T-2252-91
CNG Transmission Corporation (requérante)
c.
Office national de l'énergie, ANR Pipeline
Company, Rochester Gas & Electric Corporation,
St. Clair Pipelines Limited, TransCanada
PipeLines Limited (intimés)
RÉPERTORIÉ' CNG TRANSMISSION CORP. C. CANADA (OFFICE
NATIONAL DE L'ÉNERGIE) (Ire MST.)
Section de première instance, juge Cullen—Ottawa,
3, 4 et 18 octobre 1991.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
Demande en vue de l'annulation de la décision par laquelle
l'Office national de l'énergie (ONE) a décidé de réviser le
refus d'accorder aux compagnies intimées l'autorisation de
construire un pipeline — 1.a requérante, une concurrente, a
présenté une proposition concernant le pipeline — L'ancien
président de l'Office était conseiller de l'intimée et a commu-
niqué directement avec le président de l'ONE (contrairement à
la politique de l'Office) en vue d'organiser une rencontre avec
lui ainsi qu'avec le vice-président et les représentants des com-
pagnies de pipelines perdantes — Ils ont fait part de réactions
défavorables au refus et ont fait des suggestions au sujet de la
manière dont l'ONE devait procéder compte tenu de présumés
faits nouveaux — La requérante n'était pas représentée à la
réunion — L'Office a décidé d'abréger la procédure de révi-
sion — Compte tenu des dispositions de la Loi sur l'Office
national de l'énergie, de la nature de la décision, qui portait
sur la procédure, e! du genre de fonction exercée, les principes
de l'équité s'appliquaient, omis pas dans la même mesure que
dans le cas des audiences au fond — La manière dont la
réunion s'est déroulée était inéquitable — Lat requérante s'est
vu refuser une occasion raisonnable de se prononcer sur l'op-
portunité d'une révision — Crainte raisonnable de partialité
— Ii n'y a pas lieu d'interdire aux membres de l'ONE de ren-
contrer les représentants du secteur d'activité, mais la réunion
n'aurait dû porter que sur des questions de procédure.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Prohibition —
Requête visant à interdire à onze membres désignés de l'Office
national de l'énergie de participer à toute révision du refus
d'accorder l'autorisation de construire un pipeline — À la
suite du refus, il y a eu une rencontre avec le président et le
vice-président de l'Office ainsi qu'avec les représentants des
sociétés perdantes — La réunion violait le principe audi alte-
rami partem — La demande a été accueillie en ce qui concerne
le président e! le vice-président de l'ONE — Étant donné que
des questions de fond on! été discutées e! que le président et le
vice-président avaient participé à la décision de réviser le
refus, il existait une crainte raisonnable de partialité — La
demande est rejetée en ce qui concerne les membres de l'Office
qui ont reçu le procès-verbal de la réunion.
Énergie — L'Office national de l'énergie a décidé de réviser
le refus d'accorder aux intimés l'autorisation de construire un
pipeline et d'abréger la procédure de révision — La requé-
rante n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur l'opportunité
d'une révision — Les intimés ont eu deux occasions de faire
valoir leur point de vue, dont l'une à huis clos et en l'absence
des requérantes — Examen de la Loi sur l'Office national de
l'énergie, de la nature de la décision, qui portait sur la procé-
dure, et de la fonction exercée — L'Office a un mandat impor
tant qui s'accompagne d'une lourde responsabilité d'agir équi-
tablement — Violation du principe audi alteram partem —
Décision d'effectuer une révision annulée — Il est interdit au
président et au vice-président de l'ONÉ de participer à une
révision étant donné qu'ils étaient présents à la réunion à huis
clos et qu'ils ont participé à la décision de réviser le refus.
Il s'agissait d'une demande en vue de l'obtention d'un cer-
tiorari annulant la décision qu'avait prise l'Office national de
l'énergie (ONÉ) de réviser son refus d'autoriser les compa-
gnies intimées à construire un pipeline et en vue de l'obtention
d'un bref de prohibition interdisant à onze membres désignés
de I'ONÉ de procéder à une nouvelle audition de l'affaire. La
requérante, une concurrente, avait présenté une proposition en
vue du transport du gaz en provenance du réseau canadien de
pipelines vers l'État de New York. Les deux propositions pré-
sentées exigeaient l'approbation des organismes canadien et
américain de réglementation. Après que le refus de l'ONÉ eut
été communiqué, la Federal Energy Regulatory Commission
(la FERC) américaine a approuvé la proposition des intimées
sous réserve de l'agrément par l'ONÉ. M. Edge, autrefois pré-
sident de l'ONÉ et maintenant conseiller de la société mère
d'une compagnie intimée, a communiqué avec le président
actuel de l'ONÉ pour organiser une réunion avec lui, ainsi
qu'avec le vice-président et un conseiller juridique de l'ONÉ.
La politique et les règles de l'Office exigent que toutes les
communications qui lui sont destinées soient adressées au
secrétaire. A la réunion, les représentants des compagnies inti-
mées ont fait part de leur réaction défavorable à la décision de
l'ONÉ; ils ont fait des observations sur certains aspects de l'af-
faire et ont exprimé l'opinion selon laquelle la décision de la
FERC constituait un fait nouveau qui ,justifiait la révision du
refus. Le président et le vice-président de l'ONÉ ont fait savoir
qu'ils ne pensaient pas que l'Office procéderait à une révision
de sa propre initiative; il a été convenu que les compagnies
intimées présenteraient une demande de révision fondée sur
l'article 21, dans laquelle elles pourraient demander que l'ONÉ
accélère la procédure de révision. Les membres de l'Office ont
reçu un résumé de cette réunion. Tel que convenu, une
demande de révision fondée sur l'article 21 a été présentée et
une copie a été envoyée à la requérante, qui a demandé qu'on
lui accorde l'occasion de se prononcer sur l'opportunité d'une
révision. Sans répondre à la demande, l'Office a décidé d'abré-
ger la procédure de révision, puisqu'il avait été «persuadé par
les arguments des requérants» qu'une révision était justifiée.
Les Règles de l'Office exigent que ce dernier entende en
public les observations concernant l'opportunité de réviser une
décision, mais l'Office a également le pouvoir de dispenser de
l'application de toute disposition des Règles. Il s'agissait de
savoir si la décision de l'ONÉ d'effectuer une révision était
assujettie aux principes de l'équité et, dans l'affirmative, si la
réunion avec les représentants des compagnies intimées soule-
vait une crainte raisonnable de partialité ou constituait un déni
de justice naturelle et un manquement à l'obligation d'agir
équitablement par suite de la violation du principe audi alte-
ram partem.
Jugement: la demande de certiorari devrait être accueillie; la
demande de bref de prohibition devrait être accueillie unique-
ment en ce qui concerne le président et le vice-président de
l'ONE.
Après avoir examiné les dispositions de la Loi sur l'Office
national de l'énergie, la nature de la décision, qui portait sur la
procédure, et le genre de fonction exercée par l'Office, la Cour
a conclu que les règles de l'équité procédurale s'appliquaient,
mais pas dans la même mesure que dans le cas des audiences
au fond. On pourrait soutenir que la requérante avait subi un
préjudice par suite du refus de lui accorder l'occasion de se
prononcer sur l'opportunité d'une révision, dans la mesure où
les intimés se sont vu accorder deux occasions de faire valoir
leur point de vue, dont l'une à huis clos et en l'absence des
parties ayant des intérêts opposés aux leurs. Les règles de
l'équité comprennent les règles audi alteram partem et nemo
judex in causa sua debet esse.
En ce qui a trait à la question de la crainte raisonnable de
partialité, le problème que posait la décision de l'Office était
que l'idée d'abréger la procédure de révision avait été proposée
par un groupe qui représentait les compagnies perdantes au
cours d'une réunion à huis clos avec le président et le vice-
président de l'ONE. Si l'ONE avait rendu la décision de sa
propre initiative sans être influencé par des tiers, il n'y aurait
pas eu de problème.
L'Office a un mandat important qui s'accompagne d'une
lourde responsabilité d'agir équitablement, de ne pas favoriser
une partie au détriment de l'autre et de ne pas donner cette
impression. Il était à propos de tenir une réunion pour discuter
de la procédure même si quelques-unes des parties seulement y
participaient, pourvu qu'il soit clairement entendu qu'il y serait
question de procédure seulement. Il aurait fallu mettre fin à la
réunion lorsqu'il est devenu évident que des questions autres
que des questions de procédure seraient abordées en vue d'être
examinées.
Compte tenu des circonstances, il existait une crainte raison-
nable de partialité. Il ne devrait pas être interdit aux membres
de l'ONE de rencontrer des représentants du «secteur d'acti-
vité». Des discussions ou réunions préliminaires ne suscitent
pas automatiquement de crainte raisonnable de partialité.
Cependant, les circonstances extraordinaires justifient une
intervéntion. Le contexte de la rencontre et son contenu dans
l'ensemble constituaient un facteur décisif, compte tenu du
mandat de l'ONE ainsi que de ses politiques et procédures.
L'ONE avait été avisé que la «partie perdante» déposerait une
demande de révision; le président et le vice-président de l'ONE
ont rencontré certains représentants des «parties perdantes»;
cette réunion avait été tenue après que l'ancien président, qui
agissait pour le compte d'une des compagnies, eut commu-
niqué directement avec le président, ce qui était contraire aux
règles et à la politique de l'ONE; des questions de fond impor-
tantes ont été abordées, des arguments ont été invoqués à l'ap-
pui de la position des représentants et des idées ont été avan-
cées sur la manière dont l'ONE devrait procéder, c'est-à-dire,
entreprendre une révision de sa propre initiative. Quelques
jours plus tard, une demande de révision a été déposée et peu
de temps après, l'ONÉ a décidé d'y donner suite et a affirmé
qu'il avait retenu les arguments des requérantes. La réunion et
la manière dont elle s'est déroulée étaient inéquitables à
l'égard de la requérante et d'autres parties à l'instance origi-
nale qui n'avaient pas eu une occasion raisonnable ou équitable
de se prononcer sur l'opportunité de la révision.
La participation du président et du vice-président de l'ONE
à la réunion, compte tenu de ce qui a été discuté, et leur partici
pation à la décision de procéder à la révision, pouvait susciter
une crainte raisonnable de partialité. Il y a lieu de leur interdire
de participer à toute révision ou de procéder à une nouvelle
audition de l'affaire. Il n'est pas opportun d'interdire aux
autres membres de l'ONE de participer à une révision unique-
ment parce qu'ils ont reçu le procès-verbal de la réunion.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. (1985),
chap. N-7, art. 3(1) (mod. par. L.C. 1990, chap. 7,
art. 3), 4, 6 (mod., idem, art. 4), 7(2), 8b), II, 21 (mod.,
idem, art. 10).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. e. Winnipeg
(Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170; (1990), 75 D.L.R. (4th)
385; [1991] 2 W.W.R. 145; 2 M.P.L.R. (2d) 217; 69 Man.
R. (2d) 134; 46 Admin. L.R. 161; 116 N.R. 46; Enquête
énergie c. Commission de contrôle de l'énergie atomique,
[1984] 2 C.F. 227; (1984), 8 D.L.R. (4th) 735; 5 Admin.
L.R. 165; 13 C.E.L.R. 66; 43 C.P.C. 13 (1PC inst.); conf.
par [1985] I C.F. 563; (1984), 15 D.L.R. (4th) 48; II
Admin. L.R. 287; 13 C.E.L.R. 162; 56 N.R. 135 (C.A.).
AVOCATS:
J. H. Smellie et D. K. Wilson pour la requérante,
CNG Transmission Corporation.
Nicol J. Schultz et Susan Brown pour l'interve-
nante, Tennessee Gas Pipeline Company.
John J. Marshall, c.r., pour l'intimée, St. Clair
Pipelines Limited.
H. G. Intven et Robert B. Cohen pour l'intimée,
TransCanada PipeLines Limited.
T. Bradbrooke Smith, c.r., T. Gregory Kane et
Rowland J. Harrison pour les intimées, Roches-
ter Gas & Electric Corporation et ANR Pipeline
Company.
Margery A. Fowke pour l'intimé, l'Office natio
nal de l'énergie.
PROCUREURS:
Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa, pour la
requérante, CNG Transmission Corporation.
Fraser & Beatty, Ottawa, pour l'intervenante,
Tennessee Gas Pipeline Company.
Macleod, Dixon, Calgary, pour l'intimée, St.
Clair Pipelines Limited.
McCarthy, Tétrault, Toronto, pour l'intimée,
TransCanada PipeLines Limited.
Stikeman, Elliott, Toronto, pour les intimées,
Rochester Gas & Electric Corporation et ANR
Pipeline Company.
Contentieux de l'Office national de l'énergie,
Calgary, pour l'intimé, l'Office national de
l'énergie.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: La Cour est saisie de la requête de
CNG Transmission Corporation (CNG) en vue d'ob-
tenir un bref de certiorari annulant la décision de
l'intimé, l'Office national de l'énergie (ONÉ) en date
du 9 août 1991 de procéder à la révision administra
tive de sa propre décision en date du 4 juillet 1991, à
l'égard de l'ordonnance d'audience GH -1-91 et un
bref de prohibition interdisant aux onze membres
nommés de l'ONÉ de participer à toute révision de la
décision du 4 juillet 1991 ou de procéder à une nou-
velle audition de l'affaire.
MOTIFS DE LA REQUÊTE
Selon la requérante, les faits qui ont entouré la
décision rendue par l'ONÉ le 9 août 1991 donnent
lieu à une crainte raisonnable de partialité de la part
des membres nommés de l'ONÉ. Ils constitueraient
également un déni de justice naturelle et un manque-
ment à l'obligation d'agir équitablement.
HISTORIQUE
Les faits en l'espèce intéressent deux groupes
d'importantes compagnies de pipelines qui se font
concurrence pour être autorisés à transporter du gaz
vers les marchés du nord de l'État de New York. Ces
deux groupes proposent de transporter du gaz en pro-
venance du réseau canadien de pipelines, exploité par
TransCanada PipeLines Limited (TransCanada). L'un
des groupes, composé des compagnies TransCanada,
ANR Pipeline Company (ANR), Rochester Gas &
Electric Corporation (RG&E) et St. Clair Pipelines
Limited. (St. Clair), propose d'acheminer le gaz vers
les marchés en question au moyen d'un nouveau
pipeline dans l'État de New York appelé le «Empire
State Pipeline». Ce pipeline serait relié au réseau
TransCanada à la rivière Niagara, près de Chippewa
(Ontario). Pour atteindre le point de jonction de la
rivière Niagara, TransCanada propose de construire
un pipeline de 20,6 km, nommé «prolongement de
Blackhorse», et les installations connexes. Cette pro
position requiert l'agrément des organismes canadien
et américain de réglementation en matière d'énergie.
L'installation «Empire» passerait dans des territoires
dont les marchés avaient été approvisionnés jusque là
par CNG. Le second groupe, composé de CNG et de
Tennessee Gas Pipeline Company (Tennessee) pro
pose d'acheminer le gaz du réseau TransCanada en
passant par un point de jonction existant sur la rivière
Niagara près de Lewiston (New York). Selon cette
proposition, le prolongement de Blackhorse ne serait
pas nécessaire. Cependant, il faudrait construire de
nouvelles installations de compression et agrandir les
installations actuelles du pipeline dans l'État de New
York. Cette proposition requiert également l'agré-
ment des organismes de réglementation au Canada et
aux États-Unis.
Le 20 juillet 1989, TransCanada a déposé une
demande auprès de l'ONE pour obtenir l'autorisation
de construire le prolongement de Blackhorse et les
installations connexes. Dans l'ordonnance d'audience
GH -l-91, l'ONE a convoqué une audience publique
pour instruire l'affaire à Niagara Falls (Ontario), le
22 avril 1991. Les témoignages ont été recueillis à
Niagara Falls entre le 22 et le 26 avril 1991 et les
plaidoiries orales ont été entendues à Ottawa le 6 mai
1991.
Dans une lettre datée du 28 janvier 1991 (voir la
pièce B annexée à l'affidavit de Henry Edwards
Brown (Brown)), TransCanada, représentée par un
certain M. Varga, [TRADUCTIon] «a demandé à l'Of-
fice de rendre sa décision motivée ou, à titre subsi-
diaire, sa décision non motivée, l'ordonnance de
l'Office à l'égard du prolongement de Blackhorse
ainsi que les conditions d'agrément qui s'y rapporte-
raient, et ce, avant le 3 juillet 1991, en publiant ses
motifs ultérieurement, dès que possible». M. Varga
avait invoqué des motifs convaincants au soutien de
cette demande.
Le 4 juillet 1991, l'ONÉ a rendu sa décision (GH -
1-91) par laquelle il rejetait la demande de TransCa-
nada, motifs à suivre.
Le 9 juillet 1991, l'organisme de réglementation
américain, la Federal Energy Regulatory Commission
(FERC) autorisait la construction de l'«Empire State
Pipeline», sous réserve de l'agrément, par l'ONÉ du
prolongement de Blackhorse. La FERC a rejeté, sous
toutes réserves, la demande d'autorisation que CNG
et Tennessee avaient faite pour construire le pipeline
et certaines installations.
Le 1 1 juillet 1991, M. Varga a encore une fois prié
l'ONÉ de communiquer les motifs de sa décision le"
plus tôt possible, de préférence avant le 22 juillet
1991. Il a également fait savoir que TransCanada pré-
voyait déposer une demande de révision (pièce D
annexée à l'affidavit de Brown).
Le 16 juillet 1991, M. Edge, conseil au service de
Coastal Corp. (la compagnie mère d'ANR), a com-
muniqué avec le président de l'ONÉ pour organiser
une réunion avec des fonctionnaires de l'ONÉ le 23
juillet 1991. M. Edge est un ancien membre et prési-
dent de l'ONÉ. Cette réunion a finalement été tenue
le 29 juillet 1991.
Le 25 juillet 1991, l'ONÉ a publié ses motifs à
l'égard de la décision GH -l-91. L'Office a fait savoir
que sa décision s'appuyait sur une conclusion selon
laquelle les installations proposées du prolongement
de Blackhorse n'étaient pas nécessaires et selon
laquelle les marchés new-yorkais pouvaient être
approvisionnés en temps utile par des moyens moins
coûteux et moins dommageables pour l'environne-
ment.
Le 29 juillet 1991, M. Edge et des représentants du
groupe Coastal, RG&E et St. Clair (nota: M.
Bergsma est vice-président de Union Gas et a com-
paru comme témoin à l'audience de l'ONÉ en sa qua-
lité de président de St. Clair) ont rencontré le prési-
dent Priddle, le vice-président Fredette et un membre
du service juridique de l'ONÉ. Les représentants des
compagnies de pipelines ont exprimé des opinions et
des réactions défavorables à la décision de l'ONE. Ils
ont également présenté des observations sur certains
aspects de l'affaire et ont déclaré que la décision de la
FERC constituait un fait nouveau par rapport à ceux
sur lesquels la décision GH -1-91 était fondée, si bien
qu'il y avait lieu de réviser la décision. M. Edge a
suggéré que l'ONE entreprenne une révision de sa
propre initiative. Le président et le vice-président ont
fait savoir que, selon eux, il était peu probable que
l'ONE agisse en ce sens. Il a ensuite été entendu que
les compagnies représentées à la réunion pourraient
présenter une demande de révision fondée sur l'ar-
ticle 21 dans laquelle elles pourraient demander que
l'ONE accélère le processus de révision. Cette révi-
sion pourrait être accélérée si l'on se dispensait du
processus de révision en deux étapes pour procéder
directement à une révision quant au fond au cours de
laquelle les parties disposeraient d'une période courte
mais équitable afin de faire des commentaires. Au
début de la réunion, M. Priddle avait accepté de com-
muniquer les résultats aux autres membres de l'ONE.
Quelques jours plus tard, les onze membres nommés
dans la présente requête ont reçu un résumé de la
réunion.
Le 2 août 1991, TransCanada, agissant en son pro-
pre nom et pour le compte d'ANR, St. Clair et
RG&E, a déposé une demande auprès de I'ONE pour
faire réviser la décision OH-1-91, en application de
l'article 21 de la Loi sur l'Office national de l'énergie
[L.R.C. (1985), chap. N-7 (mod. par L.C. 1990, chap.
7, art. 10)] (la Loi). Les requérants ont fait valoir que
la décision de la FERC constituait un fait nouveau
qui justifiait la révision. Invoquant l'urgence, les
requérants ont également demandé que l'Office se
dispense de suivre le processus de révision en deux
étapes visé par la Partie V des Règles de procédure
de l'Office dans leur forme provisoire.
Bien que CNG et Tennessee n'aient pas été offi-
ciellement avisées, elles ont reçu une copie de la
demande de révision de TransCanada et elles ont
demandé par écrit à l'ONE de leur accorder une occa
sion raisonnable et équitable de se prononcer sur
l'opportunité même d'une révision.
Cette demande est restée sans réponse. Cependant,
le 9 août 1991, l'ONE a décidé d'abréger le proces-
sus de révision et a fait savoir qu'il avait été [TRADUc-
Tnon] «persuadé par les arguments des requérants»
qu'une révision était justifiée.
LES QUESTIONS EN LITIGE
La requérante conteste la décision du 9 août 1991
d'abréger le processus de révision et d'entreprendre
la révision de la décision GH -1-91 quant au fond.
Essentiellement, la Cour doit statuer s'il y a lieu
d'annuler cette décision au motif que la manière dont
l'ONÉ avait agi en participant à la réunion du 29 juil-
let avec certains représentants des compagnies de
pipelines soulève une crainte raisonnable de partialité
de sa part ou constitue un déni de justice naturelle et
un manquement à l'obligation d'agir équitablement
du fait qu'il n'a pas respecté le principe audi alteram
partem. Enfin, la Cour doit décider s'il y a lieu de
décerner un bref de prohibition contre les membres
de l'ONÉ, ou certains d'entre eux.
THÈSE DE LA REQUÉRANTE
La requérante CNG prétend que l'ONÉ exerçait
manifestement une fonction quasi judiciaire lorsqu'il
a entendu les parties au sujet du prolongement
Blackhorse et lorsqu'il a statué à cet égard, si bien
qu'il est assujetti aux règles de la justice naturelle et
de l'équité procédurale. Selon elle, il est également
clair que I'ONÉ exerce une fonction quasi judiciaire
lorsqu'il est saisi d'une demande de révision ou de
nouvelle audition en application de l'article 21. Par
conséquent, l'ONÉ et ses membres doivent visible-
ment agir sans partialité. Il faut donner à toutes les
parties une occasion équitable de présenter des obser
vations. L'ONÉ ne doit pas entendre des témoignages
ou des observations d'une partie à l'insu des autres.
Selon la requérante, les faits en l'espèce soulèvent
une crainte raisonnable de partialité. En effet, à la
réunion du 29 juillet, des membres de l'Office ont
fourni des conseils sur des matières qui se sont avé-
rées être des assises importantes de la demande dépo-
sée auprès de l'ONÉ le 2 août 1991. Selon la requé-
rante, l'importance de ces conseils ne fait pas de
doute vu la manière dont la demande de révision du 2
août a été rédigée, laquelle reprenait pour l'essentiel
la proposition avancée par MM. Priddle et Fredette à
la réunion à huis clos du 29 juillet. En outre, selon la
requérante, une personne raisonnable est nécessaire-
ment amenée à conclure que la décision de M.
Priddle, M. Fredette et les autres membres de l'ONE
qui ont reçu les notes de la réunion à huis clos a pu
être influencée par la conduite des parties jusqu'à la
décision du 9 août. L'ONÉ a affirmé qu'il avait été
[TRADUCrIon] «persuadé par les arguments des requé-
rants» qu'une révision était justifiée. Or, la requé-
rante CNG s'est demandée de quels arguments il
s'agissait: ceux qui avaient été avancés à la réunion à
huis clos ou ceux qui étaient énoncés dans la
demande de révision?
La requérante CNG prétend également qu'en agis-
sant comme il l'a fait, l'ONE a violé le principe audi
alteram partem dans la mesure où il a entendu des
témoignages et des observations d'une partie à l'insu
de l'autre. La requérante soutient que l'ONE n'a
donné aucune occasion aux parties intéressées,
notamment CNG, de se prononcer sur la question
préliminaire relative à l'opportunité de réviser la
décision GH- l -91, comme l'exigent normalement les
Règles de l'Office dans leur forme provisoire.
La requérante allègue également que l'ONÉ a agi
contrairement aux politiques qu'il avait lui-même
établies à l'égard de ses propres membres et de ses
rapports avec les tiers, notamment le cas où ces der-
niers communiquent avec l'Office ou ses membres.
Ainsi, selon ces politiques, les membres ou les
employés de I'ONÉ ne doivent jamais discuter du
fond d'une demande donnée, ni donner un avis sur
l'issue de celle-ci puisqu'il s'agit là de questions sur
lesquelles l'ONE doit statuer.
La requérante soutient que de par leur participation
à la réunion à huis clos, leurs conseils gratuits sur des
matières qui se sont avérées être des assises impor-
tantes de la demande de révision officiellement pré-
sentée quelques jours plus tard et leur participation
active à la décision du 9 août, MM. Priddle et Fre-
dette doivent être dessaisis de toute révision de la
décision GH -1-91 ou de toute nouvelle audition de
l'affaire. En outre, vu les circonstances, les autres
personnes nommées dans l'avis de requête devraient
également être dessaisies de l'affaire.
THÈSE DES INTIMÉS
Les divers intimés ont chacun présenté des argu
ments distincts, lesquels reviennent essentiellement
au même. Tous prétendent que la décision d'entre-
prendre une révision de la décision GH -1-91 ne cons-
tituait pas une décision ou une ordonnance de nature
administrative qui devait être rendue conformément à
un processus judiciaire ou quasi judiciaire en vertu
d'une règle de droit. Selon eux, la décision était d'or-
dre procédural et préliminaire. En outre, elle était
provisoire, de sorte qu'aucun droit, privilège ou auto-
risation n'avait été définitivement touché. Il appar-
tient toujours à l'ONÉ de décider, dans le cadre de
l'instance de révision en cours s'il y a lieu de modi
fier ou d'annuler la décision GH -1-91. Comme tel,
l'ONÉ n'est pas obligé de tenir des audiences sur ces
questions. Au pis aller, prétendent les intimés, l'ONÉ
était tenu de respecter l'obligation d'agir équitable-
ment. Selon TransCanada, les règles de l'équité pro-
cédurale, notamment la règle audi alteram partem, ne
s'appliquent généralement pas à des décisions préli-
minaires (il en irait de même, par voie de consé-
quence, du critère de la crainte raisonnable de partia-
lité). TransCanada plaide que la décision
d'entreprendre la révision n'aurait pas de consé-
quences importantes à l'égard de CNG ou des autres
parties dans la mesure où il leur serait tout à fait loisi-
ble de participer à l'instance de révision pour tenter
de convaincre l'ONÉ de maintenir sa décision. La
requérante CNG a, tout au plus, perdu son droit à plu-
sieurs «essais». Par conséquent, la requérante n'a
perdu aucun droit quant au fond. Les intimés ajoutent
que les parties intéressées se sont fait signifier la
demande de révision, laquelle comprenait la demande
d'abréger la procédure de révision. Ainsi, elles ont eu
l'occasion de répondre et de commenter cette
demande.
Les intimés prétendent également que même si les
principes de l'équité s'appliquent normalement aux
demandes de révision ou de nouvelle audition, l'ONÉ
a le pouvoir discrétionnaire, en vertu de la Règle 5,
d'abréger ces règles dans des cas particuliers. En l'es-
pèce, l'ONE a simplement choisi d'exercer son pou-
voir discrétionnaire à l'égard de sa propre procédure
et les intimés font remarquer qu'une Cour appelée à
exercer un contrôle judiciaire doit se garder de con-
trecarrer l'exercice légitime du pouvoir discrétion-
naire d'un tribunal spécialisé comme l'ONE.
En ce qui a trait à la question de la crainte raison-
nable de partialité, l'intimé TransCanada soutient que
le simple fait, pour un membre de l'Office d'avoir
participé à une réunion préliminaire qui avait pour
objet la procédure ou l'obtention de renseignements
ne saurait susciter une crainte raisonnable de partia-
lité. Par conséquent, le fait d'avoir reçu le procès-ver
bal de cette réunion ne saurait non plus susciter une
telle crainte. Toujours selon cette intimée, le fait que
les membres qui ont participé à la réunion du 29 juil-
let aient pu s'entretenir avec d'autres membres de
l'ONÉ, lesquels ont participé à la décision d'entre-
prendre la révision, ne saurait susciter une crainte rai-
sonnable de partialité, de la part de ces derniers, qui
justifierait qu'ils soient exclus de la révision. Selon
l'intimée, une conclusion selon laquelle ces faits jus-
tifient une crainte raisonnable de partialité priverait
de tout son sens la maxime ne#no judex in causa sua
debet esse. En outre, une telle conclusion entraverait
indûment les tribunaux administratifs chargés d'exer-
cer un mandat général de surveillance et de régle-
mentation à l'égard d'un secteur d'activité, comme
c'est le cas de I'ONE. Il ne doit pas être interdit à
l'ONÉ de rencontrer les membres du secteur d'acti-
vité visé, ni de prendre connaissance de développe-
ments importants sur les décisions qu'il doit prendre.
Les intimés prétendent que l'allégation de CNG
selon laquelle il y a aurait eu violation de la règle
audi alterani partent s'applique seulement à la
demande de certiorari et non à la demande de prohi
bition puisque CNG et les autres parties ont eu toute
latitude pour faire valoir leurs arguments au sujet des
questions abordées à la réunion du 29 juillet pendant
l'instance de révision en cours de I'ONÉ. Les intimés
prétendent également que le fait de décerner un bref
de prohibition contre tous les membres de l'ONE
aurait pour effet de contrecarrer les objets de la Loi.
En résumé, les intimés prétendent que la demande de
CNG constitue une tentative de judiciarisation du
processus de l'ONE, notamment à l'égard de réu-
nions tenues alors qu'il n'y avait aucune [TRADUC-
TION] «instance pertinente» pendante et à l'égard de
décisions d'ordre procédural ou préliminaire rendues
pendant que l'ONÉ remplissait son mandat prévu par
la Loi.
CADRE LÉGISLATIF—L'OFFICE NATIONAL DE
L' ÉNERGIE
L'ONÉ exerce ses pouvoirs en vertu de la Loi sur
l'Office national de l'énergie, L.R.C. (1985), chap.
N-7 et ses modifications. L'article 11 prévoit que
1'ONÉ est une «cour d'archives». Son mandat géné-
ral consiste à exercer diverses fonctions prévues par
la Loi, notamment celle d'autoriser la construction de
pipelines et d'installations connexes. Aux termes du
paragraphe 3(1) [mod. par L.C. 1990, chap. 7, art. 3]
de la Loi, l'ONÉ est composé d'au plus neuf
membres nommés par le gouverneur en conseil; en
outre, jusqu'à six membres temporaires peuvent être
nommés à une époque donnée (article 4). Au ler juin
1991, les personnes suivantes étaient membres de
l'ONÉ: R. Priddle (président), J. G. Fredette (vice-
président), R. B. Horner, c.r., W. G. Stewart, D. B.
Gilmour, A. Côté-Verhaaf, M. Musgrove, C. Bélan-
ger, R. Illing, D. B. Smith (membre temporaire) et K.
W. Vollman (membre temporaire). Le quorum est
constitué de trois membres, (paragraphe 7(2)). Le
président est désigné par le gouverneur en conseil, en
vertu de l'article 6 [mod., idem, art. 4] de la Loi, pour
agir comme premier dirigeant de l'ONÉ. À ce titre, il
en assure la direction et contrôle la gestion de son
personnel.
L'article 21 de la Loi accorde à l'ONÉ le pouvoir
de réviser, annuler ou modifier ses ordonnances ou
décisions ou procéder à une nouvelle audition avant
de statuer sur une demande.
En vertu de l'article 8 de la Loi, l'ONÉ peut établir
des règles régissant notamment les modalités de pré-
sentation des demandes, observations et plaintes, le
déroulement de ses audiences et, de façon générale,
la manière de traiter les affaires dont il est saisi (ali-
néa 8b)). La Partie V des Règles de l'ONÉ dans leur
forme provisoire prévoit que les demandes de révi-
sion doivent être déposées auprès de la secrétaire de
l'ONÉ et doivent être signifiées à toutes les per-
sonnes qui étaient parties à l'instance originale. Ces
parties ont ensuite vingt jours à compter de la signifi
cation pour présenter une déclaration écrite, la dépo-
ser et la faire signifier. Le requérant dispose alors de
dix jours pour présenter une réponse (Règles 41, 42
et 43). Aux termes de la Règle 45 (Décision), l'ONÉ
a pour pratique établie de traiter les demandes de
révision selon une procédure en deux étapes. Dans un
premier temps, l'ONÉ décide s'il y a lieu de réviser
une décision après avoir entendu les parties intéres-
sées, c'est-à-dire les commentaires publics sur l'op-
portunité de réviser la décision. Dans un deuxième
temps, s'il décide de réviser, l'ONÉ statue alors sur la
demande ou décide des procédures appropriées qui
régiront le déroulement de cette révision. Cependant,
en vertu de la Règle 5 des Règles dans leur forme
provisoire, l'ONÉ a le pouvoir de dispenser de, l'ap-
plication de ces Règles, de les modifier ou d'y sup
pléer. En vertu de la Règle 7, l'ONE a le pouvoir
d'abréger les délais prescrits par les Règles en
matière de révision.
COMMENTAIRES
Je partage l'avis de l'intimé selon lequel la déci-
sion du 9 août d'abréger la procédure de révision en
deux étapes à l'égard de la décision GH -1-91 n'est
pas de nature quasi judiciaire mais constitue plutôt
une décision d'ordre procédural. Par conséquent, je
dois décider si l'ONE est tenue de se conformer aux
principes de l'équité et jusqu'où va cette obligation,
le cas échéant. Je n'accepte pas l'argument de Trans-
Canada selon lequel les règles de l'équité procédurale
ne s'appliquent pas en l'espèce dans la mesure où la
décision de l'ONE a été rendue à titre préliminaire.
J'estime que la question de savoir si les règles de
l'équité procédurale s'appliquent doit être résolue
selon l'approche exposée par le juge Sopinka dans
I' arrêt Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc.
c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, à la page
1191:
Le contenu des règles de justice naturelle et de l'équité procé-
durale était autrefois déterminé en fonction de la classification
des tâches du tribunal administratif ou d'un autre organisme ou
fonctionnaire publics. Ce n'est plus le cas et le contenu de ces
règles dépend désormais de plusieurs facteurs, dont les termes
de la loi en vertu de laquelle agit l'organisme en question, la
nature de la tâche particulière qu'il a à remplir et le type de
décision qu'il est appelé à rendre. Ce changement d'approche
se trouve résumé dans l'arrêt Syndicat des employés de produc
tion du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission cana-
dienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, où j'af-
firme (aux pp. 895 et 896):
Aussi bien les règles de justice naturelle que l'obligation d'agir
équitablement sont des normes variables. Leur contenu dépend
des circonstances de l'affaire, des dispositions législatives en
cause et de la nature de la question à trancher. La distinction
entre elles s'estompe donc lorsqu'on approche du bas de
l'échelle dans le cas de tribunaux judiciaires ou quasi judi-
ciaires et du haut de l'échelle dans le cas de tribunaux adminis-
tratifs ou exécutifs. C'est pourquoi on ne détermine plus main-
tenant le contenu des règles à suivre par un tribunal en essayant
de le ranger dans la catégorie de tribunal judiciaire, quasi judi-
ciaire, administratif ou exécutif. Au contraire, on décide du
contenu de ces règles en tenant compte de toutes les circons-
tances dans lesquelles fonctionne le tribunal en question. [Je
souligne.]
Les intimés ont plaidé que les principes de l'équité
qui s'appliquaient normalement à l'égard des
audiences de l'ONE quant au fond d'une affaire ne
devraient pas être appliqués avec la même rigueur au
processus par lequel l'ONE décide de procéder à une
nouvelle audition. Je reconnais que le degré d'équité
procédurale à appliquer en l'espèce doit être moins
élevé. Cependant, il fallait quand même agir équita-
blement. Dans le cas qui nous intéresse, on peut sou-
tenir que la décision de l'ONÉ a causé un préjudice à
la requérante CNG dans la mesure où les intimés
ANR, St. Clair et RG&E se sont effectivement vu
accorder deux occasions de faire valoir leur cause,
dont l'une à huis clos et en l'absence des parties
ayant des intérêts opposés aux leurs. Qui plus est,
CNG s'est vu priver de l'occasion de débattre de
l'opportunité d'une révision.
Selon la jurisprudence, il est clair que les règles de
l'équité comprennent les règles audi alteram partem
et nemo judex: Enquête énergie c. Commission de
contrôle de l'énergie atomique, [ 1984] 2 C.F. 227
(]re inst.); confirmé par [1985] 1 C.F. 563 (C.A.).
Comme l'a affirmé le juge Reed, à la page 234 de la
décision Enquête énergie, «Je suis certain [sic] que
l'obligation d'agir équitablement énoncée par la Cour
suprême dans l'arrêt Nicholson doit comporter la
condition que l'auteur d'une décision soit impartial.
Toute autre conclusion saperait entièrement le con
cept de l'exigence d'une obligation d'équité».
En ce qui a trait à la question de la crainte raison-
nable de partialité, toutes les parties admettent que la
question en litige n'est pas de savoir si les membres
nommés ont effectivement un parti pris. Les avocats
de la requérante ont d'ailleurs tenu à préciser qu'ils
ne faisaient aucune allégation en ce sens. Il s'agirait
plutôt de décider si les faits en l'espèce sont suscep-
tibles de susciter, chez une personne raisonnablement
bien informée, une crainte raisonnable que le mem-
bre fera preuve de partialité, même inconsciente ou
involontaire dans son évaluation ou son jugement.
Le principal défaut de la décision de l'ONE tient
du fait que l'idée d'abréger la procédure de révision
avait été proposée par un groupe qui représentait les
compagnies de pipelines qui avaient perdu en pre-
mière instance au cours d'une réunion à huis clos
avec certains membres de l'ONE, notamment son
président et son vice-président. Si l'ONE avait rendu
la décision de sa propre initiative sans être influencé
par des tiers, celle-ci n'aurait pas été susceptible de
contestation puisque la Loi permet à l'Office de
modifier sa procédure.
Si le président Priddle et le vice-président Fredette
avaient rencontré l'avocate de l'ONE le 29 juillet
1991 pour discuter la décision de la FERC et qu'en-
suite le rapport de l'avocate avait été envoyé à tous
les membres de l'ONE, une telle rencontre et l'avis
qui aurait suivi auraient sans aucun doute relevé
entièrement des pouvoirs accordés à l'ONE. À mon
avis, cette manière de procéder aurait été conforme
au mandat de l'ONE et elle aurait certainement été
appropriée si l'avocate, dans son rapport, avait
énoncé qu'ils avaient examinés le rapport de la FERC
et qu'ils avaient décidé de ne pas réviser la décision
de sa propre initiative, mais qu'ils attendraient plutôt
que les compagnies en cause prennent l'initiative en
application de l'article 21. Dans ce cas, nul n'aurait
pu demander à la Cour d'intervenir. En effet, une
telle intervention reviendrait manifestement à judicia-
riser la procédure de l'ONE.
En l'espèce, la véritable question en litige est la
suivante: la réunion qui a effectivement été tenue le
29 juillet 1991 à l'initiative de M. Edge et à laquelle
ont participé des représentants du groupe Coastal,
RG&E et St. Clair justifie-t-elle l'intervention de la
Cour, comme le prétend la requérante et comme le
conteste les intimés? À mon sens, il faut répondre par
l'affirmative vu que les deux parties ont reconnu que
la Cour devait examiner les faits dans leur ensemble.
Comme il a été mentionné précédemment, la décision
de la FERC a été rendue le 9 juillet 1991 et dans la
semaine qui a suivi, M. Edge a communiqué avec le
président de l'ONE pour organiser une réunion avec
des fonctionnaires de l'ONE le 23 juillet 1991. Or, la
politique et les règles de l'Office exigent que toutes
les communications qui lui sont destinées soient
adressées à la secrétaire. Cette politique est énoncée
dans une lettre de l'ONE en date du 23 avril 1980
(Pièce M annexée à l'affidavit de Brown) adressée à
toutes les compagnies qui relèvent de la compétence
de l'ONÉ. Cette politique est libellée en ces termes:
[TRADUCTION] Si, pour quelque raison que ce soit, des repré-
sentants d'un secteur d'activité qui relève de la compétence de
l'Office souhaitent rencontrer les membres de l'Office ou l'un
d'eux, ils doivent s'adresser à la secrétaire en précisant le but
de la réunion et les sujets qui y seront abordés. La demande et
la réponse de la secrétaire font alors partie du dossier public de
l'Office.
M. Edge devait connaître cette politique et devait
également savoir qu'il y contrevenait manifestement
lorsqu'il a communiqué directement avec le prési-
dent. Or, si un autre que M. Edge avait tenté de com-
muniquer avec lui de la sorte, je soupçonne que M.
Priddle l'aurait informé qu'il devait passer par la
secrétaire. M. Edge n'a pas été ainsi informé, ce qui
n'est guère surprenant, au demeurant, puisqu'il avait
longtemps occupé un poste important à l'Office. J'ai
également l'impression que M. Priddle a réagi
comme la plupart des gens auraient pu objectivement
s'y attendre et qu'il n'a pas servi cet avertissement à
M. Edge.
En outre, une note de service de l'ONE en date du
21 juillet 1987 (Pièce B annexée à l'affidavit de
Brown), adressée à tout le personnel de la secrétaire
par intérim de l'époque, prévoyait notamment ce qui
suit:
[TRADUCTION] L'Office et son personnel sont tenus d'informer
les requérants sur tout ce qui touche la procédure, les exigences
en matière de dépôt et les autres questions de cet ordre mais ne
doivent jamais discuter du fond d'une demande donnée ou
offrir un avis sur l'issue de celle-ci puisqu'il s'agit là de ques
tions sur lesquelles l'Office doit statuer.
Il est clair que M. Priddle et d'autres membres de
l'Office craignaient de participer à une réunion avant
que I'ONÉ ne prononce ses motifs à l'égard de la
décision GH -1-91. Dans une lettre datée du 30 août
1991 adressée à l'avocat de la requérante, Me F. J.
Morel, avocat général adjoint, (Pièce R annexée à
l'affidavit de Brown), nous avons relevé le passage
suivant:
[TRADUCTION] Vous avez raison de présumer que des membres
de l'Office autres que le président et le vice-président avaient
connaissance de la réunion du 29 juillet. Cependant, j'ai appris
que les paragraphes introductifs des notes prises au cours de la
réunion du 29 juillet qui vous ont été fournies ne sont pas tout
à fait exacts dans la mesure où il y est mentionné que les
membres auraient discuté brièvement entre eux de la réunion
avant que celle-ci n'aie lieu. En fait, au cours d'une réunion
officieuse de l'Office qui a eu lieu le 22 juillet 1991, le prési-
dent a informé les membres qui y étaient présents que M. C.G.
Edge, agissant au nom de Coastal, avait communiqué avec
l'adjoint administratif du président pour demander la tenue
d'une réunion le 23 juillet avec des fonctionnaires de l'Office
au sujet de la décision OH-1-91. Les membres ont affirmé qu'il
serait plus opportun de tenir une telle réunion après la publica
tion des motifs de la décision OH-1-91, le 25 juillet. Par consé-
quent, la réunion demandée par M. Edge a été remise au 29
juillet 1991.
À mon avis, il était inopportun de tenir une telle
réunion si M. Priddle n'était pas convaincu qu'il y
serait seulement question de procédure. L'ONÉ s'est
vu confier un puissant mandat qui s'accompagne
d'une lourde responsabilité d'agir équitablement, de
ne pas favoriser une partie au détriment de l'autre et
de ne pas donner cette impression. Il est à propos de
tenir une réunion pour discuter de procédure et ce, à
mon avis, même si quelques-unes des parties seule-
ment y participent pourvu qu'il soit clairement
entendu qu'il y sera question de procédure seulement.
M. Priddle n'avait aucun moyen de savoir que des
questions autres que la procédure seraient abordées
lorsqu'il a acquiescé à la demande de M. Edge pour
la tenue d'une réunion. Cependant, lorsqu'ils ont reçu
le document que leur avait remis M. Edge, intitulé
[TRADUCTION]«Mesures que devrait prendre l'Office»,
le président, le vice-président et l'avocate de l'Office
auraient dû savoir que M. Edge cherchait à obtenir
davantage que des directives en matière de procé-
dure. De plus, les représentants des compagnies ont
exprimé leurs réactions défavorables aux motifs
publiés par l'Office. D'autres questions de fond ont
été abordées. Or, il aurait fallu immédiatement cesser
toute discussion à leur égard ou bien annuler la
réunion. Je traiterai ces questions plus loin.
Vu l'importance de cette réunion, il convient de
reproduire ci-dessous le rapport rédigé par l'avocate
de I'ONÉ ainsi qu'un document intitulé [TRADUCTION]
«Mesures que devrait prendre l'Office» [TRADUCTION]
«lequel a été employé par M. Edge aux fins de sa pré-
sentation» (Pièce C annexée à l'affidavit de Brown).
[TRADUCTION] Réunion du 29 juillet 1991 au sujet du projet
«Blackhorse»
Observations de MM. Geoff Edge (conseil), Jim Cordes (prési-
dent de Coastal), John Bergsma (v-p de Union) et David
Laniak (v-p directeur de RG&E)
Étaient présents: MM. Priddle et Fredette, Mme Fowke.
M. Priddle a affirmé qu'une réunion pouvait être régulière-
ment tenue du fait que la décision et les motifs de celle-ci
avaient été publiés. Selon lui, la réunion ne revêtait aucun
caractère officiel en ce qui concerne la procédure de l'Office.
Cependant, il s'est engagé à faire un compte rendu de la
réunion aux autres membres, lesquels en avaient brièvement
discuté entre eux.
Après avoir entendu leurs réactions (défavorables) aux
motifs de la décision, M. Cordes a fait remarquer que la FERC
avait conclu que Tennessee ne représentait pas un choix viable,
contrairement à ce qui était le cas au moment où l'Office avait
rendu sa décision. A leur avis, il s'agissait là de faits nouveaux.
RG&E a réitéré sa position selon laquelle Tennessee n'était
pas un transporteur acceptable. Tennessee ne s'était pas inté-
ressée à l'expansion tant que RG&E n'avait pas commencé à
examiner cette possibilité elle-même et exprimé son intérêt de
devenir un copropriétaire. RG&E s'est demandée si Tennessee
pouvait fournir le service si, par ailleurs elle ne pouvait pas
construire les installations.
Les parties ont insisté sur le besoin de construire les installa
tions pour assurer le financement des compagnies.
Elles ont signalé que la NYPSC et la FERC avaient rendu
des décisions à l'égard du marché new-yorkais et qu'il était
malheureux qu'un organisme réglementaire dans un autre res-
sort rende une décision contradictoire. M. Edge a affirmé que
normalement, un organisme de réglementation respectait la
décision d'un homologue. Dans le présent cas, selon lui, l'Of-
fice devrait accorder de l'importance au lieu où était exercé
l'autre mesure de réglementation. Il a fait remarquer que la
plupart des installations étaient situées aux États-Unis. Les par
ties se sont demandées si l'Office aurait rendu la même déci-
sion si le projet de la compagnie Tennessee n'était plus suscep
tible d'être réalisé.
M. Bergsma a comparé la décision de l'ONÉ à la décision
favorable de la FERC à l'égard des installations de jonction St.
Clair. Il a ensuite abordé la question des marchés et a affirmé
que plusieurs parties choisiraient maintenant de se procurer
leur gaz des États-Unis puisque le gaz canadien ne serait plus
concurrentiel. Selon lui, il est moins cher de s'approvisionner
aux États-Unis qu'au Canada. Les consommateurs doivent
choisir leur source d'approvisionnement tout de suite car ils ne
peuvent plus se permettre d'attendre davantage. Ils ont besoin
d'un moyen de transport autorisé ainsi qu'une offre ferme de
gaz.
M. Edge s'est demandé comment l'Office pouvait évaluer
l'intérêt public canadien sans connaître la décision américaine:
selon lui, il y avait peut-être lieu de soupeser certains facteurs à
la lumière de la décision américaine. Selon lui, l'Office devrait
entreprendre une révision de sa propre initiative pour que la
décision de la FERC soit consignée au dossier. En effet, le
temps pressait, à son avis et cette mesure hâterait les choses.
La proposition de M. Edge est annexée au présent rapport.
Les membres de l'Office ont affirmé qu'à leur avis, il était
peu probable que celui-ci entreprît une révision de sa propre
initiative. Il a été convenu que les parties pourraient présenter
une demande fondée sur l'article 21. Puisque le temps pressait,
elles pourraient demander à l'Office d'accélérer la procédure
de révision, de dispenser de la procédure en deux étapes au
motif qu'il existe une preuve prima facie de faits nouveaux et
de procéder directement à une révision quant au fond où les
parties disposeraient d'une période, courte mais équitable pour
soumettre leurs commentaires.
Bien entendu, les membres n'ont pas précisé le temps que
prendrait une telle procédure et ils n'ont pas affirmé, a fortiori
que l'Office procéderait à une révision immédiate sur réception
d'une demande. M. Fredette a signalé qu'il était important que
les requérants fournissent une explication convaincante quant à
la pertinence de la décision de la FERC. (Au cours du dîner de
l'ANE le soir même, George Hugh a affirmé que la demande
de TCPL était déjà rédigée).
MESURES QUE DEVRAIT PRENDRE L'OFFICE:
— Entreprendre une révision de la décision (art. 21(1)) de sa
propre initiative (art. 15(3)).
— Une révision fondée sur l'art. 21(1) tient de la nature d'un
appel. Comme tel, il est possible d'en limiter le cadre de
manière à ce qu'elle porte uniquement sur les motifs parti-
culiers qui y donnent lieu, sans qu'il ne soit nécessaire de
réexaminer l'ensemble des procédures relatives au projet
Blackhorse; elle peut être traitée par l'Office siégeant au
complet ou par un comité de quelques-uns de ses
membres.
— Prendre connaissance judiciaire de la décision de la FERC
en tenant compte notamment du fait qu'elle a refusé d'au-
toriser les autres moyens par lesquels les marchés propo-
sés pouvaient être approvisionnés et du fait qu'elle a auto-
risé la demande de «Empire State Pipeline».
— Aviser les parties que l'Office recevra leurs arguments sur
la question de savoir si la décision de la FERC constitue
un fait nouveau qui nécessite la révision de la décision
«Blackhorse» et qu'elle a notamment rendu inopérante la
conclusion de l'Office selon laquelle [TRADUCTION] «l'ex-
pansion du pipeline Niagara, déjà exploité par TransCa-
nada permettra d'approvisionner les marchés proposés en
temps utile par des moyens moins dispendieux et moins
dommageables à l'environnement».
— Convoquer une audience après avoir donné un préavis
d'au plus deux semaines pour entendre des plaidoiries
orales sur cette question seulement.
— À titre subsidiaire, fixer une période de deux semaines
pour recevoir des plaidoiries écrites.
— Aviser, cette semaine si possible, si l'Office entreprendra
une révision pour qu'une demande officielle de révision, si
nécessaire, puisse être présentée rapidement.
Malheureusement, la réunion n'a fait l'objet d'au-
cun procès-verbal, de sorte que nous n'avons aucun
moyen de savoir précisément qui l'a dominée, ni de
connaître les auteurs des observations qui y ont été
présentées ou l'importance qui aurait été accordée
aux diverses observations des intimés.
Cependant, nous savons que M. Priddle a ouvert la
réunion en affirmant que [TRADUCTION] «(celle-ci)
pouvait être régulièrement tenue» du fait que la déci-
sion et les motifs de celle-ci avaient été publiés. Il a
avisé tous les participants que cette réunion ne revê-
tait aucun caractère officiel en ce qui concernait la
procédure de l'Office mais qu'il en ferait un compte-
rendu aux autres membres [TRADUCTION] «lesquels en
avaient brièvement discuté entre eux».
Ensuite, j'ai été plutôt stupéfait d'entendre que les
intimés avaient fait des commentaires défavorables
au sujet des motifs de la décision et que le président
et le vice-président les avaient entendus. Certes, l'on
ne pouvait s'attendre à ce qu'ils s'en déclarassent
satisfaits. Cependant, j'estime que l'on est en droit de
présumer qu'il n'y avait certainement pas lieu à ce
que cette question figure à l'ordre du jour d'une
réunion en matière de procédure. Apparemment, M.
Cordes croyait nécessaire de signaler la décision de la
FERC. A mon avis, cette intervention était déplacée
dans la mesure où l'Office est réputé être bien
informé des décisions de la FERC, surtout une déci-
sion si étroitement liée à celle qu'avait lui-même
rendu l'Office. Encore une fois, ce n'était ni le
moment, ni l'endroit, ni la manière de soulever la
question des faits nouveaux. La question de fond sou-
levée par RG&E était encore plus déplacée en l'oc-
currence, notamment parce que CNG et Tennessee
n'étaient pas présentes pour réfuter ces commen-
taires. Les parties ont abordé une autre question de
fond lorsqu'elles ont [TRADUCTION] «insisté sur le
besoin de construire les installations pour assurer le
financement des compagnies».
Encore une fois, au paragraphe suivant,-les intimés
soulèvent d'autres questions de fond, à savoir que la
décision de l'ONÉ était en conflit avec celles de la
NYPSC et de la FERC, que ceci était malheureux et
que normalement un organisme de réglementation
respectait la décision d'un homologue. Tout au long
de ce paragraphe, M. Edge se trouve en fait à présen-
ter des arguments en faveur d'une révision et même
les conclusions auxquelles l'Office devrait arriver vu
que la FERC et la NYPSC avaient déclaré que le pro-
jet de Tennessee n'aurait pas lieu. Pour sa part, M.
Bergsma a [TRADUCTION] «ensuite abordé la question
des marchés et a affirmé que plusieurs parties choisi-
raient maintenant de se procurer leur gaz des États-
Unis puisque le gaz canadien ne serait plus concur-
rentiel. Il serait moins cher de s'approvisionner aux
États-Unis qu'au Canada». Tout ce paragraphe mon-
tre encore une fois que plusieurs questions de fond
avaient été abordées au cours de cette réunion. Nous
lisons ensuite que M. Edge s'était demandé comment
l'Office pouvait évaluer l'intérêt public canadien sans
connaître la décision américaine et qu'il a ensuite
soulevé la question de fond selon laquelle l'Office
devrait entreprendre une révision de sa propre initia
tive.
Il est également clair que l'Office a rendu une
décision, à savoir qu'il ne devrait pas entreprendre
une révision de sa propre initiative. Il a ensuite sug-
géré, recommandé ou signalé aux intimés la manière
la plus rapide de faire valoir leur position.
Enfin, M. Fredette signale qu'il serait important
que les requérants fournissent une explication con-
vaincante quant à la pertinence de la décision de la
FERC. Comme l'ont suggéré les intimés, cela allait
peut-être de soi. Cependant, venant de la part du vice-
président, cette évidence tenait davantage d'un con-
seil qu'ils auraient intérêt à suivre. Le président, le
vice-président et peut-être l'avocate de l'Office, dans
l'hypothèse où elle avait été consultée, en sont arrivés
à la conclusion que la décision de la FERC ne repré-
sentait pas un fait nouveau qui pourrait les inciter à
réviser leur décision de leur propre initiative. Ils
n'étaient pas convaincus, si bien que M. Fredette a
affirmé qu'il était important que les requérants four-
nissent une explication convaincante quant à la perti
nence de la décision de la FERC.
Il est indéniable que cette réunion et son déroule-
ment étaient inéquitables à l'égard de la requérante et
d'autres. Je suis notamment troublé par les faits sui-
vants:
1. M. Edge n'a pas communiqué avec l'Office en
s'adressant à la secrétaire. Il est plutôt entré directe-
ment en rapport avec le président, ce qui était mani-
festement contraire aux règles et aux politiques de
l'Office, au su de M. Edge.
2. M. Edge avait demandé la convocation d'une
réunion et il avait souhaité qu'elle fût tenue avant la
publication des motifs de l'ordonnance, ce qui
semble indiquer qu'il voulait influencer les motifs et,
vraisemblablement, la décision elle-même.
3. D'importantes questions de fond ont été abordées
au cours de cette réunion et les intimés y ont soulevé
des arguments au soutien de leurs positions ferme-
ment arrêtées.
4. Si les intimés voulaient savoir si la décision de la
FERC représentait un fait nouveau qui pourrait inci-
ter l'Office à agir de sa propre initiative, une lettre
adressée à la secrétaire aurait suffi pour obtenir ce
renseignement. À mon avis, il était inopportun d'ex-
poser les raisons pour lesquelles il devrait le faire,
particulièrement que cela ait été fait à cette réunion.
5. Dans un premier temps, les intimés ont signalé que
la situation était confuse du fait que deux tribunaux
avaient rendu des décisions contradictoires, ce qui
était l'évidence même. Cependant, ils ont ensuite pré-
senté des arguments ou des observations selon les-
quels il revenait à l'ONÉ de réviser sa décision.
6. Lorsque l'Office a fait savoir qu'il avait décidé
d'entreprendre une révision, il a affirmé qu'il faisait
droit aux arguments des requérants; cependant,
comme l'ont signalé les avocats de CNG, l'Office ne
précise pas s'il s'agissait des arguments présentés à la
réunion, ceux qui figuraient dans la demande ou des
deux.
7. Lorsqu'ils ont quitté cette réunion, les intimés
savaient fort bien que s'ils voulaient une révision, ils
devraient en prendre l'initiative eux-mêmes et qu'ils
devraient également fournir une explication convain-
cante quant à la pertinence de la décision de la FERC.
Ils avaient aussi de bonnes raisons de croire que les
procédures seraient accélérées, c'est-à-dire que l'Of-
fice [TRADUCTION] «procéder(ait) directement à une
révision quant au fond où les parties disposeraient
d'une période, courte mais équitable pour soumettre
leurs commentaires».
8. Le rapport de l'avocate de l'ONÉ n'a pas été
envoyé aux parties. CNG ne l'a reçu que le 22 août
1991 (Pièce L), soit après la lettre de Me Smellie du
15 août 1991 (Pièce K). Les intimés ont plaidé que
cette lettre n'avait rien de secret et que la requérante
aurait toujours pu se la procurer si elle l'avait deman-
dée. Il est toutefois impossible de demander une
chose dont on ignore l'existence, comme en l'espèce.
Dans l'ensemble, la procédure suivie par l'ONÉ
peut être qualifiée, au mieux, d'«extrêmement indis-
crète».
À la lumière de ce qui précède, notamment le fait
que l'ONÉ avait été avisé que TransCanada allait
vraisemblablement déposer une demande de révision,
je souscris à la thèse de la requérante selon laquelle
une personne raisonnablement informée pouvait
envisager que l'ONÉ allait être appelé, à un moment
donné, à rendre une décision et qu'il y avait un risque
que les sujets abordés pendant la réunion pouvaient
peut-être influer sur celui-ci.
Après avoir examiné les arguments qui m'ont été
présenté, je partage l'avis des intimés selon lesquels
il ne devrait pas être interdit aux membres de l'ONE
de rencontrer des représentants du secteur d'activité
en cause et des discussions ou réunions préliminaires
ne suscitent pas automatiquement de crainte raison-
nable de partialité. Manifestement, une intervention
judiciaire n'est pas justifiée dans un cas où la partie
dont la demande de construction de pipelines a été
accordée rencontre les membres de l'ONE pour dis-
cuter du moment où les travaux peuvent commencer.
Cependant, en l'espèce, plusieurs faits extraordi-
naires amènent des questions suffisamment trou-
blantes pour justifier l'intervention de la Cour, à mon
avis. Ainsi, un des facteurs décisifs qui m'a amené à
statuer en ce sens a été le contexte de cette rencontre
et son contenu dans l'ensemble, eu égard au mandat
de l'ONÉ, ses politiques et ses procédures. Il ne
s'agissait pas simplement d'un cas où un membre de
l'ONÉ avait participé à une réunion préliminaire en
matière de procédure ou ayant pour objet de recueillir
des renseignements. Il s'agissait plutôt d'une situa
tion dans laquelle l'ONE avait été avisé que la «partie
perdante» déposerait une demande de révision. Le
président et le vice-président de l'Office ont rencon-
tré certains représentants des compagnies de pipe
lines qui comptaient parmi les «parties perdantes».
Cette réunion avait été tenue après que l'ancien prési-
dent, qui agit maintenant pour le compte d'une des
compagnies de pipelines, a communiqué directement
avec le président, ce qui est contraire aux règles et
aux politiques de l'ONE. Des questions de fond
importantes ont été abordées au cours de cette
réunion. Les représentants ont soulevé des arguments
au soutien de leur position, en plus d'avancer des
idées sur la manière dont l'ONE devrait procéder,
c'est-à-dire entreprendre une révision de sa propre
initiative. Quelques jours plus tard, ils ont déposé une
demande de révision et peu de temps après, l'ONE a
décidé d'y donner suite et a affirmé qu'il avait
accueilli les arguments des auteurs de la demande
fondée sur l'article 21.
Manifestement, la réunion du 29 juillet et la
manière dont elle s'est déroulée étaient inéquitable à
l'égard de la requérante et d'autres parties à l'ins-
tance originale. De plus, en l'espèce, je ne crois pas
que l'on puisse dire que la requérante et les autres
parties intéressées ont eu une occasion raisonnable ou
équitable de se prononcer sur l'opportunité de la révi-
sion.
Je suis également d'avis que la participation de
MM. Priddle et Fredette à la réunion du 29 juillet,
compte tenu de ce qui y a été discuté et leur participa
tion à la décision du 9 août de procéder à la révision
de la décision GH -l-9l, peut susciter, chez une per-
sonne raisonnablement bien informée, une crainte
raisonnable que cette question sera évaluée et jugée
avec partialité.
En conséquence, pour les motifs énoncés ci-des-
sus, la Cour décernera un bref de certiorari annulant
la décision de l'ONE, en date du 9 août 1991, de pro-
céder à une révision administrative de sa propre déci-
sion en date du 4 juillet 1991 à l'égard de l'ordon-
nance d'audience GH -1-9l.
En ce qui a trait à la demande de prohibition, vu la
preuve, je ne puis conclure qu'il y a lieu d'interdire
aux membres nommés de l'ONE autres que MM.
Priddle et Fredette de participer à une révision de la
décision du 4 juillet 1991 ou de procéder à une nou-
velle audition de l'affaire. Je souscris à l'argument
des intimés selon lequel il ne serait pas opportun en
l'espèce de décerner un bref de prohibition contre les
autres membres de l'ONÉ. En conséquence, la Cour
décernera un bref de prohibition interdisant à MM.
Priddle et Fredette de participer à toute révision de la
décision du 4 juillet 1991 à l'égard de l'ordonnance
d'audience GH -1-91 ou de procéder à une nouvelle
audition de l'affaire.
La requérante a droit à ses dépens.
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