A-27-91
May Bros Farms Ltd. (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
RÉPERTORIÉ.' MAI' SROS. FARMS LTD. C. CANADA (Ire INST.)
Cour d'appel, juges Pratte, Hugessen et Décary,
J.C.A.—Vancouver, 18 février; Ottawa 24 avril 1992.
Biens immeubles — Affaire liée à l'impôt sur le revenu —
L'appelante qui cultive des canneberges a conclu
deux contrats avec le locataire des terrains en vue d'obtenir le
droit de les cultiver pendant que le locataire en conservait la
possession juridique tout en ayant l'obligation de consentir
une option d'achat — L'acquisition des terrains en fief simple
s'est effectuée par la suite — On a fait valoir qu'en vertu des
contrats, l'intérêt moins étendu était absorbé par l'intérêt plus
étendu — Le principe de common law de la fusion a été aboli
par une loi en Colombie-Britannique — La fusion n'existe que
lorsque l'equity l'exige — L'equity exige de déterminer l'inten-
tion des parties — L'examen du bail, des contrats, du transfert
du fief simple indique que le bail et les contrats devaient survi-
vre au transfert — L'equity exige également d'examiner l'inté-
rêt de l'appelante — L'accès au terrain et son utilisation exi
gent la survie du contrat visant la culture du terrain.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déduction pour
amortissement — La contribuable a conclu deux contrats avec
le locataire des terrains en vue d'obtenir le droit de les cultiver
pendant que le locataire en conservait la possession juridique
tout en ayant l'obligation de consentir une option d'achat de
son intérêt dans le bail — Les droits découlant du premier con-
trat appartiennent à la catégorie 14 de l'annexe II de la Loi de
l'impôt sur le revenu — L'acquisition des terrains en fief sim
ple s'est effectuée par la suite — La contribuable fait valoir
qu'en vertu des contrats, l'intérêt moins étendu est absorbé
par l'intérêt plus étendu, et qu'après cela, elle ne possédait
plus de biens de la catégorie 14 — Le principe de common law
de la fusion a été aboli par une loi en Colombie-Britannique.
En juin 1980, la contribuable a conclu deux contrats avec le
locataire de certains terrains qu'il désirait cultiver, à savoir: (1)
un contrat relatif aux droits de l'agriculture en vertu duquel
elle avait le droit de cultiver le terrain pendant que le locataire
en conservait la possession juridique; et (2) un contrat pré-
voyant une option selon laquelle le locataire devait consentir
une option d'achat de son intérêt dans le bail. Le contrat relatif
aux droits d'agriculture devait durer jusqu'à la fin du bail, soit
le 31 décembre 1983. 11 était entendu entre les parties que le
contrat relatif aux droits d'agriculture a conféré à l'appelante
un droit dans le terrain (profit à prendre). Plus tard dans l'an-
née en question, l'appelante a acquis le terrain en fief simple. Il
a été précisé que le transfert a été fait sous réserve du bail et de
l'option d'achat du bail.
Les droits aux termes du contrat relatif aux droits d'agricul-
ture appartiennent à la catégorie 14 de l'annexe Il de la Loi de
l'impôt sur le revenu. L'appelante a soutenu que ses droits aux
termes du contrat relatif aux droits d'agriculture se sont fondus
avec le fief simple, de sorte qu'elle ne possédait plus, dès lors,
de biens de la catégorie 14. En conséquence, l'appelante a
déduit la somme versée en contrepartie du contrat relatif aux
droits d'agriculture pour ses années d'imposition 1980 et 1981.
L'intimée estimait qu'aucune fusion n'avait eu lieu et que la
contrepartie versée devait être répartie sur toute la période de
validité du contrat relatif aux droits de l'agriculture.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Le principe de common law de la fusion (lorsqu'un domaine
plus étendu et un domaine moins étendu sont réunis en une
même personne, le dernier est absorbé par le plus étendu par la
seule application de la loi et sans tenir compte de l'intention
des parties) a été aboli par l'article 13 de la Law and Equity Act
de la Colombie-Britannique. La fusion n'a lieu maintenant que
lorsque l'equity l'exige. La fusion en equity dépend de l'inten-
tion qui doit être déterminée d'après les termes utilisés dans les
contrats lorsqu'aucune preuve directe en découle. Les droits du
contribuable sur le terrain aux termes du contrat relatif aux
droits d'agriculture et de l'option dépendaient du bail et y
étaient assujettis. Le transfert était fait expressément sous
réserve du bail, en vertu duquel la contribuable détenait un per-
mis, et de l'option, et ces deux droits survivaient par consé-
quent au transfert du fief simple et il en découlait une intention
évidente qu'ils ne soient pas fusionnés. Le contrat relatif aux
droits d'agriculture qui était subordonné à l'option et dépendait
du bail doit de même être présumé lui survivre.
Même en l'absence d'indication de l'intention des parties, le
contrat relatif aux droits d'agriculture aurait survécu au trans-
fert parce que l'equity se préoccupe de l'intérêt de la personne
visée. Tant que le bail a continué d'exister, le seul droit que
détenait la contribuable d'avoir accès au terrain découlait du
contrat relatif aux droits d'agriculture. Comme l'appelante
voulait avoir accès au terrain et pouvoir l'utiliser après avoir
payé à cet effet, il était à son avantage que son intérêt à l'égard
du terrain créé par le contrat relatif aux droits d'agriculture
continue à s'appliquer.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Law and Equity Act, R.S.B.C. 1979, ch. 224, art. 13.
Law of Property Act, 1925 (U.K.), 15 & 16 Geo. 5, ch. 20.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CITÉE:
Flanagan v. Babineau, 125 N.E.2d 231 (S.C. Mass.
1955).
DOCTRINE
Megarry's Manual of The Law of Real Property, 6th ed.
par David J. Hayton, London: Stevens & Sons Ltd., 1982.
APPEL à l'encontre du jugement de première ins
tance ([1991] 1 C.F. 681; [1991] 1 C.T.C. 151;
(1990), 91 DTC 5070; 15 R.P.R. (2d) 258 (l f e inst.)).
Appel rejeté.
AVOCATS:
Gordon S. Funt et Lisa Heddema pour l'appe-
lante
Max J. Weder pour l'intimée
PROCUREURS:
Fraser & Beatty, Vancouver, pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timée.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: En l'espèce et en pre-
mière instance [[1991] 1 C.F. 681] on a fait valoir
que le litige pourrait être réglé sur le fondement d'un
aspect mystérieux du droit des biens réels, c'est-à-
dire l'ancien principe de common law de la fusion. À
mon avis, selon les circonstances de l'espèce, l'af-
faire porte en fait sur l'interprétation de documents
relativement précis de la fin du vingtième siècle.
L'appelante (la demanderesse devant la Section de
première instance) cultive des canneberges. Elle s'est
montrée intéressée à acquérir certains terrains à Rich-
mond, C.-B. qui étaient susceptibles de convenir à
son exploitation. Les terrains étaient la propriété
d'une société appelée Wingly Enterprises Ltd. qui les
avait cédés à bail ainsi que d'autres terrains à une
société appelée Bell Farms Ltd. Le bail prenait fin le
31 décembre 1983. La demanderesse a communiqué
avec Bell dans le but d'obtenir une sous-location du
terrain. Bell était d'accord mais Wingly, le bailleur
principal, n'a pas donné le consentement nécessaire
aux termes du bail principal. En juin 1980, la deman-
deresse et Bell ont élaboré une méthode pour permet-
tre à la demanderesse de cultiver le terrain sans qu'il
soit nécessaire d'obtenir le consentement de Wingly.
Elles ont conclu deux contrats datés du 27 juin 1980.
Le premier de ces contrats, quelquefois mentionné
dans les documents comme le «contrat relatif aux
droits d'agriculture» et quelquefois comme le «con-
trat de gestion», prévoyait que la demanderesse aurait
le droit de cultiver le terrain et à cette fin d'y avoir
accès avec des machines et du matériel pour effectuer
les travaux nécessaires à une exploitation agricole
complète de culture des canneberges. Le contrat pré-
cisait que Bell devait demeurer en possession juri-
dique du terrain mais elle ne devait pas intervenir
auprès de la demanderesse. Le contrat précisait égale-
ment que Bell devait avoir droit à certaines «tailles»
qui résulteraient de l'exploitation de la demanderesse.
Le montant du contrat était d'un million de dollars
versé par la demanderesse à Bell, et le contrat devait
durer jusqu'à l'expiration du bail conclu entre Win-
gly et Bell, c.-à-d. jusqu'au 31 décembre 1983.
Aux termes du deuxième contrat, appelé le contrat
prévoyant une option, Bell devait consentir à la
demanderesse une option d'achat de son intérêt dans
le bail conclu entre Wingly et Bell. Les autres moda-
lités de ce contrat ont peu d'importance à l'égard de
l'espèce, bien qu'il soit intéressant de souligner que
la clause 7.00 prévoit que les droits de Bell en ce qui
a trait aux «tailles» devaient prendre fin le 31 décem-
bre 1982 (c.-à-d. un an avant l'expiration du bail et
du contrat de gestion) et que la clause 9.00 prévoit
qu'en cas de divergence entre le contrat de gestion et
le contrat prévoyant une option, ce dernier doit pré-
valoir.
Il est entendu entre les parties que le contrat de
gestion a conféré à la demanderesse un intérêt dans le
terrain (un «profit à prendre»). Quant au contrat pré-
voyant une option, on y a donné suite par l'exécution
d'une option entre Bell et la demanderesse. Voici le
texte de la partie exécutoire de l'option:
[TRADUCTION] En vertu d'un bail daté du 13 décembre 1977,
enregistré au bureau d'enregistrement de New Westminster le
21 février 1979 sous le numéro RD87899, dont une copie est
jointe en annexe, et sur laquelle est apposé «annexe A» («le
bail») Wingly Enterprises Ltd. a cédé à bail les terrains à Bell
selon les modalités qui y sont fixées.
CHAQUE PARTIE, relativement à l'exécution du présent con-
trat par l'autre partie, CONVIENT que:
2.00 OPTION
Bell doit sur paiement de la somme de 1,00 $ par May Bros.,
dans un délai de 60 jours du consentement par Wingly Enter
prises Ltd., céder à May Bros. l'intégralité de son droit, titre et
intérêt dans le bail. (Dossier d'appel, annexe I, p. 34.)
L'option a été enregistrée au bureau d'enregistre-
ment de New Westminster sous le numéro
RD120430A.
Comme il a été indiqué, ces contrats ont été con-
clus entre la demanderesse et Bell en juin 1980. Bien
qu'il n'y ait aucun élément de preuve à ce sujet, il
semble que la demanderesse ait continué à tenter de
négocier avec Wingly, les propriétaires du terrain, et
que ces tentatives aient porté fruit. De toute façon, le
14 octobre 1980, Wingly a conclu un contrat en vertu
duquel elle transférait à la demanderesse le fief sim
ple visant le terrain. Il a été précisé qu'un tel transfert
a été fait «Sous réserve du bail et de l'option d'achat
du bail qui portent respectivement les numéros
RD87899 et RD120430A du bureau d'enregistrement
de New Westminster» (Dossier d'appel, annexe I,
page 45). Ces renvois visent respectivement le bail
entre Wingly et Bell et l'option entre Bell et la
demanderesse.
De quelle manière ce qui précède donne-t-il lieu à
un contentieux en matière d'impôt sur le revenu et à
l'invocation du principe de la fusion? Le juge de pre-
mière instance a présenté l'affaire comme d'habitude
de manière claire et concise [aux pages 683 à 685]:
Les parties s'entendent sur le fait que les droits de la deman-
deresse aux termes du contrat relatif aux droits d'agriculture
appartiennent à la catégorie 14 de l'annexe II du Règlement de
l'impôt sur le revenu [C.R.C., chap. 945]. Voici la description
de la catégorie 14 alors applicable:
CATÉGORIE 14
Les biens constitués par un brevet, une concession ou un
permis de durée limitée à l'égard des biens, sauf
a) une concession ou permis à l'égard de minéraux, de
pétrole, de gaz naturel, d'autres hydrocarbures connexes
ou de bois et des biens y afférents (excepté une conces
sion pour la distribution de gaz aux consommateurs ou un
permis d'exportation de gaz du Canada ou d'une pro
vince) ou à l'égard d'un droit d'exploration, de forage, de
prise ou d'enlèvement concernant des minéraux, du
pétrole, du gaz naturel, d'autres hydrocarbures connexes
ou du bois;
b) une tenure à bail; ou
c) un bien compris dans la catégorie 23.
La demanderesse soutient qu'au moment de l'acquisition du
fief simple auprès de Wingly, ses droits aux termes du contrat
relatif aux droits d'agriculture se sont fondus avec le fief sim
ple de sorte qu'elle ne possédait plus, dès lors, de biens de la
catégorie 14. Elle prétend en outre que le paragraphe 20(16)
[mod. par S.C. 1977-78, chap. I, art. 14; 1980-81-82-83, chap.
48, art. 10] de la Loi de l'impôt sur le revenu [Loi] [S.C. 1970-
71-72, chap. 63] lui permet, par conséquent, de déduire une
perte finale pour l'année d'imposition 1981. Voici le libellé du
paragraphe 20(16) alors applicable:
20....
(16) Nonobstant les alinéas 18(1)a), b) et h), lorsque, à la
fin d'une année d'imposition,
a) le total des montants déterminés en vertu des sous-ali-
néas 13(21)f(i) à (ii.1), à l'égard des biens amortissables
d'une catégorie prescrite donnée qui appartiennent à un
contribuable, est supérieur au total des montants déter-
minés en vertu des sous-alinéas 13(21)f)(iii) à (viii), à
l'égard des biens amortissables de cette catégorie qui
appartiennent au contribuable, et
b) que ce dernier ne possède plus de biens de ladite caté-
gorie
dans le calcul de son revenu pour l'année
c) il doit déduire l'excédent déterminé en vertu de l'alinéa
a), et
d) il ne doit déduire aucun montant pour l'année en vertu
de l'alinéa (1)a) à l'égard des biens de ladite catégorie,
et, l'excédent déterminé en vertu de l'alinéa a) est réputé
avoir été déduit en vertu de l'alinéa (1)a) dans le calcul du
revenu, pour l'année, qu'il a tiré d'une entreprise ou d'un
bien. [C'est le juge Reed qui souligne.]
La demanderesse soutient que la somme de 1 000 000 $ ver
sée en contrepartie du contrat relatif aux droits d'agriculture
devrait être répartie de telle manière que 3 117,70 $ et
996 882,30 $ soient déductibles pour ses années d'imposition
1980 et 1981 respectivement.
La défenderesse estime pour sa part qu'aucune fusion n'a eu
lieu et que la contrepartie de 1 000 000 $ doit être répartie sur
toute la période de validité du contrat relatif aux droits d'agri-
culture, suivant l'alinéa 20(1)a) de la Loi, le Règlement 1100
de la Loi et la catégorie 14 de l'annexe 11 du Règlement de
l'impôt .sur le revenu. La défenderesse a d'ailleurs réparti la
somme comme suit:
1980 2 341 $
1981 284 711
1982 284 711
1983 284 711
1984 143 526
1 000 000 $
Les calculs de chacune des parties ne sont pas contestés. La
seule question en litige consiste à savoir si l'acquisition du fief
simple en octobre 1980 a emporté fusion.
En première instance et devant nous, l'affaire a été
présentée comme si elle portait sur l'application du
principe de la fusion; on s'est fondé sur de la juris
prudence et de la doctrine anciennes pour appuyer
l'opinion selon laquelle lorsqu'un domaine plus
étendu et un domaine moins étendu sont réunis à une
même personne, le dernier est absorbé par le plus
étendu par la seule application de la loi et sans tenir
compte de l'intention des parties.
Comme aucun des juges entendant l'appel n'était
familier avec le droit des biens réels qui s'applique en
Colombie-Britannique, nous avons pris la question en
délibéré sur le fondement de ce qui avait été plaidé.
Toutefois, peu après, nous avons été mis au courant
du texte de l'article 13 de la Law and Equity Actl de
la Colombie-Britannique. Voici le texte de cet article:
[TRADUCTION] 13. Il ne doit pas y avoir de fusion uniquement
par application de la loi d'un domaine à l'égard duquel il n'est
pas présumé y avoir fusion ou extinction en equity de l'intérêt
bénéficiaire.
En conséquence, nous avons demandé aux parties
de présenter d'autres arguments par écrit relativement
à la pertinence de l'article 13 et à son effet sur la
décision que nous devons rendre. Nous avons mainte-
nant reçu ces arguments.
De toute évidence, l'article 13 a pour effet d'abolir
le principe de common law de la fusion en Colombie-
Britannique. La fusion ne doit avoir lieu que lorsque
l'equity l'exige. Il n'y a pas fusion en equity par la
seule application de la loi. En fait, il existe même de
la doctrine et de la jurisprudence selon laquelle la
fusion «répugne» à l'equity 2 .
En equity, la fusion dépend de l'intention. La règle
est énoncée de manière précise et concise par
Megarry 3 :
[TRADUCTION] 2. Fusion. En common law, si un loyer est
dévolu à la même personne que le terrain à l'égard duquel il
était exigé, le loyer devient éteint par fusion, même si ce
n'était pas l'intention de le faire. Pour qu'une telle situation se
produise, le loyer et le terrain doivent avoir été dévolus à la
même personne, au même moment et en vertu du même droit.
R.S.B.C. 1979, ch. 224.
2 Flanagan v. Babineau, 125 N.E.2d 231 (S.C. Mass. 1955).
3 Megarry's Manual of the Law qf Real Property, 6e éd. par
David J. Hayton (London: Stevens & Sons Ltd., 1982), aux p.
394 et 395.
Cette règle automatique de common law ne s'applique désor-
mais plus car, en vertu de la Law of Property Act 1925 4 , il ne
doit plus y avoir de fusion en droit sauf dans les cas où il y
aurait eu une fusion en equity, et la règle d'equity porte que la
fusion dépend de l'intention des parties. Même si on ne peut
démontrer d'intention qu'il ne doit pas y avoir de fusion, il
existe une présomption contre la fusion s'il est dans l'intérêt de
la personne visée d'empêcher qu'elle ne se produise. [Renvois
omis.]
Le fardeau de démontrer qu'il y a eu fusion en
l'espèce incombe à la demanderesse. Il n'y a aucun
élément de preuve en matière d'intention (si l'on pré-
sume qu'un tel élément de preuve serait utile); nous
devons donc déterminer l'intention des parties
d'après les termes utilisés dans les contrats. À mon
avis ces termes indiquent que, en octobre 1980, au
moment de l'acquisition du fief simple par la deman-
deresse, l'intention était que le bail, et le contrat de
gestion qui en découlait, devaient survivre au trans-
fert. Je ne puis interpréter autrement la disposition du
contrat de transfert lui-même qui a été citée précé-
demment. Un tel transfert est assujetti non seulement
au bail mais également à l'option en vertu de laquelle
le cessionnaire du fief simple avait le droit d'acquérir
l'intérêt du bailleur dans le bail.
À mon avis, il en découle que la demanderesse
avait acquis de Bell des droits sur le terrain aux
termes du contrat de gestion et de l'option; ces droits
dépendaient du bail conclu entre Wingly et Bell et y
étaient assujettis. La demanderesse a alors acquis le
fief simple de Wingly, sous réserve expressément du
bail, en vertu duquel elle détenait un permis et de
l'option qui était en sa faveur. Par conséquent, ces
deux droits ont survécu à l'acquisition du fief simple
et il en découlait une intention évidente qu'ils ne
soient pas fusionnés. Il n'y a aucun élément de
preuve que la demanderesse ait exercé son option
(qui aurait pu donner lieu à la fusion), mais comme le
bail et l'option ont survécu au transfert, il me semble
que le contrat de gestion qui était subordonné à l'op-
tion et dépendait du bail doit de même être présumé
lui survivre.
Même en l'absence d'indication de l'intention des
parties, je suis d'avis que l'intérêt de la demanderesse
4 Le texte de l'article 13 de la Law and Equity Act (précitée)
est identique à celui de la Law of Property Act [1925 (U.K.),
15 & 16 Geo. 5, ch. 20] d'Angleterre mentionnée par Megarry
dans la citation.
à l'égard du terrain aux termes du contrat de gestion
n'a pas été éteint par l'acquisition du fief simple. En
l'absence de preuve relative à l'intention, l'equity se
charge de l'intérêt de la personne visée, en l'espèce la
demanderesse. Tant que Bell continue à détenir le
bail, dont l'existence a été expressément garantie par
le contrat de transfert, le seul droit que détient la
demanderesse d'avoir un accès immédiat au terrain
découle du contrat de gestion. A titre de propriétaire
du fief simple, la demanderesse n'a aucun droit
d'accès au terrain par rapport à Bell le bailleur qui en
était en possession. Comme la demanderesse voulait
avoir accès au terrain et pouvoir l'utiliser, et avait
payé 1 000 000 $ à cette fin en vertu du contrat de
gestion, il était manifestement à l'avantage de la
demanderesse que l'intérêt à l'égard du terrain créé
en sa faveur par ce contrat continue à s'appliquer jus-
qu'à son expiration. Il est évidemment hors de propos
que la demanderesse affirme maintenant, longtemps
après l'expiration du bail, qu'il est dans son intérêt
que le contrat de gestion soit éteint par la fusion.
Je suis d'avis de rejeter l'appel. Puisque je consi-
dère que les avocats des deux parties ne se sont pas
acquittés de leurs obligations envers la Cour (et en
fait, ils ont amené le juge de la Section de première
instance à régler l'espèce sur un fondement erroné,
encore que ce fut le bon résultat), je n'adjugerais
aucuns dépens à l'égard de l'appel.
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: Je souscris.
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Je souscris.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.