T-1547-92
Inspiration Television Canada Inc., Life
Broadcasting Inc., Saskatoon Family Network
Inc., Medicine Hat Christian Broadcasting Society
et Three in One Communication Society of Three
Hill (demanderesses)
c.
Sa Majesté la Reine et Le Conseil de la
radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes (défendeurs)
RÉPERTORIE' INSPIRATION TELEVISION CANADA INC. C.
CANADA (Ire INST.)
Section de première instance, juge Muldoon—Winni-
peg, 30 juin; Ottawa, 8 juillet 1992.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première ins
tance — Demande présentée devant la Section de première ins
tance en vue d'obtenir une injonction de faire provisoire et
permanente qui enjoindrait au CRTC de délivrer aux demande-
resses une licence de radiodiffusion d'émissions religieuses, et
de remettre le matériel de transmission saisi — Une modifica
tion récemment apportée à l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédé-
rale habilite la Cour d'appel et non la Division de première
instance, à connaître des demandes de contrôle judiciaire
visant le CRTC, lors même qu'il s'agirait de procédures inter-
locutoires.
Contrôle judiciaire — Pratique — Demande de contrôle
judiciaire concernant la radiodiffusion d'émissions religieuses
fondée sur le motif que la législation en matière de radiodiffu-
sion viole la Charte des droits — Cette demande est défec-
tueuse parce qu'une récente modification apportée à l'art. 57
de la Loi sur la Cour fédérale exige qu'un avis soit donné au
procureur général du Canada lorsque la validité, l'applicabi-
lité ou l'effet, sur le plan constitutionnel, d'une loi est en cause
devant la Cour.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Libertés fonda-
mentales — Liberté de religion — Demande tendant à l'obten-
tion d'une injonction de faire provisoire et permanente qui
enjoindrait au CRTC de délivrer aux demanderesses une
licence de radiodiffusion d'émissions religieuses limitant le
message à un seul point de vue confessionnel et de remettre le
matériel de transmission saisi — Il est allégué que la législa-
tion en matière de radiodiffusion viole la Charte des droits —
La procédure, telle qu'engagée, est mal conçue en raison, sur-
tout, des modifications récemment apportées à la Loi sur la
Cour fédérale: un avis au procureur général, qui s'impose
lorsque des questions constitutionnelles sont soulevées, n'a pas
été donné; la demande n'a pas été présentée devant la Section
compétente; la demande d'injonction a par erreur nommé le
CRTC comme défendeur alors que c'est le ministre des Com
munications qui est responsable de l'application de la loi.
Radiodiffusion - Demande tendant à l'obtention d'une
injonction de faire provisoire et permanente qui enjoindrait au
CRTC de délivrer aux demanderesses une licence de radiodif-
fusion d'émissions religieuses et de remettre le matériel de
transmission saisi - Il est allégué que la législation en matière
de radiodiffusion viole la Charte des droits - La procédure,
telle qu'engagée, est mal conçue en raison, surtout, des modifi
cations récemment apportées à la Loi sur la Cour fédérale: un
avis au procureur général, qui s'impose lorsque des questions
constitutionnelles sont soulevées, n'a pas été donné: art. 57; la
demande de mandamus visant le CRTC aurait dû être présen-
tée devant la Section d'appel: art. 28; la demande d'injonction
concernant la saisie du matériel aurait dû viser le ministre des
Communications; ce dernier, plutôt que le CRTC, est respon-
sable de l'application de la Loi sur la radiocommunication et
de la saisie du matériel des demanderesses - L'audition de
l'action est ajournée sine die pour permettre aux demanderes-
ses de signifier les avis de questions constitutionnelles requis
par l'art. 57, de modifier leur demande à l'intention de la Sec
tion d'appel et de décider s'il y a lieu de modifier ou de pour-
suivre leurs deux demandes d'injonction relativement à la Loi
sur la radiocommunication.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44], art. 1, 2, 15, 24(1).
Lai sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par
L.C. 1990, ch. 8), art. 2, 18, 18.1, 18.2, 18.4(2),
28(1)c),(2),(3), 57.
Loi sur la radio, L.R.C. (1985), ch. R-2 (mod. par L.C.
1989, ch. 17, art. 2).
Loi sur la radiocommunication, L.R.C. (1985), ch. R-2
(mod. par L.C. 1989, ch. 17, art. 2), art. 4(1) (mod.,
idem, art. 4; 1991, ch. 11, art. 82), 5(1)(j) (mod. par
L.C. 1989, ch. 17, art. 4), 10 (édicté, idem, art. 6), (1)
(mod. par L.C. 1991, ch. 11, art. 84), (4),(5).
Loi sur la radiodiffusion, L.R.C. (1985), ch. B-9.
Loi sur la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, art. 2, 3, 93.
Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu-
nications canadiennes, L.R.C. (1985), ch. C-22.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663 (mod, par
DORS/90-846), Règles 3(1)b), 358, 469(2).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS MENTIONNÉES:
Shuswap Cable Ltd. c. Canada, [1987] 1 C.F. 505;
(1986), 31 D.L.R. (4th) 349; 13 C.P.C. (3d) 128; 5 F.T.R.
114 (Ife inst.); C.LA.C. c. La Reine, [1984] 2 C.F. 866;
(1984), 7 Admin. L.R. 157; [1995] R.D.J. 16 (C.A.); Le
Grand Council of the Crees (of Quebec) c. R., [1982] 1
C.F. 599; (1981), 124 D.L.R. (3d) 574; 41 N.R. 257
(C.A.); autorisation de pourvoi devant la C.S.C. refusée
[1982] 1 R.C.S. viii; (1982), 41 N.R. 354; Reed c.
Canada, [1989] 3 C.F. 259; (1989), 41 C.R.R. 371;
[1989] 2 C.T.C. 192; 89 DTC 5230; 27 F.T.R. 173 Ore
inst.); conf. par (1990), 2 C.R.R. (2d) 192 (C.A.F.); auto-
risation de pourvoi devant la C.S.C. refusée [1990] 2
R.C.S. x; (1990), 4 C.R.R. (2d) 192; 127 N.R. 236; O'Sul-
livan c. M.R.N., [1992] 1 C.F. 522; [1991] 2 C.T.C. 117;
(1991), 91 DTC 5491 (lrc inst.); Procureur général du
Canada c. Gould, [1984] 1 C.F. 1133; (1984), 13 D.L.R.
(4th) 485; 42 C.R. (3d) 88; 54 N.R. 232 (C.A.); O'Grady
c. Whyte, [1983] 1 C.F. 719; (1982), 138 D.L.R. (3d) 167;
42 N.R. 608 (C.A.).
DEMANDE tendant à l'obtention d'une injonction
de faire provisoire et permanente qui enjoindrait la
remise du matériel de transmission et la délivrance
d'une licence de radiodiffusion d'émissions à carac-
tère religieux limitant leur message à un seul point de
vue confessionnel, pour le motif que la loi et la poli-
tique en matière de radiodiffusion violent la Charte
canadienne des droits et libertés. Audition ajournée
sine die.
AVOCATS:
Gavin M. Wood et Janet L. Jeffrey pour les
demanderesses.
Harty Glinter pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Wolch, Pinx, Tapper, Scueld, Winnipeg, pour
les demanderesses.
Le sous-procureur général du Canada pour les
défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: Les demanderesses sollicitent
de la Cour la réparation suivante:
1) Une injonction de faire provisoire et permanente
enjoignant aux défendeurs de remettre aux demande-
resses le matériel de transmission (dont les détails
figurent seulement dans le mandat de perquisition et
de saisie) qu'ils ont saisi;
2) Une injonction provisoire et permanente interdi-
sant aux défendeurs d'effectuer d'autres saisies du
matériel de transmission des demanderesses, ou
d'empêcher par ailleurs celles-ci de s'occuper de
radiodiffusion dans la province du Manitoba;
3) Une injonction de faire provisoire et permanente
enjoignant aux défendeurs de délivrer aux demande-
resses une licence de radiodiffusion;
4) Une autorisation à court terme pour l'audition de
la présente requête;
5) Les frais sur la base procureur et client.
Voici les motifs invoqués à l'appui de la requête
des demanderesses:
[TRADUCTION] a) Les articles 1, 2, 15 et le paragraphe
24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés,
qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 44];
b) Les pouvoirs de réglementer, d'octroyer des
licences de radiodiffusion et de saisir prévus à la Loi
sur la radio, [sic], L.R.C. (1985), ch. R-2 [mod. par
L.C. 1989, ch. 17, art. 2] à la Loi sur la radiodiffu-
sion, L.R.C. (1985), ch. B-9 et à la Loi sur le Conseil
de la radiodiffusion et des télécommunications cana-
diennes, L.R.C. (1985), ch. C-22;
c) L'avis public numéro 1983-112.
La requête, appuyée par l'affidavit de Ken Groening,
est introduite dans le contexte de la déclaration des
demanderesses dans la présente action.
La présente requête, pour ne pas dire la déclaration
aussi, est mal conçue, situation qu'on pourrait, dans
une certaine mesure, attribuer à la nouveauté des
récentes modifications apportées à la Loi sur la Cour
fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par L.C. 1990,
ch. 8)] et aux Règles [Règles de la Cour fédérale,
C.R.C., ch. 663 (mod. par DORS/90-846)] de cette
Cour. Pour ce qui est de la présente ordonnance, il
vaut peut-être mieux que les demanderesses la reti-
rent pour recommencer, auquel cas la Cour leur en
accorde l'autorisation. Le juge soussigné n'est pas
indifférent au point de vue des demanderesses, mais
il fait remarquer que les parties comme ces dernières,
qui invoquent l'égalité, devraient volontiers être dis
posées à respecter les exigences de forme, les normes
et les impératifs comme tous les autres sont requis de
le faire. On ne demande pas à la Cour de donner des
conseils aux avocats d'une partie, mais étant donné
qu'il s'agit d'un premier cas pour ne pas dire un cas
sans précédent, elle peut faire état de la jurisprudence
qui fait déjà partie du domaine public et qui permet
de comprendre ce cas: Shuswap Cable Ltd. c.
Canada, [1987] 1 C.F. 505 (lre inst.); et l'affaire plus
ancienne C.I.A.C. c. La Reine, [1984] 2 C.F. 866
(C.A.), et Le Grand Council of the Crees (of Quebec)
c. R., [1982] 1 C.F. 599 (C.A.), autorisation de pour-
voi devant la Cour suprême refusée [1982] 1 R.C.S.
viii.
Les moyens invoqués pour étayer la présente
requête sont trop timidement énoncés au moyen
d'une simple citation de diverses dispositions de la
Constitution et d'autres lois sans qu'il soit fait men
tion de la façon dont elles opèrent pour accorder la
réparation qui, selon les demanderesses, leur est due.
Cette Cour elle-même a déjà généré une jurispru
dence abondante sur la liberté de religion et le carac-
tère laïque nécessaire de l'État canadien, par
exemple: Reed c. Canada, [1989] 3 C.F. 259, (ire
inst.); appel rejeté avec dépens et sans motifs (1990),
2 C.R.R. (2d) 192 (C.A.F.); autorisation de pourvoi
devant la Cour suprême du Canada refusée avec
dépens, [1990] 2 R.C.S. x; également O'Sullivan c.
M.R.N., [1992] 1 C.F. 522 (lCe inst.). La population
du Canada contient maintenant un tel nombre de reli
gions d'importance majeure et mineure avec leurs
groupes dissidents que la sécurité de chacun réside
dans le caractère laïque déterminé de l'État, assorti
de sa garantie de la liberté de religion et de la liberté
de parole et d'expression. La pléthore de «genres» de
chrétiens, de juifs et de musulmans et d'autres exige
la prudente approche de la part de la majorité de la
Section d'appel dans l'affaire Procureur général du
Canada c. Gould, [1984] 1 C.F. 1133.
Ainsi qu'il a été noté ci-dessus, l'énoncé insuffi-
sant des moyens dans l'avis de requête nous conduit à
l'affidavit déposé par M. Groening à l'appui de la
requête, et même à la déclaration des demanderesses.
L'avocat des défendeurs note que les demanderesses
à l'instance, comme dans l'affaire Gould, ne con-
cluent pas à une suspension d'instance en attendant
qu'il soit statué sur la validité constitutionnelle d'une
loi fédérale, mais qu'elles demandent en fait à la
Cour de déclarer inconstitutionnelles et sans effet la
Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur la radiocommu-
nication [L.C. 1989, ch. 17] en attendant une décision
sur leur action en jugement déclaratoire à cet égard.
L'avocat des défendeurs se plaint de ce que les
demanderesses à l'instance concluent à la réparation
même qu'ils sollicitent dans l'action principale.
(Chose curieuse, les demanderesses concluent seule-
ment à une injonction provisoire, et non à une injonc-
tion interlocutoire.) L'avocat de la défense note
qu'un tel but ambitieux exige sûrement le respect des
exigences préliminaires du nouvel article 57 de la Loi
sur la Cour fédérale [mod. par L.C. 1990, ch. 8, art.
19], dont les passages pertinents sont ainsi rédigés:
57. (1) Les lois fédérales ou provinciales ou leurs textes
d'application, dont la validité, l'applicabilité ou l'effet, sur le
plan constitutionnel, est en cause devant la Cour ou un office
fédéral, sauf s'il s'agit d'un tribunal militaire au sens de la Loi
.sur la défense nationale, ne peuvent être déclarés invalides,
inapplicables ou sans effet, à moins que le procureur général
du Canada et ceux des provinces n'aient été avisés conformé-
ment au paragraphe (2).
(3) Les avis d'appel et de demande de contrôle judiciaire
portant sur une question constitutionnelle sont à signifier au
procureur général du Canada et à ceux des provinces.
(4) Le procureur général à qui un avis visé aux paragraphes
(1) ou (3) est signifié peut présenter une preuve et des observa
tions à la Cour ... à l'égard de la question constitutionnelle en
litige.
(5) Le procureur général qui présente des observations est
réputé partie à l'instance aux fins d'un appel portant sur la
question constitutionnelle.
Étant donné la pénurie de moyens qui sous-tendent
la présente requête, il faut prendre connaissance de
l'affidavit de Ken Groening et même de la déclara-
tion. Voici les passages pertinents extraits de cet affi
davit:
[TRADUCTION] 27. QUE, selon les demanderesses, les défen-
deurs restreignent la radiodiffusion d'émissions religieuses et
empêchent la radiodiffusion à caractère religieux au Canada
d'une station qui limite son message à un seul point de vue
confessionnel.
28. QUE, toujours selon les demanderesses, les défendeurs ont
outrepassé leur compétence en établissant et en appliquant la
politique figurant dans la Loi sur la radiodiffusion, [sic] L.R.C.
1985, ch. B-9, [sic] la Loi sur la radio [sic], L.R.C. (1985), ch.
R-2, et dans la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes, [sic] L.R.C. (1985), ch. C
22.
29. QUE, toujours selon les demanderesses, cette restriction de
la radiodiffusion et la saisie délibérée du matériel de transmis
sion des demanderesses violent leur droit à la liberté d'expres-
sion et de religion et le droit à l'égalité devant la loi garanti par
la Charte canadienne des droits et libertés [sic].
Il est à noter que les demanderesses, ayant cité seule-
ment deux défendeurs, n'ont pas fait de distinction
entre les deux à l'égard des activités alléguées.
Voici les passages pertinents extraits de la déclara-
tion:
[TRADUCTION] 21. Les demanderesses prétendent en outre que le
C.R.T.C. exige actuellement un niveau de contenu canadien
dans toute radiodiffusion, ce qui empêche en fait la radiodiffu-
sion du Trinity Broadcasting Network en ce sens qu'une telle
programmation est d'origine essentiellement américaine.
22. Les demanderesses soutiennent que, par lesdites exigences
de contenu canadien, le C.R.T.C., au moyen de ses politiques,
règlements, règles et des lois applicables, viole la Charte cana-
dienne des droits et libertés et, en particulier, la liberté de reli
gion y garantie. En tant que telles, les exigences de contenu
canadien sont inconstitutionnelles.
23. Les demanderesses concluent donc, à l'encontre de tous les
[sic (pas encore constitués)] défendeurs:
a) à un jugment déclaratoire portant que la Loi sur la radiodif-
fusion, [sic] L.R.C. (1985), ch. B-9, la Loi sur la radio, [sic]
L.R.C. (1985), ch. R-2, et la politique de radiodiffusion
d'émissions religieuses figurant dans l'avis public numéro
1983-112 sont inconstitutionnelles;
e) à un jugement déclaratoire portant que les exigences de con-
tenu canadien mentionnées au paragraphe 21 sont inconsti-
tutionnelles;
La loi habilitante régissant le CRTC est la Loi sur
la radiodiffusion, L.C. 1991, ch. 11, qui est entrée en
vigueur, en vertu de son article 93, le 4 juin 1991.
L'article 57 de la Loi sur la Cour fédérale doit-il
être invoqué en l'espèce, comme l'avocat des défen-
deurs le prétendent? La réponse est affirmative. Il
ressort des actes de procédure ainsi que de la nature
de l'injonction sollicitée par les demanderesses
qu'elles entendent contester la validité, l'applicabilité
et l'effet, sur le plan constitutionnel, de la Loi sur la
radiodiffusion et de la Loi sur la radiocommunica-
tion, à tout le moins. Seront en cause l'article 3 et la
partie II de la première, et les dispositions d'applica-
tion de la seconde. Cela étant, et aussi longtemps
qu'il en sera ainsi, l'article 57 sera invoqué, et il
appartient aux demanderesses de s'y conformer.
Il existe encore un autre vice de procédure que
l'avocat des défendeurs n'a pas soulevé au début.
C'est la question de la compétence des sections res-
pectives de cette Cour. Les fantômes des dispositions
antérieures des articles 18 et 28 errent peut-être
encore de-ci de-là, faisant cliqueter leurs chaînes
complexes. Le nouvel alinéa 28(1)c) [mod. par L.C.
1990, ch. 8, art. 8] prévoit que:
28. (1) La Cour d'appel a compétence pour connaître des
demandes de contrôle judiciaire visant les offices fédéraux sui-
vants:
c) le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications
canadiennes constitué par la Loi sur le Conseil de la radio-
diffusion et des télécommunications canadiennes;
À quelques exceptions près, il est de droit établi
devant cette Cour que le pouvoir de contrôle jt ai-
ciaire ne saurait être acquis ni conféré par consente
ment, négligence ou commodité. La Cour a donc ex
mero motu invoqué la Règle 358 pour déférer l'es-
pèce au juge en chef. En vertu de cette Règle, le juge
en chef ou un juge désigné par lui peut ordonner
qu'une affaire commencée dans une section soit
transférée à une autre section, et il ou elle peut don-
ner des instructions nécessaires à la poursuite de l'af-
faire. Le 30 juin 1992, le juge en chef Isaac a procédé
à la désignation en l'espèce:
[TRADUCTION] En vertu de l'article 358 des Règles de la Cour
fédérale, je désigne par la présente le juge Francis C. Muldoon,
un juge de cette Cour, pour rendre toute ordonnance qu'il
jugera indiquée en tenant compte de tous les intérêts des par
ties à l'égard de la demande commencée par la [les] requé-
rante[s] [demanderesses] devant la Section de première ins
tance de cette Cour.
En rendant une telle ordonnance, le juge Muldoon peut don-
ner les instructions nécessaires à la poursuite de l'affaire.
Il semble que la troisième rubrique (précitée) dans
l'avis de requête des demanderesses, décrite comme
étant une injonction de faire, équivaut à ce qui s'ap-
parente à une requête en mandamus forçant le CRTC
à délivrer une licence de radiodiffusion aux demande-
resses. Bien entendu, il n'existait pas de mandamus
provisoire avant la promulgation de l'article 18.2
[édicté, idem, art. 5], mais la raison pour laquelle les
demanderesses désirent seulement une injonction
provisoire de dix jours (Règle 469(2)) est des plus
obscures. Toutefois, que les demanderesses concluent
à une injonction d'une certaine durée ou à un manda-
mus de nature provisoire, interlocutoire ou perma-
nente par la suite, elles devraient prouver que le
CRTC est légalement tenu de délivrer une licence de
radiodiffusion: O'Grady c. Whyte, [1983] 1 C.F. 719
(C.A.). D'autre part, il ne semble pas que le CRTC ait
réellement et officiellement rejeté une demande de
licence présentée par les demanderesses. Quel que
soit le nom qu'on donne à la réparation, elle doit être
obtenue par voie de contrôle judiciaire ainsi qu'il res-
sort des articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédé-
rale, et il en serait ainsi n'eût été le nouvel alinéa
28(1)c) qui confie un tel contrôle judiciaire à la Cour
d'appel.
L'expression «un tel contrôle judiciaire» est tout à
fait exacte car le contrôle judiciaire est celui-là même
prévu à l'article 18.1, tel qu'il est édicté et expliqué
aux paragraphes 28(2) et (3) de la Loi sur la Cour
fédérale, qui portent:
28....
(2) Les articles 18 18.5 s'appliquent, exception faite du
paragraphe 18.4(2) et compte tenu des adaptations de circons-
tance, à la Cour d'appel comme si elle y était mentionnée lors-
qu'elle est saisie en vertu du paragraphe (1) d'une demande de
contrôle judiciaire.
(3) La Section de première instance ne peut être saisie des
questions qui relèvent de la Cour d'appel.
Ainsi donc, que les avocats aient fait ou non allusion
à la question de compétence, la Cour a l'obligation
d'éviter d'outrepasser sa compétence ou de s'arroger
un pouvoir qu'elle n'a pas.
La délivrance de licences de radiodiffusion est,
selon la définition de «licence» figurant à l'article 2
de la Loi sur la radiodiffusion, confiée au CRTC. En
conséquence, les demanderesses ayant conclu à une
réparation qui doit être obtenue par voie de contrôle
judiciaire, leur requête doit être transférée à la Sec
tion d'appel. Les demanderesses sont en droit de reti-
rer la requête en «injonction de faire provisoire» pour
recommencer, si elles le jugent indiqué, devant la
Section d'appel, la signification devant être faite aux
défendeur(s) constitué(s). Un fait est certain: les
demanderesses ne doivent pas poursuivre leur action,
dans laquelle elles demandent qu'il soit enjoint au
CRTC de leur accorder une licence de radiodiffusion,
ni l'intenter de nouveau devant la Section de pre-
mière instance, qui n'a pas compétence pour con-
naître de leur demande de contrôle judiciaire à
l'égard du CRTC. En fait, le paragraphe 18(1) [mod.,
idem, art. 4] est énoncé «sous réserve de l'article 28»,
ce qui dilue la compétence exclusive qu'a la Section
de première instance pour décerner une injonction
lorsque l'alinéa 28(1)c) l'emporte sur ce paragraphe.
Les défendeurs, ou le défendeur constitué parmi
ceux-ci, peuvent déposer des contre-affidavits s'ils le
jugent indiqué, et en tout état de cause dans les délais
impartis, et les parties peuvent procéder aux contre-
interrogatoires des déposants adverses. Bien entendu,
elles peuvent se prévaloir de la Règle 3(1)b), parce
que cette ordonnance de renvoi sera rendue pendant
les grandes vacances.
Les demanderesses devront prendre les mesures ou
présenter la demande qu'elles jugent nécessaires ou
appropriées compte tenu des dispositions portant sur
le délai du paragraphe 18.1(2). Elles ont déposé leur
avis de requête le 25 juin 1992, et si elles choisissent
de retirer leur requête, de mettre de l'ordre dans leurs
actes de procédure et de recommencer, la Cour
ordonne maintenant que leur demande soit toujours
réputée avoir été faite le 25 juin 1992; et, dans cette
éventualité, la Cour fixe et leur accorde un délai pour
présenter une nouvelle demande pendant les grandes
vacances, mais aussitôt qu'il est raisonnablement
possible de le faire, comme si les procédures plus
régulières avaient été intentées le 25 juin 1992.
L'avocat des défendeurs laisse entendre que ceux-ci
tenteront, subsidiairement, de justifier les dispositions
de l'article 3 de la Loi et les règles relatives au con-
tenu canadien sous le régime de l'article premier de
la Charte canadienne des droits et libertés, et qu'ils
déposeront de nombreux et volumineux affidavits.
C'est peut-être là une raison suffisante pour invoquer
les dispositions du paragraphe 18.4(2) [édicté, idem,
art. 5] en ordonnant que la présente procédure soit
instruite comme s'il s'agissait d'une action, mais,
bien entendu, il existe déjà une action en cours en
l'espèce, dans le cadre de laquelle cette question
apparemment interlocutoire fera l'objet d'une déci-
sion définitive.
L'alinéa 28(1)c) prévoit-il vraiment que la Section
d'appel devrait traiter des procédures interlocutoires?
Il semblerait que oui, car son libellé prévoit un «con-
trôle judiciaire ... visant ... le [CRTC] constitué par
[sa] Loi [habilitante]». Il n'est pas requis que les pro-
cédures soient définitives ou concluantes. Le pouvoir
conféré est sûrement de nature ratione personae
comme c'est inéluctablement le cas dans un contrôle
judiciaire devant la Cour fédérale, au lieu d'un pou-
voir de nature ratione materiae. En tout état de cause,
l'article 28 mentionne au complet les mots définis à
l'article 2, nommant seulement les offices fédéraux
sur lesquels la Cour exerce un contrôle judiciaire;
c'est également ce qui ressort nettement de l'article
18 relativement aux réparations y prévues. En vertu
du paragraphe 28(1), la Cour d'appel a compétence
pour connaître des demandes de contrôle judiciaire,
c'est-à-dire d'injonctions notamment, «visant» seule-
ment les offices qui y sont énumérés. Sa compétence
ne repose pas sur la matière, mais sur la constitution
légale des intimés éventuels selon les lois du Canada
y mentionnées. Les offices fédéraux non énumérés au
paragraphe 28(1) relèvent de la compétence de la
Section de première instance. Il s'agit là encore d'une
compétence ratione personae.
Que doit-on faire des deux premières demandes
d'injonction présentées par les demanderesses relati-
vement au matériel de transmission saisi? Celles-ci
cherchent à faire imposer une interdiction aux
«défendeurs», mais on ne saurait le faire à l'égard du
souverain, et il n'est pas certain que le défendeur res-
tant, le CRTC, soit le moindrement responsable de la
saisie du matériel de transmission des demanderesses.
Le mandat de perquisition et de saisie (une photo-
copie) est produit comme pièce «C» jointe à l'affida-
vit de M. Groening. Il vise nommément trois inspec-
teurs radio nommés en vertu de l'alinéa 5(1))) [mod.
par L.C. 1989, ch. 17, art. 4] de la Loi sur la radio-
communication. Il relate la déposition sous serment
de l'un d'entre eux, Sidney William Barrie Dear de
Selkirk (Manitoba), [TRADUCTION] «membre du
ministère des communications», qui jure «qu'il existe
des motifs raisonnables de croire que l'infraction sui-
vante a été perpétrée: ... violation du paragraphe
4(1) de la Loi sur la radiocommunication [tel que
précisé] ... et que des objets, à savoir des appareils à
FD (fréquences décimétriques) ... se trouvant en la
possession de [les demanderesses] Life . .., Inspira
tion ... ou de Ken Groening ou de tous ceux-ci et
exploités par eux, qui fourniront la preuve de la per-
pétration de l'infraction ou qui concernent la perpé-
tration de l'infraction, sont dissimulés dans les locaux
[minutieusement précisés] ... à . .. Winnipeg». Le
mandat pouvait être exécuté [TRADUCTION] «de jour
ou de nuit», et il a expiré le 27 mai 1992.
Le ministre des Communications et les inspecteurs
qu'il nomme, et non les «défendeurs» comme le pré-
tendent les demanderesses, sont responsables de l'ap-
plication de la Loi sur la radiocommunication. Le
CRTC, l'un des «défendeurs», n'est pas chargé de
l'application de cette Loi. Les demanderesses ne sau-
raient certainement pas imposer leurs procédures
d'injonction à la Section d'appel simplement en
citant erronément le CRTC comme l'un des «défen-
deurs» dans ces procédures d'injonction relatives à la
saisie de leurs appareils de radiodiffusion effectuée
par les inspecteurs munis de mandats. Les deux pre-
mières demandes d'injonction concernant les appa-
reils ne seront pas renvoyées à la Section d'appel
parce que, malgré la citation erronée du CRTC, il ne
paraît pas que ces demandes visent le moindrement le
CRTC. Ce qu'il advient de ces demandes dépend des
demanderesses. Elles peuvent les poursuivre dans
leur forme actuelle, ou dans leur forme modifiée
après mûre réflexion. Les demanderesses doivent en
assurer l'audition dans les meilleurs délais, en tenant
compte du droit de répondre des défendeurs, ou les
abandonner, ou risquer de les voir sommairement et
définitivement rejetées. L'avocat des défendeurs croit
qu'il ne convient pas que cette Cour connaisse de la
contestation par les demanderesses du mandat, bien
qu'on ait recouru à celui-ci pour faire appliquer la Loi
sur la radiocommunication, et bien que cette Cour ait
le pouvoir d'accorder des injonctions aux fins de
l'application du paragraphe 10(1) [édicté, idem, art.
6; 1991, ch. 11, art. 84], notamment de l'article 4, en
vertu des paragraphes 10(4) [édicté, idem] et (5)
[édicté, idem] de la Loi. Toutefois, comme les parties
se font respectivement représenter par avocat, elles
peuvent adopter la ligne de conduite qui leur est con-
seillée.
Ainsi qu'il a été discuté entre la Cour et les avocats
respectifs à l'audience du 30 juin 1992, l'audition de
l'ensemble de la présente action mal conçue sera
ajournée sine die pour permettre aux demanderesses
de signifier les avis de questions constitutionnelles
requis par l'article 57, de réviser et modifier ou non
leur demande à l'intention de la Section d'appel,
selon leur choix, et de décider s'il y a lieu de modi
fier ou de poursuivre leurs deux demandes d'injonc-
tion relativement à la Loi sur la radiocommunication.
L'indulgence de la Cour à cet égard ne doit pas
être interprétée comme un précédent. Elle est accor-
dée principalement, pour ne pas dire exclusivement,
en raison de la nouveauté des modifications récem-
ment apportées à la Loi et aux Règles. L'ordonnance
de la Cour sera formulée conformément aux présents
motifs.
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