ministre n'est pas obligé de tenir compte d'autre chose que les adresses . fournies par le contri- buable.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 165(3) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 58), 169 (mod., idem; S.C. 1984, chap. 45, art. 70).
JURISPRUDENCE DÉCISION INFIRMÉE:
Bowen, J.F. c. M.R.N. (1990), 90 DTC 1625 (C.C.I.). DÉCISION RENVERSÉE:
Antoniou (C.) c. M.R.N., [1988] 2 C.T.C. 2055; (1988), 88 DTC 1415 (C.C.I.).
AVOCAT:
Helen C. Turner pour le requérant.
A COMPARU:
John F. Bowen pour son propre compte.
PROCUREUR:
Le sous-procureur général du Canada pour le requérant.
L'INTIMÉ POUR SON PROPRE COMPTE:
John F. Bowen, Sherwood Park (Alberta).
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés a l'audience par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Le requérant cherche à faire annuler une ordonnance rendue le 13 juin 1990 par la Cour canadienne de l'impôt [(1990), 90 DTC 16251, laquelle a décidé que le requérant n'avait pas besoin d'ordonnance prolongeant le délai dans lequel un appel pouvait être interjeté à l'égard de ses années d'imposition 1981, 1982, 1983 et 1984.
Rappelons brièvement les événements qui ont con duit à cette ordonnance. En août 1988, après avoir examiné un avis d'opposition produit le 14 septembre 1987 à l'égard des années d'imposition en question, la Direction des appels de Revenu Canada, Impôt, par le truchement de son bureau de district d'Edmonton, a envoyé un avis de ratification à l'intimé par courrier recommandé. L'avis de ratification a été retourné par le bureau de poste. Deux autres tentatives de commu- niquer la ratification de cette manière ont également échoué.
Le juge de la Cour canadienne de l'impôt s'est penché, à la page 1627, sur la preuve relative à ces tentatives, déclarant:
[TRADUCTION] Il y a eu trois efforts distincts et complets pour signifier ce document de confirmation à M. Bowen, le dernier ayant eu lieu le 2 septembre 1988. Toutes ces lettres ont été retournées avec la mention «refusée». La première lettre a été livrée à l'adresse des déclarations de revenu de M. Bowen. Entre la première et la deuxième expédition, une recherche informatique plus détaillée a été faite dans les registres de Revenu Canada et on a pu déterminer qu'une lettre de change- ment d'adresse avait été reçue de M. Bowen le 15 mars 1988 et qu'elle avait été utilisée pour les deuxième et troisième expédi- tions.
Il était établi que l'intimé n'avait pas reçu l'avis de ratification avant une date postérieure à l'expiration du délai fixé par la Loi de l'impôt sur le revenu
[S.C. 1970-71-72, chap. 63] pour la production d'un avis d'appel ou d'une demande de prolongation du délai dans lequel un appel peut être interjeté. À la page 1628 le savant juge avait déclaré:
[TRADUCTION] Il ne serait pas difficile de conclure que Revenu Canada avait fait tout ce qui était en son possible pour donner un avis adéquat à M. Bowen. Il ne serait pas non plus difficile de conclure que M. Bowen ne s'était pas montré particulière- ment inquiet et avisé d'informer Revenu Canada en tout temps de son adrcssc postale ou de confier ses affaires fiscales à un mandataire pour qu'il s'en occupe en son absence. On a autre- ment peine à comprendre comment les avis envoyés ont pu être «refusés», quelqu'un a bien le faire. Ce contribuable a déposé la demande en cause et elle est parvenue devant la Cour seulement du fait qu'il a posé des questions lui-même à Revenu Canada en décembre 1989, lorsqu'il cherchait à se ren- seigner sur les résultats de l'avis d'opposition déjà déposé. Il aurait été informé, dit-il, qu'il ne pouvait plus produire de demande à cause de l'expiration du délai de quatre-vingt jours, mais qu'il pouvait demander une prolongation du délai. C'est pour cette raison que l'avis d'appel qui (comme je l'ai déjà déclaré, visait cette fin) et la demande de prolongation de délai en cause ont été déposés devant la Cour en même temps, soit le 2 février 1990.
En concluant qu'aucune prolongation de délai n'était nécessaire, le juge a tenu compte d'un arrêt rendu antérieurement par la Cour canadienne de l'im- pôt dans l'affaire Antoniou (C.) c. M.R.N., [1988] 2 C.T.C. 2055, portant sur l'interprétation de l'alinéa 167(5)a); il a ensuite déclaré, aux pages 1628 et 1629:
[TRADUCTION] Vu que la décision dans Antoniou, précitée, n'est pas contestée jusqu'à présent, la conclusion que je formule ici est que lorsque le litige dont la cour est saisie touche directe- ment les droits d'un contribuable de se présenter devant la pré- sente Cour, ce que Revenu Canada pourrait considérer comme tous les efforts raisonnables pour aviser le contribuable n'est peut-être pas suffisant. Il doit appartenir à l'intimé de démon- trer qu'une notification claire du commencement et de la durée de la période critique et peut-être fatal a été reçu [sic] par le contribuable.
En toute déférence, nous ne pouvons souscrire à cette conclusion. À notre avis, cette dernière ne tient pas compte du sens évident du paragraphe 165(3) [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 158, art. 58] et de l'article 169 de la Loi, [mod., idem; S.C. 1984, chap. 45, art. 70] qui stipulent:
165....
(3) Dès réception de l'avis d'opposition, formulé en vertu du présent article, le Ministre doit,
a) avec toute la diligence possible, examiner de nouveau la cotisation et annuler, ratifier ou modifier cette dernière ou établir une nouvelle cotisation, ou
b) lorsqu'un contribuable mentionne dans cet avis d'opposi- tion qu'il désire interjeter appel immédiatement auprès de la Cour canadienne de l'impôt ou auprès de la Cour fédérale, et renonce à ce qu'un nouvel examen soit fait de la cotisation et que le Ministre y consent, déposer une copie de l'avis d'opposition auprès du registraire de la Cour canadienne de l'impôt ou au greffe de la Cour fédérale, selon le cas,
et en aviser le contribuable par lettre recommandée.
169. Lorsqu'un contribuable a signifié un avis d'opposition à une cotisation, prévu à l'article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l'impôt, pour faire annuler ou modifier la cotisation
a) après que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation, ou
b) après l'expiration des 90 jours qui suivent la signification de l'avis d'opposition sans que le Ministre ait notifié au con- tribuable le fait qu'il a annulé ou ratifié la cotisation ou pro- cédé à une nouvelle cotisation;
mais nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l'expiration des 90 jours qui suivent la date avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l'article 165, portant que le Ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.
À notre avis, l'obligation qui incombait au minis- tre aux termes du paragraphe 165(3) correspondait précisément à ce qu'il a fait, c'est-à-dire aviser l'in- timé de la ratification de la cotisation par courrier recommandé. Rien, dans ce paragraphe ni dans l'ar- ticle 169, n'exigeait que la notification soit «signi- fiée» à personne ou soit reçue par le contribuable. En expédiant l'avis par courrier recommandé, le ministre était en droit de se servir de l'adresse ou des adresses
que l'intimé avait lui-même déjà fournies. Le minis- tre n'était pas tenu de chercher à se renseigner plus avant. En outre, l'exigence de réception de l'avis serait difficile, sinon totalement impossible, à appli- quer du point de vue administratif. Le Parlement ne l'a pas exigé; il a simplement prescrit que l'avis devait être envoyé par courrier recommandé.
Il appert que la raison pour laquelle l'intimé n'a pas reçu l'avis était, non pas que le ministre avait omis de faire tout ce qui lui était imposé, mais que l'intimé n'avait pas tenu son adresse postale à jour. Les dispositions qu'il avait prises pour la réception de son courrier alors qu'il était absent du Canada, de
mars 1988 à décembre 1989, n'ont pas été suivies, mais on ne peut certes pas en imputer la responsabi- lité au ministre, qui a toujours agi de la façon requise par la Loi.
Cette demande présentée aux termes de l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7] est admise, l'ordonnance rendue le 13 juin 1990 par la Cour canadienne de l'impôt est annulée et le tout est déféré à cette Cour pour nouvelle décision au motif que la demande de prolongation du délai dans lequel un appel peut être interjeté, qu'a présentée l'intimé, est rejetée pour défaut de compétence d'ac- corder la réparation recherchée.
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