T-3388-90
Réjean A. Éthier (requérant)
c.
Le commissaire de la Gendarmerie royale du
Canada et la Commission de la fonction publique
(intimés)
RÉPERTORIÉ.' ÉTRIER C. CANADA (COMMISSAIRE DE IA GRC)
(Ire INST.)
Section de première instance, juge Cullen—Ottawa,
12 juin et 6 août 1991.
Fonction publique — Procédure de sélection — Concours —
Le requérant soutient qu'un agent du personnel a promis de
tenir un concours restreint au terme de son emploi à durée
déterminée — Peut-il plaider estoppel? — Demande d'un bref
de certiorari visant à annuler la décision de tenir un concours
public pour pourvoir au poste de gérant de l'économat à la
Direction générale de la GRC — Le titulaire précédent, qui
n'est plus fonctionnaire, obtient la nomination pour une durée
indéterminée — La loi habilite la Commission de la fonction
publique à décider de nommer des personnes choisies à l'inté-
rieur ou à l'extérieur de la fonction publique — Examen de la
jurisprudence relative à l'équité procédurale — La détermina-
tion du genre de concours à tenir relève de la prérogative
patronale — Le requérant ne peut revendiquer le droit de se
faire entendre à ce sujet — La décision ne met pas directement
fin à l'emploi du requérant — Il n'y a pas d'obligation géné-
rale d'agir équitablement en l'espèce.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari —
Demande d'annulation d'un concours et de la décision de tenir
un concours public afin de pourvoir au poste de gérant de
l'économat à la Direction générale de la GRC pour une
période indéterminée — La personne occupant le poste pour
une durée déterminée soutient qu'un agent du personnel lui a
promis la tenue d'un concours restreint à l'expiration de son
contrat — Examen de la jurisprudence relative à l'équité pro-
cédurale — Le requérant ne peut revendiquer le droit de se
faire entendre au sujet du genre de concours — La décision ne
met pas directement fin à l'emploi — Les intimés n'assument
pas d'obligation générale d'agir équitablement — La crainte
raisonnable de partialité n'est pas prouvée.
Pratique — Preuve — L'affidavit supplémentaire produit au
soutien de la demande de certiorari renferme des déclarations
découlant de renseignements et de croyances et qui sont du
ouï-dire — Les portions admissibles ne peuvent être séparées
des portions non admissibles — L'affidavit est radié dans sa
totalité — Les pièces jointes à l'affidavit constituent du ouï-
dire — Elles visent à établir la véracité de la teneur de celui-ci
— Sont-elles couvertes par une exception à la règle du ouï-
dire? — Double ouï-dire — Inadmissibilité des documents
constitués à l'occasion d'une enquête — Règles de common
law applicables aux pièces commerciales — Exception relative
aux documents publics — Nécessité de l'existence d'un droit
d'accès public à l'égard des documents «d'enquête».
Le requérant a demandé à la Cour de prononcer, en applica
tion de l'article 18, une ordonnance de la nature d'un bref de
certiorari annulant la décision des intimés de pourvoir au poste
de gérant de l'économat à la Direction générale de la GRC à
Ottawa par voie de concours public et annulant le concours lui-
même. Les intimés ont demandé la radiation de l'affidavit sup-
plémentaire du requérant et des pièces qui y étaient annexées
parce qu'ils constituaient du ouï-dire aux termes de la Règle
332 des Règles de la Cour fédérale et des règles de preuve de
la common law. Le requérant, qui a commencé à travailler à
l'économat de la GRC en 1979, en fut nommé gérant, avec sta-
tut de fonctionnaire fédéral, pour une durée déterminée, savoir
du 7 juin 1988 jusqu'au mois de décembre 1989. Avant l'expi-
ration du terme, il fut décidé de tenir un concours public pour
pourvoir au poste pour une durée indéterminée. C'est le prédé-
cesseur du requérant qui obtint la nomination. Le requérant
contesta la régularité du processus suivi, mais la Commission
de la fonction publique, après une enquête interne, déclara sa
plainte non fondée. Le requérant poursuivit alors les intimés,
leur reprochant d'avoir manqué à leur devoir d'agir équitable-
ment en ne lui fournissant pas l'occasion d'être entendu avant
de décider de la tenue d'un concours public. 11 soutint aussi
que la décision avait été prise pour des motifs incorrects,
savoir pour donner à son prédécesseur la possibilité de repren-
dre son poste, que les règles applicables à l'estoppel empê-
chaient les intimés de tenir un concours public, à cause des
déclarations qu'un agent du personnel de la GRC lui avaient
faites et que l'intervention d'un autre employé de la GRC fai-
sait naître une crainte raisonnable de partialité. Les intimés ont
allégué que la décision de tenir un concours public avait été
prise dans l'exercice de bonne foi d'un pouvoir discrétionnaire
conféré par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
La Cour devait déterminer si les intimés avaient manqué à
leur devoir d'agir équitablement en décidant de tenir un con-
cours public sans offrir au requérant l'occasion de se faire
entendre et devait se prononcer sur l'admissibilité de l'affidavit
supplémentaire produit par le requérant à l'appui de sa
demande et des pièces qui y étaient jointes.
Jugement: la requête devrait être rejetée.
Pour être admissible conformément à la Règle 332(1) des
Règles de la Cour fédérale, l'affidavit supplémentaire du
requérant aurait dû reposer sur les propres connaissances et
croyances de ce dernier, non sur du ouï-dire. Puisque l'affida-
vit se compose de déclarations découlant de renseignements et
d'opinions constituant du ouï-dire et non de connaissances per-
sonnelles, et comme les portions admissibles du document ne
peuvent être séparées des portions inadmissibles, il doit être
radié dans sa totalité. Les deux pièces jointes à l'affidavit sont
des documents affirmatifs produits pour établir la véracité des
déclarations faites et constituent donc du ouï-dire. Pour être
admissibles, elles doivent donc être couvertes par l'une des
quatre exceptions reconnues à la règle du ouï-dire. (1) Les
pièces pourraient être admises en vertu du paragraphe 26(1) de
la Loi sur la preuve au Canada si elles pouvaient être considé-
rées comme un «livre» au sens de cette disposition. Mais le
mot «livre» ne vise pas tout type de pièce et n'englobe pas les
rapports constitués d'opinions et d'interprétations que sont les
pièces produites en l'espèce. Ce paragraphe est donc inapplica
ble. (2) L'exception prévue au paragraphe 30(1) de la Loi est
également inapplicable pour deux raisons. Premièrement, l'ad-
missibilité de documents en vertu de cette disposition est assu-
jettie à la condition préalable que la preuve orale de leur teneur
soit admissible. Autrement dit, leur auteur doit avoir eu une
connaissance personnelle des événements relatés ou des décla-
rations faites, autrement ceux-ci constitueraient un double ouï-
dire. Cette condition n'est pas remplie. En outre, comme les
notes avaient été établies au cours de l'enquête relative à la
plainte du requérant, elles étaient exclues en raison du sous-
alinéa 30(10)a)(i) de la Loi sur la preuve au Canada. (3) Bien
que les pièces satisfassent à la plupart des exigences prévues
par la common law à l'égard de l'exception visant les pièces
commerciales, elles ne remplissent pas la condition voulant
que l'auteur ait une connaissance personnelle des éléments
consignés. Cette connaissance fait défaut dans le cas des deux
pièces. (4) Bien que les deux pièces soient conformes aux exi-
gences fondamentales de l'exception visant les documents
publics, il est possible qu'une autre exigence s'ajoute dans le
cas des «documents d'enquête», celle du droit d'accès public.
Les pièces en question proviennent d'enquêtes effectuées dans
l'exercice d'une charge publique. L'accès limité prévu à la Loi
sur l'accès à l'information n'équivaut pas au vaste accès
public nécessaire à l'efficacité des motifs justifiant l'examen
public et n'est pas suffisant pour constituer une garantie de fia-
bilité. Aucune des exceptions invoquées à la règle du ouï-dire
n'autorise donc l'admission des pièces; elles doivent être
radiées.
En ce qui concerne le devoir d'agir équitablement, la Loi sur
l'emploi dans la fonction publique semble conférer à la Com
mission le pouvoir discrétionnaire de nommer des personnes
choisies à l'intérieur ou à l'extérieur de la fonction publique.
Mais à l'égard de certaines décisions pouvant être considérées
de nature administrative, le décideur doit, dans certaines situa
tions, respecter l'équité procédurale. Le premier des trois fac-
teurs à examiner pour déterminer s'il existe une obligation
d'agir équitablement est la nature de la décision et, plus préci-
sément, son caractère irrévocable. Une décision de nature pré-
liminaire, comme en l'espèce, ne fera pas naître, généralement,
le devoir d'agir équitablement. Le deuxième facteur est la rela
tion existant entre l'organisme et le particulier. En l'espèce, il
s'agit d'une relation employeur-employé. Le fait qu'un
employé occupe un poste pour une durée déterminée n'exclut
pas nécessairement l'existence d'un devoir d'agir équitable-
ment à l'expiration du contrat ou à l'occasion de la décision de
ne pas le renouveler. Toutefois, la relation existant entre les
parties en l'espèce n'est pas de celles qui donnent ouverture au
droit de se faire entendre relativement au genre de concours à
tenir. La décision en cette matière relève de la prérogative
patronale, que la loi a dévolue à la Commission de la fonction
publique. Le troisième facteur consiste à se demander si la
décision a des répercussions importantes sur la personne visée.
Si elle n'en a pas, il n'y a pas de droit à l'équité procédurale.
La décision de tenir un concours public n'a pas mis fin à l'em-
ploi du requérant; elle n'a fait que le priver de certains avan-
tages dont il aurait joui dans un concours restreint. Compte
tenu de ces trois facteurs, les intimés n'assumaient pas d'obli-
gation générale d'agir équitablement.
Même si un agent du personnel avait véritablement promis
au requérant que s'il acceptait une nomination à durée détermi-
née il y aurait un concours restreint à l'expiration de son con-
trat, cela n'est pas suffisant pour fonder l'estoppel parce que
l'agent n'avait pas le pouvoir de s'engager de la sorte.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), chap. A-1.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
18.
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985),
chap. R-10, art. 10(1).
Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), chap. C-5,
art. 26(1), 30(1),(10)a)(i),(11),(12).
Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985),
chap. P-33, art. 8, 11.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
332(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1
R.C.S. 653; (1990), 69 D.L.R. (4th) 489; [1990] 3
W.W.R. 289; 83 Sask. R. 81; 43 Admin. L.R. 157; 30
C.C.E.L. 237; 90 CLLC 14,010; 106 N.R. 17; Ridge v.
Baldwin, [1963] 2 All E.R. 66 (H.L.).
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. O'Brien, [1978] 1 R.C.S. 591; (1977), 76 D.L.R.
(3d) 513; [1977] 5 W.W.R. 400; 35 C.C.C. (2d) 209; 38
C.R.N.S. 325, 16 N.R. 271; Finestone v. The Queen,
[1953] 2 R.C.S. 107; (1953), 107 C.C.C. 93; 17 C.R. 211;
Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311; (1978), 88
D.L.R. (3d) 671; 78 CLLC 14,181; 23 N.R. 410; R. v.
Laverty (No. 2) (1979), 47 C.C.C. (2d) 60; 9 C.R. (3d)
288 (C.A. Ont.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Nowlan v. Elderkin, [1950] 3 D.L.R. 773 (C.S.N: E.); R.
v. Grimba and Wilder (1977), 38 C.C.C. (2d) 469 (C. Cté.
Ont.); Ares c. Venner, [1970] R.C.S. 608; (1970), 14
D.L.R. (3d) 4; 73 W.W.R. 347; 12 C.R.N.S. 349.
DÉCISIONS CITÉES:
Okeynan c. Pénitencier de Prince Albert et Comité de
libération conditionnelle, (1988) 20 F.T.R. 270 (C.F. Pe
inst.); Regina v. Northern Electric Company, Limited et
al., [1955] O.R. 431; [1955] 3 D.L.R. 449; 111 C.C.C.
241; 24 C.P.R. 1; 21 C.R. 45 (H. C.); Slaight Communi
cations Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038; (1989),
59 D.L.R. (4th) 416; 26 C.C.E.L. 85; 89 CLLC 14,031; 93
N.R. 183; Padfield v. Minister of Agriculture, Fisheries
and Food, [1968] A.C. 997 (H.L.); Cantwell e. Canada
(Ministre de l'Environnement) (1991), 6 C.E.L.R. (N.S.)
16 (C.F. lre inst.).
DOCTRINE
Ewart, J. Douglas. Documentary Evidence in Canada,
Toronto: Carswell Legal Publications, 1984.
Lederman, S. N. «The Admissibility of Business Records:
A Partial Metamorphosis» (1973), 11 Osgoode Hall
U . 373.
Wade, H. W. R. Administrative Law, 5th ed., Oxford: Cla-
rendon Press, 1982.
AVOCATS:
Charles T. Hackland pour le requérant.
Geoffrey S. Lester et Hélène Laurendeau pour
les intimés.
PROCUREURS:
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les
intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE CULLEN: Le requérant se prévaut de l'ar-
ticle 18 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985),
chap. F-7 pour demander à la Cour de prononcer une
ordonnance de la nature d'un bref de certiorari. L'af-
faire porte sur de prétendues irrégularités commises
dans la dotation du poste de gérant de l'économat à la
Direction générale de la GRC à Ottawa. Le requérant
demande à la Cour de rendre une ordonnance annu-
lant la décision des intimés de pourvoir au poste par
voie de concours public ainsi qu'une ordonnance
annulant le concours et déclarant le poste vacant.
Les intimés ont présenté une demande concomi-
tante visant la radiation de l'affidavit supplémentaire
souscrit par le requérant au soutien de sa demande
ainsi que des pièces qu'il y a annexées. Ils soutien-
nent que ces documents reposent sur des croyances et
des renseignements du requérant et constituent du
ouï-dire suivant la Règle 332 des Règles de la Cour
fédérale [C.R.C., chap. 663] et les règles de preuve
de la common law.
LES FAITS
Le requérant a commencé à travailler à l'économat
de la Gendarmerie royale du Canada en 1979. De
1981 1987, il y a occupé le poste de gérant adjoint.
Il n'avait pas, pendant cette période, le statut de fonc-
tionnaire fédéral. Au mois de février 1988, le gérant
de l'économat, M. Gilles Charbonneau, démissionna
de la fonction publique. L'employeur organisa un
concours public pour lui trouver un remplaçant. C'est
le requérant qui se classa premier. Il fut donc nommé
gérant de l'économat pour une durée déterminée,
savoir du 7 juin 1988 au 1 er mai 1989, avec statut de
fonctionnaire fédéral. Il y eut des prolongations au
contrat, et il occupa le poste jusqu'au mois de décem-
bre 1989.
La raison pour laquelle le requérant a été nommé
pour une durée déterminée plutôt qu'indéterminée
n'est pas claire. Lorsque M. Charbonneau occupait le
poste, celui-ci était un poste à durée indéterminée et,
suivant les lignes directrices de la Commission de la
fonction publique, il est préférable de pourvoir les
postes dont les fonctions sont de nature permanente
en y nommant les employés pour une durée indéter-
minée. M. J. A. Lebel, surintendant de la GRC, qui
avait la charge de l'administration et du personnel à
la Direction générale de l'organisme, a déclaré dans
son affidavit que le requérant avait été nommé pour
une durée déterminée pour qu'il [TRADUCTION] «ait la
possibilité de faire la preuve de son aptitude à exécu-
ter les attributions de son poste au lieu d'être nommé
immédiatement à titre permanent». Il a ajouté que
c'est sur les conseils de l'agente de dotation de la
Commission de la fonction publique, Mme Lise Péla-
deau, qu'il avait procédé de cette façon. Mme Péla-
deau, toutefois, a affirmé que, selon elle, c'est M.
Lebel seul qui avait pris la décision. La supérieure de
Mme Péladeau, M 1 e Louise Parry, a indiqué dans son
témoignage que la Commission de la fonction
publique n'approuvait pas le recours à des nomina
tions à durée déterminée à des fins probatoires.
Le requérant déclare que lorsqu'il a accepté le
poste, M. Lebel l'a informé qu'il pouvait choisir
entre plusieurs statuts. Il pouvait opter pour une
nomination à durée indéterminée à titre d'employé
non gouvernemental ou bien pour une nomination
pour une durée déterminée à titre de fonctionnaire.
Lebel lui aurait en outre fait valoir que s'il choisissait
la nomination à durée déterminée, il y aurait un con-
cours restreint à l'expiration du contrat, et que s'il ne
se présentait pas d'autres candidats qualifiés, sa
nomination à ce poste serait confirmée pour une
durée indéterminée. Lebel a nié avoir promis au
requérant qu'il procéderait par voie de concours res-
treint; il aurait tout au plus mentionné l'existence de
cette possibilité. Il a affirmé en outre qu'il n'avait pas
le pouvoir de faire une déclaration de ce genre qui
lierait les intimés.
Pendant l'été 1988, le surintendant Lebel fut rem-
placé par le surintendant Yves Campagna, lequel
reçut l'instruction du surintendant principal Yelle de
communiquer avec Charbonneau et de voir si ce der-
nier était intéressé à revenir à son ancien poste. MM.
Yelle, Campagna et Charbonneau se rencontrèrent par
la suite afin de discuter de cette possibilité. Charbon-
neau se déclara prêt à revenir s'il pouvait toucher une
prime de rendement en plus de son salaire. Campagna
s'enquit de cette possibilité auprès de Michel Chate-
laine, le cadre responsable de l'administration du per
sonnel de la fonction publique à la Direction générale
de la GRC. Ce dernier l'informa qu'il n'était pas pos
sible d'accorder de telles primes. Charbonneau
déclara alors à Campagna qu'il n'était pas intéressé
au poste. Il changea d'avis par la suite, mais, comme
nous le verrons, on ne sait trop si M. Campagna a été
mis au courant de ce revirement avant de décider de
tenir un concours public ou après.
Le terme du contrat du requérant approchant, Mmes
Louise Parry et Lise Péladeau ont résolu de combler
le poste par voie de concours restreint. Toutefois, il
fut décidé de procéder autrement au cours d'une
brève rencontre, tenue le 9 mai 1989 entre Mme
Parry, de la Commission de la fonction publique, et
M. Campagna, de la GRC. M ine Parry, en consulta
tion avec M. Campagna, prit la décision de tenir un
concours public et de pourvoir au poste de gérant de
l'économat pour une durée indéterminée. Malheu-
reusement, les circonstances de cette réunion demeu-
rent, à plusieurs égards importants, nébuleuses. Il
appert que Mme Parry présenta un certain nombre
d'options en rapport avec la dotation de ce poste et
que M. Campagna indiqua qu'il préférait tenir un
concours public afin de trouver le candidat le mieux
qualifié. Dans son témoignage, Mme Parry déclara
qu'elle en avait conclu que M. Campagna n'était pas
entièrement satisfait du rendement du requérant. Per-
sonne n'a expliqué pourquoi on avait opté pour un
concours restreint jusqu'au 9 mai, s'il était manifeste
qu'il serait difficile d'obtenir suffisamment de candi-
dats qualifiés pour le poste.
Il appert également que Mme Parry, qui n'exerçait
ses fonctions que depuis quelques semaines au
moment de la rencontre, savait que le requérant avait
été nommé pour une durée déterminée, mais ignorait,
quand la décision de tenir un concours public fut
prise, ses longs états de service à l'économat ainsi
que les circonstances ayant présidé à sa nomination.
Mme Péladeau, par contre, était au courant de ces
faits. Il semble en outre qu'au moment de la rencon-
tre, M. Campagna ait pu avoir des réserves quant au
rendement du requérant, bien qu'il ait nié, en contre-
interrogatoire, avoir éprouvé autre chose qu'une
entière satisfaction à l'égard du travail de celui-ci.
Quatre jours avant la réunion du 9 mai, M. Campagna
avait signé l'évaluation du rendement du requérant,
laquelle mentionnait que les profits de l'économat
avaient sérieusement diminué sous sa direction. Ce
fait était inexact. Le requérant formula un grief à ce
sujet et, au mois de février 1990, l'évaluation fut
modifiée pour indiquer une hausse substantielle des
profits.
Le témoignage de Campagna souffre d'imprécision
à d'autres égards. Il a affirmé, en contre-interroga-
toire, qu'il ne se souvenait pas du moment où Char-
bonneau l'avait informé qu'il souhaitait participer au
concours visant son ancien poste; il ne savait pas si
c'était avant ou après la rencontre du 9 mai. Il ne se
rappelait pas non plus s'il avait avisé Mme Parry du
fait que Charbonneau entendait se porter candidat.
Mme Parry a affirmé qu'elle n'en a pas été informée
et a ajouté qu'il serait incorrect d'opter pour un pro-
cessus donné dans le but de faciliter la participation
d'un candidat particulier à un concours.
Le requérant soutient qu'on ne peut faire autrement
que conclure de ces circonstances que la décision de
tenir un concours public visait à donner à Charbon-
neau la chance de se porter candidat au poste. En
effet, celui-ci n'étant plus fonctionnaire, il n'aurait pu
prendre part à un concours restreint. M. Campagna et
Mme Parry nient avoir opté pour un concours public
dans ce but. Ils affirment avoir cherché par là à obte-
nir le candidat le plus qualifié.
C'est au mois de juin 1989 que le requérant fut
informé pour la première fois de la décision de tenir
un concours public. Il affirme que, bien qu'il consi-
dérât cette décision extrêmement injuste compte tenu
de son rendement et de sa compréhension des décla-
rations faites par Lebel, il ne croyait pas avoir d'autre
choix que de se présenter au concours. On n'a pas
établi clairement sur quelles bases il a été jugé admis
sible au concours. La politique de la Commission de
la fonction publique est, en effet, de ne pas inscrire à
un concours visant à doter un poste pour une durée
indéterminée un candidat qui occupe ce poste pour
une durée déterminée. Cette politique aurait dû ren-
dre le requérant inadmissible, mais il semble qu'il ait
été admis à se présenter par une sorte d'autorisation
administrative. Charbonneau, par contre, ne faisait
l'objet d'aucune restriction de ce genre puisqu'il
venait de l'extérieur, et son nom fut extrait du réper-
toire de la fonction publique et porté sur la liste des
candidats. C'est lui qui obtint la nomination à durée
indéterminée au poste, au mois de novembre 1989.
Le requérant entreprit de contester la régularité du
processus suivi. S'il avait pris part à un concours res-
treint, à titre d'employé nommé pour une période
déterminée, il aurait été assuré d'un droit d'appel
contre la nomination de Charbonneau et d'une
audience devant un arbitre. A titre de candidat
externe à un concours public, par contre, il n'avait
d'autre recours que de contester le processus suivi
auprès de la Direction générale des appels et enquêtes
de la Commission de la fonction publique. Après une
enquête interne, la Commission déclara la plainte non
fondée.
Le requérant prit alors action contre les intimés,
puis entreprit un recours en prérogative devant la
Cour. Pendant le contre-interrogatoire mené relative-
ment aux affidavits soumis à l'appui de la dite action,
il demanda la production des dossiers concernant le
concours, mais sa requête fut rejetée. Il réclama alors
une copie du dossier de l'enquête effectuée par la
Direction des enquêtes en invoquant la Loi sur
l'accès à l'information [L.R.C. (1985), chap. A-1]. Il
obtint une série de [TRADUCTION] «Notes au dossier»
consignées par Michelle Grosleau, la personne char
gée de l'enquête, ainsi que des documents internes de
la GRC portant sur le concours public. Il annexa ces
documents à un affidavit supplémentaire qu'il déposa
à l'appui de sa demande de certiorari. Les intimés
présentèrent une requête visant à faire radier l'affida-
vit et les pièces parce que ceux-ci constituaient du
ouï-dire et étaient irrecevables.
POSITION DU REQUÉRANT
Le requérant expose que les intimés ont manqué à
leur devoir d'agir équitablement en ne lui fournissant
pas l'occasion d'être entendu avant de décider de la
tenue d'un concours public. Il soutient également
qu'ils ont pris cette décision pour des motifs incor-
rects en tenant compte d'éléments non pertinents,
c'est-à-dire le désir de donner à Charbonneau une
occasion de reprendre son poste. Il ajoute que les
intimés ne pouvaient tenir un concours public à cause
des déclarations que Lebel lui avaient faites et aux-
quelles il avait ajouté foi. Il soutient en outre que l'in-
tervention de Campagna dans le processus décision-
nel fait naître une crainte raisonnable de partialité.
POSITION DES INTIMÉS
Les intimés nient que Lebel ait fait au requérant
des déclarations les liant relativement au genre de
concours qui serait tenu à l'expiration du contrat. Ils
nient également avoir fait reposer la décision de tenir
un concours public sur des motifs incorrects ou avoir
enfreint quelque procédure ou politique que ce soit en
prenant la décision. Ils affirment que celle-ci procède
de l'exercice de bonne foi d'un pouvoir discrétion-
naire conféré par la Loi sur l'emploi dans la fonction
publique [L.R.C. (1985), chap. P-33].
REQUÊTE DES INTIMÉS
J'examinerai d'abord la requête des intimés visant
à faire radier en totalité ou en partie l'affidavit sup-
plémentaire du requérant de même que les pièces y
afférentes. Les intimés font valoir que cet affidavit ne
se restreint pas aux faits que le requérant est en
mesure de prouver par la connaissance qu'il en a et
que les pièces qui y sont jointes n'ont pas été prou-
vées et constituent du ouï-dire. Leurs arguments se
prêtent bien à un examen en deux temps: d'abord
celui de l'admissibilité de l'affidavit et puis celui de
l'admissibilité des pièces qui y sont jointes.
L'affidavit
C'est la Règle 332(1) des Règles de la Cour fédé-
rale qui régit la teneur des affidavits déposés devant
la Cour. Elle est ainsi conçue:
332. (1) Les affidavits doivent se restreindre aux faits que le
témoin est en mesure de prouver par la connaissance qu'il en a,
sauf en ce qui concerne les requêtes interlocutoires pour les-
quelles peuvent être admises des déclarations fondées sur ce
qu'il croit et indiquant pourquoi il le croit.
Les demandes de bref de prérogative, tel le bref de
certiorari, présentées en application de l'article 18 ne
sont pas des requêtes interlocutoires par nature. Les
affidavits reposant sur des renseignements et des
croyances ne sauraient donc suffire à fonder ces
requêtes (Okeynan c. Pénitencier de Prince Albert et
Comité de libération conditionnelle (1988), 20 F.T.R.
270 (C.F. ire inst.)). En conséquence, l'affidavit
souscrit par le requérant en l'instance doit reposer sur
ses propres connaissances et croyances et non sur du
ouï-dire.
Suivant la définition donnée ci-haut, il apparaît
clairement que le gros de l'affidavit supplémentaire
de la partie requérante se compose de déclarations
fondées sur des renseignements et des croyances, sur
des opinions ne reposant pas sur des connaissances
personnelles et sur du ouï-dire. Le requérant renvoie,
dans son affidavit, à de larges extraits de documents
apparemment préparés par Grosleau pendant son
enquête et à une série de documents internes de la
GRC touchant la dotation du poste de gérant de l'éco-
nomat et provenant des dossiers de la CFP. À mon
avis, il n'est pas possible de séparer les parties admis-
sibles de cet affidavit des parties inadmissibles.
Celui-ci doit donc être radié dans sa totalité.
Les pièces
Deux pièces sont jointes à l'affidavit supplémen-
taire: la pièce «A», les «Notes au dossier» de l'en-
quêteur, et la pièce «B», les documents internes de la
GRC. Les intimés font valoir que ces pièces consti
tuent du ouï-dire et qu'elles devraient être radiées du
dossier de la requête. Le juge Dickson (tel était alors
son titre) a donné du ouï-dire la définition suivante
dans l'arrêt R. c. O'Brien, [1978] 1 R.C.S. 591, à la
page 593:
Il est bien établi en droit que la preuve d'une déclaration faite à
un témoin par une personne qui n'est pas elle-même assignée
comme témoin est une preuve par ouï-dire, qui est irrecevable
lorsqu'elle cherche à établir la véracité de la déclaration; toute-
fois, cette preuve n'est pas du ouï-dire et est donc recevable
lorsqu'elle cherche à établir non pas la véracité de la déclara-
tion, mais simplement que celle-ci a été faite.
En l'espèce, il ne fait pas de doute que les documents
en cause constituent du ouï-dire. Ils ne sont pas pro-
duits à titre de preuve matérielle visant à établir leur
statut de document juridique ayant un effet exécu-
toire, comme dans le cas d'un contrat ou d'un testa
ment, lorsqu'il s'agit de démontrer qu'une déclara-
tion a été faite. Ces documents ont plutôt un caractère
affirmatif et leur dépôt en preuve vise «à établir la
véracité de la déclaration». Pour être admissibles, ils
doivent donc être couverts par l'une ou l'autre des
exceptions reconnues à la règle du ouï-dire, savoir:
1. Le paragraphe 26(1) de la Loi sur la preuve au
Canada, L.R.C. (1985), chap. C-5;
2. Le paragraphe 30(1) de la Loi sur la preuve au
Canada;
3. L'exception prévue par la common law pour les
pièces commerciales;
4. L'exception prévue par la common law pour les
documents publics.
1. Le paragraphe 26(1) de la Loi sur la preuve au
Canada
Le paragraphe 26(1) de la Loi prévoit que certains
documents d'origine gouvernementale sont admis-
sibles si leur caractère officiel est établi de la façon
qui y est prévue. Il est ainsi conçu:
26. (1) La copie de toute écriture passée dans un livre tenu
par un organisme ou ministère du gouvernement du Canada,
ou par une commission, un conseil ou un autre secteur de l'ad-
ministration publique fédérale est admise comme preuve de
cette écriture, et des affaires, opérations et comptes qui s'y
trouvent consignés, s'il est prouvé par le serment ou l'affidavit
d'un fonctionnaire de cet organisme, ministère, commission,
conseil ou autre secteur de l'administration publique fédérale,
que ce livre était à l'époque où l'écriture a été passée un des
livres ordinaires tenus par cet organisme, ministère, commis
sion, conseil ou autre secteur de l'administration publique
fédérale, que l'écriture a été passée dans le cours usuel et ordi-
flaire des affaires de cet organisme, ministère, commission,
conseil ou autre secteur de l'administration publique fédérale,
et que cette copie en est une copie conforme.
En l'espèce, les deux parties ont convenu que les
documents satisfont aux conditions de preuve énon-
cées au paragraphe 26(1), mais les intimés prétendent
que les documents ne constituent pas un «livre» au
sens visé par la disposition.
J'incline à penser, comme les intimés, que les
pièces ne forment pas un «livre». Il est vrai qu'il a été
jugé, dans l'affaire Nowlan v. Elderkin, [1950] 3
D.L.R. 773 (C.S.N.-E.), qu'il ne fallait pas donner
une interprétation étroite au mot «livre» et que ce
terme pouvait s'appliquer à des dossiers retenus
ensemble de façon assez lâche. Mais je ne saurais
accepter que le mot «livre» pourrait viser tout type de
pièce quel qu'il soit. Par exemple, le paragraphe
30(12) de la Loi inclut les «livres» dans la définition
de «pièce», ce qui laisse supposer que la définition du
mot «livre» est plus étroite. Suivant l'interprétation
que je fais de ce mot, les écritures passées dans un
«livre» visent la transcription de pièces produites
dans l'activité ordinaire du gouvernement ou ce que
Ewart décrit dans son ouvrage, Documentary Évi-
dence in Canada, comme des documents de type
«registre». À mon avis, «livre» n'englobe pas les rap
ports constitués d'opinions et d'interprétations, ce
que sont, en fait, les pièces visées en l'espèce. En
conséquence, j'estime que le paragraphe 26(1) ne
saurait fonder l'admission de ces pièces.
2. Le paragraphe 30(1) de la Loi sur la preuve au
Canada
L'admission en preuve des pièces en application
du paragraphe 30(1) se heurte à deux obstacles pos
sibles. Le premier résulte de l'exigence de l'admissi-
bilité des renseignements qu'elles contiennent
comme preuve orale et le second de l'impossibilité,
énoncée au sous-alinéa 30(10)a)(i), d'invoquer cet
article pour rendre admissible en preuve une pièce
établie au cours d'une investigation ou d'une
enquête.
Le paragraphe 30(1) prévoit que les pièces établies
dans le cours d'affaires ou d'activités exercées par le
gouvernement peuvent être produites en preuve dans
certaines circonstances:
30. (1) Lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait
admissible dans une procédure judiciaire, une pièce établie
dans le cours ordinaire des affaires et qui contient des rensei-
gnements sur cette chose est, en vertu du présent article,
admissible en preuve dans la procédure judiciaire sur produc
tion de la pièce.
(12) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent arti
cle.
«affaires» Tout commerce ou métier ou toute affaire, profes
sion, industrie ou entreprise de quelque nature que ce soit
exploités ou exercés au Canada ou à l'étranger, soit en vue
d'un profit, soit à d'autres fins, y compris toute activité exer-
cée ou opération effectuée, au Canada ou à l'étranger, par un
gouvernement, par un ministère, une direction, un conseil,
une commission ou un organisme d'un gouvernement, par
un tribunal ou par un autre organisme ou une autre autorité
exerçant une fonction gouvernementale ...
Le double ouï-dire. Il convient de signaler qu'aux
termes de ce paragraphe, l'admissibilité des docu
ments en preuve est assujettie à la condition préalable
que la preuve orale de leur teneur soit également
admissible. Cette exigence se prête à plusieurs inter-
prétations. Les avocats des intimés soutiennent que,
pour que les déclarations contenues dans les pièces
soient admissibles, l'auteur de la pièce doit avoir eu
une connaissance personnelle des événements relatés
ou des déclarations faites, autrement celles-ci consti-
tueraient un double ouï-dire. C'est cette interprétation
que S. N. Lederman défend dans son article intitulé
«The Admissibility of Business Records: A Partial
Metamorphosis» (1973), 11 Osgoode Hall L.J. 373,
aux pages 394 et 395:
[TRADUCTION] En outre, rien ne porte à croire que l'article 30
de la Loi sur la preuve au Canada permette, comme le fait l'ar-
ticle 36 de la Loi sur la preuve de l'Ontario, l'admission en
preuve de pièces fondées sur des renseignements fournis par
d'autres personnes. Il ne faut pas oublier que l'article 30 s'ou-
vre sur ces mots:
Lorsqu'une preuve orale concernant une chose serait admis
sible dans une procédure judiciaire ...
La Loi ne fait que prévoir une façon de prouver des faits
admissibles. Elle ne rend pas admissible un document faisant
état d'un fait dont la preuve testimoniale serait inadmissible.
Ainsi, si l'auteur d'une pièce était convoqué comme témoin, il
ne pourrait témoigner de ce qu'une autre personne lui a dit. Ce
serait une preuve par ouï-dire inadmissible. C'est cette même
restriction que formule l'article 30 de la Loi canadienne à
l'égard des pièces commerciales. Cette disposition ne com-
porte pas de paragraphe analogue au paragraphe 36(4) de la
Loi ontarienne, lequel prescrit que l'absence de connaissance
personnelle de la part de leur auteur n'a pas d'effet sur l'admis-
sibilité des pièces commerciales.
L'application d'un tel raisonnement nous amène
clairement à conclure à l'inadmissibilité des notes
prises par l'enquêteur Grosleau, puisque celles-ci
sont entièrement constituées de déclarations faites par
d'autres personnes. Pour ce qui est des documents
déposés sous la cote «B», il appert que leur auteur,
Lise Péladeau, n'avait aucune connaissance person-
nelle des faits qui y étaient relatés. Ces documents
constituent donc également un «double ouï-dire».
Des tribunaux ont aussi jugé qu'il était possible
d'interpréter l'exigence de l'admissibilité de la
preuve orale comme signifiant que la pièce en ques
tion doit être liée aux questions en litige et que si un
témoin quelconque, et pas seulement l'auteur de la
pièce, avait une connaissance personnelle de ce qui y
est relaté, elle serait admissible bien qu'elle constitue
un double ouï-dire. Dans l'affaire R. v. Grimba and
Wilder (1977), 38 C.C.C. (2d) 469 (C. Cté. Ont.), la
Couronne, s'autorisant du paragraphe 30(1), a voulu
présenter le témoignage d'un expert en dactyloscopie
du Federal Bureau of Investigation pour confirmer
que les empreintes prises au moment de l'arrestation
de l'accusé étaient identiques à celles qui figuraient
dans les dossiers d'empreintes du F.B.I. L'expert
n'était pas l'auteur du dossier et n'avait pas de con-
naissance personnelle de son exactitude. Le juge Cal-
laghan a admis son témoignage en disant à la page
471:
[TRADUCTION] Le législateur a inclus l'article 30 dans la Loi sur
la preuve au Canada en 1968 [par 1968-69, chap. 14, art. 4,
tout comme l'art. 29A]. Il semble que la justification de l'ad-
mission en preuve d'une certaine forme de ouï-dire réside
dans la garantie circonstancielle inhérente d'exactitude qui
s'attache, en matière commerciale, aux documents sur lesquels
on se fie dans la conduite quotidienne des affaires de l'entre-
prise et qui font régulièrement l'objet de vérifications et de
contre-vérifications. Ainsi, sous le régime de l'article 30, les
documents qui sont produits et conservés de façon systéma-
tique et auxquels on fait régulièrement appel, ne devraient pas
être soustraits à l'examen de la Cour pour la seule raison
qu'ils contiennent du ouï-dire ou un double ouï-dire.
Toutefois, j'estime que les pièces en cause n'offrent
pas la même garantie particulière de fiabilité que des
documents tirés d'une banque organisée d'empreintes
digitales. En conséquence, j'estime qu'en l'absence
d'une telle garantie inhérente, il m'est impossible
d'admettre les pièces en preuve en vertu du para-
graphe 30(1).
Investigation ou enquête. Même si l'on concluait à
l'admissibilité des pièces sous le régime du para-
graphe 30(1), le sous-alinéa 30(10)a)(i) aurait, selon
moi, l'effet d'exclure la pièce «A». Cette dernière
disposition prévoit ce qui suit:
30....
(10) Le présent article n'a pas pour effet de rendre admis-
sibles en preuve dans une procédure judiciaire:
a) un fragment de pièce, lorsqu'il a été prouvé que le frag
ment est, selon le cas:
(i) une pièce établie au cours d'une investigation ou d'une
enquête ...
Dans l'affaire R. v. Laverty (No. 2) (1979), 47
C.C.C. (2d) 60 (C.A. Ont.), un enquêteur travaillant
pour un service d'incendie avait pris des notes pen
dant l'enquête qu'il effectuait sur un incendie sur-
venu dans la maison de l'accusé. Le juge Zuber,
J.C.A., considérant que les notes prises dans ces cir-
constances étaient des notes établies au cours d'une
enquête, les a donc jugées inadmissibles aux termes
du sous-alinéa 30(10)a)(i). Il m'apparaît possible de
formuler un raisonnement analogue en l'espèce, puis-
que les notes qui composent le gros de la pièce «A»
ont été établies au cours de l'enquête effectuée au
sujet de la plainte du requérant. En conséquence, je
conclus que le sous-alinéa 30(10)a)(i) empêche l'ad-
mission en preuve des documents de la pièce «A» en
preuve sous le régime du paragraphe 30(1).
3. L'exception prévue par la common law à l'égard
des pièces commerciales
Même si les documents qui composent les pièces
ne satisfont pas aux exigences de l'article 30 de la
Loi sur la preuve au Canada, il demeure encore pos
sible de les admettre en preuve si celles de la com
mon law sont respectées. Les dispositions de l'article
30 ne sont ni impératives ni exclusives. Ainsi que le
prévoit le paragraphe 30(11):
30....
(11) Les dispositions du présent article sont réputées s'ajou-
ter et non pas déroger:
a) à toute autre disposition de la présente loi ou de toute
autre loi fédérale concernant l'admissibilité en preuve d'une
pièce ou concernant la preuve d'une chose;
b) à tout principe de droit existant en vertu duquel une pièce
est admissible en preuve ou une chose peut être prouvée.
Il est possible que l'exception prévue en common
law à l'égard des pièces commerciales et formulée
par la Cour suprême du Canada dans Ares c. Venner,
[1970] R.C.S. 608 s'applique aux pièces produites en
l'espèce. Dans son ouvrage intitulé Documentary
Evidence in Canada (Carswell, 1984), J. D. Ewart
résume ainsi les effets de l'arrêt Ares, à la page 54:
[TRADUCTION] ... il est possible de dire que la règle moderne
permet l'admission en preuve d'une pièce contenant (i) une
écriture originale (ii) faite de façon concomitante (iii) dans
l'exécution des activités routinières (iv) de l'entreprise (v) par
une personne qui a une connaissance personnelle du fait con
signé, parce qu'elle en est l'auteur ou qu'elle l'a constaté ou
formulé et (vi) qui a l'obligation d'établir cette pièce et (vii)
n'a aucun motif de consigner de fausses données. Vue sous cet
angle, la règle reflète, par suite de l'arrêt Ares, une conception
plus moderne et réaliste de la common law à l'égard des docu
ments produits dans le cours des affaires.
En l'espèce, les documents réunissent la plupart
des éléments exigés sauf celui de la connaissance
personnelle de l'auteur de la pièce du fait qu'il y con-
signe. Dans le cas des deux pièces, l'auteur n'avait
pas une connaissance personnelle des faits relatés.
Elles ne peuvent donc être admises en preuve. En
outre, il semble que les pièces renferment en grande
partie des opinions et non des faits.
4. L'exception prévue par la common law pour les
documents publics
Ewart présente ainsi les exigences applicables à
cette exception, à la page 151 de son ouvrage:
[TRADUCTION] (i) le document doit avoir été fait par un fonc-
tionnaire,
(ii) dans l'exercice de fonctions ou d'obligations déterminées
et de nature publique,
(iii) dans l'intention de créer un écrit permanent.
À mon avis, les deux pièces remplissent ces condi
tions. Toutefois, une quatrième condition est suscepti
ble de s'appliquer, soit celle de l'existence d'un droit
d'accès public au document. Cette exigence s'ex-
plique du fait que si un document est accessible au
public, sa fiabilité s'accroît, car on peut supposer
qu'il sera contesté en cas d'inexactitude. Selon
Ewart, il n'est pas certain que cette quatrième exi-
gence s'applique au Canada, car il est possible de
voir dans la décision faisant autorité à ce sujet, Fines -
tone v. The Queen, [1953] 2 R.C.S. 107, l'exclusion
de cette exigence ou, du moins, la restriction de son
application aux documents «d'enquête» par opposi
tion aux documents de «nature conservatoire».
Selon l'interprétation que je fais de l'arrêt Fine -
stone, la règle de l'accès du public aux documents
n'a été atténuée qu'en ce qui a trait à l'inscription de
faits certifiables comme les naissances, les décès et
les mariages. À mon avis, il est encore nécessaire
d'appliquer la règle de l'accès du public aux docu
ments «d'enquête». Les documents visés en l'espèce
proviennent d'enquêtes effectuées dans l'exercice
d'une charge publique. L'argument de l'exactitude
assurée par l'examen public cesse d'être concluant
lorsqu'il s'agit de documents qui, comme les pièces
en cause, ont été établis dans une optique de non-
divulgation (Regina v. Northern Electric Company,
Limited et al., [1955] O.R. 431 (H. C.), le juge en
chef McRuer, à la page 468).
Il faut, puisque j'ai conclu qu'il doit exister un
droit d'accès du public aux pièces pour que celles-ci
soient admissibles en vertu de l'exception applicable
aux documents publics, que les intimés établissent
l'existence d'un tel droit. Le requérant invoque le fait
qu'il a obtenu accès aux pièces sous le régime de la
Loi sur l'accès à l'information. Je ne crois pas,
cependant, que l'accès limité qui est prévu à la Loi
précitée équivaille au vaste accès public qui est, selon
moi, nécessaire à l'opération de la justification que
représente l'examen public, laquelle justification veut
que l'accès public constitue une garantie circonstan-
cielle de fiabilité, puisqu'il permet de dénoncer les
erreurs.
J'estime donc qu'aucune des exceptions invoquées
à la règle du ouï-dire n'autorise l'admission des
pièces en question. En conséquence, elles sont
radiées de même que l'affidavit.
REQUÊTE DU REQUÉRANT
J'en viens à présent à l'examen des allégations du
requérant selon lesquelles les intimés auraient
manqué à leur devoir d'agir équitablement en déci-
dant de tenir un concours public sans lui accorder la
possibilité de se faire entendre.
ÉQUITÉ
La Loi sur la Gendarmerie royale du Canada,
L.R.C. (1985), chap. R-10, paragraphe 10(1) prévoit
que le personnel civil nécessaire à l'exercice de fonc-
tions comme la gestion de l'économat est nommé
conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction
publique. L'article 8 de cette dernière loi donne à la
Commission de la fonction publique la compétence
exclusive pour déterminer si les postes seront pour-
vus par des personnes faisant ou non partie de la
fonction publique:
8. Sauf disposition contraire de la présente loi, la Commis
sion a compétence exclusive pour nommer à des postes de la
fonction publique des personnes, en faisant partie ou non, dont
la nomination n'est régie par aucune autre loi fédérale.
L'article 11 de la Loi exige de procéder par voie de
nomination interne, sauf si la Commission est d'avis
que cette façon de faire ne sert pas les intérêts de la
fonction publique:
11. Les postes sont pourvus par nomination interne sauf si la
Commission en juge autrement dans l'intérêt de la fonction
publique.
En dépit du fait que la Loi semble conférer à la
Commission le pouvoir discrétionnaire de déterminer
s'il convient de recruter à l'interne ou à l'externe, il
est clair qu'en exerçant ce pouvoir, qui peut être con-
sidéré de nature administrative, le décideur doit, dans
certaines situations, respecter l'équité procédurale
(Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of
Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311). Cette
obligation découle du fait que les décideurs sont des
organismes publics qui tirent leurs pouvoirs de la loi
et qui doivent, de ce fait, les exercer conformément
aux préceptes du droit administratif.
Le requérant soutient qu'en l'espèce, il fallait, pour
satisfaire à l'équité, lui permettre de présenter des
observations aux intimés en rapport avec la décision
de tenir un concours public. Il ne prétend pas que
tous les employés nommés pour une durée détermi-
née devraient avoir la possibilité de se faire entendre
sur le type de concours à organiser; il fait plutôt
valoir qu'en raison de circonstances particulières à
son cas, telles ses longs états de service à l'économat
et les déclarations qui lui auraient été faites, il s'im-
posait que l'administration observe les règles de
l'équité procédurale.
Dans Knight c. Indian Head School Division No.
19, [1990] 1 R.C.S. 653, Madame le juge L'Heureux-
Dubé a énuméré les facteurs que la Cour doit exami
ner pour déterminer s'il existe un devoir d'agir équi-
tablement (à la page 669):
L'existence d'une obligation générale d'agir équitablement
dépendra de l'examen de trois facteurs: (i) la nature de la déci-
sion qui doit être rendue par l'organisme administratif en
question, (ii) la relation existant entre cet organisme et le par-
ticulier, et (iii) l'effet de cette décision sur les droits du parti-
culier. Notre Cour a affirmé dans l'arrêt Cardinal c. Directeur
de l'établissement Kent, précité, que dans les cas où ces trois
éléments se retrouvent, une obligation générale d'agir équita-
blement incombe à un organisme décisionnel public ...
Nature de la décision
À l'évidence, le devoir d'agir équitablement ne
s'impose pas à l'égard de toutes les décisions. L'un
des facteurs importants à considérer est le caractère
irrévocable de la décision. Comme le dit le juge
L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Knight (à la page 670):
L'irrévocabilité de la décision est également un facteur qui doit
être pris en considération. Une décision de nature préliminaire
ne fait naître en général aucune obligation d'agir équitable-
ment, alors qu'une décision d'une nature plus définitive peut
avoir un tel effet ...
En l'espèce, la décision de procéder par concours
public n'était pas une décision finale. Il s'agissait
plutôt d'une décision de nature préliminaire. Elle
n'avait pas pour effet de mettre fin à l'emploi du
requérant, mais plutôt de modifier les circonstances
présidant au déroulement du concours tenu pour
pourvoir au poste.
Relation entre le requérant et les intimés
Le lien existant entre le requérant et les intimés
était un lien employeur-employé. Ce rapport a classi-
quement été divisé en trois catégories. Lord Reid
décrit celles-ci dans l'arrêt Ridge v. Baldwin, [1963]
2 All E.R. 66 (H.L.):
a) les relations de maître à serviteur — la décision de
congédier n'est soumise à aucune obligation d'agir
équitablement;
b) l'occupation d'une fonction à titre amovible — il
n'existe aucune obligation d'agir équitablement;
c) l'occupation d'une fonction dont on ne peut être
démis que pour un motif valable—il incombe à l'em-
ployeur d'agir équitablement.
Le poste occupé par le requérant étant un poste de
durée déterminée, il ne se classe facilement dans
aucune des catégories décrites par lord Reid. Dans
l'arrêt Knight, le juge L'heureux-Dubé a signalé que
ces catégories ne tiennent pas compte de la situation
où un contrat de travail à durée déterminée n'est pas
renouvelé, la situation applicable en l'espèce. Le juge
a expressément refusé d'examiner les incidences d'un
tel rapport contractuel dans cette dernière affaire. Elle
a cependant affirmé qu'en droit administratif cana-
dien, il est maintenant établi que l'équité procédurale
constitue une exigence essentielle de la décision de
mettre fin à un emploi appartenant aux deux der-
nières catégories décrites par lord Reid. Comme il en
a été fait mention plus haut, cependant, la décision
dont la Cour est saisie ne met pas fin à un emploi. Le
requérant soutient que la décision de procéder par
voie de concours public était inextricablement liée à
la décision de ne pas renouveler son contrat, de façon
à favoriser la candidature de Charbonneau. Toutefois,
il ne m'est pas possible de tirer une telle conclusion à
partir de la seule preuve par affidavit dont je dispose.
À mon avis, le fait qu'un employé occupe un poste
pour une durée déterminée n'exclut pas nécessaire-
ment l'existence d'un devoir d'agir équitablement à
l'expiration du contrat ou à l'occasion de la décision
de ne pas le renouveler. Le statut précaire de l'emploi
n'est pas sans ressemblance avec la situation des
employés en période de probation, à l'égard de
laquelle l'obligation d'agir équitablement est recon-
nue depuis longtemps. Le contenu de cette obligation
variant avec les circonstances de chaque cas, il est
difficile de formuler une règle énonçant ce qu'il faut
faire pour agir équitablement dans une situation don-
née. Toutefois, je suis convaincu, en l'espèce, que la
relation existant entre les parties n'est pas de celles
qui donnent ouverture au droit de se faire entendre
relativement au genre de concours à tenir, quoique je
n'écarte pas que d'autres types de décision visant des
employés nommés pour une durée déterminée doi-
vent être prises dans le respect de l'équité procédu-
rale. J'estime qu'en l'espèce, le devoir d'agir équita-
blement ne va pas jusqu'à exiger la participation du
titulaire du poste au processus de recrutement. Les
décisions portant sur le genre de concours à tenir
relèvent à mon avis de la prérogative patronale, que
la loi a incontestablement dévolue à la Commission
de la fonction publique.
Effet de la décision
Le droit à l'équité procédurale n'existe que si la
décision est importante et a de graves répercussions
sur la personne visée (Knight, à la page 677). Il ne
fait pas de doute qu'en règle générale, les décisions
mettant fin à un emploi satisfont à cette condition.
Toutefois, en l'espèce, la décision n'a pas eu pour
effet direct de mettre fin à l'emploi. Celui-ci s'est ter-
miné de façon naturelle par l'arrivée du terme prévu.
La décision de tenir un concours public n'a fait que
priver le requérant de certains avantages dont il aurait
joui s'il avait pris part à un concours restreint ou de
certains droits d'appel dont il aurait pu se prévaloir si
des concours concomitants, publics et restreints,
s'étaient tenus. À mon avis, ces conséquences n'ont
pas le même degré de gravité que la cessation de
l'emploi.
Toute compte fait, j'estime que les intimés n'assu-
maient pas, dans le cas qui nous occupe, d'obligation
générale d'agir équitablement, et je ne vois rien, dans
l'ensemble des dispositions législatives applicables,
qui puisse modifier ma conclusion.
Pouvoir discrétionnaire
Il est bien établi en droit que les articles 8 et 11 de
la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne con-
fèrent pas une discrétion absolue à la Commission et
que celle-ci doit exercer ses pouvoirs de façon raison-
nable, en faisant preuve de bonne foi et en tenant
compte des éléments pertinents (voir Slaight Commu
nications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038, la
page 1076; Padfield v. Minister of Agriculture, Fishe
ries and Food, [1968] A.C. 997 (H.L.)). Le requérant
soutient principalement qu'en exerçant son pouvoir
discrétionnaire de recruter à l'intérieur ou à l'exté-
rieur de la fonction publique, les intimés ont tenu
compte d'éléments non pertinents, comme le désir de
voir Charbonneau reprendre son poste. Si les intimés
n'avaient pris que cet élément en considération, il y
aurait eu, à mon avis, ouverture à certiorari. Le
requérant a plaidé avec force pour que je conclue en
ce sens. Les intimés, de leur côté, ont insisté sur le
fait que la décision de procéder par concours public
avait été prise de bonne foi, dans le but de rassembler
le plus de candidats qualifiés possible. Le raisonne-
ment proposé par le requérant suppose l'existence de
conclusions relatives à la crédibilité que la seule
preuve par affidavit dont je dispose ne saurait me per-
mettre de tirer. À moins de pouvoir dire que la déci-
sion repose entièrement sur ce facteur non pertinent,
je ne crois pas approprié de délivrer un bref de certio-
rari (voir Cantwell c. Canada (Ministre de l'Environ-
nement) (1991), 6 C.E.L.R. (N.S.) 16 (C.F. ire inst.)).
Estoppel
M. Lebel a admis lui-même, dans son affidavit,
qu'il n'avait pas le pouvoir de promettre au requérant
que la dotation de son poste se ferait par concours
restreint, si tant est qu'il l'ait promis. En l'espèce, les
déclarations qu'il a faites ne sauraient fonder l'estop-
pel invoqué contre les intimés. Le requérant peut,
tout au plus, prendre action contre Lebel pour man-
quement à la garantie d'autorisation, mais, en l'es-
pèce, la Cour n'a pas à s'occuper de cette question.
Voir Wade, Administrative Law, (5e éd.) aux pages
335 à 346.
Crainte raisonnable de partialité
De toute évidence, la partialité peut fonder l'annu-
lation d'une décision dans certains cas. Toutefois,
l'existence de la partialité ou d'une crainte raisonna-
ble de partialité est une question de fait. Je ne suis
pas assez certain que Campagna ait manifesté à
l'égard de Charbonneau un préjugé favorable qui,
ainsi que le requérant le soutient, a porté préjudice à
ses possibilités de conserver son poste. Campagna nie
avoir entretenu un préjugé défavorable au requérant.
Compte tenu de cette dénégation, il faut plus, encore
une fois, qu'une preuve ou une inférence établie par
affidavit pour fonder une telle accusation de mau-
vaise foi.
CONCLUSION
À mon avis, il ne convient pas, en l'espèce, que
j'use de ma discrétion et que je décerne un bref de
certiorari. Dans cette affaire, le processus de commu
nication a connu des défaillances et des malentendus
sont survenus de part et d'autre à de nombreuses
reprises. Le système de freins et de contre-poids mis
en place afin de prévenir les nominations abusives à
la fonction publique a, en outre, fait défaut à des
étapes importantes du processus. Toutefois, il me
semble que le requérant n'a pas établi, comme il en
avait le fardeau, que l'administration avait l'obliga-
tion d'agir équitablement dans les circonstances,
qu'elle a abusé de son pouvoir discrétionnaire en
décidant de procéder par voie de concours public,
qu'il y avait estoppel ou qu'il existait une crainte rai-
sonnable de partialité.
La requête est rejetée avec dépens en faveur des
intimés.
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