A-197-91
Saskatchewan Water Corporation (appelante)
c.
Edelbert et Harold Tetzlaff et le ministre de
l'Environnement (intimés)
A-203-91
Saskatchewan Water Corporation (appelante)
c.
Edelbert et Harold Tetzlaff et le ministre de
l'Environnement (intimés)
A-1010-91
Saskatchewan Water Corporation (appelante)
c.
Edelbert et Harold Tetzlaff (intimés)
et
Le ministre de l'Environnement (appelant
reconventionnel)
RÉPERTOR/É' TETZLAFF C. CANADA (MINISTRE DE
L'ENV/RONNEMEN7) (C.A.)
Cour d'appel, juges Heald, Hugessen et MacGuigan,
J.C.A.—Winnipeg, 28 novembre; Ottawa, 16 décem-
bre 1991.
Juges et tribunaux — Le juge de première instance a rayé
une seconde fois, de son propre chef une partie à titre d'inti-
mée après que la Cour d'appel eut expressément désavoué son
ordonnance antérieure au même effet et après qu'une autre
formation de la Cour d'appel eut réintégré la partie à ce titre
— Violation de la règle de stare decisis — Le juge de première
instance est tenu de suivre les décisions de la Cour d'appel,
spécialement celles qui sont rendues dans la cause dont il est
saisi — L'ordonnance créait des difficultés car elle empêchait
le litige de suivre son cours — L'ordonnance a entraîné un
gaspillage de fonds publics et privés puisqu'elle contredisait
deux arrêts récents de la Cour d'appel et parce qu'elle allait
nécessairement être portée en appel — Une demande visant à
renouveler une ordonnance antérieure, lorsque les mesures
prises pour s'y conformer ont été effectivement invalidées, doit
être adressée à la Cour et non au juge de première instance
personnellement — Il appartient à la Cour de décider quel
juge connaîtra d'une affaire — Le juge qui a rendu l'ordon-
nance à l'origine n'est pas toujours le mieux à même de la
faire respecter puisqu'il risque de ne pas en remarquer les
défauts et de donner à ses propres mots une interprétation que
ne justifie pas le libellé.
Pratique — Res judicata — L'ordonnance du juge de pre-
mière instance rayant une partie à titre d'intimée après que la
Cour d'appel eut expressément désavoué son ordonnance anté-
rieure au même effet et après qu'une autre formation de la
Cour d'appel eut réintégré la partie à ce titre viole la règle de
res judicata — Le juge de première instance est tenu de suivre
la décision de la Cour d'appel fixant la qualité de la partie.
Pratique — Parties — Qualité pour agir — Saskatchewan
Water Corporation a nécessairement la qualité pour agir dans
le cadre de procédures fondées sur l'art. 18 en vue d'obtenir
un mandamus pour obliger le ministre à respecter les Lignes
directrices ou pour annuler son permis, délivré en application
de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours
d'eau internationaux, en cas de non-respect.
Pratique — Jugements et ordonnances — Une ordonnance
de la Cour ne doit pas prescrire qu'un juge en particulier est
personnellement saisi de l'affaire — De telles modalités peu-
vent être établies dans une directive administrative, dans les
cas appropriés — Une ordonnance revêt un caractère obliga-
toire et ne peut être réformée que par une autre ordonnance ou
en appel — La directive a le même effet, mais la Cour conserve
la souplesse nécessaire pour traiter les affaires qui lui sont
soumises — Seules les questions relatives au respect ou â
l'exécution de l'ordonnance antérieure pouvaient; à juste titre,
être soulevées dans le contexte du litige.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
Projet de barrage Rafferty-Alameda — Demande de manda-
mus pour obliger le ministre à respecter les Lignes directrices
en constituant une commission chargée d'entreprendre un exa-
men public ou, en cas de non-respect, pour annuler la décision
du ministre d'accorder un permis à Saskatchewan Water Cor
poration en application de la Loi sur les ouvrages destinés â
l'amélioration des cours d'eau internationaux — Le juge de
première instance a eu tort de rayer la Saskatchewan Water
Corporation â titre d'intimée en croyant que seul un office
fédéral pouvait agir à titre d'intimée dans des procédures fon-
dées sur l'art. 18 — L'art. 18 crée une compétence d'attribu-
tion (les décisions rendues par les offices fédéraux) et non une
compétence à l'égard de personnes — Conformément à l'art.
18, la Section de première instance a la compétence ration
materiae pour annuler le permis.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première ins
tance — La Section de première instance a compétence pour
connaître des procédures fondées sur l'art. 18 en vue d'obtenir
un mandamus pour obliger le ministre de .l'Environnement à
respecter les Lignes directrices en constituant une commission
chargée d'entreprendre un examen public et pour annuler le
permis délivré à Saskatchewan Water Corporation en applica
tion de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des
cours d'eau internationaux en cas de non-respect — Lorsque
la Cour est saisie d'une demande visant à renouveler une
ordonnance lorsque les mesures prises pour s'y conformer ont
été invalidées, la Cour ne peut statuer qu'elle pourra connaître
de questions dont elle n'est pas saisie et mettant en cause des
personnes qui ne sont pas parties à l'instance, sans égard à la
portée de la demande présentée à l'origine — Ordonnance
dans laquelle le juge a déclaré que le rapport produit le jour
qui a précédé l'audition de la requête pour obtenir des direc
tives sur la manière dont la commission devait procéder n'était
«pas un rapport» — La requête pour obtenir des directives ne
se rapportait pas aux questions du respect ou de l'exécution de
l'ordonnance rendue à l'origine, selon laquelle une commis
sion devait être constituée, les seules questions qui auraient
pu, à juste titre, être soulevées dans le contexte du litige.
Il s'agit d'appels à l'encontre de trois ordonnances du juge
Muldoon. Les frères Tetzlaff, les propriétaires d'un bien direc-
tement touché par la construction du barrage projeté d'Ala-
meda, avaient intenté des procédures fondées sur l'article 18
contre le ministre de l'Environnement et Saskatchewan Water
Corporation, en vue d'obtenir un bref de certiorari pour annu-
ler le permis délivré à la Saskatchewan Water Corporation, en
application de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration
des cours d'eau internationaux, et un bref de mandamus pour
obliger le ministre à respecter les Lignes directrices en faisant
soumettre le projet à un examen public par une commission. Le
30 novembre 1989, le juge Muldoon a, de son propre chef,
rayé Saskatchewan Water Corporation à titre d'intimée en
l'instance pour le motif qu'elle ne pouvait agir à ce titre dans
des procédures fondées sur l'article 18 puisqu'elle n'était pas
un office fédéral visé par l'article 2 de la Loi sur la Cour fédé-
rale. Le 28 décembre 1989, le juge a décerné une ordonnance
de mandamus enjoignant au ministre de l'Environnement de
constituer une commission d'évaluation environnementale
chargée d'entreprendre un examen public du projet de barrage
Rafferty-Alameda, et stipulant que le défaut d'obtempérer à
cette ordonnance dans un délai fixé entraînerait l'annulation du
permis. Une commission a été dûment constituée, mais ses
membres ont démissionné en bloc par la suite. En appel, la
Cour d'appel a réintégré Saskatchewan Water Corporation à
titre d'intimée en l'instance. Cette décision, unanime, s'ap-
puyait sur un arrêt antérieur dans lequel cette Cour avait expli-
citement désavoué l'ordonnance que le juge Muldoon avait
rendue de son propre chef. La Cour a rejeté l'appel de l'ordon-
nance de mandamus sur le fond. La Cour a jugé valide l'ordon-
nance selon laquelle le permis serait annulé en cas de non-res
pect puisqu'il s'agissait d'un moyen de faire respecter
l'ordonnance de mandamus. Vu qu'aucune nouvelle commis
sion n'avait été constituée trois mois après la démission des
membres de la première, les Tetzlaff ont déposé un avis de
requête devant le juge Muldoon en vue d'obtenir une ordon-
nance pour faire respecter l'ordonnance de mandamus.
Le premier appel intéresse l'ordonnance en date du ler
février 1991 dans laquelle le juge Muldoon a, encore une fois,
rayé de son propre chef Saskatchewan Water Corporation à
titre d'intimée devant la Section de première instance et lui a
permis d'agir à titre d'intervenante. Une nouvelle commission
a été constituée le 5 février.
Le deuxième appel intéressait une ordonnance en date du 8
février 1991 dans laquelle le juge Muldoon a statué qu'il
demeurerait saisi du litige. Vu qu'il estimait nécessaire d'assu-
rer un contrôle permanent, le juge Muldoon a ordonné au para-
graphe 2 que la Cour continuerait de connaître de toute ques
tion mettant en cause les parties à l'instance, leurs mandataires,
leurs préposés et leurs entrepreneurs.
Le jour qui a précédé la date d'audition de la requête des
Tetzlaff pour obtenir des directives sur la manière dont la com
mission devait entreprendre son examen, les questions qu'elle
devait examiner, les documents que devaient déposer les par
ties et la procédure à suivre, la nouvelle commission a remis
son rapport. À l'ouverture de l'audience, le ministre et la Sas-
katchewan Water Corporation ont plaidé que la Cour était
incompétente puisque les procédures dont elle était saisie
n'avaient plus de raison d'être. Le troisième appel intéressait
l'ordonnance en date du 30 septembre 1991 dans laquelle le
juge Muldoon a déclaré que le rapport de la commission n'était
«pas du tout un rapport».
Arrêt: l'appel et l'appel incident devraient être accueillis;
l'ordonnance du 30 septembre 1991 devrait être annulée; et la
demande de directives devrait être rejetée.
L'ordonnance rayant une seconde fois Saskatchewan Water
Corporation à titre d'intimée était malvenue. Il incombe à un
juge de première instance de suivre les décisions de la Cour
d'appel, spécialement lorsque la décision est rendue dans la
cause même dont le juge est saisi. Le juge a violé les règles de
stare decisis et de l'autorité de la chose jugée puisque la qua-
lité de Saskatchewan Water Corporation avait été fixée par la
Cour d'appel aux fins de ce dossier. L'ordonnance était égale-
ment erronée dans la mesure où elle était fondée sur la
croyance que seul un office fédéral peut agir à titre d'intimé
dans des procédures fondées sur l'article 18. L'article 18 ne
crée pas de compétence à l'égard de personnes, mais plutôt à
l'égard des décisions rendues par les offices fédéraux. Souvent,
les personnes qui composent ces offices n'agissent pas à titre
de parties dans les procédures portées devant la Cour, et les
parties à des procédures portées devant un office fédéral ont
toujours la qualité voulue pour agir à ce titre lorsque ces procé-
dures font l'objet d'une contestation fondée sur l'article 18. En
vertu de l'article 18, la Section de première instance avait com-
pétence ratione materiae pour annuler la décision du ministre
(un office fédéral). Saskatchewan Water Corporation avait
manifestement un intérêt dans les procédures puisque la vali-
dité de son permis était en cause. Elle avait donc nécessaire-
ment, et garde toujours, la qualité d'intimée. Enfin, l'ordon-
nance créait des difficultés. Personne ne l'a sollicitée. Elle n'a
pas fait évoluer le dossier, mais empêchait le litige de suivre
son cours. Elle contredisait deux arrêts récents rendus par deux
formations différentes de juges de la Cour d'appel. Elle allait
nécessairement être portée en appel et cet appel ne pouvait
qu'entraîner une dépense inutile de fonds publics et privés.
La démission des membres de la commission a eu pour effet
d'invalider l'exécution de l'ordonnance de mandamus. Même
si la demande qui visait en fait le renouvellement de l'ordon-
nance déjà rendue était appropriée vu le délai pendant lequel le
ministre n'avait rien fait pour s'y conformer de nouveau, elle
aurait dû être adressée à la Cour et non au juge Muldoon en
particulier. Il appartient à la Cour, et non aux parties, de déci-
der quel juge connaîtra d'une affaire donnée. Le paragraphe 2
devrait être radié puisque le juge y affirme avoir compétence à
l'égard de questions dont la Cour n'était pas saisie à l'époque
et de personnes qui n'étaient pas alors parties à l'instance, sans
égard à la portée de la demande fondée sur l'article 18 présen-
tée à l'origine. Cette demande visait uniquement la constitu
tion d'une commission pour se conformer aux Lignes direc-
trices et l'annulation du permis si elles n'étaient pas respectées.
Une ordonnance de la Cour n'est pas censée rendre un juge en
particulier personnellement saisi d'une affaire. Dans les cas
appropriés, de telles modalités peuvent faire l'objet d'une
directive administrative. Une ordonnance revêt un caractère
obligatoire et ne peut être réformée que par une autre ordon-
nance ou un appel; une directive a le même effet pratique, mais
donne à la Cour la souplesse nécessaire pour traiter les affaires
qui lui sont soumises. Il n'était pas souhaitable en l'espèce
qu'un seul juge continue de contrôler les procédures. Aucune
ordonnance n'était nécessaire pour investir la Cour de la com-
pétence de contrôler sa propre procédure et celui qui est le
mieux à même de faire respecter une ordonnance de la Cour
n'est pas nécessairement le juge qui l'a rendue à l'origine—si
son ordonnance est entachée d'un défaut, le juge risque de ne
pas le remarquer, et il risque de donner à ses propres mots une
interprétation que ne justifie pas le libellé.
La portée de la requête pour obtenir des directives dépassait
largement les questions du respect ou de l'exécution de l'or-
donnance de mandamus visant à constituer une commission.
La Cour aurait dû refuser d'entendre la requête pour obtenir
des directives. Le respect et l'exécution de l'ordonnance
étaient les seules questions qui auraient pu, à juste titre, être
soulevées dans le contexte du litige dont la Cour avait été sai-
sie.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 2,
I 8.
Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours
d'eau internationaux, L.R.C. (1985), chap. 1-20.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre
des Transports), [1990] 2 C.F. 18; (1990), 68 D.L.R. (4th)
375 (C.A.).
DÉCISIONS INFIRMÉES:
Tetzlaff c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1991]
2 C.F. 206; (1991), 47 Admin. L.R. 275, à la p. 286; 40
F.T.R. 104, à la p. 112 (Ire inst.); Tetzlaff c. Canada
(Ministre de l'Environnement), [1991] 2 C.F. 212; (1991),
47 Admin. L.R. 275; 40 F.T.R. 112 (1c inst.); Tetzlaff c.
Canada (Ministre de l'Environnement) (1991), 40 F.T.R.
114 (C.F. lre inst.); Tetzlaff c. Canada (Ministre de l'Envi-
ronnement), [1992] 1 C.F. 261 (Ire inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Minis-
tre de l'Environnement), [1991] 1 C.F. 641; (1990), 6
C.E.L.R. (N.S.) 89; 41 F.T.R. 318 (note); 121 N.R. 385
(C.A.); Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada
(Ministre de l'Environnement), [1990] 1 C.F. 595; (1989),
32 F.T.R. 81 (1 1 e inst.); conf. Fédération canadienne de la
faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement)
(1989), 4 C.E.L.R. (N.S.) 201; 31 F.T.R. 1 (C.F. Ire inst.).
AVOCATS:
David E. Gauley, c.r. et R. G. Kennedy, Clifford
B. Wheatley et David Wilson pour l'appelante.
Alan W. Scarth, c.r. et Gordon H. A. Mackintosh
pour les intimés Edelbert et Harold Tetzlaff.
Craig J. Henderson pour l'intimé (l'appelant
reconventionnel dans A-1010-91) le ministre de
l'Environnement.
PROCUREURS:
Gauley & Co., Saskatoon; Saskatchewan Water
Corporation, Moose Jaw; et Osler, Hoskins &
Harcourt, Ottawa, pour l'appelante.
Thompson, Dorfman & Sweatman, Winnipeg,
pour les intimés Edelbert et Harold Tetzlaff.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timé (l'appelant reconventionnel dans A-1010-
91) le ministre de l'Environnement.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: Ces trois appels, inter-
jetés à l'encontre de trois ordonnances du juge Mul-
doon de la Section de première instance [Tetzlaff c.
Canada (Ministre de l'Environnement), [1991] 2 C.F.
206; Tetzlaff c. Canada (Ministre de l'Environne-
ment), [1991] 2 C.F. 212; Tetzlaff c. Canada (Minis-
tre de l'Environnement), [ 1992] 1 C.F. 261; Tetzlaff e.
Canada (Ministre de l'Environnement) (1991), 40
F.T.R. 114], ont été entendus ensemble. Par souci de
commodité, les présents motifs s'appliquent aux trois
jugements à rendre.
Le litige qui oppose les parties s'inscrit dans une
longue série ininterrompue d'instance judiciaires,
dont une partie seulement a eu lieu devant la Cour
fédérale. Le meilleur exposé de la première partie des
faits de la cause se trouve dans les motifs du juge-
ment du juge en chef Iacobucci (tel était alors son
titre), dans une décision antérieure que cette Cour a
rendue le 21 décembre 1990 1 :
Les faits de la cause
Le bassin de la rivière Souris est formé d'un réseau de cours
d'eau qui prennent leur source en Saskatchewan, traversent une
partie du Dakota du Nord puis remontent au Manitoba pour se
jeter dans le lac Winnipeg. C'est en particulier la course de la
rivière Souris: elle prend sa source en Saskatchewan, descend
au Dakota du Nord puis remonte au Manitoba où elle se jette
dans la rivière Assiniboine. À l'instar des autres «rivières de
prairie», son débit dépend des précipitations, de la fonte des
neiges au printemps et des pluies pendant les autres saisons de
l'année, ce qui explique qu'il y a souvent soit inondation soit
sécheresse. Il s'ensuit que les installations de retenue, d'emma-
gasinage et de distribution d'eau ont fait l'objet de discussions
et de plans depuis plusieurs années.
Le 12 février 1986, M. Grant Devine, premier ministre de la
Saskatchewan, annonça que cette province entreprendrait le
projet, dont la construction de deux barrages: le barrage de
Rafferty sur la rivière Souris près de la ville d'Estevan, et le
barrage d'Alameda sur la rivière Moose Mountain, qui se jette
dans la Souris près d'Alameda. Ce projet avait pour objet la
prévention des inondations en Saskatchewan, au Dakota du
Nord et au Manitoba, l'amélioration des installations de sports
aquatiques et de l'équipement d'irrigation, la sécurité de l'ap-
provisionnement en eau régional et municipal, et la fourniture
de l'eau de refroidissement à la centrale thermique de Shand,
en cours de construction près d'Estevan.
Le gouvernement de la Saskatchewan a mis sur pied la Sou-
ris Basin Development Authority («SBDA»), société de la
Couronne chargée de planifier, de mettre en oeuvre et d'admi-
nistrer le projet pour le compte de Sask. Water, qui est une
autre société de la Couronne. SBDA a rendu public un énoncé
provincial des incidences environnementales. Par la suite, une
commission d'enquête a été instituée pour exarbiner le projet et
faire des recommandations au ministre de l'Environnement et
de la Sécurité publique de la Saskatchewan, lequel a enfin
donné l'autorisation d'entreprendre le projet sous certaines
conditions. Le 23 février 1988, Sask. Water a donné à la SBDA
son accord pour commencer la construction du barrage de Raf-
ferty.
Le 17 juin 1988, le ministre, en application de la Loi sur les
ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internatio-
naux, accorda à Sask. Water le permis pour le projet, après
avoir conclu que l'examen, fait par Environnement Canada, de
l'exposé des incidences environnementales de la Saskatche-
wan, ainsi que les conditions attachées au permis délivré par la
province, étaient suffisants pour protéger les intérêts de l'État
fédéral dans le cadre de ce projet.
Fédération canadienne de la faune lnc. c. Canada (Minis-
tre de l'Environnement), [1991] 1 C.F. 641 (C.A.), aux p. 646
à 648.
Cependant, le permis fédéral a été annulé par ordonnance en
date du 10 avril 1989 du juge Cullen, avec mandamus portant
obligation pour le ministre de se conformer aux Lignes direc-
trices [Lignes directices visant le processus d'évaluation et
d'examen en matière d'environnement, DORS/84-467] (Fédé-
ration canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de
l'Environnement), [1989] 3 C.F. 309 Ore inst.). Le juge Cullen
a conclu que ce projet avait des répercussions environnemen-
tales sur plusieurs questions de compétence fédérale: relations
internationales, écoulement transfrontalier des eaux, oiseaux
migrateurs, affaires interprovinciales et pêches (à la p. 323)).
La Cour de céans a confirmé la décision du juge Cullen à cet
égard (Féd. can. de la faune Inc. c. Canada (Min. de l'Environ-
nement), [1990] 2 W.W.R. 69 (C.A.F.)).
Le ministre a pris alors les mesures suivantes pour se con-
former aux Lignes directrices:
(1) Projet d'évaluation environnementale initiale préparé et
rendu public en juin 1989;
(2) Processus de consultation publique sous la présidence
d'un modérateur impartial et destiné à recueillir l'opinion du
public sur le projet d'évaluation environnementale initiale;
(3) Préparation du rapport final de l'évaluation environne-
mentale initiale («REI») (Le rapport final de l'évaluation
initiale comprend trois volumes: Rapport technique (vol. I),
Processus de consultation publique (vol. II), Rapport du
modérateur (vol. III). Le REI était joint à titre de pièce à la
disposition en date du 16 octobre 1989 de Gordon H. A.
Mackintosh (pièce A) et à celle en date du 6 novembre 1989
de Denis A. Davis (pièce D). Voir les étiquettes 8 et 11 res-
pectivement du Dossier d'appel) en août 1989.
Le REI était destiné à fournir les données qui, conjuguées
avec les observations du public, pourraient permettre au minis-
tre de décider s'il y avait lieu d'accorder un second permis
conformément aux Lignes directrices (Voir le REI, volume 1,
chap. 12-1). Des audiences publiques eurent lieu en Saskatche-
wan, au Manitoba et au Dakota du Nord, et des mémoires
écrits ont été reçus.
Le 31 août 1989, le ministre a accordé, en application de la
LODACEI, un second permis pour la mise en oeuvre du projet
sous réserve de l'application de certaines mesures d'atténua-
tion.
Je dois moi-même relater la suite des événements
et donner un bref aperçu de ce litige dans la mesure
où il a une incidence sur les présents appels.
Le 16 octobre 1989, Edelbert et Harold Tetzlaff,
les intimés en l'instance et les propriétaires d'un bien
qui allait être directement touché par la construction
du barrage projeté d'Alameda, ont intenté en Section
de première instance des procédures fondées sur l'ar-
ticle 18 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985),
chap. F-7] contre le ministre fédéral de l'Environne-
ment et Saskatchewan Water Corporation. Il est
important de noter que ces procédures visaient à
obtenir une ordonnance de certiorari pour annuler le
permis délivré par les intimés à la société, en applica
tion de la Loi sur les ouvrages destinés à l'améliora-
tion des cours d'eau internationaux [L.R.C. (1985),
chap. I-20], et une ordonnance de mandamus pour
obliger le ministre à respecter les Lignes directrices
en faisant soumettre le projet à une commission pour
un examen public.
Le 30 novembre 1989, le juge Muldoon a, de son
propre chef, rayé Saskatchewan Water Corporation à
titre d'intimée dans l'intitulé de la cause devant la
Section de première instance [Fédération canadienne
de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environne-
ment), [1990] 1 C.F. 595] du fait que cette société,
n'étant pas un office fédéral visé par l'article 2 de la
Loi sur la Cour fédérale, ne pouvait agir à titre d'inti-
mée dans des procédures fondées sur l'article 18.
Le 28 décembre 1989, le juge Muldoon a décerné
une ordonnance de mandamus dont le dispositif était
libellé en ces termes:
1. LA COUR STATUE ET ORDONNE audit ministre fédéral de l'Envi-
ronnement de constituer, au plus tard à 5:00 heures de l'après-
midi, heure centrale normale, le mardi 30 janvier 1990, une
commission d'évaluation environnementale et d'en nommer
les membres, conformément aux articles 20, 21, 22 et suivants
du Décret sur les lignes directrices visant le processus d'éva-
luation et d'examen en matière d'environnement (D.O.R.S./84-
467), comme ledit Ministre y est tenu en vertu de la loi, et de
donner mandat et pouvoir à cette commission de mener un exa-
men public de tous les effets importants et néfastes sur l'envi-
ronnement, incluant les répercussions importantes et les réper-
cussions modérées ne pouvant être atténuées par des moyens
technologiques connus, au sens mentionné dans le Volume I du
rapport technique préparé par Environnement Canada, au mois
d'août 1989, ce rapport faisant suite à l'évaluation initiale des
effets environnementaux du projet de barrage Rafferty-Ala-
meda, une copie dudit Volume 1 étant jointe, comme annexe
«E», à la déclation assermentée de Kenneth A. Brynaert, dépo-
sée au dossier de la Cour le 6 octobre 1989; et
2. LA COUR ORDONNE EN OUTRE qu'à défaut par le Ministre
intimé de se conformer à l'ordonnance de mandamus formulée
dans le paragraphe 1 ci-dessus, au plus tard à 5:00 heures de
l'après-midi, heure centrale normale, le mardi 30 janvier 1990,
le permis mentionné plus haut, délivré par le Ministre à l'inter-
venante, Saskatchewan Water Corporation, conformément à la
Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau
internationaux, sera en conséquence de ce défaut, mais non
autrement, annulé de façon absolue et révoqué en vertu de la
présente ordonnance de certiorari; et, [Dossier d'appel, aux
pages 100 et I01.]
Le 29 janvier 1990, le ministre s'est conformé à
l'ordonnance du juge Muldoon et a constitué une
commission chargée d'entreprendre un examen
public du projet.
Le 12 octobre 1990, les membres de la commission
ont démissionné en bloc. Les motifs de la démission
ne sont pas directement pertinents aux présents
appels. Cependant, ils font l'objet d'un autre litige
entre les mêmes parties devant la Cour du Banc de la
Reine de la Saskatchewan et la Cour d'appel de la
Saskatchewan.
Le 22 novembre 1990, cette Cour, saisie d'un
appel du jugement du juge Muldoon, a modifié de
nouveau l'intitulé de la cause de manière à réintégrer
Saskatchewan Water Corporation à titre d'intimée en
première instance et à titre d'appelante reconvention-
nelle devant cette Cour. Cette décision unanime a été
rendue par le juge en chef, ainsi que par les juges
Urie et Linden, J.C.A., qui se sont appuyés sur une
décision antérieure de cette Cour dans l'affaire
Friends of the Oldman River Society c. Canada
(Ministre des Transports 2 ) dans laquelle la Cour avait
explicitement désavoué l'ordonnance rendue par le
juge Muldoon le 30 novembre 1989, de son propre
chef.
Le 21 décembre 1990, cette Cour [[1991] 1 C.F.
641], par la voix des mêmes juges mentionnés au
paragraphe précédent, a unanimement rejeté l'appel
de l'ordonnance du juge Muldoon du 28 décembre
1989 [(1989), 4 C.E.L.R. (N.S.) 201 (C.F. I r e inst.)].
Brièvement, la Cour a statué que même s'il fallait
obligatoirement se conformer aux Lignes directrices,
il ne s'agissait pas d'une condition préalable à la déli-
vrance d'un permis, puisque les recommandations de
la commission ne lieraient pas le ministre de toute
façon 3 . La Cour a jugé valide l'ordonnance selon
laquelle le permis serait annulé en cas de non-respect
des Lignes directrices puisqu'il s'agissait, en fait,
d'un moyen de faire respecter l'ordonnance de man-
damus. La Cour a souligné que l'examen par la com
mission avait pour but d'informer le public et de lui
permettre d'exprimer son opinion sur le projet. Le
fait de ne pas tenir compte du rapport de la commis-
2 [1990] 2 C.F. 18 (C.A.).
3 Selon l'expression employée par le juge en chef lacobucci,
le rapport de la commission n'a que valeur «d'exhortation et
non d'impératif pour le ministre» (à la p. 668).
sion entraînerait donc des conséquences plus poli-
tiques que juridiques.
Le 15 janvier 1991, puisque aucune nouvelle com
mission n'avait été constituée pour remplacer la com
mission dont les membres avaient démissionné et
puisque le jugement qui ordonnait au ministre de
constituer une telle commission avait été confirmé
par cette Cour, les frères Tetzlaff ont déposé un avis
de requête en Section de première instance, dont
voici la teneur:
[TRADUCTION] SACHEZ QUE, conformément aux motifs de l'or-
donnance de M. le juge Muldoon dans cette affaire en date du
28 décembre 1989, les requérants présenteront une requête
devant M. le juge Muldoon, à la Cour fédérale du Canada, à
Winnipeg (Manitoba), le mercredi 23 janvier 1991, à 10h30,
ou dès que leur avocat pourra être entendu par la suite, en vue
d'obtenir ce qui suit:
1. une ordonnance visant à faire respecter l'ordonnance de
mandamus rendue en l'espèce le 28 décembre 1989 en vue
d'obliger le ministre intimé à enjoindre et à permettre à
une commission d'évaluation environnementale d'entre-
prendre un examen public des importants effets environne-
mentaux néfastes du projet de barrage Rafferty-Alameda,
conformément au Décret sur les lignes directrices visant le
processus d'évaluation et d'examen en matière d'environ-
nement, D.O.R.S./84-467; [Dossier d'appel (A-203-91), à
la page 1.]
Le ler février 1991, le juge Muldoon a rendu une
ordonnance (suivie de motifs supplémentaires rendus
le 4 février 1991) par laquelle il rayait encore une
fois de son propre chef Saskatchewan Water Corpora
tion à titre d'intimée devant la Section de première
instance, lui permettait d'agir à titre d'intervenante et
modifiait l'intitulé de la cause en conséquence. Cette
ordonnance fait l'objet du premier des présents
appels, sous le numéro du greffe A-197-91.
Le 5 février 1991, le ministre a constitué une nou-
velle commission et l'a chargée d'examiner le projet
conformément aux Lignes directrices.
Le 8 février 1991, le juge Muldoon, ayant noté
qu'une commission avait maintenant été constituée, a
accueilli la requête des Tetzlaff quant aux dépens. Il a
également ordonné d'apporter quelques corrections
au mandat de la nouvelle commission et a en outre
statué qu'il demeurerait saisi du litige. Cette ordon-
nance fait l'objet du deuxième des présents appels,
sous le numéro du greffe A-203-91.
Le 23 août 1991, les Tetzlaff ont présenté une autre
requête devant le juge Muldoon dans laquelle ils sol-
licitaient des directives précises sur la manière dont
la commission devait exécuter son mandat. Cette
requête devait être présentée le 11 septembre 1991.
Le 10 septembre 1991, la commission a remis son
rapport au ministre, si bien que ce dernier et Saskat-
chewan Water Corporation ont tous les deux
demandé à la Cour, à l'ouverture de l'audience du 11
septembre, de se déclarer incompétente puisque les
procédures dont elle était saisie n'avaient plus de rai-
son d'être.
Le 30 septembre 1991, le juge Muldoon a statué
que le rapport de la commission n'était «pas du tout
un rapport» et a rejeté l'objection fondée sur son
défaut de compétence [[ 1992] 1 C.F. 261]. Cette
ordonnance fait l'objet du troisième des présents
appels sous le numéro du greffe A-1010-91.
Numéro du greffe A-197-91
L'ordonnance du juge Muldoon doit manifeste-
ment être infirmée. Aucune des parties n'a tenté d'en
établir le bien-fondé devant nous, et cette ordonnance
ne saurait être maintenue. Elle est, à la fois, malvenue
et erronée, et elle crée des difficultés.
L'ordonnance est malvenue puisqu'il incombe à un
juge de première instance de suivre fidèlement les
décisions de la Cour d'appel, a fortiori lorsque la
décision est rendue dans la même cause ou affaire
dont le juge est saisi. En l'espèce, le juge a non seule-
ment violé la règle de stare decisis, il a également
enfreint la règle de l'autorité de la chose jugée puis-
que la qualité de Saskatchewan Water Corporation
avait été définitivement fixée aux fins de ce dossier
par l'ordonnance de cette Cour du 22 novembre
1990.
L'ordonnance du juge Muldoon était également
erronée. Manifestement, il croit sincèrement avoir
raison, peut-être même avec ferveur. Cependant, à
mon avis, il a incontestablement tort. Tout simple-
ment, il a tort dans la mesure où il semble croire que
seul un office fédéral peut agir à titre d'intimé dans
des procédures fondées sur l'article 18 (sauf dans les
procédures engagées contre le procureur général).
L'article 18 ne crée absolument aucune compétence à
l'égard de personnes, mais crée plutôt une compé-
tence d'attribution, à savoir la compétence de statuer
sur les décisions rendues par les offices fédéraux.
Dans bien des cas, les personnes qui composent ces
offices n'agissent pas nécessairement à titre de par
ties dans les procédures portées devant la Cour. Sou-
vent, elles ne sont même pas autorisées à le faire. Par
ailleurs, les parties à des procédures portées devant
un office fédéral ont toujours la qualité voulue pour
agir à ce titre (et sont généralement obligées de le
faire) lorsque ces procédures, ou la mesure à laquelle
elles donnent lieu, font l'objet d'une contestation fon-
dée sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
En l'espèce, les Tetzlaff sollicitaient une ordon-
nance de la nature d'un certiorari afin de faire annu-
ler une décision du ministre (un office fédéral), par
laquelle celui-ci a accordé un permis à Saskatchewan
Water Corporation sous le régime de la Loi sur les
ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau
internationaux. Conformément à l'article 18, la Sec
tion de première instance avait une compétence
ratione materiae en la matière. Saskatchewan Water
Corporation avait manifestement un intérêt dans ces
procédures puisque la validité de son permis était en
cause. Elle avait donc nécessairement, et garde tou-
jours, la qualité d'intimée dans ces procédures.
Enfin, en toute déférence, l'ordonnance dont il est
fait appel crée des difficultés. Personne ne l'a sollici-
tée. Elle ne fait pas évoluer le dossier. Au contraire,
elle empêche le litige de suivre son cours. Elle vient
contredire deux arrêts récents rendus par deux forma
tions différentes de juges de cette Cour. Elle allait
nécessairement être portée en appel et cet appel ne
pouvait qu'entraîner une dépense inutile de fonds
publics et privés. La Cour a perdu son temps et son
énergie, tout comme les parties. Soit dit en passant,
ces dernières, l'appelante et les intimés, n'ont per-
sonne à qui s'adresser pour recouvrer les frais inutile-
ment engagés. Avant de faire un geste si lourd de
conséquences, un juge devrait hésiter et se demander
sérieusement s'il est vraiment le seul à être dans le
vrai.
J'accueillerais l'appel et j'annulerais l'ordonnance
du ler février 1991. Je modifierais l'intitulé de la
cause de ces appels conformément au libellé qui pré-
cède les présents motifs. Il n'y a pas lieu d'adjuger de
dépens en l'instance.
Numéro du greffe A-203-91
Rappelons que cet appel est interjeté à l'encontre
de l'ordonnance du juge Muldoon du 8 février 1991.
Cette ordonnance a été rendue à la suite d'un avis de
requête déposé le 15 janvier 1991, dont la teneur a été
reproduite ci-dessus.
L'ordonnance du juge Muldoon est libellée en ces
termes:
1. LA COUR ORDONNE QUE dans la mesure où elles ne figurent
pas dans le mandat confié par l'intimé à la commission de trois
membres, soit John Archer, William J. Stolte et Roderick R.
Riewe, les modalités et les conditions suivantes, énoncées au
premier paragraphe de l'ordonnance de cette Cour prononcée
le 28 décembre 1989, conformément au Décret sur les lignes
directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en
matière d'environnement, devront en faire partie et y être ajou-
tées:
... (la) commission (a le mandat) de mener un examen
public de tous les effets importants et néfastes sur l'environ-
nement, incluant les répercussions importantes et les réper-
cussions modérées ne pouvant être atténuées par des moyens
technologiques connus, au sens mentionné dans le Volume I
du rapport technique préparé par Environnement Canada, au
mois d'août 1989, ce rapport faisant suite à l'évaluation ini-
tiale des effets environnementaux du projet de barrage Raf-
ferty-Alameda, une copie dudit Volume I étant jointe,
comme annexe «E» à l'affidavit de Kenneth A. Brynaert,
déposée au dossier de la Cour le 6 octobre 1989 sous le
numéro T-2102-89.
le tout ayant été confirmé par la Cour d'appel fédérale dans
son jugement unanime daté du 21 décembre 1990 (A-48-90),
sauf dans la mesure où l'une ou l'autre des fonctions susmen-
tionnées dont la commission est chargée a été remplie intégra-
lement, avec diligence et conformément à son mandat par les
membres de la commission qui ont démissionné en bloc le
12 octobre 1990, à moins qu'il ne soit nécessaire ou souhaita-
ble de mettre à jour les données, les recommandations et l'exa-
men public de l'ancienne commission en raison de leur désué-
tude ou parce que les travaux et les dossiers de l'ancienne
commission seraient inaccessibles à la commission et au
public.
2. LA COUR STATUE EN OUTRE qu'elle continuera de connaître de
toutes les demandes, inexécutions, prétentions ou autres ques
tions mettant en cause les parties à l'instance, l'intervenante,
leurs mandataires, leurs préposés et leurs entrepreneurs relati-
vement au projet de barrage Rafferty-Alameda susmentionné et
à toute question se rapportant au maintien en vigueur, à la sus
pension ou à l'annulation du permis du ministre à cet égard ou
aux conditions y afférentes. A ce titre, la Cour pourra être sai-
sie, au moyen d'un avis en bonne et due forme donné en temps
voulu par l'une ou l'autre des parties, des personnes physiques
ou morales, ou des entreprises appropriées susmentionnées ou
à toute personne intéressée, y compris l'intervenante, par voie
de contrôle judiciaire ou de recours extraordinaires, conformé-
ment au droit à l'equity.
3. LA COUR ORDONNE EN OUTRE à l'intimé et à l'intervenante de
payer les dépens de la présente demande, ainsi que les dépens
accessoires y afférents sur une base avocat-client, dès leur
taxation, chacun étant tenu de la moitié. [Dossier d'appel
(A-203-91), aux pages 49 et 501
L'appelante plaide que le juge Muldoon était des-
saisi de l'affaire et qu'il n'avait pas la compétence
voulue pour rendre quelque ordonnance que ce soit le
8 février 1991. Essentiellement, l'appelante soutient
que la requête avait été présentée dans le cadre des
procédures fondées sur l'article 18 que les Tetzlaff
avaient intentées à l'origine et que ces procédures
avaient fait l'objet d'un jugement définitif qui y met-
tait fin, grâce à l'ordonnance du juge Muldoon du 28
décembre 1989, confirmée par le jugement de cette
Cour du 21 décembre 1991. Je ne suis pas de cet avis.
Dans un sens, il est vrai que l'ordonnance rendue
par le juge Muldoon le 28 décembre 1989 mettait fin
aux procédures fondées sur l'article 18. Cependant,
rappelons que cette ordonnance obligeait le ministre
à constituer une commission chargée d'entreprendre
un examen public du projet, à défaut de quoi le per-
mis délivré à Saskatchewan Water Corporation allait
être annulé. Bien que le ministre se soit conformé en
temps voulu à l'ordonnance qui le chargeait de cons-
tituer une commission, la démission ultérieure des
membres de la commission, le 12 octobre 1990, a eu
pour effet d'invalider cette mesure. Lorsque les
Tetzlaff ont présenté leur requête trois mois plus tard,
l'ordonnance originale avait été confirmée par cette
Cour et le ministre n'avait apparemment rien fait de
plus pour s'y conformer de nouveau et constituer une
autre commission pour terminer l'examen public.
Dans ce cas, j'estime qu'il était tout à fait loisible aux
Tetzlaff de s'adresser à la Cour pour demander, en
fait, un renouvellement de l'ordonnance déjà rendue
dans le même dossier. Toutefois, une telle demande
aurait dû être adressée à la Cour et non au juge Mul-
doon en particulier, comme semblent l'avoir fait les
requérants dans le paragraphe introductif du présent
avis de requête. Il appartient à la Cour, et non aux
parties, de décider quel juge connaîtra d'une affaire
donnée.
Lorsque le juge Muldoon était sur le point de ren-
dre son ordonnance du 8 février 1991, la situation
avait changé encore une fois: en effet, trois jours
auparavant, le ministre avait enfin constitué une nou-
velle commission pour entreprendre l'examen. Le
premier paragraphe de l'ordonnance du juge Mul-
doon, qui a simplement pour effet d'assurer que le
mandat de la nouvelle commission ne sera pas moins
large que celui de l'ancienne, était, dans ce cas, tout à
fait approprié.
À mon avis, il en va de même du troisième para-
graphe, dans lequel la Cour a ordonné au ministre et
à Saskatchewan Water Corporation de payer les
dépens des Tetzlaff sur une base avocat-client. Il
s'agissait véritablement d'un cas où l'ordonnance
avait été respectée au tout dernier moment, si bien
qu'il était tout à fait loisible au juge Muldoon d'exer-
cer son pouvoir discrétionnaire en matière de dépens
comme il l'a fait.
Il en va tout autrement du deuxième paragraphe de
l'ordonnance portée en appel. Dans ses motifs de
l'ordonnance, le juge Muldoon a mentionné à deux
reprises qu'il y avait lieu, selon lui, d'assurer un con-
trôle permanent. Il s'est exprimé en ces termes:
Vu le jugement de la Section d'appel, parce que le ministre a
constitué la commission conformément à la loi, et ce, avant
que la Cour ne prononce une ordonnance en l'espèce, il n'y a
plus vraiment de litige entre les parties pour justifier l'ordon-
nance, sauf en ce qui a trait aux dépens en l'instance et une
disposition en vue d'assurer un contrôle permanent, selon les
termes qui seront précisés plus loin. [Dossier d'appel (A-203-
91), à la page 45.]
Le juge a ajouté ce qui suit:
En l'instance, la Cour donnera les directives qui auraient dû
être données dans l'ordonnance, par opposition aux motifs de
la Cour du 28 décembre 1989. La façon de procéder est main-
tenant plus claire grâce au jugement de la Cour d'appel. La
Cour demeure compétente à l'égard de la présente affaire, des
parties en l'instance et de Sask Water dans la mesure où une
intervenante peut être liée, du permis en cause et du projet Raf-
ferty-Alameda, tel qu'il est formulé actuellement, y compris
les exigences de la LODACEI, de manière à ce que les parties,
de même que Sask Water, si elle choisit de se porter requé-
rante, puissent, sur avis dûment donné à toutes les parties et
intervenantes intéressées, s'adresser encore à la Cour pour
obtenir la réparation que celle-ci estime juste et légitime, si la
charge de commission d'examen environnemental devenait
vacante, soit entièrement, soit à défaut de quorum, avant que la
commission ne s'acquitte de ses fonctions en présentant son
rapport. Le jugement de la Cour d'appel a l'autorité de la
chose jugée à l'égard des parties en l'instance et de Sask
Water. [C'est moi qui souligne.] [Dossier d'appel (A-203-91),
à la page 46.]
La partie soulignée révèle très clairement, à mon
avis, ce qui préoccupait, à juste titre, le juge Mul-
doon. Il venait de vivre une série d'événements au
cours desquels, d'une part, les membres de la pre-
mière commission avaient démissionné, et, d'autre
part, le ministre avait dû être traîné, au sens figuré,
jusqu'à la porte de la salle d'audience avant de cons-
tituer une deuxième commission. Il fallait donc
empêcher que ne soit contrecarrée, une fois de plus,
l'ordonnance que la Cour avait rendue à l'origine, le
28 décembre 1989.
Cependant, l'ordonnance du juge Muldoon n'avait
aucune commune mesure avec le problème exposé
dans les motifs. Par souci de commodité, je reproduis
de nouveau le deuxième paragraphe de cette ordon-
nance:
2. LA COUR STATUE EN OUTRE qu'elle continuera de connaître de
toutes les demandes, inexécutions, prétentions ou autres ques
tions mettant en cause les parties à l'instance, l'intervenante,
leurs mandataires, leurs préposés et leurs entrepreneurs relati-
vement au projet de barrage Rafferty-Alameda susmentionné et
à toute question se rapportant au maintien en vigueur, à la sus
pension ou à l'annulation du permis du ministre à cet égard ou
aux conditions y afférentes. À ce titre, la Cour pourra être sai-
sie, au moyen d'un avis en bonne et due forme donné en temps
voulu par l'une ou l'autre des parties, des personnes physiques
ou morales, ou des entreprises appropriées susmentionnées ou
à toute personne intéressée, y compris l'intervenante, par voie
de contrôle judiciaire ou de recours extraordinaires, conformé-
ment au droit ou à l'equity.
Voilà qui a une portée vraiment stupéfiante. En
effet, le juge affirme avoir compétence à l'égard de
questions dont la Cour n'est pas saisie à l'époque et
de personnes qui ne sont pas alors parties à l'ins-
tance, sans égard à la portée limitée de la demande
fondée sur l'article 18 présentée à l'origine, qui visait
uniquement la constitution d'une commission pour se
conformer aux Lignes directrices et l'annulation du
permis si elles n'étaient pas respectées.
Dans son ordonnance, le juge Muldoon semble
également avoir voulu dire (et les parties l'ont certai-
nement entendu ainsi) qu'il était personnellement
saisi de l'affaire et que toutes les demandes ulté-
rieures qui pouvaient s'ensuivre ne devaient être
adressées qu'à lui seul. Un juge ne saurait prescrire
de telles modalités dans une ordonnance de la Cour,
quoiqu'elles peuvent être établies, dans les cas appro-
priés, par voie d'une simple directive administrative.
Cette distinction n'est pas purement théorique: en
effet, une ordonnance revêt un caractère obligatoire
et ne peut être réformée que par une autre ordon-
nance ou en appel. Par ailleurs, une directive peut
avoir le même effet pratique mais donne à la Cour, et
particulièrement au juge en chef, la souplesse néces-
saire pour traiter les affaires qui lui sont soumises.
J'ajouterais qu'à mon avis, il n'est même pas sou-
haitable, en l'espèce, qu'un seul juge continue de
contrôler les procédures. Je répète que la demande
fondée sur l'article 18 présentée à l'origine était
d'une portée relativement limitée et qu'elle avait été
d'abord traitée par la première ordonnance du juge
Muldoon, rendue le 28 décembre 1989. Ce n'est que
la démission fortuite et extraordinaire des membres
de la première commission, ainsi que la réticence du
ministre à en constituer une deuxième qui ont rendu
nécessaire l'institution de procédures supplémen-
taires. La compétence de la Cour qui lui permet de
connaître de ces procédures peut être commodément
qualifiée de compétence de contrôler sa propre procé-
dure et de veiller à ce que ses ordonnances soient res-
pectées. Aucune ordonnance n'est nécessaire pour
investir la Cour d'une telle compétence.
J'estime également que celui qui est le mieux à
même de faire respecter une ordonnance de la Cour
n'est pas nécessairement le juge qui l'a rendue à
l'origine. En effet, si son ordonnance est entachée de
quelque défaut ou de quelque lacune, le juge risque
de ne pas les remarquer ou de donner à ses propres
mots une interprétation que ne justifie pas le libellé.
Au fond, cette question relève de l'exercice judicieux
d'un pouvoir discrétionnaire et si j'ajoute ce com-
mentaire, c'est simplement pour souligner qu'il
n'était aucunement nécessaire d'adresser la demande
du 15 janvier 1991 au juge Muldoon personnelle-
ment.
J'accueillerais l'appel, je radierais le paragraphe 2
de l'ordonnance du 8 février 1991 et je renumérote-
rais les paragraphes suivants. Puisque l'appelante n'a
eu gain de cause en appel qu'en partie, je ne rendrais
aucune ordonnance quant aux dépens devant cette
Cour. Il n'y a pas lieu de modifier l'adjudication des
dépens en première instance.
Numéro du greffe A-1010-91
Cet appel intéresse l'ordonnance du juge Muldoon
du 30 septembre 1991. Rappelons que cette ordon-
nance a été rendue à la suite d'un avis de requête
déposé par les Tetzlaff le 23 août 1991. L'ordonnance
portait principalement sur une objection préliminaire
soulevée par le ministre et Saskatchewan Water Cor
poration, fondée sur le fait que la deuxième commis
sion avait présenté son rapport le 10 septembre 1991.
La teneur de la requête du 23 août 1991 mérite d'être
citée:
[TRADUCTION] SACHEZ QUE, conformément aux motifs de l'or-
donnance de M. le juge Muldoon dans cette affaire en, date du
8 février 1991, les requérants présenteront une requête devant
M. le juge Muldoon, à la Cour fédérale du Canada, à Winnipeg
(Manitoba), le mercredi 11 septembre 1991, à 10:00 heures, ou
aussitôt que leur avocat pourra être entendu par la suite, en vue
d'obtenir ce qui suit:
1. Une ordonnance forçant le respect de l'ordonnance rendue
le 8 février 1991 (1'«ordonnance»), notamment
a) Une directive selon laquelle la commission composée de
trois membres, à savoir John Archer, William J. Stolte et
Roderick R. Riewe (la «commission») doit, au cours de
l'examen public qu'elle doit entreprendre comme l'exige
l'ordonnance (l'«examen public»), déterminer si le projet
de barrage Rafferty-Alameda (la «proposition») est «com-
patible avec le développement rationnel des ressources et
de l'économie du Canada», conformément à l'alinéa 6h)
du Règlement sur l'amélioration des cours d'eau interna-
tionaux;
b) Une directive selon laquelle la commission doit exiger que
l'intervenante dépose l'énoncé des incidences environne-
mentales (l'«t✓IE») et des documents à l'appui, comme le
prévoit l'alinéa 34a du Décret sur les lignes directrices
visant le processus d'évaluation et d'examen en matière
d'environnement, DORS/84-467, que l'intimé s'assure que
l'intervenante s'acquitte de cette responsabilité, comme
l'exige l'alinéa 33(1)a de ce décret, et que la commission
établisse les directives appropriées prévues au paragraphe
30(1) de celui-ci;
c) Une directive selon laquelle l'ÉIE contient une «analyse
économique des avantages directs et indirects et des frais
que comporte effectivement» la proposition et qui résulte-
ront de ladite proposition, selon l'alinéa 6g) du Règlement
sur l'amélioration des cours d'eau internationaux (1' «ana-
lyse avantages-coûts»), cette analyse avantages-coûts
devant comprendre une analyse des coûts directs et indi-
rects de la proposition dans les domaines de compétence
fédérale comme dans les domaines de compétence provin-
ciale, et une analyse des avantages en matière d'agriculture
et de récréation de la proposition compte tenu des éléments
de preuve présentés à la commission, notamment des élé-
ments de preuve portant sur le taux d'évaporation des
réservoirs projetés;
d) Une directive selon laquelle le requérant peut examiner
l'ÉIE, y compris l'analyse avantages-coûts, et produire des
éléments de preuve pertinents à la commission;
e) Une directive générale selon laquelle la commission ne
doit pas entreprendre son examen public en tenant pour
acquis que la proposition sera construite et maintenue à
titre d'ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau
internationaux sous le régime de la Loi sur les ouvrages
destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux,
L.R.C. (1985), chap. 1-20 (la «LODACEI»), pour se can-
tonner donc dans son mandat d'atténuation des effets envi-
ronnementaux de la proposition, mais elle doit, au lieu de
cela, entreprendre son examen public aux fins de détermi-
ner si la proposition est compatible avec le développement
rationnel des ressources et de l'économie du Canada, et si
elle devrait être construite et maintenue à titre d'ouvrage
destiné à l'amélioration d'un cours d'eau international;
et toute autre directive que la Cour jugera appropriée; [C'est
moi qui souligne.] [Dossier d'appel (A-1010-91), Vol. 1, aux
pages 0001 à 0003.]
À mon avis, il est clair que cet avis de requête est
directement attribuable au libellé excessivement large
du paragraphe 2 de l'ordonnance du 8 février 1991.
En effet, absolument rien d'autre ne pourrait justifier
qu'une partie invite la Cour, ou que celle-ci accepte,
dans le contexte de la demande originale fondée sur
l'article 18, de statuer sur les questions suivantes:
1) la manière dont la commission devait entreprendre son exa-
men;
2) les questions qu'elle devait examiner (autres que celles qui
étaient précisées dans les Lignes directrices);
3) les documents que devaient déposer les parties;
4) la procédure à suivre.
Rappelons que la demande originale et l'ordon-
nance rendue en conséquence ne portaient que sur la
constitution d'une commission. La portée de la
requête dépasse largement la question de faire respec-
ter cette ordonnance et, de fait, elle n'a vraiment rien
à voir avec cette question. Comme le juge Muldoon
l'a lui-même affirmé à juste titre dans ses motifs au
soutien de l'ordonnance du 8 février 1991, «parce
que le ministre a constitué la commission ... , il n'y
a plus vraiment de litige entre les parties pour justi-
fier l'ordonnance». Cette requête a donné lieu à un
litige tout à fait nouveau et a soulevé une nouvelle
série de questions.
Les événements en l'espèce illustrent bien en quoi
il peut être dangereux de permettre des procédures
aussi générales que celles qui sont prévues au para-
graphe 2 de l'ordonnance du 8 février 1991. Lorsque
la requête des Tetzlaff du 23 août 1991 a été présen-
tée le 11 septembre 1991, le ministre et Saskatche-
wan Water Corporation ont présenté une objection
préliminaire fondée sur le dépôt du rapport de la
seconde commission le jour précédent. Le juge Mul-
doon, après avoir entendu les plaidoiries relatives à
l'objection préliminaire, a pris l'affaire en délibéré et,
le 30 septembre 1991, il a rendu l'ordonnance qui fait
l'objet du présent appel. Le premier paragraphe de
cette ordonnance est libellé en ces termes:
I. LA COUR ORDONNE que le document, dont une copie constitue
une pièce dans les présentes procédures, présenté à l'intimé le
10 septembre 1991 par ladite commission, n'est pas du tout un
rapport prévu à la Loi sur les ouvrages destinés à l'améliora-
tion des cours d'eau internationaux, L.R.C. (1985), chap. l-20,
au Règlement sur l'amélioration des cours d'eau internatio-
naux, C.R.C. 1978, chap. 982, ou au Décret sur les lignes
directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en
matière d'environnement, DORS/84-467, 11-7-84, Gazette du
Canada Partie II, vol. 118, N°14, et découlant de l'effet con-
jugué de tous ces textes; [Dossier d'appel (A-1010-91), Vol. II,
à la page 0457.]
Cette ordonnance va beaucoup trop loin. En effet,
le rapport de la commission n'a jamais fait l'objet
d'une contestation officielle au cours des procédures.
Pourtant, la Cour se permet de déclarer qu'il «n'est
pas du tout un rapport». Que doit faire maintenant la
commission, qui n'était même pas partie à l'instance?
Et que doit faire le ministre qui, lui y était partie? Il
s'est conformé à l'ordonnance précédente de la Cour
et a chargé une commission d'examiner la question
exactement comme la Cour le lui avait demandé.
Doit-il constituer une troisième commission? Ou
doit-il plutôt demander à la commission précédente
de réexaminer son rapport ou de le compléter? Et que
faire si elle refuse, en affirmant à juste titre qu'elle a
fait exactement ce qu'elle a été chargée de faire?
À mon avis, la Cour aurait tout simplement dû
refuser d'entendre la requête du 23 août 1991. Elle ne
soulevait aucune question relative au respect ou à
l'exécution de l'ordonnance du 28 décembre 1989. À
mon avis, telles étaient les seules questions qui
auraient pu, à juste titre, être soulevées dans le con-
texte du litige dont la Cour avait jusque là été saisie.
Bien entendu, il ne s'ensuit pas que d'autres ques
tions sérieuses ne sont pas susceptibles de se poser en
ce qui a trait à la procédure suivie par la commission,
ou en ce qui a trait au rapport entre l'examen public
ordonné en vertu des Lignes directrices et les exi-
gences de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélio-
ration des cours d'eau internationaux et les règle-
ments d'application. Ces questions sont différentes de
celles qui ont été soulevées dans la demande fondée
sur l'article 18 présentée à l'origine par les Tetzlaff.
Tout litige à leur sujet devra faire l'objet d'une autre
instance, le cas échéant.
Devant nous, les parties ont fait valoir de nom-
breux arguments sur le bien-fondé des questions sou-
levées dans l'avis de requête des Tetzlaff du 23 août
1991. Cependant, puisqu'à mon avis, ces questions
ne relevaient pas de la compétence du juge Muldoon,
il me semble inopportun de les commenter. Si ces
questions devaient être soumises à la Cour dans le
cadre d'une instance appropriée, je m'attendrais à ce
que le juge Muldoon, s'étant déjà prononcé à leur
sujet, veuille à juste titre décliner toute compétence.
J'accueillerais l'appel et l'appel reconventionnel
avec dépens. J'annulerais l'ordonnance du 30 sep-
tembre 1991 et je rejetterais la demande du 23 août
1991 avec dépens.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
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