T-170-92
Société canadienne des postes (requérante)
c.
Ronald Pollard et Douglas C. Stanley, arbitre
désigné en vertu de l'article 240 de la partie III du
Code canadien du travail (intimés)
RÉPERTORIÉ' SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES C. POLL4RD
(ire INST.)
Section de première instance, juge MacKay—Ottawa,
2 et 30 mars 1992.
Fonction publique — Relations du travail — Demande en
vue de l'obtention d'un certiorari annulant la décision rendue
par l'arbitre à l'égard de la question de la compétence ainsi
qu'en vue de l'obtention d'un bref de prohibition et d'une
injonction interlocutoire — Plainte de congédiement injuste
déposée par l'intimé qui, au moment du congédiement, était
membre d'une unité de négociation se livrant à une grève
légale pendant qu'aucune convention collective n'était en
vigueur — Il a été mis fin à l'emploi de l'intimé en raison de
fautes de conduite pendant la grève — Un arbitre a été désigné
par le ministre en vertu de l'art. 242 du Code canadien du tra
vail pour trancher la plainte — L'arbitre a conclu que l'intimé
n'était pas exclu en vertu de l'art. 240(1)b) du Code et que
l'art. 242(3./)b) n'empêchait pas le dépôt de la plainte — Les
conclusions n'étaient pas manifestement déraisonnables — Les
deux questions relevaient de la compétence de l'arbitre.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Demande en
vue de l'obtention d'un certiorari annulant la décision rendue
par l'arbitre â l'égard d'une plainte de congédiement injuste
ainsi qu'en vue de l'obtention d'un bref de prohibition et d'une
injonction interlocutoire — Le contrôle judiciaire peut être
demandé malgré l'existence d'une clause privative, lorsque la
compétence est en cause — Le critère de contrôle qui s'ap-
plique aux questions en litige consiste à déterminer si les con
clusions tirées par l'arbitre sont manifestement déraisonnables
— Examen de la jurisprudence concernant le critère s'appli-
quant à la révision judiciaire des questions de compétence.
Interprétation des lois — Il s'agit de savoir si l'art. 240(/)b)
du Code canadien du travail se rapporte au moment où le con-
gédiement a eu lieu ou au moment du dépôt de la plainte — Le
droit prévu par l'art. 240 est en cause, et non le droit â un
redressement pour un congédiement injuste reconnu en coin-
mon law — La question dépend de l'interprétation de la loi —
Le législateur voulait assurer aux employés relevant de sa
compétence législative la possibilité d'exercer un recours, sous
réserve d'exceptions précises — L'arbitre a interprété correc-
tement l'art. 240(1)b) en concluant que celui-ci se rapportait à
la date du congédiement et en concluant qu'aucune convention
collective n'était en vigueur au moment pertinent — La possi-
bilité que le législateur modifie éventuellement la loi n'est pas
une considération primordiale lorsqu'il s'agit d'interpréter la
loi.
Il s'agissait d'une demande présentée en vertu de l'article 18
de la Loi sur la Cour fédérale en vue de l'obtention d'un bref
de certiorari annulant la décision par laquelle l'arbitre intimé
avait conclu qu'il avait compétence pour trancher la plainte
déposée par l'intimé Ronald Pollard conformément à l'ar-
ticle 240 du Code canadien du travail; la demande visait égale-
ment à l'obtention d'un bref de prohibition et d'une injonction
interlocutoire visant à empêcher l'arbitre de trancher la plainte
tant que cette Cour n'aurait pas rendu de décision. Pollard était
employé de la requérante, Postes Canada, lorsque le syndicat
(l'AFPC) a déclenché une grève légale le 24 août 1988. Une
semaine plus tard, il a été mis fin à son emploi en raison de
fautes de conduite commises pendant la grève. Postes Canada
et le syndicat ont conclu un protocole prévoyant le retour au
travail le 14 septembre, mais Pollard n'est pas retourné travail-
ler car il n'était plus employé. L'intimé a subséquemment
déposé des griefs auprès de Postes Canada, ainsi qu'une
plainte fondée sur l'article 240 du Code canadien du travail,
dans laquelle il alléguait avoir été injustement congédié. Le
Conseil canadien des relations du travail, auprès duquel
l'AFPC avait déposé une demande, a conclu qu'aucune con
vention collective n'était en vigueur lorsque les événements
s'étaient apparemment produits et que Pollard avait été congé-
dié, mais qu'une convention était en vigueur au moment du
dépôt des griefs. Après qu'il eut tenté en vain de faire valoir sa
cause devant l'arbitre et le Conseil canadien des relations du
travail, Pollard a décidé de donner suite à la plainte de congé-
diement injuste. L'arbitre, désigné par le ministre conformé-
ment à l'article 242 du Code, a conclu qu'il avait compétence
et que Pollard n'était pas exclu des dispositions du Code con-
cernant le congédiement injuste. Cette décision a donné lieu à
la demande de contrôle judiciaire.
Il s'agissait de savoir si l'arbitre avait eu raison de conclure
qu'il avait compétence et que Pollard n'était pas exclu en vertu
de l'alinéa 240(1)b) parce qu'il «faisait partie d'un groupe
d'employés régis par une convention collective» au moment
pertinent, soit à la date du congédiement, et que l'alinéa
242(3.1)G) n'empêchait pas le dépôt de la plainte car ni le
Code ou ni une autre loi fédérale ne prévoyaient un autre
recours.
Jugement: la demande devrait être rejetée.
Il est bien établi que les questions de compétence comme
celles qui sont ici en cause sont susceptibles de contrôle judi-
ciaire malgré le libellé d'une clause privative. Par conséquent,
l'article 243 du Code, qui dit que l'ordonnance de l'arbitre
désigné pour examiner une plainte de congédiement injuste est
définitive et n'est pas susceptible de contrôle judiciaire, ne
s'applique pas en l'espèce. Une question préliminaire que la
Cour doit trancher porte sur le critère qu'il convient d'appli-
quer lorsqu'il s'agit d'examiner les deux questions soulevées
par Postes Canada. Si le législateur voulait laisser l'arbitre
trancher la question, la décision de ce dernier ne serait pas
annulée à moins d'être manifestement déraisonnable; en effet,
l'arbitre n'est réputé avoir outrepassé sa compétence qu'en
pareil cas. Toutefois, si le législateur est réputé avoir fixé une
limite à la compétence de l'arbitre, une simple erreur de la part
de celui-ci justifie l'annulation de sa décision. Quant à l'argu-
ment que la requérante a invoqué au sujet des répercussions de
l'objet de la partie I du Code, il peut être vrai que, une fois que
l'accréditation est accordée, l'agent négociateur devient titu-
laire des droits de tous les membres de l'unité de négociation
par rapport à l'employeur, et que, implicitement, le membre
d'une unité de négociation n'a pas le droit de présenter une
demande fondée sur le congédiement injuste s'il est congédié
pour des motifs disciplinaires pendant la grève. Toutefois, il ne
s'ensuit pas nécessairement, compte tenu de cela, ou des res-
ponsabilités continues de l'agent négociateur et de l'employeur
pendant la grève, que l'employé individuel n'a aucun droit par
rapport à l'employeur. Le droit ici en litige n'est pas le droit à
un redressement pour congédiement injuste reconnu en com
mon law, mais le droit prévu à l'article 240 et dans les disposi
tions subséquentes du Code, question qui dépend de l'interpré-
tation de la loi.
La partie Ill du Code est destinée à établir les normes mini-
males qui s'appliquent à toutes les relations employeur-
employé relevant de la compétence législative fédérale, cer-
taines exceptions étant expressément énoncées, particulière-
ment à l'article 167. Les dispositions du Code concernant le
congédiement injuste prévoient une procédure plus simple,
plus rapide et moins coûteuse que l'action au civil en vue de
l'obtention d'un redressement. En outre, les redressements pré-
vus et, en particulier la réintégration dans un emploi, ne relè-
vent pas de la compétence des tribunaux. Les exceptions en ce
qui concerne les personnes ou les plaintes à l'égard desquelles
l'arbitre ne peut pas rendre de décisions en matière de congé-
diement injuste sont énumérées dans la partie III du Code. Le
fait qu'avec le temps la portée des exceptions a été diminuée
montre que le législateur voulait mettre ces recours à la dispo
sition des employés relevant de sa compétence législative sous
réserve uniquement des exceptions expressément prévues. À
l'exception de la décision visée par le paragraphe 167(3), lors-
qu'il s'agit de savoir si une personne occupe le poste de direc-
teur, toutes les autres exclusions prévues par les paragraphes
240(1), (2) et 242(3.1) sont des questions à l'égard desquelles
l'arbitre est habilité à rendre une décision qui sera annulée uni-
quement si ce dernier a commis une erreur manifestement
déraisonnable. Cette conclusion est fondée sur deux motifs: la
structure du Code et les procédures énoncées aux articles 240 à
245. L'emploi du mot «peut» au paragraphe 242(1) laisse
entendre l'existence d'un pouvoir discrétionnaire, mais le pou-
voir discrétionnaire du ministre est restreint, sauf dans le cas
évident d'une exception où les facteurs d'exclusion ne sont pas
contestés. Le Code ne prévoit aucun motif permettant au
ministre d'exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de
désigner un arbitre; si le ministre refusait d'agir, sa décision
serait assujettie au contrôle judiciaire. La procédure est desti
née à éviter qu'un recours civil soit exercé.
Le critère de révision des deux questions litigieuses consiste
à déterminer si les conclusions que l'arbitre a tirées lorsqu'il a
interprété les dispositions du Code relatives à la plainte dépo-
sée par l'intimé étaient manifestement déraisonnables. Quant à
la première question, soit l'interprétation de l'alinéa 240(1)b),
la conclusion de l'arbitre, selon laquelle Pollard n'était pas
exclu par cette disposition, n'était pas manifestement déraison-
nable. De fait, l'arbitre a eu raison d'interpréter l'alinéa
240(1)b) comme se rapportant au moment où le congédiement
avait eu lieu et non au moment du dépôt de la plainte, et de
conclure qu'aucune convention collective n'était en vigueur
lorsque Pollard avait été congédié. Le fait que l'article 240
peut uniquement être interprété comme se rapportant à la date
du congédiement est compatible avec les décisions rendues par
la Cour fédérale dans les affaires Lee-Shanak c. Banque Nazio-
nale del Lavoro du Canada, et Banque canadienne impériale
de commerce c. Batenwn, où la Cour a examiné les fonctions
exercées par le plaignant au moment de son congédiement pour
déterminer s'il occupait le «poste de directeur» et, par consé-
quent, s'il était exclu en vertu du paragraphe 167(3); cela est
également compatible avec l'application judicieuse de l'alinéa
242(3.1)a). Quant à la décision rendue par l'arbitre au sujet de
la seconde question, soit l'application de l'alinéa 242(3.1)6), la
conclusion de celui-ci, à savoir que Pollard n'était pas exclu
parce que sa plainte n'était pas une plainte à l'égard de laquelle
le Code ou une autre loi prévoyait un autre recours, n'était pas
manifestement déraisonnable. Cette conclusion était compati
ble avec les faits et le but de la disposition. La possibilité que
le législateur modifie éventuellement la loi n'est pas une consi-
dération primordiale lorsqu'il s'agit d'interpréter la loi qui,
conformément à l'article 10 de la Loi d'interprétation, «a
vocation permanente». La loi doit avoir un sens compte tenu
de la situation et notamment des dispositions législatives qui
existent au moment où elle est interprétée et appliquée. Les
autres recours qui, selon la requérante, peuvent être exercés par
Pollard en vertu des articles 37 et 94 du Code ne permettent
pas de régler la question du congédiement injuste découlant
d'une présumée faute de conduite. L'arbitre a eu raison de con-
clure que les articles 94 et 97 ne prévoient pas de procédure de
redressement lorsqu'il est jugé que l'employeur a injustement
congédié un employé. Il n'est pas essentiel de déterminer
d'une façon définitive ce que les mots «la présente loi ou une
autre loi fédérale prévoit un autre recours» qui figurent à l'ali-
néa 242(3.1)b) sont réputés inclure. En appréciant les faits et le
droit pertinents pour l'application des exclusions énoncées
dans la partie Ill du Code, la Cour ne doit pas intervenir pour
modifier la conclusion de l'arbitre à moins que cette dernière
ne soit manifestement déraisonnable. La conclusion tirée par
l'arbitre, à savoir que ni le Code ni une autre loi ne prévoyaient
un autre recours, n'est pas manifestement déraisonnable.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 37,
67(4), 94(1)a),(3)a)(i),(vi), 97(1)a),(2), 99 (mod. par
L.C. 1991, ch. 39, art. 3), 167 (mod. par L.R.C. (1985)
(Ier suppl.), ch. 9, art. 5), 189 (mod. idem, art. 7), 240
(mod. idem, art. 15), 241, 242 (mod. idem, art. 16),
243, 244, 245, 246, 247.
Code canadien du travail (Normes), S.C. 1964-65, ch. 38.
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, ch. L-1, art. 158
(mod. par S.C. 1972, ch. 18, art. I).
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), ch. 1-21, art. 10.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18
(mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 4), 18.1 (édicté idem,
art. 5).
Loi sur les relations de travail dans la fonction publique,
L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 92(1)b), Annexe I, Partie
11 (mod. par DORS/85-361; DORS/86-961; L.R.C.
(1985) (3e suppl.), ch. 18, art. 41; DORS/87-644;
L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 7, art. 8; L.C. 1991, ch. 6,
art. 25).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Banque canadienne impériale de commerce c. Bateman
(1991), 91 CLLC 14,028; 42 F.T.R. 218 (C.F. ire inst.);
Sedpex, Inc. c. Canada (Arbitre nommé sous le régime du
Code canadien du travail), [1982] 2 C.F. 289; (1988), 34
Admin. L.R. 23; 25 F.T.R. 3 (Irc inst.); Lee-Shanok c.
Banque Nazionale del Lavoro du Canada, [1987] 3 C.F.
578; (1987), 26 Admin. L.R. 133; 76 N.R. 359 (C.A.);
U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048;
(1988), 35. Admin. L.R. 153; 95 N.R. 161.
DÉCISIONS CITÉES:
Caimaw c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983;
(1989), 62 D.L.R. (4th) 437; [1989] 6 W.W.R. 673; 102
N.R. 1; Island Telephone Co. Ltd. c. Canada (Ministre du
Travail), T-1401-91, juge MacKay, jugement en date du
30-9-91, C.F. lfe inst.; non encore publié.
DEMANDE présentée en vertu de l'article 18 de la
Loi sur la Cour fédérale en vue de l'obtention d'un
bref de certiorari annulant la décision de l'arbitre
intimé, ainsi qu'en vue de l'obtention d'un bref de
prohibition et d'une injonction interlocutoire empê-
chant l'arbitre de trancher la plainte tant que la Cour
n'aura pas rendu sa décision. Demande rejetée.
AVOCATS:
John A. Coleman pour la requérante.
David Migicovsky pour l'intimé Ronald Pollard.
PROCUREURS:
Ogilvy Renault, Montréal, pour la requérante.
Perley-Robertson, Panet, Hill & McDougall,
Ottawa, pour l'intimé Ronald Pollard.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE MACKAY: Il s'agit d'une demande fondée
sur l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C.
(1985), ch. F-7. La demande, en date du 20 janvier
1992, est libellée conformément à l'article 18, qui
s'appliquait avant que la modification effectuée par
L.C. 1990, ch. 8, article 4, n'entre en vigueur le
ler février 1992. Il n'y est pas fait mention de l'ar-
ticle 18.1 de la Loi qui a été inséré par l'article 5 de
cette loi modificatrice, lequel prévoyait le contrôle
judiciaire. Pourtant, la réparation demandée est la
même que celle qui est prévue au paragraphe 18(1)
de la nouvelle Loi et la requête satisfait aux exi-
gences des dispositions concernant le contrôle judi-
ciaire.
La requérante demande notamment que soit
décerné un bref de certiorari ou une ordonnance de
cette nature annulant la décision en date du 5 janvier
1992 dans laquelle l'arbitre intimé, Douglas C. Stan-
ley (]'«arbitre»), a conclu qu'il avait compétence
pour trancher la plainte déposée par l'intimé Ronald
Pollard («Pollard») conformément à l'article 240
[mod. par L.R.C. (1985) (ler suppl.), ch. 9, art. 15] du
Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2,
dans sa forme modifiée (le «Code»). Elle demande
également la délivrance d'un bref de prohibition ou
d'une ordonnance de cette nature empêchant l'arbitre
de trancher la plainte ainsi que d'une injonction inter-
locutoire ou d'une ordonnance de suspension empê-
chant l'arbitre de trancher la plainte tant que cette
Cour n'aura pas rendu de décision.
La question en litige porte sur l'application de la
section XIV de la partie III du Code [art. 240 à 247],
qui porte sur la plainte de congédiement injuste dépo-
sée par une personne qui, au moment du congédie-
ment, était membre d'une unité de négociation se
livrant à une grève légale pendant laquelle aucune
convention collective ne réglementait les relations
employeur-employés. Au moment du congédiement,
une convention antérieure avait expiré et l'employeur
avait fait savoir que les conditions de celle-ci ne s'ap-
pliqueraient pas pendant la grève.
Les faits
Les faits ne sont pas contestés. L'intimé Pollard
était employé de la requérante («Postes Canada»)
ainsi que membre et représentant d'une unité de
négociation dûment accréditée, représentée par l'Al-
liance de la Fonction publique du Canada
(1'«AFPC»), lorsque le syndicat a déclenché une
grève légale le 24 août 1988. Dans une lettre en date
du 23 août, Postes Canada a informé le syndicat que
la convention collective qui était auparavant en
vigueur ne régirait pas les conditions de travail pen
dant la grève, qui devait être déclenchée le lende-
main. À la place de cette convention, l'employeur a
énoncé les conditions essentielles qui s'applique-
raient tant que Postes Canada ne signifierait pas un
autre avis ou tant qu'une nouvelle convention collec
tive ne serait pas conclue.
Le 31 août 1988, il a été mis fin à l'emploi de l'in-
timé Pollard auprès de Postes Canada en raison de
présumées fautes de conduite qu'il aurait commises
pendant la grève, les 27 et 29 août.
Postes Canada et l'AFPC ont conclu un protocole
de retour au travail mettant fin à la grève et prévoyant
le rétablissement de l'ancienne convention collective
au moment du retour au travail, le 14 septembre, ainsi
que l'entrée en vigueur, le 25 septembre 1988, d'une
nouvelle convention collective négociée.
Aucune disposition n'a été prise dans le protocole
de retour au travail ou dans la nouvelle convention
collective, qui n'étaient pas rétroactifs, pour que l'in-
timé Pollard, dont l'emploi avait pris fin, retourne au
travail. Ce dernier n'est pas retourné travailler le
14 septembre car il n'était plus employé par Postes
Canada à ce moment-là.
Le 4 octobre 1988, Pollard et la section locale du
syndicat, pour son compte, ont déposé auprès de Pos-
tes Canada des griefs dans lesquels ils demandaient
un salaire rétroactif et la réintégration. Ce jour-là,
Pollard a déposé, conformément à l'article 240 du
Code canadien du travail, une plainte de congédie-
ment injuste.
Les griefs présentés à l'employeur ont été rejetés,
le représentant de Postes Canada ayant mentionné,
sur les formulaires de présentation de griefs, que
ceux-ci avaient été déposés en dehors des délais. Par
la suite, lorsque l'AFPC a demandé à Postes Canada
de présenter les griefs à l'arbitrage, cette dernière a
refusé pour le motif que ceux-ci se rapportaient à des
événements qui s'étaient produits pendant qu'aucune
convention collective n'était en vigueur; l'employeur
a en outre refusé de considérer les griefs comme étant
visés par la convention collective ou d'examiner l'af-
faire plus à fond. L'AFPC a ensuite déposé auprès du
Conseil canadien des relations du travail une
demande fondée sur l'article 158 [S.R.C. 1970, ch. L
1 (mod. par S.C. 1972, ch. 18, art. 1)] (maintenant
article 65) du Code, dans laquelle elle demandait à ce
dernier d'instruire l'affaire et de déterminer si une
convention collective régissant l'employeur et l'em-
ployé était en vigueur au cours de la période perti-
nente. Le 14 mars 1989, le Conseil a conclu, et le
26 avril il a confirmé, qu'aucune convention collec
tive n'était en vigueur lorsque les événements
s'étaient apparemment produits et que Pollard avait
été congédié, mais qu'une convention était en
vigueur au moment de la présentation des griefs et
qu'il incombait à l'arbitre de déterminer si Pollard
avait des droits en vertu de la convention collective.
Cette question a été soumise à un arbitre dont la com-
pétence a été contestée par Postes Canada, qui allé-
guait qu'aucune convention collective n'était en
vigueur au moment où il avait été mis fin à l'emploi
de Pollard et que les griefs déposés par ce dernier et
par le syndicat n'étaient pas arbitrables en vertu du
protocole de retour au travail. Le 12 décembre 1990,
l'arbitre a conclu qu'elle n'avait pas compétence
puisqu'aucune convention collective n'était en
vigueur au moment où Pollard avait été congédié et
que le protocole de retour au travail conclu par les
parties, qui n'était pas rétroactif, limitait le droit de
l'employeur d'imposer aux employés qui retournaient
travailler des mesures disciplinaires, par suite de
leurs activités pendant la grève, mais ne prévoyait pas
la réintégration de Pollard et ne régissait donc pas la
situation.
Pendant que la première question soulevée devant
le Conseil canadien des relations du travail était à
l'étude et avant que les griefs ne soient présentés à
l'arbitrage, l'intimé et le nouvel agent négociateur
représentant les employés, le Syndicat des postiers du
Canada, ont déposé auprès du Conseil, le 27 février
1989, des plaintes fondées sur l'alinéa 97(1)a), selon
lesquelles l'employeur avait violé l'alinéa 94(1)a)
ainsi que les sous-alinéas 94(3)a)(1) et 94(3)a)(vi) du
Code concernant les pratiques déloyales. Ces plaintes
ont été rejetées par le Conseil pour le motif qu'elles
n'avaient pas été déposées dans le délai fixé au para-
graphe 97(2) du Code, puisqu'elles l'avaient été plus
de 90 jours après que les faits donnant lieu à la
plainte eussent été connus.
L'intimé Pollard a alors donné suite à la plainte de
congédiement injuste déposée le 4 octobre 1988. La
plainte n'ayant fait l'objet d'aucun règlement, l'in-
timé Stanley a été désigné à titre d'arbitre par le
ministre conformément à l'article 242 [mod. idem,
art. 16] du Code. À l'audience, qui a été tenue en
octobre 1991, Postes Canada a soutenu que l'arbitre
n'avait pas compétence pour entendre et trancher
l'affaire. En janvier 1992, l'arbitre a conclu qu'il
avait compétence. Quant aux arguments invoqués par
Postes Canada, il a conclu que l'exclusion prévue par
l'alinéa 240(1)b) était limitée aux employés régis par
une convention collective au moment du congédie-
ment; il a en outre conclu que l'exclusion prévue à
l'alinéa 242(3.1)b), dans les cas où il existe un autre
recours, vise un recours permettant d'obtenir répara-
tion par suite d'un congédiement injuste et que le
Code ou une autre loi n'offrait à l'intimé Pollard
aucun autre recours fondé sur cette cause. Par consé-
quent, Pollard n'était pas exclu des dispositions du
Code concernant le congédiement injuste. Cette déci-
sion a donné lieu à la demande de révision judiciaire.
La loi
Les principales dispositions du Code ici en litige
figurent dans la section XIV de la partie III du Code,
qui porte sur le congédiement injuste. Elles compren-
nent les dispositions suivantes:
240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute
personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une
plainte écrite auprès d'un inspecteur si:
a) d'une part, elle travaille sans interruption depuis au moins
douze mois pour le même employeur;
b) d'autre part, elle ne fait pas partie d'un groupe d'em-
ployés régis par une convention collective.
(2) Sous réserve du paragraphe (3), la plainte doit être dépo-
sée dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date du con-
gédiement.
241....
(2) Dès réception de la plainte, l'inspecteur s'efforce de con-
cilier les parties ou confie cette tâche à un autre inspecteur.
(3) Si la conciliation n'aboutit pas dans un délai qu'il estime
raisonnable en l'occurrence, l'inspecteur, sur demande écrite
du plaignant à l'effet de saisir un arbitre du cas:
a) fait rapport au ministre de l'échec de son intervention;
b) transmet au ministre la plainte, l'éventuelle déclaration de
l'employeur sur les motifs du congédiement et tous autres
déclarations ou documents relatifs à la plainte.
242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3),
le ministre peut désigner en qualité d'arbitre la personne qu'il
juge qualifiée pour entendre et trancher l'affaire et lui trans-
mettre la plainte ainsi que l'éventuelle déclaration de l'em-
ployeur sur les motifs du congédiement.
(2) Pour l'examen du cas dont il est saisi, l'arbitre:
a) dispose du délai fixé par règlement du gouverneur en con-
seil;
b) fixe lui-même sa procédure, sous réserve de la double
obligation de donner à chaque partie toute possibilité de lui
présenter des éléments de preuve et des observations, d'une
part, et de tenir compte de l'information contenue dans le
dossier, d'autre part;
c) est investi des pouvoirs conférés au Conseil canadien des
relations du travail par les alinéa 16a), b) et c).
(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l'arbitre:
a) décide si le congédiement était injuste;
b) transmet une copie de sa décision, motifs à l'appui, à
chaque partie ainsi qu'au ministre.
(3.1) L'arbitre ne peut procéder à l'instruction de la plainte
dans l'un ou l'autre des cas suivants:
a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail
ou de la suppression d'un poste;
b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre
recours.
(4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre
peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur:
a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maxi
mum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait
pas été congédié;
b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;
e) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui
imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédie-
ment ou à y remédier.
Décision de l'arbitre
Lorsque l'audience a commencé en octobre 1991,
Postes Canada a soulevé le moyen préliminaire selon
lequel l'arbitre Stanley n'avait pas compétence pour
entendre et trancher la plainte parce qu'au moment
où l'intimé Pollard avait déposé celle-ci, il faisait par-
tie d'un groupe d'employés régis par une convention
collective au sens de l'alinéa 240(1)b), et parce que le
Code prévoyait un autre recours et que, par consé-
quent, l'exclusion énoncée à l'alinéa 242(3.1)b) s'ap-
pliquait en l'espèce.
Quant au premier point, l'arbitre a notamment
déclaré ceci (décision relative aux questions prélimi-
naires rendue par l'arbitre Douglas C. Stanley le 5
janvier 1992, aux pages 16 à 19):
[TRADUCTION] La question essentielle, en ce qui concerne la
première objection de l'employeur, est simplement celle de
l'interprétation qu'il convient de donner à l'alinéa 240(1 )b).
L'argument invoqué par l'employeur, selon lequel c'est le
groupe, et non le plaignant, qui doit être «régi par une conven
tion collective» est une possibilité, sur le plan de la syntaxe.
Toutefois, si l'on interprète la disposition en tenant compte de
son contexte ainsi que de l'objet et du but de la loi, cette inter-
prétation n'appuie tout simplement pas le but de la loi. De fait,
elle mine le but clair voulant que les personnes qui ne sont pas
protégées par les dispositions d'une convention collective en
matière d'arbitrage aient à leur disposition une procédure tout
aussi efficace, et ce, indépendamment de la question de savoir
si elles ont été congédiées pour une juste cause.
Le paragraphe 57(1) du Code canadien du travail est ainsi
libellé:
57. (1) Est obligatoire dans la convention collective la pré-
sence d'une clause prévoyant le mode—par arbitrage ou
toute autre voie—de règlement définitif, sans arrêt de tra
vail, des désaccords qui pourraient survenir entre les parties
ou les employés qu'elle régit, quant à son interprétation, son
application ou sa prétendue violation.
Les conventions collectives visées par le Code prévoient
uniformément que les employés ne peuvent être congédiés que
pour une juste cause et elles prévoient une procédure d'arbi-
trage. L'avocat de l'employeur laisse entendre qu'en adoptant
l'alinéa 240(1)G), le législateur a reconnu qu'il peut y avoir des
employés compris dans une unité de négociation qui ne
seraient visés ni par les dispositions de la convention collective
concernant l'arbitrage ni par les dispositions du Code concer-
nant le congédiement injuste. Je ne crois pas que telle était
l'intention du législateur et l'interprétation de ce paragraphe la
plus plausible sur le plan de la syntaxe est qu'elle exclut les
personnes qui sont régies par une convention collective.
Je ne sais pas exactement pourquoi le législateur a formulé
ainsi la disposition et a parlé d'une personne qui «fait partie
d'un groupe». Les rédacteurs ont peut-être reconnu que le fait
d'être membre d'une unité de négociation ne veut pas néces-
sairement dire qu'une protection est toujours fournie par la
convention collective, et pour plus de certitude, ils ont ajouté la
condition selon laquelle la personne doit être régie par une
convention collective.
D'autres arbitres ont tiré la même conclusion, c'est-à-dire
que la clause vise le plaignant individuel, et non le groupe. Je
conclus que la décision rendue par l'arbitre Gagnon dans l'af-
faire Bernier et Capitaine Courrier Corporation [1986, non
publiée] est pertinente à cet égard. À la page 5 de sa décision,
Mme Gagnon déclare ceci:
La deuxième condition: «ne pas faire partie d'un groupe
d'employés soumis à une convention collective» est celle
qui fait difficulté. Nous analyserons donc si le plaignant, au
moment du dépôt de sa plainte, faisait partie d'un groupe
d'employés soumis à une convention collective.
Il est acquis qu'au moment du congédiement aucune con
vention collective n'existait chez l'employeur. Cependant,
une convention collective a été signée en août 1984 qui ne
tient absolument pas compte du plaignant qui était alors con-
gédié: la liste d'ancienneté préparée en vertu de la conven
tion collective l'ignore complètement. De plus, la conven
tion collective stipule qu'elle n'a aucun effet rétroactif. Le
plaignant n'a donc aucun recours en vertu de la convention
collective: il est à,l'extérieur du groupe d'employés soumis à
la convention au moment du dépôt de sa plainte.
Je dois faire remarquer qu'à mon avis, les remarques de
Mme Gagnon sont ambiguës en ce qui concerne la question de
savoir quel moment est, à son avis, pertinent aux fins de la
décision. Dans l'affaire dont elle était saisie, la chose importait
peu car le plaignant n'était pas régi par la convention collective
au moment de son congédiement ou au moment où il avait
déposé la plainte. Je conclus que la date pertinente doit être
celle du congédiement, et uniquement cette date.
Je conclus également que la décision (non publiée) rendue
par l'arbitre Lamoureux dans l'affaire Dennis Beaudoin et
Cable TV, en date du le' avril 1984, est pertinente. Dans cette
affaire-là, le plaignant avait été congédié pendant la période de
statu quo qui s'était écoulée entre le moment de l'accréditation
et celui de la signature d'une première convention collective. Il
n'y a aucune différence importante entre cette période et la
période ici en cause, au cours de laquelle la convention collec
tive n'était plus en vigueur et une grève était en cours.
Le premier argument invoqué par l'employeur est donc
rejeté.
Quant au second argument invoqué par Postes
Canada, l'arbitre a déclaré ceci (aux pages 19 21):
[TRADUCTION] La seconde question est celle de savoir si
d'autres recours sont disponibles. L'employeur soutient que les
dispositions du Code canadien du travail en matière de pra-
tiques déloyales de travail permettent un recours. Quant à cette
question, je souscris entièrement à l'avis que l'arbitre Egan a
exprimé dans l'affaire Hill Security Van Lines, pages 4, 5, 6:
L'objection qui reposait sur l'argument selon lequel «une
procédure de redressement a été prévue ailleurs dans la pré-
sente loi ou dans toute autre loi du Parlement» ne saurait être
retenue car la présente plainte concerne la question du con-
gédiement injuste. La plainte antérieure se rapportait à la
question du congédiement pour activité syndicale, mesure
interdite par les articles 184 et 186 du Code. Dans ces cas de
pratiques de travail déloyales, ce qu'il importe d'établir est
si ou non le renvoi est lié au préjugé antisyndical, donc à la
discrimination, et non pas s'il existe une «juste cause».
La preuve relative à la justification de la «juste cause» est
valable dans les cas comportant des accusations d'infraction
aux dispositions de la loi qui proscrivent des activités anti-
syndicales: elle n'est cependant valable dans la mesure où
elle peut servir à déterminer si la «juste cause» renferme la
seule raison du renvoi dénuée du moindre préjugé anti -syn-
dical. L'existence ou l'absence de ce genre de préjugé est le
point essentiel des articles concernant des pratiques
déloyales, et non pas l'existence ou la non-existence d'une
«juste cause».
Ces articles ne renferment pas de procédures de redresse-
ment pour congédiement sans juste cause dans les circons-
tances où le viol de leurs dispositions respectives n'est pas la
principale question du différend. Que du reste le même
remède puisse s'appliquer dans l'un et l'autre cas ne signifie
pas qu'on ait prévu ailleurs une procédure de redresse-
ment ...
La plainte déposée en vertu du paragraphe 240(1) du Code
est fondée sur le présumé congédiement «injuste». La compé-
tence de l'arbitre est énoncée comme suit au para-
graphe 242(3)a):
242. (3) Décision de l'arbitre—Sous réserve du paragraphe
(3.1), l'arbitre:
a) décide si le congédiement était injuste;
L'autre recours mentionné à l'alinéa 242(3.1)b) doit viser au
redressement. L'avocat de l'employeur soutient qu'il serait
absurde que le législateur ait fait mention de la procédure pré-
vue à l'article 240, parce que si cette procédure existait déjà,
l'article 240 serait inutile. A l'appui, il cite les remarques que
l'arbitre Marcheterre a faites, au sujet de l'affaire Hill Security
Van Lines and MacDonald, dans l'affaire National Bank of
Canada and Daneault, [1989] T.A. 423 (précitée). Je ne puis
souscrire aux critiques formulées dans cette décision au sujet
des conclusions tirées par l'arbitre Egan. De fait, elles sem-
blent ne faire aucun cas du fait que la loi vise l'avenir ainsi que
la situation existant au moment de son adoption. A mon avis,
cette disposition envisage simplement la possibilité qu'il
puisse exister, à un moment donné, une loi spéciale s'appli-
quant à un secteur de compétence fédérale, laquelle pourrait
prévoir le même genre de procédure d'arbitrage que celle qui
est d'une manière générale prévue à l'article 240. A mon avis,
la chose n'a rien de remarquable. D'autre part, à mon avis, il
serait remarquable que le législateur eût voulu que les plaintes
fondées sur le Code des droits de la personne, les plaintes de
pratiques déloyales de travail et les plaintes découlant d'une loi
sur la santé et la sécurité (qui existaient toutes au moment oh
l'article 240 a pris effet) l'emportent sur la procédure énoncée
à l'article 240 sans pour autant préciser la chose.
Le second argument invoqué par l'employeur est rejeté...
Les questions litigieuses
La demande vise la révision des deux questions
examinées par l'arbitre lorsqu'il a conclu qu'il avait
compétence. Essentiellement, ce dernier a conclu que
Pollard n'était pas exclu, en vertu de l'ali-
néa 240(1)b), parce qu'il «fai[sait] ... partie d'un
groupe d'employés régis par une convention collec
tive» au moment pertinent, soit à la date du congédie-
ment, et que l'alinéa 242(3.1)b) n'empêchait pas le
dépôt de la plainte, car le Code ou une autre loi fédé-
rale ne prévoyait pas un autre recours.
La chose n'a pas été soulevée dans l'argumenta-
tion, mais je tiens à faire remarquer que je suis les
décisions de mes collègues, les juges Cullens et
Strayer 2 , en examinant cette demande malgré les
clauses privatives 3 figurant dans le Code, lesquelles
Banque canadienne impériale de commerce c. Bateman
(1991), 91 CLLC 14,028 (C.F. 1« inst.), juge Cullen, à la p.
12,254, confirmé le 20 février 1992, dossier du greffe n° A-
444-91 [encore inédit] (C.A.F.).
2 Sedpex, Inc. c. Canada (Arbitre nommé sous le régime du
Code canadien du travail), [1982] 2 C.F. 289 (Ire inst.), à la p.
295, juge Strayer.
3 L'art. 243 du Code prévoit ceci:
(Suite à la page suivante)
empêcheraient à première vue la révision judiciaire.
Il est bien établi que les questions de compétence
comme celles qui sont ici en cause sont susceptibles
de révision judiciaire malgré le libellé d'une clause
privative 4 .
Les deux questions soulevées par Postes Canada se
rapportent à la compétence de l'arbitre. Une question
préliminaire que la Cour doit trancher porte sur le cri-
tère qu'il convient d'appliquer lorsqu'il s'agit d'exa-
miner ces questions. Si, en interprétant le Code, on
conclut que le législateur voulait laisser l'arbitre tran-
cher la question, la décision de ce dernier ne sera pas
annulée à moins d'être manifestement déraisonnable,
car il n'est réputé avoir outrepassé sa compétence
qu'en pareil cas. Toutefois, si le législateur est réputé
avoir fixé une limite à la compétence de l'arbitre, une
simple erreur de sa part justifie l'annulation de sa
décisions:
La différence entre ces deux espèces d'erreur est évidente:
seule une erreur manifestement déraisonnable entraîne un
excès de compétence quand la question en cause relève de la
compétence du tribunal tandis que, quand il s'agit d'une dispo
sition législative qui circonscrit la compétence du tribunal, une
simple erreur entraîne une perte de compétence. Il n'en reste
pas moins que la première étape de l'analyse nécessaire à la
notion de l'erreur «manifestement déraisonnable» consiste à
déterminer la compétence du tribunal administratif. A cette
étape, la Cour examine non seulement le libellé de la disposi
tion législative qui confère la compétence au tribunal adminis-
tratif, mais également l'objet de la loi qui crée le tribunal, la
raison d'être de ce tribunal, le domaine d'expertise de ses
membres, et la nature du problème soumis au tribunal 6 .
La question de la compétence que possède l'arbitre
de traiter les plaintes de congédiement injuste en
(Suite de la page précédente)
243. (I) Les ordonnances de l'arbitre désigné en vertu du
paragraphe 242(I) sont définitives et non susceptibles de
recours judiciaires.
(2) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire—
notamment par voie d'injonction, de certiorari, de prohibi
tion ou de quo warranto—visant à contester, réviser, empê-
cher ou limiter l'action d'un arbitre exercée dans le cadre de
l'article 242.
4 Lee-Shanok c. Banque Nazionale del Lavoro du Canada,
[1987] 3 C.F. 578 (C.A.), aux p. 585 à 587, juge Stone, J.C.A.;
Sedpex, Inc., précité, note 2.
5 U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, la p.
1086, juge Beetz. Voir également Caimaw c. Paccar of
Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S. 983, aux p. 1000 à 1003, juge La
Forest.
6 Juge Beetz, précité, note 5, à la p. 1088.
vertu des dispositions du Code ici pertinentes a déjà
été examinée par cette Cour et par la Cour d'appel.
La Cour d'appel a jugé, dans l'arrêt Lee-Shanok c.
Banque Nazionale del Lavoro du Canada 7 , et a con
firmé, à la suite de la décision du juge Cullen, dans
l'arrêt Canadian Imperial Bank of Commerce c. Bate-
man 8 , que le paragraphe 167(3) du Code, qui prévoit
que «[l]a section XIV ne s'applique pas aux
employés qui occupent le poste de directeur», est des-
tiné à limiter la compétence de l'arbitre en matière de
congédiement injuste. L'erreur commise par l'arbitre,
lorsqu'il s'est fondé sur la disposition pour détermi-
ner si l'employé occupait un poste de direction,, a
entraîné dans les deux cas l'annulation de sa décision.
Dans l'affaire Sedpex, Inc. 9 , qui a été tranchée avant
que la Cour suprême ne rende jugement dans les
affaires Bibeaulti° et Paccar 11 , le juge Strayer, en
interprétant ce qui est maintenant l'alinéa 242(3.1)a)
[auparavant art. 61.5], a fait une distinction entre la
détermination du droit en matière de compétence, les
tribunaux étant considérés comme l'autorité la plus
élevée à cet égard, et l'appréciation des faits, qui
relève davantage des tribunaux administratifs, dans le
cadre de la procédure appropriée. Dans ce dernier
cas, les conclusions de l'arbitre ne devraient être
annulées que s'il est démontré qu'elles sont «mani-
festement erronées». Dans l'arrêt Sedpex, Inc., le juge
Strayer n'a constaté l'existence d'aucune erreur de
droit susceptible d'examen et, de fait, il a souscrit à
l'interprétation donnée par l'arbitre à ce qui est main-
tenant l'alinéa 242(3.1)a) et il n'a pu constater l'exis-
tence d'aucune erreur de fait susceptible d'examen.
Je laisse pour le moment de côté la détermination
de cette question préliminaire, concernant le critère
qu'il convient d'appliquer à la révision des conclu
sions de l'arbitre ainsi que la révision de ces conclu
sions, pour résumer les arguments des parties. Selon
ces dernières, la question préliminaire n'a pas d'im-
portance car, comme nous le verrons, la requérante
affirme que, quel que soit le critère qu'il convient
d'appliquer, la décision de l'arbitre est erronée en ce
qui concerne les deux conclusions qu'il a tirées, alors
que, pour le compte de l'intimé Pollard, il est soutenu
7 Précité, note 4.
8 Précité, note I.
9 Précité, note 2.
10 Précité, note 5.
11 Précité, note 5.
que la décision satisfait au critère, quel qu'il soit,
dans les deux cas.
Les arguments des parties
La requérante soutient que l'arbitre Stanley a inter-
prété d'une manière erronée les dispositions du Code
qui, est-il allégué, sont toutes les deux de nature à
limiter sa compétence de façon que toute interpréta-
tion erronée entraîne une perte de compétence. Si ce
n'est pas le critère qu'il convient d'appliquer, la
requérante soutient subsidiairement que les conclu
sions étaient manifestement déraisonnables et que la
décision relative à la compétence de l'arbitre est erro-
née.
La première des présumées erreurs concerne l'in-
terprétation de l'alinéa 240(1)b) qui, selon Postes
Canada, exclut Pollard, parce qu'au moment où il a
déposé la plainte, ce dernier faisait partie d'un groupe
d'employés régis par une convention collective au
sens de cette disposition. Il est soutenu que la partie I
du Code prévoit un régime complet et cohérent de
négociation collective, une grève légale pouvant être
déclenchée dans le cadre de la procédure de négocia-
tion collective. Pendant toute la durée d'une grève
légale, le syndicat demeure l'agent négociateur exclu-
sif des employés membres d'une unité de négociation
et la relation employeur-employé de common law ne
s'applique pas. Lorsque Pollard a été congédié, il
était membre, et représentant officiel, du syndicat
agent négociateur qui avait le pouvoir exclusif de le
représenter à l'égard de toutes les questions liées à
son emploi. Il est soutenu que l'intimé Pollard a
implicitement reconnu la chose, comme l'a fait le
syndicat, en présentant des plaintes de pratiques
déloyales de travail en vertu de l'article 94 du Code
et en déposant des griefs en vertu de la convention
collective. Le fait que les plaintes ont été rejetées par
le Conseil et qu'il a été conclu que le grief n'était pas
arbitrable ne voulait pas dire qu'au moment du dépôt
de la plainte en vertu de l'article 240, Pollard ne fai-
sait pas partie d'un groupe d'employés régis par une
convention collective. Il est soutenu que si, en fin de
compte, Pollard n'a aucun recours à sa disposition en
vertu de l'article 240 du Code, la chose est tout à fait
compatible avec l'objet du régime de négociation col
lective prévu à la partie I. Les parties à une conven
tion collective qui mettent fin à une grève peuvent
déterminer le statut des employés congédiés ou assu-
jettis à des mesures disciplinaires pendant la grève
ainsi que les recours dont ces derniers disposent ou,
dans certains cas, le législateur prendra des disposi
tions à cet égard dans la loi de retour au travail,
comme il l'a fait un certain nombre de fois à l'égard
des grèves mettant en cause Postes Canada. Il est
soutenu qu'avant que le protocole de retour au travail
n'ait été conclu dans ce cas-ci, il y avait eu certaines
discussions au sujet de la situation de l'intimé Pollard
et la preuve y afférente, présentée à l'arbitre Devlin
qui a examiné les griefs, est énoncée dans la décision
de cette dernière. La requérante affirme qu'étant
donné que la possibilité de réintégrer Pollard a été
examinée dans le cadre des négociations qui ont
mené au protocole de retour au travail et que rien n'a
alors été expressément prévu à cet égard, il faut sup-
poser que la question a été réglée dans le cadre des
négociations. Permettre à Pollard de présenter main-
tenant une plainte de congédiement injuste est, en
fait, lui permettre d'interjeter appel des résultats de la
négociation collective, procédure contraire à la par-
tie I du Code. À mon avis, la seule chose qu'on
puisse dire au sujet de la preuve de ces discussions
est qu'aucune disposition n'a été prise à l'égard de
son congédiement ou de son retour au travail et,
comme l'arbitre l'a conclu, le protocole de retour au
travail n'était pas rétroactif, soit une conclusion qui
ne peut pas être ici remise en question.
L'arbitre aurait apparemment commis une seconde
erreur en concluant que le Code ne prévoyait aucun
autre recours, de sorte que Pollard n'était pas exclu
du champ d'application de l'article 242 par l'ali-
néa 242(3.l)6). C'était là une erreur, est-il soutenu,
parce que, comme Pollard lui-même l'a implicite-
ment reconnu au moyen des plaintes de pratiques
déloyales de travail, un recours était prévu à l'ar-
ticle 94, et le Conseil disposait d'un vaste éventail de
pouvoirs de redressement, dont la réadmission, en
vertu de l'article 99 [mod. par L.C. 1991, ch. 39, art.
3]. Le fait que le Conseil a conclu que les plaintes
avaient été présentées en dehors des délais ne change
rien au fait que le Code prévoyait un autre recours.
La requérante soutient en outre que Pollard aurait pu
exercer contre le syndicat un recours fondé sur le
défaut de juste représentation conformément à l'ar-
ticle 37 du Code, mais je ne suis pas convaincu que
cet argument réponde à la question qui oppose l'in-
timé Pollard et l'employeur. Enfin, la requérante a
soutenu qu'il faut donner au libellé de l'ali-
néa 242(3.1)b) un sens qui tient compte du fait que le
Code prévoit d'autres recours et qu'en mentionnant
des possibilités futures, l'arbitre n'a pas abordé
comme il convient la question de l'interprétation de
la loi.
Pour le compte de l'intimé Pollard, il a été soutenu
que l'arbitre avait interprété correctement les deux
dispositions légales en question ou que si le critère
qu'il convient d'appliquer à la conclusion qu'il a tirée
à l'égard de l'alinéa 242(3.1 )b) est celui du caractère
manifestement déraisonnable, la conclusion tirée à
l'égard de la seconde question n'était pas déraisonna-
ble. Dans l'argumentation orale, on a implicitement
exprimé l'avis que si le critère qu'il convient d'appli-
quer à la première question était le même, la conclu
sion selon laquelle Pollard n'était pas exclu en vertu
de l'alinéa 240(1)b) n'était pas manifestement dérai-
sonnable.
Quant à la première question, soit l'interprétation
de l'alinéa 240(1)b), on affirme que le moment perti
nent, lorsqu'il s'agit de déterminer si le plaignant
«fait ... partie d'un groupe d'employés régis par une
convention collective», est la date du congédiement
et non la date du dépôt de la plainte, comme la requé-
rante l'affirme en l'espèce. La chose serait apparem-
ment compatible avec l'application de l'ali-
néa 240(1)u). En outre, cela éviterait les résultats
apparemment absurdes qui découleraient de l'inter-
prétation donnée par la requérante et cela est compa
tible avec l'objet de la Loi, et notamment avec la par-
tie III du Code. Subsidiairement, il est soutenu que
même si l'interprétation donnée par la requérante est
retenue, l'intimé Pollard «ne fai[sait] pas partie d'un
groupe d'employés régis par une convention collec
tive» à la date du dépôt de la plainte, puisqu'il n'était
pas alors employé.
Quant à la seconde question, l'avocat de l'intimé
Pollard soutient que les autres procédures prévues par
le Code et dont la requérante a fait mention ne règlent
pas la plainte de congédiement injuste, qui était fon-
dée sur une présumée faute de conduite. Aucun autre
recours mentionné dans le Code ne prévoit un redres-
sement pour ce genre de plainte et on dit que l'arbitre
n'a pas tiré de conclusion déraisonnable à cet égard
et, de fait, que sa conclusion était correcte. L'avocat
de l'intimé n'a pas souscrit au raisonnement que l'ar-
bitre a fait en tirant sa conclusion, dans la mesure ob
il se rapportait à l'interprétation de la Loi compte
tenu de modifications législatives futures possibles,
mais il a affirmé que d'autres cas expressément pré-
vus par le Code, qui pouvaient par ailleurs être rangés
dans la catégorie générale du congédiement injuste,
permettent un recours, par exemple les dispositions
de la partie II qui établissent la procédure à suivre
lorsqu'il est allégué que l'employeur a congédié un
employé qui refuse de travailler pour des raisons de
sécurité.
Ce résumé ne reprend pas au complet l'argumenta-
tion savante et détaillée des avocats de chacune des
parties et ne parle pas des nombreux arrêts que cha-
cun a cités. Néanmoins, il fournit le cadre d'analyse
des questions qui sont ici soulevées.
Analyse
L'avocat de chacune des parties a signalé la posi
tion incohérente que son collègue a prise dans la série
plutôt tortueuse de procédures par lesquelles le syndi-
cat et l'intimé Pollard ont cherché à s'occuper du cas
de ce dernier après son congédiement et après que les
employés de la requérante sont retournés travailler
une fois la grève terminée. Ainsi, la requérante dit
que les griefs et l'arbitrage subséquent, ainsi que les
plaintes de pratiques déloyales de travail que le Con-
seil a rejetées, sont des mesures prises par Pollard ou
pour le compte de Pollard, lesquelles étaient fondées
sur le fait qu'il était visé par la convention collective;
or, la cause de Pollard devant l'arbitre dépend main-
tenant de ce qu'il ne fait pas partie d'un groupe d'em-
ployés régis par une convention collective. Il est
allégué au nom de l'intimé qu'en traitant les griefs
présentés par ce dernier, et dans toutes les procédures
antérieures, Postes Canada s'est appuyée sur ce que,
à son avis, aucune convention collective ne s'appli-
quait à Pollard au moment du congédiement; or,
devant l'arbitre, elle affirme maintenant que Pollard
faisait partie d'un groupe d'employés régis par une
convention collective au moment du dépôt de la
plainte, bien qu'il eût déjà été congédié. Ce qui est
bon pour l'un l'est aussi pour l'autre; il ne faut peut-
être pas s'attendre à la cohérence et, bien sûr, les
deux parties peuvent invoquer, devant chaque ins
tance, les arguments qui leur sont les plus favorables
compte tenu des questions qui se posent. À mon avis,
quelle que soit la position qui a été prise aux stades
antérieurs, cela n'a rien à voir avec les questions ici
soulevées, lesquelles portent sur l'interprétation de la
loi.
Je trancherai rapidement l'un des arguments
invoqués par la requérante, lequel est fondé sur les
répercussions de l'objet de la partie I du Code. Il a
été soutenu que la partie I du Code crée un régime
complet et cohérent en vue de la négociation collec
tive, les grèves faisant légitimement partie intégrante
de ce processus, et qu'une fois que l'accréditation est
accordée, l'agent négociateur devient titulaire des
droits de tous les membres individuels de l'unité de
négociation par rapport à l'employeur, situation qui
continue à exister pendant toute la durée d'une grève
légale. Ainsi, les droits individuels stipulés dans le
contrat avec l'employeur, soit la situation qui prévaut
en common law, n'existent pas pendant la grève 12 .
Implicitement, l'employé membre d'une unité de
négociation n'a donc pas le droit de présenter une
demande fondée sur le congédiement injuste s'il est
congédié pour des raisons disciplinaires pendant une
grève, ce qui est la situation qui prévaut lorsque la
convention collective est en vigueur. Je souscris à la
description générale des relations de l'employé et de
l'agent négociateur, mais je ne crois pas qu'il s'ensuit
nécessairement, compte tenu de cela, ou des respon-
sabilités continues de l'agent négociateur et de l'em-
ployeur pendant la grève, que l'employé individuel
n'a aucun droit par rapport à l'employeur. Quoi qu'il
en soit, en l'espèce, ce n'est pas un droit à un redres-
sement pour congédiement injuste reconnu en com
mon law qui est en litige. Ce droit, quel qu'il soit, est
expressément prévu à l'article 246, qui protège tout
recours civil que l'employé peut exercer contre l'em-
ployeur, indépendamment des dispositions légales
concernant les plaintes de congédiement injuste. En
l'espèce, la question litigieuse porte sur un droit
prévu à l'article 240 et dans les dispositions subsé-
quentes, du Code, une question qui dépend de l'inter-
prétation de la loi.
12 Cain aw c. Paccar af Canada Ltd., précité, note 5, juge
La Forest, aux p. 1007 et 1008.
J'examinerai d'abord la question préliminaire du
critère qu'il convient d'appliquer à la révision des
conclusions tirées par l'arbitre Stanley. L'origine de
la partie III du Code est ce qui était auparavant une
loi distincte, à savoir le Code canadien du travail
(Normes) 13 . À mon avis, les dispositions actuelles,
comme les dispositions antérieures, sont destinées à
établir les normes minimales qui s'appliquent à
toutes les relations employeur-employé relevant de la
compétence législative fédérale, certaines exceptions
étant expressément énoncées, particulièrement à l'ar-
ticle 167 [mod. par L.R.C. (1985) (1eC suppl.), ch. 9,
art. 5] actuel. L'objet des dispositions du Code con-
cernant le congédiement injustifié, à savoir la section
XIV de la partie III, a été résumé comme suit par le
juge Strayer dans l'arrêt Sedpex, Inc. 14 :
L'insertion de l'article 61.5 [maintenant art. 240] dans le
Code a effectivement eu pour objet l'établissement d'une pro-
cédure de grief destinée aux employés réglementés par le gou-
vernement fédéral qui ne sont pas protégés par des conventions
collectives; cet article devait leur permettre de déposer des
plaintes en matière de congédiement injustifié. Lorsqu'une
telle plainte est déposée et qu'aucun règlement n'intervient
dans le litige, le ministre peut nommer un arbitre. Si cet arbitre
conclut au terme d'une audition que la personne visée a été
congédiée injustement, il peut ordonner que celle-ci soit
indemnisée ou réintégrée dans ses fonctions, ou il peut ordon-
ner un autre redressement approprié.
J'ajouterais que ces dispositions prévoient une procé-
dure qui peut être considérée comme étant plus sim
ple, plus rapide et moins coûteuse que l'action habi-
tuellement intentée au civil devant les tribunaux. En
outre, les redressements prévus, et notamment la réin-
tégration dans un emploi, ne relèvent pas de la com-
pétence des tribunaux. En vertu de l'article 243, les
ordonnances de l'arbitre désigné pour examiner les
plaintes de congédiement injuste sont définitives et
non susceptibles de recours judiciaires et normale-
ment, elles ne sont même pas assujetties au contrôle
judiciaire.
Les exceptions, en ce qui concerne les personnes
ou les plaintes à l'égard desquelles l'arbitre ne peut
pas rendre de décisions en matière de congédiement
injuste, sont au nombre de six. Les personnes exclues
13 Initialement adopté au ch. 38 des S.C. 1964-65, subsé-
quemment inclus, dans sa forme modifiée, à titre de partie III
des S.R.C. 1970, ch. L-I; maintenant partie Ill des L.R.C.
(1985), ch. L-2, dans sa forme modifiée.
14 Précité, note 2, à la p. 293.
sont les suivantes: les personnes qui occupent le
poste de directeur (paragraphe 167(3)), les personnes
qui ne travaillent pas sans interruption depuis au
moins douze mois pour le même employeur (ali-
néa 240(1)a)), sous réserve de l'article 189 [mod.
idem, art. 7], qui prévoit qu'en cas de cession d'un
employeur à un autre de l'entreprise fédérale la per-
sonne employée est réputée n'avoir pas cessé de tra-
vailler pour un seul employeur, et sous réserve égale-
ment des règlements qui précisent les cas d'absence
qui n'ont pas pour effet d'interrompre le service chez
l'employeur (paragraphe 246(2) et article 245), et les
personnes qui font partie d'un groupe d'employés
régis par une convention collective (alinéa 240(1)b)).
Parmi les plaintes qui ne peuvent pas être examinées,
il y a celles qui n'ont pas été déposées dans les
90 jours qui suivent la date du congédiement (para-
graphe 240(2)), les plaintes qui concernent un plai-
gnant licencié en raison du manque de travail ou de la
suppression d'un poste (alinéa 242(3.1)a)) et les
plaintes concernant une personne qui peut se préva-
loir d'un autre recours en vertu du Code ou d'une
autre loi (alinéa 242(3.1)b)). Les trois dernières
exceptions sont incorporées par renvoi au para-
graphe 240(1). Toutes les personnes exerçant un
emploi relevant de la compétence législative fédérale,
autre qu'un emploi expressément exclu, peuvent se
prévaloir des procédures prévues dans les cas de con-
gédiement injuste. Avec le temps, la portée des
exceptions a été diminuée 15 , et je conclus que le
législateur veut mettre ces recours à la disposition des
employés relevant généralement de sa compétence
législative, sous réserve uniquement des exceptions
expressément prévues.
Les pouvoirs de l'arbitre, quant à la forme et au
fond, sont énoncés aux paragraphes 242(2), (3) et (4),
ce dernier permettant à l'arbitre, s'il décide que le
congédiement était injuste, d'enjoindre à l'employeur
de payer au plaignant une indemnité, de le réintégrer
dans son emploi et de prendre toute autre mesure
qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à con-
trebalancer les effets du congédiement ou à y remé-
dier. En particulier, étant donné qu'il faut savoir quel
IS Voir, d'une manière générale, les remarques que j'ai
faites, en ce qui concerne l'historique législatif du Code dans
l'arrêt Island Telephone Co. Ltd. c. Canada (Ministre du Tra
vail), le 30 septembre 1991, dossier du greffe n° T-1401-91,
aux p. 24 à 27, encore inédit.
recours peut être exercé sur le fond compte tenu des
circonstances, il semble évident qu'en général, les
arbitres chargés d'examiner ces plaintes possèdent
des connaissances spéciales et ont une compréhen-
sion et une expérience particulières en matière de
relations du travail et de congédiement injuste.
Compte tenu ici encore des décisions rendues par
la Cour: d'appel dans les affaires Lee-Shanok 16 et
Bateman 17 , dans lesquelles il a été jugé que la déter-
mination, en vertu du paragraphe 167(3), de la ques
tion de savoir si une personne occupe le poste de
directeur, de sorte que les dispositions concernant le
congédiement injuste ne s'appliquent pas, est une
question limitant la compétence de l'arbitre, puisque
ce sont les tribunaux qui ont le dernier mot, j'estime
qu'il incombe à l'arbitre de déterminer toutes les
autres exclusions prévues par les paragraphes 240(1)
et (2) ainsi que par le paragraphe 242(3.1), la déci-
sion de celui-ci n'étant annulée que s'il existe une
erreur manifestement déraisonnable. Je tire cette con
clusion pour deux raisons, fondées sur la structure du
Code et les procédures énoncées aux articles 240 à
245.
L'article 167 du Code prévoit que la partie III s'ap-
plique d'une manière générale aux employés qui tra-
vaillent dans une entreprise fédérale, à quelques rares
exceptions près. Ainsi, le paragraphe 167(3) exclut
expressément les employés occupant le poste de
directeur du champ d'application de la section XIV,
qui porte sur le congédiement injuste. Si toutes les
autres exceptions devaient être considérées de la
même façon, elles auraient bien pu être mentionnées
dans ce paragraphe. Cependant, le législateur ne l'a
pas fait. Les autres exceptions sont plutôt mention-
nées dans la section XIV elle-même. Toutes les autres
exceptions sont énoncées, ou incorporées par renvoi,
au paragraphe 242(1). C'est la disposition qui prévoit
qu'une plainte peut être déposée, sous réserve de cer-
taines exceptions. Si, après enquête, la conciliation
n'aboutit pas dans un délai raisonnable, l'inspecteur,
sur demande du plaignant, fait rapport au ministre de
l'échec de son intervention (paragraphe 241(3)), et le
ministre peut désigner un arbitre pour entendre et
trancher la plainte (paragraphe 242(1)). L'emploi du
mot «peut» laisse entendre l'existence d'un pouvoir
16 Précité, note 4.
17 Précité, note 1.
discrétionnaire, mais à mon avis, le pouvoir discré-
tionnaire du ministre est restreint, sauf peut-être dans
le cas évident d'une exception où les facteurs d'ex-
clusion ne sont pas contestés; pour assurer la réalisa-
tion du but des dispositions, il faut que la plainte soit
présentée à un arbitre en vue d'une décision. Le Code
ne prévoit aucun motif permettant au ministre d'exer-
cer son pouvoir discrétionnaire de refuser de désigner
un arbitre; ainsi, le ministre n'est pas expressément
chargé de déterminer si la personne qui se plaint ou
la plainte elle-même est visée par les exclusions pré-
vues dans la section XIV. S'il refusait d'agir, sa déci-
sion serait, à mon avis, assujettie au contrôle judi-
ciaire. Le Code ne charge pas expressément l'arbitre
de déterminer les exclusions, mais un certain nombre
d'entre elles exigent des déterminations de fait à
l'égard desquelles l'arbitre est mieux placé que le
ministre ou ses représentants pour rendre une déci-
sion, compte tenu des pouvoirs qui lui sont conférés
en matière de procédure. Comme il en a ci-dessus été
fait mention, la procédure est destinée à éviter qu'un
recours civil soit exercé. À mon avis, si presque
toutes les décisions rendues par un arbitre au sujet
d'exclusions prévues par la section XIV devaient
faire l'objet d'un examen destiné à déterminer leur
«bien-fondé», soit le critère qui s'applique aux ques
tions limitant la compétence de l'arbitre, cela ferait
en fin de compte obstacle à l'intention du législateur.
À mon avis, le critère de révision qui s'applique aux
deux questions ici en litige consiste donc à détermi-
ner si les conclusions tirées par l'arbitre, lorsqu'il a
interprété les dispositions du Code par suite de la
plainte déposée par l'intimé, étaient manifestement
déraisonnables.
Quant à la première question, soit l'interprétation
de l'alinéa 240(1)b), j'estime que la conclusion de
l'arbitre, selon laquelle Pollard n'était pas exclu par
cette disposition, n'est pas manifestement déraison-
nable. De fait, à mon avis, cette conclusion est
exacte, si jamais le critère de révision était considéré
autrement que je ne l'ai fait. À mon avis, l'arbitre
Stanley a eu raison d'interpréter l'alinéa 240(1)b)
comme se rapportant au moment où le congédiement
a eu lieu, et non au moment du dépôt de la plainte, et
de conclure qu'aucune convention collective n'était
en vigueur lorsque Pollard a été congédié, le 31 août.
Ainsi, ce dernier faisait peut-être alors partie d'un
groupe d'employés qui formaient une unité de négo-
ciation se livrant à une grève légale, mais au moment
du congédiement, ce groupe d'employés n'était régi
par aucune convention collective.
La requérante soutient que la date pertinente, lors-
qu'il s'agit de déterminer le statut du plaignant, est
celle du dépôt de la plainte et que la chose est compa
tible avec l'esprit de l'article 240 dans son ensemble.
Pourtant, c'est la date du congédiement qui doit
entrer en ligne de compte si l'on veut assurer une
application judicieuse de l'alinéa 240(1)a), selon
lequel une personne qui se plaint d'avoir été injuste-
ment congédiée doit travailler sans interruption
depuis au moins douze mois pour le même
employeur. En outre, le paragraphe 240(2) fixe le
délai dans lequel la plainte doit être déposée, soit
dans les 90 jours qui suivent la date du présumé con-
gédiement injuste.
Il me semble qu'on peut uniquement interpréter
l'article 240 en se fondant sur le fait que la date perti-
nente est celle du congédiement. Tel est le moment
qu'un arbitre a jugé pertinent lorsqu'il s'est agi de
déterminer si un plaignant occupait le poste de direc-
teur 18 . Cette décision est compatible avec les déci-
sions judiciaires rendues dans les affaires Lee-Shanok
et Bateman, où la Cour a examiné les fonctions du
plaignant au moment de son congédiement pour
déterminer s'il «occupait le poste de directeur» et,
par conséquent, s'il était exclu en vertu du para-
graphe 167(3). Elle est également compatible avec
l'application judicieuse de l'alinéa 242(3.1)a), qui dit
que la plainte est irrecevable si le plaignant a été
licencié en raison du manque de travail ou de la sup
pression d'un poste, le moment pertinent étant celui
où il a été mis fin à l'emploi du plaignant, comme le
laisse clairement entendre l'arrêt Sedpex, Inc.
En outre, l'interprétation prônée par la requérante
pourrait entraîner des résultats anormaux, sinon
absurdes, qui sont incompatibles avec l'objet du
Code. Une personne comprise dans une unité de
négociation régie par une convention collective au
moment de son congédiement, mais non au moment
du dépôt de la plainte, pourrait se prévaloir de la pro-
cédure d'arbitrage prévue par la convention collec
tive et pourrait également déposer une plainte de con
18 John B. Macdonald c. Eastern Broadcasters Limited, non
publié, 1985, décision de J. MacPherson, arbitre.
gédiement injuste en vertu du Code. En outre, si la
date pertinente, pour l'application de l'ali-
néa 240(1)b), était celle du dépôt de la plainte, les
buts interdépendants de la partie I du Code, qui vise à
promouvoir la négociation collective, et de la par-
tie III du Code, qui établit les normes minimales
applicables aux emplois réglementés fédéralement,
permettraient à l'employeur de suspendre unilatérale-
ment la convention collective pendant une grève
légale et de congédier les employés, qui ne pourraient
pas alors se prévaloir de la procédure d'arbitrage pré-
vue par la convention collective, à supposer qu'une
convention subséquente ne s'applique pas rétroacti-
vement ou qu'aucun recours n'existe en vertu de l'ar-
ticle 240.
Il existe deux décisions rendues par des arbitres
qui portent sur cette question, bien que les circons-
tances soient quelque peu différentes. Dans l'affaire
Bernier c. Capitaine Courrier Corporation 19 , le con-
gédiement avait apparemment eu lieu avant l'accrédi-
tation d'un syndicat qui avait par la suite négocié une
première convention collective et dans l'affaire Beau-
doin c. Cable TV Inc. 20 , le congédiement avait eu lieu
après l'accréditation, mais avant la conclusion d'une
première convention collective. Dans les deux cas,
les arbitres concernés ont respectivement conclu que
l'alinéa 240(I )6) n'empêchait pas l'examen de la
plainte. Dans l'affaire Bernier, l'arbitre a examiné
l'argument que Postes Canada invoque en l'espèce, à
savoir qu'au moment où la plainte a été déposée, une
convention collective régissait les employés et l'em-
ployeur, sans déterminer la date pertinente en vue de
la détermination du statut du plaignant, parce que
l'objection de l'employeur était fondée sur la date du
dépôt. L'arbitre a conclu qu'étant donné qu'il avait
été congédié avant que la convention collective eût
pris effet et que cette dernière n'était pas rétroactive,
le plaignant ne faisait pas partie, au moment du dépôt
de la plainte, d'un groupe d'employés régis par une
convention collective. L'avocat de la requérante fait
une distinction entre ces deux affaires et la présente
espèce parce que, dans les deux cas, une première
convention collective ( avait été négociée et que le
congédiement avait eu lieu pendant la «période de
19 Décision non publiée rendue en 1986 par H. Gagnon,
arbitre.
20 Décision non publiée rendue en 1984 par J. Lamoureux,
arbitre.
statu quo» qui s'était écoulée entre le moment de la
demande d'accréditation et celui de l'accréditation
(affaire Bernier), et entre le moment de l'accrédita-
tion et celui où la première convention collective
avait été conclue (affaire Beaudoin), périodes pen
dant lesquelles les conditions de travail qui s'appli-
quaient avant la conclusion d'une première conven
tion collective sont maintenues, y compris,
implicitement, le droit d'exercer un recours fondé sur
le Code par suite d'un congédiement injuste. Telle
n'est pas la situation pendant la période qui s'écoule
entre deux conventions collectives, dit-on, parce que
seul l'agent négociateur accrédité peut alors traiter
avec l'employeur pour le compte des employés com-
pris dans une unité de négociation, et une grève,
même lorsqu'elle s'accompagne de la suspension des
droits reconnus par une convention collective anté-
rieure, ne fait pas renaître le lien contractuel existant
en common law entre les employés et l'employeur.
Comme je l'ai fait remarquer, les droits reconnus aux
employés par la common law ne sont pas ici en litige.
La requérante a également soutenu qu'étant donné
qu'il avait cherché à se prévaloir des dispositions de
la convention subséquente en présentant un grief, en
déposant des plaintes de pratiques déloyales de tra
vail fondées sur le Code, en continuant à être membre
de l'unité de négociation et en se faisant représenter
par le syndicat, Pollard faisait partie d'un groupe
d'employés régis par une convention collective au
moment du dépôt de la plainte de congédiement
injuste. Cependant, puisqu'il avait été congédié, il
n'était pas employé après le 31 août, et quelles que
soient les, mesures qu'il avait prises par la suite, il ne
pouvait pas faire partie d'un groupe d'employés régis
par une convention collective tant qu'il n'était pas
réintégré dans son emploi. Puisqu'il a congédié Pol-
lard, l'employeur peut difficilement alléguer que ce
dernier faisait par la suite partie d'un groupe d'em-
ployés régis par la convention collective négociée,
après son congédiement, avec l'agent négociateur
agissant pour le compte des employés encore
membres de l'unité de négociation, laquelle n'était
pas rétroactive.
Je conclus donc que la décision que l'arbitre a ren-
due au sujet de la première question soulevée par
Postes Canada, soit l'application de l'alinéa 240(1)b),
n'était pas manifestement déraisonnable. De fait, à
mon avis, le. résultat de cette décision était exact.
Quant à la seconde question, soit, l'application de
l'alinéa 242(3.1)b), la conclusion tirée par l'arbitre, à
savoir que Pollard n'était pas exclu , parce que sa
plainte n'était pas une plainte à l'égard de laquelle le
Code ou une autre loi prévoyait un autre recours,
n'est pas, à mon avis, manifestement déraisonnable.
De fait, en l'occurrence, je crois que cette conclusion
est compatible avec les faits et le but de la disposition
en question, ou qu'elle est fondée, compte tenu de ces
faits et de ce but.
Je ne souscris pas aux motifs énoncés par l'arbitre,
en ce qui concerne le but législatif, pour en arriver à
ce résultat. La possibilité que le législateur modifie
éventuellement la loi n'est pas une considération pri-
mordiale lorsqu'il s'agit d'interpréter la loi qui, con-
formément à l'article 10 de la Loi d'interprétation,
L.R.C. (1985), ch. I-21, «a vocation permanente». La
loi doit avoir un sens compte tenu de la situation, et
notamment des dispositions législatives qui existent
au moment où elle est interprétée et, appliquée.
Je souscris aux arguments de l'intimé, à savoir que
les autres recours qui, selon la requérante, peuvent
être exercés par Pollard en vertu des articles 37'et 94
du Code ne permettent pas de régler la question du
congédiement injuste découlant d'une présumée faute
de conduite, sur laquelle la plainte est fondée, et qui
est visée par les articles 240 à 245 du Code. L'ar-
ticle 37 porte sur une plainte présentée par un
employé contre le syndicat relativement à des ques
tions visées par la convention collective. Comme je
l'ai ci-dessus mentionné, il ne s'agit pas d'un recours
susceptible d'être exercé contre l'employeur par suite
d'un présumé congédiement injuste. L'article 94 ne
prévoit pas non plus pareille procédure de redresse-
ment. Il porte plutôt sur les plaintes concernant les
pratiques déloyales de travail mentionnées dans la
loi, lesquelles se rapportent toutes à des actes discri-
minatoires résultant de la participation à des activités
syndicales. Je souscris à la conclusion tirée par l'ar-
bitre, à savoir que les articles 94 et 97 [mod. par L.C.
1991, ch. 39, art. 2] ne prévoient pas de procédure de
redressement contre un employeur lorsqu'il est jugé
que celui-ci a injustement congédié un employé.
L'avocat de l'intimé cite d'autres cas prévus par le
Code, et non mentionnés par l'arbitre, dans lesquels
un présumé congédiement injuste peut donner lieu à
un redressement, indépendamment des articles 240 à
245, lesquels sont donc exclus en vertu de l'ali-
néa 242(3.1)b). Lorsqu'une convention collective
expire avant que le droit de grève ne soit acquis,
l'employé congédié sans juste cause conserve le droit
de recourir à l'arbitrage en vertu de la convention
expirée, conformément au paragraphe 67(4), qui pré-
voit que la clause obligatoire de la convention collec
tive prévoyant le mode de règlement définitif, sans
arrêt de travail, des désaccords demeure en vigueur
après l'expiration de la convention, et ce, tant que la
grève légale n'est pas déclenchée. L'intimé cite éga-
lement le cas dans lequel l'employé est congédié
pour avoir exercé son droit de refuser de travailler
pour des raisons de sécurité, un recours étant alors
prévu en vertu de la partie II du Code. L'avocat cite
en outre l'alinéa 92(1)b) et l'Annexe I de la Partie II
de la Loi sur les relations de travail dans la fonction
publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 92(1)b,
Annexe I, Partie II [mod. par DORS/85-361;
DORS/86-961; L.R.C. (1985) (3 6 suppl.), ch. 18, art.
41; DORS/87-644; L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 7,
art. 8; L.C. 1991, ch. 6, art. 25], à titre d'exemple de
dispositions législatives prévoyant un redressement,
qui, si elles s'appliquent, excluent une plainte fondée
sur l'alinéa 242(3.1)b) du Code.
Ces arguments sont invoqués à l'appui de l'inter-
prétation de l'expression «la présente loi ou une autre
loi fédérale prévoyant un autre recours» figurant à
l'alinéa 242(3.1)b), indépendamment des articles 37
et 94. À mon avis, il n'est pas essentiel de déterminer
d'une manière définitive ce que cette expression est
réputée inclure. Lorsque l'arbitre ne trouve aucune
autre disposition légale prévoyant un recours dans le
cas d'un présumé congédiement injuste, la plainte
n'est pas exclue en vertu de l'alinéa 242(3.1)b). Il me
semble que cela est compatible avec l'intention du
législateur, soit que les recours prévus dans la sec
tion XIV de la partie III du Code dans le cas d'une
plainte de congédiement injuste peuvent être exercés
par tous les employés d'une entreprise fédérale sauf
ceux qui sont expressément exclus. En appréciant les
faits et le droit pertinents pour l'application de ces
exclusions, la Cour ne doit pas intervenir pour modi-
fier la conclusion de l'arbitre à moins que cette der-
nière ne soit manifestement déraisonnable.
À mon avis, la conclusion tirée par l'arbitre, à
savoir qu'en l'espèce, le Code ou une autre loi ne
prévoyait aucun autre recours, n'est pas manifeste-
ment déraisonnable.
Conclusion
À la fin de l'audience, il a été convenu, comme les
avocats l'ont fait savoir peu de temps après, qu'il
était inutile d'envisager de rendre une ordonnance
suspendant l'enquête menée par l'arbitre en attendant
la décision de la Cour. Je n'examinerai donc pas la
question.
À mon avis, les conclusions tirées par l'arbitre au
sujet des deux questions soulevées en vue de la révi-
sion judiciaire et de l'obtention des ordonnances ici
demandées relevaient de sa compétence, et je ne suis
pas convaincu qu'elles étaient manifestement dérai-
sonnables. La demande présentée pour le compte de
la requérante Postes Canada est donc rejetée avec
dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.