A-1051-88
Westar Mining Ltd. (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée)
RÉPERTORIA' WESTAR MIN/NO LTD. C. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Mahoney, Stone et Linden,
J.C.A.—Toronto, 26 novembre 1991 et Ottawa, 30
mars 1992; Ottawa, 11 mai 1992.
Impôt sur le revenu — Exemptions — Appel interjeté contre
un jugement de première instance concluant que le produit
d'assurance contre les pertes d'exploitation n'est pas exonéré
d'impôt en vertu de l'art. 28 des Règles de 1971 concernant
l'application de l'impôt sur le revenu à titre de «revenu tiré de
l'exploitation d'une mine» — Lorsqu'un incendie a causé la
fermeture temporaire d'une usine de transformation de char-
bon en 1971, l'appelante a reçu 1 328 000 $ pour perte de pro
fits — Les modifications apportées en 1975 l'art. 28(1.1) des
R.A.1.R. définissent rétroactivement l'expression «revenu tiré
de l'exploitation d'une mine» comme comprenant le revenu
attribuable au traitement jusqu'au stade du métal primaire —
Le juge de première instance a conclu que l'argent devait pro-
venir de l'extraction, de la transformation ou de la vente pour
bénéficier de l'exemption — Selon la jurisprudence, l'expres-
sion «exploitation d'une mine» est un concept économique —
Le revenu provient de l'exploitation d'une mine en tant qu'ac-
tivité économique et non des actes matériels qui consistent à
extraire et à transformer — Les contrats d'assurance ont été
conclus dans le cadre d'une entreprise minière — Le produit
d'assurance reçu à titre d'indemnité pour la perte de revenu
résultant de l'interruption d'un procédé de transformation, par
définition, est inclus dans l'expression «revenu tiré de l'exploi-
tation d'une mine» — La clause d'exemption fiscale énoncée
dans une police d'assurance n'est pas pertinente puisque les
parties à un contrat ne peuvent en stipuler les conséquences
,fiscales.
Il s'agit d'un appel formé contre le jugement de première
instance par lequel on a conclu que le produit d'assurance con-
tre les pertes d'exploitation n'était pas exonéré de l'impôt sur
le revenu en vertu du paragraphe 28(1) des Règles de 1971
concernant l'application de l'impôt sur le revenu, (R.A.I.R.), à
titre de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». L'appelante
exploitait une mine de charbon et des installations de transfor
mation connexes. En 1971, l'usine de transformation a été fer-
mée temporairement en raison d'un incendie. L'appelante a
reçu 1 328 000 $ pour la perte de profits. À ce moment-là, le
revenu de l'appelante tiré de l'exploitation de la mine était
exonéré d'impôt en vertu du paragraphe 28(1) selon lequel le
«revenu tiré de l'exploitation d'une mine» désigne simplement
un revenu tiré de l'exploitation de la mine avant toute déduc-
tion faite en vertu de l'article 65 ou 66. En 1975, les R.A.1.R.
ont été modifiées par insertion du paragraphe 28(1.1) selon
lequel, rétroactivement, l'expression «revenu tiré de l'exploita-
tion d'une mine» comprend le revenu d'une corporation attri-
buable au traitement de minerai extrait jusqu'au stade du métal
primaire. La Loi de l'impôt sur le revenu ne contenait aucune
définition de l'expression, bien que celle-ci soit également uti
lisée au paragraphe 83(5) qui exonérait de l'impôt le revenu
provenant de l'exploitation d'une mine au cours des trente-six
premiers mois de production. Le juge de première instance a
conclu que si la somme reçue doit être considérée comme un
revenu provenant de l'exploitation d'une mine, elle doit être
reçue à la suite de l'extraction, du traitement ou des ventes. Il a
estimé convaincant l'arrêt Cominco Ltd c La Reine, [19841
CTC 548 (C.F. lre inst.), où il était question du produit d'assu-
rance contre les pertes d'exploitation dans le contexte de la
déduction pour épuisement gagnée prévue à l'article 65 de la
Loi de l'impôt sur le revenu et au Règlement 1201. Il a égale-
ment conclu que si le produit était considéré comme un mon-
tant découlant de l'exploitation d'une mine, on accorderait au
contribuable un double avantage: le droit de déduire les primes
versées pour cette assurance et ensuite le droit de déduire l'in-
demnité reçue. Enfin, il a conclu que la clause énoncée dans
les polices d'assurance, stipulant que l'indemnité en provenant
ne sera pas exempte d'impôt, bien que non déterminante, indi-
quait l'intention des parties. L'appelante a prétendu que le pro-
duit d'assurance était un revenu puisqu'il tenait lieu du revenu
perdu dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise et que le
revenu perdu, étant un revenu tiré de l'exploitation d'une mine,
aurait été exonéré d'impôt sur le revenu.
Arrêt (le juge Linden, J.C.A., étant dissident): l'appel
devrait être accueilli.
Le juge Mahoney J.C.A. (aux motifs duquel le juge Stone,
J.C.A., a souscrit): Le produit d'assurance était tiré de l'exploi-
tation d'une mine au sens du paragraphe 28(1) des R.A.I.R. Il
ressort de la jurisprudence, dont la plus grande partie traitait de
l'interprétation et de l'application du paragraphe 83(5) avant
l'ajout en 1975 de la définition, que l'expression «exploitation
d'une mine» est un concept économique. Le revenu provient
de l'exploitation d'une mine en tant qu'activité économique et
non des actes matériels qui consistent à extraire et à transfor
mer le minerai. Les contrats d'assurance contre la perte d'ex-
ploitation ont été conclus dans le cadre de l'entreprise minière
de la contribuable, et non pas de quelque autre entreprise, et
seulement pour garantir un revenu de cette entreprise. Le pro-
duit d'assurance a été reçu à titre d'indemnité pour la perte de
revenu résulant de l'interruption d'un procédé de transforma
tion qui, par définition, est inclus dans l'expression «revenu
tiré de l'exploitation d'une mine».
L'arrêt Cominco n'était d'aucune utilité. Il y était question
de la définition des termes qui incluait expressément la défini-
tion de «bénéfices de production imposables tirés de ressources
minérales au Canada» formulée au paragraphe 124.1. La Cour
d'appel a conclu que les articles 124.1 et 124.2 établissent leur
propre système d'inclusions dans le revenu et d'exclusions du
revenu en ce qui concerne les programmes spéciaux d'encoura-
gement. Chaque encouragement apporté à l'activité écono-
mique par le Parlement dans la Loi de l'impôt sur le revenu est
un code en lui-même. L'intention exprimée dans l'un n'est pas
utile à la compréhension de l'autre.
Aucune preuve ne démontre que l'appelante a demandé ou
que le ministre a accordé une déduction des primes d'assu-
rance dans le calcul du revenu imposable de l'appelante.
La disposition énoncée dans la police d'assurance concer-
nant l'imposition n'est pas pertinente. Les parties à un contrat
ne peuvent stipuler les conséquences fiscales de leur entente.
Le juge Linden, J.C.A. (dissident): L'exemption prévue au
paragraphe 28(1) des R.A.I.R. ne peut être interprétée d'une
façon si générale qu'elle vise le produit d'assurance reçu à la
suite de la non-exploitation d'une usine de transformation
d'une mine, quelle que soit la mesure dans laquelle ce revenu
est relié ou connexe 3 l'entreprise minière. Le Parlement n'a
pas exonéré tous les revenus gagnés par les compagnies
minières, ni exempté tous les revenus découlant de l'entreprise
minière. Seul le revenu tiré de l'exploitation d'une mine est
exonéré. Chaque forme de revenu gagné par une entreprise
minière doit être étudiée pour déterminer si elle est visée par
l'exemption ou non.
Le paragraphe 28(I) des R.A.I.R. vise à encourager l'indus-
trie minière canadienne, mais son objectif n'est pas d'encoura-
ger l'entreprise minière en général. Son but est d'apporter un
stimulant à l'exploitation de mines, c'est-à-dire aux activités
particulières de l'entreprise minière dont notre société tire le
plus de profit. L'extraction, la transformation et la vente de
certaines ressources minières, qu'on voit généralement comme
des activités faisant partie de l'exploitation d'une mine, favori-
sent particulièrement les emplois, le commerce et d'autres acti-
vités économiques, et sont particulièrement importantes pour
notre bien-être économique et dignes d'un traitement spécial.
Pendant la fermeture de l'usine de transformation, cet aspect
du travail de la mine qui a une valeur particulière n'était ni
effectué ni mis de l'avant; permettre un stimulant fiscal ne
ferait pas progresser l'objectif spécifique de la Loi. Rien dans
l'article ne donne 3 entendre que le Parlement avait l'intention
de récompenser l'inactivité. S'il avait eu l'intention d'exonérer
tous les revenus tirés de toutes les activités de l'entreprise
minière, il aurait pu le faire. Puisqu'il ne l'a pas fait, nous
devons présumer qu'il entendait donner à l'expression «exploi-
tation d'une mine» un sens plus restreint.
LOI ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, S.R.C. 1927, ch.
97, art. 5(1)(a).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art.
18(1)c), 65, 124.1(1) (édicté par S.C. 1974-75-76, ch.
26, art. 80).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, art.
83(5) (mod. par S.C. 1955, ch. 54, art. 21).
Règlement de l'impôt sur le revenu, DORS/54-682,
art. 1201 (mod. par DORS/75-342, art. I).
Règles de /97/ concernant l'application de l'impôt sur le
revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, partie III, art. 28
(mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 133).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Cominco Ltd e La Reine, [1984] CTC 548; (1984), 84
DTC 6535 (C.F. 1« inst.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Gulf Canada Ltd. et autre c. La Reine (1990), 90 DTC
6622; 38 F.T.R. 81 (C.F. Ire inst.); Canada c. Gulf
Canada Ltd. (1992), 92 DTC 6123 (C.A.F.); Gilhooly,
Grace v. Minister of National Revenue, [1945] R.C.É.
141; [1945] 4 D.L.R. 235; [1945] C.T.C. 203; Commissio
ners of Taxation v. Kirk, [1900] A.C. 588 (P.C.); Minister
of National Revenue v. Hollinger North Shore Exploration
Company, Limited, [1963] R.C.S. 131; (1963), 36 D.L.R.
(2d) 636; [1963] C.T.C. 51; 63 DTC 1031; Gunnar
Mining Limited v. Minister of National Revenue, [1968]
R.C.S. 226; (1968), 67 D.L.R. (2d) 153; [1968] C.T.C.
22; 68 DTC 5035; Falconbridge Nickel Mines Ltd. c. Le
Ministre du Revenu national, [1972] C.F. 835; [1972]
CTC 374; (1972), 72 DTC 6337 (C.A.); Le ministre du
Revenu national e. Bethlehem Copper Corp., [1973] C.F.
565; [1973] CTC 345; (1973), 73 DTC 5281 (C.A.);
M.R.N. e. Bethlehem Copper Corp. Ltd., [1975] 2 R.C.S.
790; [1974] CTC 707; (1974), 74 DTC 6520.
DÉCISION CITÉE:
C.P.R. v. Provincial Treasurer of Manitoba, [1953] 4
D.L.R. 233; (1953), 10 W.W.R. (N.S.) 1 (B.R. Man.).
APPEL d'un jugement de première instance,
[1988] 2 C.T.C. 349; (1988), 88 DTC 6505; 23
F.T.R. 71, qui a conclu que le produit d'assurance
contre les pertes d'exploitation n'était pas exonéré de
l'impôt en vertu des Règles de 1971 concernant l'ap-
plication de l'impôt sur le revenu à titre de «revenu
tiré de l'exploitation d'une mine». Appel accueilli.
AVOCATS:
William I. Innes et Clifford L. Rand pour l'appe-
lante.
Wilfrid Lefebvre, c.r. et John Shipley pour l'inti-
mée.
PROCUREURS:
Stikeman, Elliott, Toronto, pour l'appelante.
Ogilvy, Renault, Montréal, pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Dans le présent appel
interjeté contre une décision publiées de la Section de
I [1988] 2 C.T.C. 349.
première instance, nous devons décider si le produit
d'assurance contre les pertes d'exploitation de
1 328 000 $ est exonéré de l'impôt sur le revenu à
titre de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». Le
juge de première instance a tranché par la négative.
En appel, on n'a pas repris l'argument subsidiaire,
rejeté en première instance, selon lequel le produit
n'est pas un revenu au sens de la Loi de l'impôt sur le
revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63] et, en fait, l'appe-
lante a essentiellement fondé sa plaidoirie sur la pro
position contraire.
Une grande partie des faits substantiels sont
énoncés dans l'exposé conjoint des faits repris en
entier dans la décision du tribunal inférieur. La
preuve documentaire s'est composée de polices d'as-
surance, et le témoignage a principalement porté sur
la négociation tenue en vue de régler la demande
d'indemnité. On a déposé au dossier des extraits de
l'interrogatoire préalable d'un agent représentant
l'intimée. Cet interrogatoire préalable a permis de
démontrer qu'aux yeux de l'intimée, le produit d'as-
surance est un revenu tiré d'une entreprise et non du
bien que constituent les polices d'assurance en elles-
mêmes.
La demanderesse [appelante] exploitait à Elkview
(C.-B.) une mine de charbon, appelée la mine de Bal-
mer, et des installations de transformation connexes,
qui sont entrées en production le le' mai 1971. Le 4
décembre 1971, l'usine de transformation a été
incendiée. Du 4 au 20 décembre, la production a été
interrompue pour recommencer de façon partielle le
21 décembre jusqu'au 29, date à laquelle elle a repris
son plein régime. Pendant la fermeture, le charbon
était exploité et accumulé à la mine de Balmer. Dans
son année d'imposition 1972, l'appelante a donc reçu
de ses assureurs la somme de 1 455 865 $. De cette
somme, les parties ont convenu que «1 328 000 $
étai[en]t reliés] à la perte de profits qu'elle [l'appe-
lante] a subie à l'égard du charbon provenant de la
mine de Balmer». Au moment de l'incendie et du
paiement du produit d'assurance, le revenu de l'appe-
lante tiré de l'exploitation de la mine de Balmer était
exonéré d'impôt en vertu du paragraphe 28(1) des
Règles de 1971 concernant l'application de l'impôt
sur le revenu [R.A.I.R.] [S.C. 1970-71-72, ch. 63,
Partie III].
28. (1) Sous réserve des conditions prescrites, le revenu tiré
de l'exploitation d'une mine qui a commencé à produire avant
1974, ne doit pas être inclus dans le calcul du revenu d'une
corporation, dans la mesure où un tel revenu est gagné ou pro-
duit pendant la période commençant le jour où la mine a com-
mencé à produire en se terminant à celle des deux dates sui-
vantes qui tombent en premier, le 31 décembre 1973 ou la date
postérieure de 36 mois à la date à laquelle la mine a commencé
à produire, sauf que le présent paragraphe ne s'applique pas
dans le cas d'une mine qui a commencé à produire après le 7
novembre 1969, à moins que la corporation n'opte pour cette
formule de la manière et dans les délais prescrits.
(2) Dans le présent article,
(a) «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» signifie un
revenu tiré de l'exploitation d'une mine avant toute déduc-
tion faite en vertu de l'article 65 ou 66 de la loi modifiée;
L'appelante a opté comme elle y était tenue en
temps opportun. Les parties n'ont pas plaidé la perti
nence en l'espèce de la définition prévue à l'alinéa
28(2)a) des R.A.I.R. En 1975, l'article 28 des
R.A.I.R. a été modifié par insertion du paragraphe
(1.1) 2 .
28....
(1.1) L'expression «revenu tiré de l'exploitation d'une
mine» est réputée comprendre et avoir toujours compris, aux
fins du présent article et de l'article 83 de l'ancienne loi, tel
qu'il se lisait pour l'année d'imposition 1971 et pour les
années d'imposition antérieures, le revenu d'une corporation
attribuable au traitement de minerai extrait d'une mine appar-
tenant à la corporation jusqu'au stade du métal primaire ou son
équivalent.
Le paragraphe 83(5) [S.R.C. 1952, ch. 148 (mod. par
S.C. 1955, ch. 54, art. 21)] de l'«ancienne Loi» était
ainsi libellé:
83....
(5) Sous réserve des conditions prescrites, il ne faut pas
inclure, dans le calcul du revenu d'une corporation, le revenu
provenant de l'exploitation d'une mine au cours de la période
de 36 mois commençant le jour où la mine est entrée en pro
duction.
L'ancienne Loi ne contenait aucune autre définition
de «revenu tiré de l'exploitation d'une mine» que
celle donnée rétroactivement au paragraphe 28(1.1)
des R.A.I.R. J'estime que, sous réserve de l'effet
éventuel de cette définition, l'effet des paragraphes
28(1) des R.A.I.R. et 83(5) de l'ancienne Loi est,
pour les fins de l'espèce, identique.
2 S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 133 (sanction royale, le 13
mars 1975.)
L'interprétation et l'application du paragraphe
83(5) sont l'objet d'une jurisprudence abondante qui
fait abstraction de la modification rétroactive. Avant
de passer à l'étude de cette jurisprudence, je crois
opportun d'examiner les objections opposées aux
conclusions du juge de première instance.
Bien qu'il ait effectivement étudié la jurisprudence
portant précisément sur le paragraphe 83(5), le juge
de première instance semble surtout avoir été con-
vaincu par les motifs de la juge Reed dans l'arrêt
Cominco Ltd c La Reine 3 . Il y était question du pro-
duit d'assurance contre les pertes d'exploitation dans
le contexte de la soi-disant déduction pour épuise-
ment gagnée prévue à l'article 65 de la Loi de l'impôt
sur le revenu et au Règlement [Règlement de l'impôt
sur le revenu, DORS/54-682 (mod. par DORS/75-
342, art. 1)] 1201. La juge Reed a conclu ainsi:
Il ne fait aucun doute que si le contribuable avait effectivement
gagné le revenu dont l'indemnité d'assurance tient lieu, celle-
ci aurait été considérée comme un bénéfice de production et
aurait été déduite conformément au paragraphe 65(1).
Si j'ai bien compris, la décision portait sur la défini-
tion, prévue au Règlement 1201, des expressions
«bénéfices de production» et «bénéfices relatifs à des
ressources». La juge Reed a conclu que, comme en
l'espèce, «le libellé de l'article 3» de la Loi faisait du
produit d'assurance, parce qu'il est un revenu d'en-
treprise, un revenu imposable, puis elle a ajouté
ceci [à la page 5521:
L'indemnité d'assurance ne saurait toutefois tomber sous le
coup du libellé beaucoup plus précis du paragraphe 1201(2)—
les bénéfices de production (avant le 6 mai 1974) et de l'article
1201 du Règlement—les bénéfices relatifs à des ressources
(après le 6 mai 1974). L'indemnité ne provient tout simple-
ment pas de la «production de ... métal ou [de] minéraux
industriels» ni du «traitement au Canada de minerais d'une
ressource minérale».
La définition statutaire de «revenu tiré de l'exploita-
tion d'une mine» est formulée au paragraphe 28(1.1)
et à l'alinéa 28(2)a) des R.A.I.R. Elle ne suit pas les
définitions statutaires en litige dans l'arrêt Cominco.
À mon avis, cet arrêt n'est d'aucune utilité pour
trancher les questions en litige en l'espèce. Au lende-
main du 6 mai 1974, la définition de «bénéfices rela-
tifs à des ressources», en jeu dans cette affaire,
3 [1984] CTC 548 (C.F. Ire inst.).
incluait expressément, entre autres, la définition de
«bénéfices de production imposables tirés de res-
sources minérales au Canada» formulée au para-
graphe 124.1(1) [édicté par S.C. 1974-75-76, ch. 26,
art. 80] de la Loi. Cette Cour a expressément fait
sienne l'opinion suivante du juge McNair énoncée
dans l'arrêt Gulf Canada Ltd. et autre c. La Reine 4 .
À mon avis, les articles 124.1 et 124.2 établissent leur propre
système distinct d'inclusions dans le revenu et d'exclusions du
revenu en ce qui concerne les programmes spéciaux d'encoura-
gement.
Les encouragements apportés à l'activité économique
par le Parlement dans la Loi de l'impôt sur le revenu
me semblent être pour ainsi dire des codes en eux-
mêmes; à mon avis, l'intention exprimée dans l'un
n'est pas très utile à la compréhension de l'autre.
C'est particulièrement vrai lorsqu'on tente de com-
prendre le sens donné par le Parlement à une certaine
catégorie de «revenu» dans le contexte d'une disposi
tion; la définition de l'expression dans cette disposi
tion ressemble peu ou aucunement à la définition per-
tinente prévue dans la disposition à laquelle on a
recours.
La seconde objection s'en prend à la conclusion
suivante:
Dire que cette indemnité d'assurance doit être considérée
comme un montant découlant ou provenant de l'exploitation
d'une mine, c'est aller clairement au-delà de l'intention du
Parlement. Cette interprétation aurait pour effet d'accorder à la
demanderesse un double avantage: le droit de déduire les
primes versées pour cette assurance et le droit de déduire l'in-
demnité reçue, ce qui n'est évidemment pas le résultat voulus.
Aucune preuve ne démontre, les avocats en con-
viennent, que l'appelante a demandé ou que le minis-
tre a accordé une déduction des primes d'assurance
dans le calcul du revenu imposable de l'appelante 6 .
Enfin, renvoyant à une clause des polices d'assu-
rance, il a dit ceci:
La clause d'exemption fiscale énoncée dans les polices d'assu-
rance stipule clairement que l'indemnité provenant des polices
d'assurance ne sera pas exempte et qu'une provision devra être
faite pour tenir compte des impôts exigibles à la suite de paie-
4 (1990), 90 DTC 6622 (C.F. Ire inst.), à la p. 6632; (1992),
92 DTC 6123 (C.A.F.), à la p. 6127.
5 À la p. 357.
c, L'art. 18(1)c) de la Loi interdit la déduction du revenu
imposable d'une dépense faite en vue de tirer un revenu exo-
néré.
ments versés. Cette clause n'est pas déterminante en soi, mais
elle indique que, pour les parties au contrat, l'indemnité ne
constituerait pas un revenu tiré de l'exploitation d'une mine, et
ces parties ont été conseillées par des avocats et des comp-
tables agréés avant de signer les documents. Elles ont peut-être
agi en se fondant sur une interprétation erronée de la loi; c'est
d'ailleurs la raison pour laquelle cette interprétation n'est pas
concluante.
Avec égards, non seulement la disposition n'est-elle
pas concluante, mais elle n'est pas pertinente. Les
parties à un contrat ne peuvent stipuler les consé-
quences fiscales de celui-ci. Ceci étant dit, la décision
n'était manifestement pas fondée sur cette preuve.
Avant d'examiner la ratio du jugement de première
instance, il sera utile d'étudier la jurisprudence. La
première question vise l'étendue du sens de l'expres-
sion «tiré de». Je n'entends pas citer l'arrêt C.P.R. v.
Provincial Treasurer of Manitoba 8 , en dépit de l'im-
portance que lui accorde l'appelante. Cette affaire
portait sur l'expression «revenu attribuable», et puis-
qu'elle reposait sur l'autorité de l'arrêt Gilhooly,
Grace v. Minister of National Revenue 9 , qui traitait
de la déduction pour épuisement prévue à la Loi de
l'impôt de guerre sur le revenus °, relativement au
revenu «tiré d'» une exploitation minière, je ne vois
aucune raison de ne pas en discuter maintenant. La
contribuable, qui recevait une rente viagère du revenu
de la succession de son père, a demandé une déduc-
tion pour épuisement des dividendes en actions d'une
compagnie minière touchés par les exécuteurs. Pour
des fins pertinentes au présent appel, voici ce que le
juge Cameron a conclu:
[TRADUCTION] Le Murray's New English Dictionary, volume
3, p. 230, définit ainsi le terme «derive» («tiré»): «découler,
jaillir, provenir, émaner, venir, naître, tirer son origine, être tiré
de»; le Shorter Oxford English Dictionary, volume I, le définit
ainsi: «entraîner, faire venir, obtenir; provenir d'une source».
Peut-on douter que les dividendes d'une exploitation minière
sont tirés de l'exploitation d'une mine? Je ne crois pas ...
Dans l'arrêt Commissionnent of Taxation v. Kirke, lord
Davey a dit «Leurs Seigneuries ne prêtent aucun sens particu-
lier au terme «tiré» («derived»), qu'ils considèrent synonyme
de «découler ou provenir de».
7 Ibid.
8 [1953] 4 D.L.R. 233 (B.R. Man.).
[1945] R.C.É. 141.
In S.R.C. 1927, ch. 97, art. 5(1)a).
0 [1900] A.C. 588 (P.C.), à la p. 592.
L'arrêt Kirk portait sur une loi de la Nouvelle-Galles
du Sud imposant les [TRADUCTION] «revenus tirés des
terres de la Couronne». Ce passage a été cité avec
approbation par la Cour suprême du Canada dans
l'arrêt Minister of National Revenue v. Hollinger
North Shore Exploration Company, Limited 12 où
celle-ci a conclu que le loyer reçu par le propriétaire
minier d'une personne exploitant une mine était un
«revenu tiré de l'exploitation d'une mine» au sens du
paragraphe 83(5).
Dans l'arrêt Gunnar Mining Limited v. Minister of
National Revenue 13 , la contribuable a investi, dans
des titres à court terme, un revenu tiré de l'exploita-
tion de sa mine au cours de la période de 36 mois, et
elle a demandé que ce revenu d'investissement soit
exonéré en vertu du paragraphe 83(5). Au nom de la
Cour, le juge Spence a conclu:
[TRADUCTION] L'exemption prévue à ce paragraphe [83(5)] vise
le «revenu tiré de l'exploitation d'une mine». Le revenu tiré
d'investissements à court terme n'était pas un revenu tiré de
l'exploitation de la mine, mais plutôt un revenu tiré de l'inves-
tissement des bénéfices de la mine. Ce revenu tiré des investis-
sements à court terme, pas plus que tout autre revenu tiré de
l'utilisation des bénéfices réalisés par la mine, ne peut être
qualifié de revenu accessoire dans l'exploitation de la mine.
L'avocat de l'appelante a souligné qu'au cours de la période
visée par l'exemption d'impôt, la corporation a également con-
sidéré à titre de revenu accessoire les revenus de location tirés
de certaines maisons sur les terrains de la mine, et elle a sou-
tenu que le revenu tiré des titres à court terme n'était qu'une
autre forme de revenu accessoire à l'exploitation minière.
Cette prétention ne peut être accueillie. Ces maisons ont été
construites par la compagnie afin que les employés de la mine
puissent y résider. De toute évidence, leur construction et leur
location, et le revenu de location en découlant, étaient acces-
soires à l'exploitation de la mine. Au risque d'être familier,
pendant le temps où elle bénéficiait d'une exonération d'impôt
l'appelante exploitait deux entreprises—premièrement, une
entreprise minière et, deuxièmement, une entreprise de place
ment et, bien qu'elle ait exploité celle-ci afin de réunir des
fonds sous une forme facilement réalisable avec lesquels elle
pourrait payer les débentures à fonds d'amortissement portant
intérêt au taux de 5 p. 100, si elles venaient à échéance, il ne
s'agit pas moins de l'exploitation d'une seconde entreprise.
Dans l'arrêt Falconbridge Nickel Mines Ltd. c.
Ministre du Revenu national", la question était de
savoir si l'exemption du paragraphe 83(5) s'appli-
12 [1963] R.C.S. 131, aux p. 134 et s.
13 [1968] R.C.S. 226, aux p. 232 et s.
14 [ 1972] C.F. 835 (C.A.).
quait au revenu tiré des ventes, après les 36 mois, du
minerai extrait pendant cette période. Selon la contri-
buable, l'expression «exploitation d'une mine» ne
signifiait rien de plus que l'extraction matérielle du
minerai de la terre. Cette Cour a confirmé la cotisa-
tion établie par le ministre qui avait exonéré de l'im-
pôt le revenu tiré des ventes du minerai dans la
période de 36 mois, notamment le minerai produit
avant que la mine entre en production 15 , et qui avait
imposé le revenu tiré des ventes du minerai extrait au
cours de la période, mais vendu après son expiration.
Unanimes quant au résultat, les juges ont tout de
même prononcé des motifs de jugement distincts. Le
juge suppléant Sheppard a conclu que l'expression
«au cours de la période de 36 mois» apportait une
modification à l'expression «revenu tiré» et non au
terme «exploitation d'une mine». Il n'a pas cru
nécessaire d'analyser le sens de l'expression «exploi-
tation d'une mine».
Le juge suppléant Sweet a conclu ainsi, aux pages
841 et 842:
L'exploitation d'une mine, au sens de la Loi applicable, ne
peut correspondre qu'à la conduite d'une entreprise réalisable
et viable destinée à cette fin. Pour ce faire, il faut nécessaire-
ment, et je dirais même évidemment, qu'il y ait une organisa
tion, une entreprise commerciale, structurée et établie de façon
à faire face à la multiplicité des conditions requises à cette fin.
L'extraction du minerai, la transformation en métal ainsi que la
vente sont des éléments, des éléments importants, mais unique-
ment des éléments, de ces conditions. Afin d'atteindre vrai-
ment le résultat visé, d'une façon pratique et efficace, ils doi-
vent être accompagnés et appuyés par d'autres opérations.
C'est l'ensemble de cette organisation, de cette entreprise,
ainsi que de sa conduite qui constitue «l'exploitation d'une
mine» au sens de la loi.
Le juge en chef Jackett, généralement d'accord avec
les motifs de ses deux collègues, a dit, aux pages 836
et 837:
Si, dans l'article 83(5), «l'exploitation d'une mine» corres
pond au simple fait d'extraire du minerai, à mon avis, l'appe-
lante doit avoir gain de cause, sous réserve, toutefois, qu'on
puisse dire que le revenu provient d'une exploitation purement
matérielle de ce genre, considérée séparément de l'entreprise
dont elle fait partie.
Selon l'autre point de vue, qui, à mon avis, est le bon, lors-
que l'article 83(5) parle du revenu provenant de l'exploitation
d'une mine, il se réfère au revenu provenant d'une entreprise
d'exploitation minière, car, en ce qui concerne l'activité pro
15 «production», encore aujourd'hui, est défini comme «pro-
duction en des quantités commerciales raisonnables».
ductrice de bénéfices (par opposition aux biens ou à l'emploi),
l'entreprise constitue le genre de source de revenu envisagé par
la Loi de l'impôt sur le revenu. Voir, par exemple, l'article 3 de
la Loi...
Un acte purement matériel, considéré séparément des autres
éléments nécessaires à la naissance d'un revenu, n'est pas une
source de revenu telle que l'envisage la Loi. Il s'ensuit que
l'acte purement matériel d'extraction du minerai de la mine,
considéré séparément de l'entreprise dont il fait partie, est un
acte stérile qui ne peut, par lui-même, constituer une source de
revenu. Cet acte matériel ne peut donc correspondre à ce
qu'envisage l'article 83(5) qui parle de «l'exploitation d'une
mine» comme étant quelque chose qui produit un revenu.
On a laissé entendre que l'arrêt Ministre du Revenu
national c. Bethlehem Copper Corp. ) 6 avait amené le
Parlement à adopter le paragraphe 28(1.1) des
R.A.I.R. La contribuable avait mis en production un
puits de mine à ciel ouvert et un moulin afin de traiter
le minerai en concentré, et, à compter du ler décem-
bre 1962, elle a eu droit à l'exemption d'impôt pour
une période de 36 mois. En février 1965, un éboule-
ment a mis fin à l'exploitation du puits. Peu après, un
deuxième puits à ciel ouvert est entré en production
non loin. Son minerai était transformé au moulin déjà
existant. La contribuable a demandé en vain au
ministre une deuxième exemption d'impôt pour une
période de 36 mois. Le juge en chef Jackett a rendu le
jugement au nom de la Cour.
Si j'ai bien compris la position de l'appelant, il soutient
qu'une «mine» au sens de l'article 83(5) signifie une exploita
tion utilisée pour extraire du minerai «et produire des con-
centrés de cuivre». Cette interprétation revient en fait à inté-
grer deux opérations industrielles, à savoir a) l'extraction du
minerai et b) la production de concentrés. J'estime que la juris
prudence ne permet pas de donner une portée aussi large à
l'exemption prévue à l'article 83(5)... (Les citations des arrêts
North Bay Mica v. M.N.R., [1958] R.C.S. 597 et M.R.N. c.
MacLean Mining, [1970] R.C.S. 877 ont été omises.) J'estime
que «l'exploitation d'une mine», au sens de l'article 83(5), vise
uniquement l'extraction du minerai d'un gisement et ne com-
prend pas le traitement du minerai après sa production. (Dans
l'un et l'autre cas bien sûr, il ne s'agit pas de la simple activité
physique d'extraire le minerai ou de celle d'extraire le minerai
et de le traiter. Ce qui est envisagé est une activité à but lucratif
composée de ces actes physiques et de l'aliénation des produits
moyennant contrepartie au moyen d'une vente ou autrement.)
Je déclare par conséquent mal fondé l'argument de l'appe-
lant suivant lequel l'extraction du minerai du gisement Jersey
ne constitue qu'une partie de l'exploitation d'une mine, exploi
tation qui engloberait l'ensemble des opérations d'extraction et
de traitement effectuées par l'intimée.
16 [1973] C.F. 565 (C.A.), à la p. 568; [1975] 2 R.C.S. 790,
aux p. 795 à 797.
En conséquence, la cotisation a été renvoyée pour
nouvelle cotisation qui tienne compte du fait que [à la
page 569]:
... en vertu de l'article 83(5), il ne faut pas inclure, dans le
calcul du revenu de l'intimée, cette partie de son revenu qui
provient de l'extraction du minerai du gisement Jersey [le nou-
veau puits] au cours de la période de 36 mois commençant le
jour où la mine est entrée en production.
Se prononçant au nom de la Cour suprême du
Canada, le juge Martland a longuement cité les
motifs du juge en chef Jackett et, sur cette question, il
a expressément adopté son opinion. L'autre question,
non pertinente en l'espèce, était de savoir si le puits
ouvert était simplement une accumulation de minerai
et non une mine. Il s'agissait d'une mine.
La prétention de l'appelante repose sur deux posi
tions qui, à mon avis, sont inattaquables:
a) le produit d'assurance était manifestement un
revenu puisqu'il tenait lieu du revenu perdu dans le
cadre de l'exploitation de l'entreprise;
h) le revenu perdu, étant un revenu tiré de l'exploi-
tation d'une mine, aurait été exonéré d'impôt sur le
revenu.
En outre, la jurisprudence donne à l'expression «tiré
de» un sens large.
Le motif déterminant du jugement rendu en pre-
mière instance se trouve dans les termes suivants»:
À mon avis, la demanderesse voudrait inclure dans la Loi
des mots qui ne s'y trouvent pas. Elle soutient que les mots
«entreprise minière» ont le même sens que l'expression
«exploitation d'une mine», soit l'expression même utilisée
dans l'article qui permet l'exemption. A mon avis, la défende-
resse a raison de dire que l'exploitation d'une mine ne com-
porte que trois éléments; en conséquence, si des sommes d'ar-
gent reçues sont exemptes parce qu'elles appartiennent à la
catégorie «exploitation d'une mine», elles doivent être reçues à
la suite
a) de l'extraction
b) du traitement
c) de ventes.
Un examen du texte français fait ressortir encore plus nette-
ment cette interprétation.
Le juge de première instance ne s'est pas attardé à
cette dernière observation.
17 Aux p. 356 et 357.
L'appelante soutient que le juge de première ins
tance a mal compris sa prétention. En effet, elle ne
cherchait pas, dit-elle, à assimiler l'«exploitation
d'une mine» à une «entreprise minière», mais plutôt
à une «entreprise d'exploitation minière», ajoutant
que l'«exploitation d'une mine» est un concept éco-
nomique. L'intimée n'a pas répondu à cette préten-
tion directement. Au contraire, elle soutient que le
juge de première instance a bien compris la préten-
tion de l'appelante et qu'assimiler «entreprise
minière» à «exploitation d'une mine» rendrait
l'exemption d'impôt applicable à des revenus que le
Parlement n'avait pas l'intention d'exonérer.
Avec égards, il ressort clairement de la jurispru
dence que l'expression «exploitation d'une mine» est
un concept économique. Dans l'arrêt Bethlehem Cop
per, on a conclu que le paragraphe 83(5) visait «un
procédé profitable» à l'égard de l'extraction de mine-
rai à partir d'une accumulation de minerai. Manifes-
tement, pour la majorité, dans l'arrêt Falconbridge
Nickel, l'«exploitation d'une mine» était un concept
économique. Le juge suppléant Sweet a dit ceci [à la
page 842]:
C'est l'ensemble de ... [I]a conduite [de l'entreprise] qui cons-
titue «l'exploitation d'une mine»...
Le juge en chef Jackett a ajouté ceci [aux pages 836
et 837]:
... lorsque l'article 83(5) parle du revenu provenant de l'ex-
ploitation d'une mine, il se réfere au revenu provenant d'une
entreprise d'exploitation minière, ...
Un acte purement matériel, considéré séparément des autres
éléments nécessaires à la naissance d'un revenu, n'est pas une
source de revenu telle que l'envisage la Loi.
Dans l'arrêt Gunnar Mining, les juges ont adopté la
même position. Pour établir une distinction entre le
revenu exonéré et celui qui ne l'est pas, le juge
Spence a utilisé les expressions «entreprise minière»
et «entreprise d'investissement». Dans ce contexte, il
parlait manifestement de l'entreprise d'exploitation
minière en question, lorsqu'il a dit «au risque d'être
familier ... une entreprise minière». Le revenu pro-
vient de l'exploitation d'une mine en tant qu'activité
économique et non des actes matériels qui consistent
à extraire et à transformer le minerai.
Plusieurs parties de l'interrogatoire préalable de
l'agent de la Couronne, dont le passage suivant est un
bon exemple, font ressortir le caractère artificiel de la
position de l'intimée 18 . M. Bowman et M. Lefebvre
étaient les avocats de la contribuable et de la Cou-
ronne respectivement.
[TRADUCTION] M. BOWMAN: Le ministre dit qu'il s'agit d'un
revenu d'entreprise.
Q. Est-ce vrai?
R. Oui.
Q. De quelle entreprise le revenu est-il tiré, selon le minis-
tre?
R. Celle qui bouche des trous.
Q. Le ministre croit que la contribuable exploite une entre-
prise qui bouche des trous? La demanderesse s'emploie
à creuser des trous.
M. LEFEBVRE: Nous contestons. Je crois que nous contes-
tons. Nous avons expliqué notre position. Dans le cadre de son
entreprise, la demanderesse s'assure contre un événement, con-
tre certains risques. Lorsque ces risques se concrétisent, il en
résulte une perte de revenus. La cessation de l'exploitation de
la mine, bien sûr, produit une perte de revenus compensée par
la police d'assurance. En l'absence de police d'assurance, il
n'y aurait eu aucun revenu. Elle a bouché le trou.
La question est donc de savoir si le revenu est tiré de l'ex-
ploitation d'une mine ou de la non-exploitation d'une mine,
celle-ci étant couverte par la police d'assurance.
Les contrats d'assurance contre la perte d'exploita-
tion ont été conclus dans le cadre de l'entreprise
minière de l'appelante, et non pas de quelque autre
entreprise, et pour aucune autre fin que de garantir un
revenu de cette entreprise. L'exploitation de la mine
de Balmer est au nombre des activités assurées qui
font partie de cette entreprise minière. Le produit
d'assurance a été reçu à titre d'indemnité pour la
perte de revenu résultant de l'interruption d'un pro-
cédé de transformation, dont le revenu, par défini-
tion, est inclus dans l'expression «revenu tiré de l'ex-
ploitation d'une mine». En fait, l'extraction s'est
poursuivie. Les parties ne contestent pas que le pro-
duit était imposable parce qu'il s'agissait d'un revenu
d'entreprise. Il était tiré d'une entreprise. Si ce n'était
pas de l'entreprise d'exploitation de la mine de Bal-
mer, de quelle entreprise était-il tiré? Aucune autre
possibilité ne se présente logiquement.
À mon avis, à concurrence du 1 328 000 $ con-
venu, le produit d'assurance contre les pertes d'ex-
18 à la p. 104, I. 29 et s.
ploitation était tiré de l'entreprise d'exploitation de la
mine de Balmer et il provenait de l'exploitation de
cette mine au sens du paragraphe 28(1) des R.A.I.R.
J'accueillerais l'appel avec dépens en l'espèce et
devant la Section de première instance et je renver-
rais les cotisations de 1975 et 1976 de l'appelante au
ministre du Revenu national pour nouvelle cotisation
qui tienne compte de ce qui est énoncé au paragraphe
9 de l'exposé conjoint des faits.
Le juge Stone, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE LINDEN, J.C.A. (dissident): Avec regret, je
ne peux être d'accord avec mon collègue le juge
Mahoney, J.C.A.
Le paragraphe 28(1) des Règles de 1971 concer-
nant l'application de l'impôt sur le revenu exonère de
l'impôt le «revenu tiré de l'exploitation d'une mine
[c'est moi qui souligne]». Avec égard pour le raison-
nement de mon collègue, je ne peux convenir que
l'exemption peut être interprétée d'une façon si géné-
rale qu'elle vise le produit d'assurance reçu à la suite
de la non-exploitation d'une usine de transformation
d'une mine, quelle que soit la mesure dans laquelle
ce revenu est relié ou connexe à l'entreprise minière.
Le Parlement n'a pas exonéré tous les revenus gagnés
par les compagnies minières, ni exempté tous les
revenus découlant de l'entreprise minière. Seul le
revenu tiré de l'exploitation d'une mine est exonéré.
La différence entre la définition d'entreprise
minière et la définition plus précise d'exploitation
d'une mine, que l'entreprise englobe nécessairement,
a été expliquée par le juge Spence dans l'arrêt Gun-
nar Mining Limited v. Minister of National Revenue,
[1968] R.C.S. 226, la page 232:
L'exemption prévue à ce paragraphe [83(5)] vise le «revenu
tiré de l'exploitation d'une mine». Le revenu tiré d'investisse-
ments à court terme n'était pas un revenu tiré de l'exploitation
de la mine, mais plutôt un revenu tiré de l'investissement des
bénéfices de la mine. Ce revenu tiré des investissements à
court terme, pas plus que tout autre revenu tiré de l'utilisation
des bénéfices réalisés par la mine, ne peut être qualifié de
revenu accessoire dans l'exploitation de la mine.
Selon le juge Spence, les revenus gagnés par l'entre-
prise minière ne sont donc pas tous exonérés en vertu
de cet article. Seul le revenu gagné dans le cadre de
l'exploitation d'une mine est exonéré, et aucun autre
revenu indirect ou subsidiaire tiré d'autres activités,
investissements ou accords d'une compagnie
minière. Le juge Spence a conclu que le revenu tiré
de la location de maisons à des mineurs était exonéré,
puisqu'il s'agissait d'un revenu tiré de l'exploitation
d'une mine, mais que le revenu tiré d'investissements
à court terme n'était pas exonéré. De toute évidence,
chaque forme de revenu gagné par une entreprise
minière doit être étudiée individuellement pour déter-
miner si elle est visée par l'exemption ou non.
Dans une affaire semblable, l'arrêt Cominco Ltd c
La Reine, [19841 CTC 548 (C.F. l ie inst.), madame la
juge Reed devait décider si le produit d'assurance
reçu en remplacement d'un revenu perdu pouvait être
qualifié de bénéfice de production tiré d'un procédé
de transformation minière, et ainsi être déductible en
vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme en
l'espèce, il est évident que, si la contribuable avait
réellement gagné le revenu en remplacement duquel
le produit d'assurance était versé, il aurait été déduit.
Toutefois, la juge a conclu que le produit d'assurance
découlait de la non-production par la contribuable et
que, pour cette raison, il ne répondait pas aux exi-
gences expresses des règlements ni ne concordait
avec les fins à l'égard desquelles les déductions
étaient destinées. Ainsi, la contribuable n'a pu se pré-
valoir de l'avantage de la déduction à l'égard du pro-
duit d'assurance en dépit du fait que, si le revenu tiré
de l'activité avait été effectivement gagné, il aurait
été déductible en vertu de l'article en question.
Le produit d'assurance est souvent traité, sur le
plan fiscal, de la même manière que le revenu ou le
bien perdu qu'il remplace. Nous devons toutefois
nous rappeler que les affaires étudient en général la
possibilité de qualifier le produit d'assurance de
revenu. En l'espèce, il ne s'agit pas de savoir si le
produit d'assurance est un revenu, mais s'il est exo-
néré. Pour appliquer l'exemption en l'espèce, nous
devons être convaincus que les activités de la contri-
buable sont visées par le libellé de l'article.
Le paragraphe 28(1) des Règles de 1971 concer-
nant l'application de l'impôt sur le revenu vise clai-
rement à encourager l'industrie minière canadienne,
mais son objectif n'est pas d'encourager l'entreprise
minière en général. Son but, plus limité, est d'appor-
ter un stimulant à l'exploitation de mines, c'est-à-dire
aux activités particulières de l'entreprise minière dont
on croit que notre société tire le plus profit. En
d'autres termes, on voit généralement dans l'extrac-
tion, la transformation et la vente de certaines res-
sources minières, des activités faisant partie de l'ex-
ploitation d'une mine qui favorisent particulièrement
les emplois, le commerce et d'autres activités écono-
miques et qui, par conséquent, sont particulièrement
importantes pour notre bien-être économique et
dignes d'un traitement spécial. Pendant la fermeture
de l'usine de transformation, cet aspect du travail de
la mine, que l'on croit avoir une valeur particulière,
n'était ni effectué ni mis de l'avant; permettre un sti
mulant fiscal en l'espèce ne ferait pas progresser
l'objectif spécifique de la Loi. Rien dans l'article ne
donne à entendre que le Parlement avait l'intention
de récompenser l'inactivité. S'il avait eu l'intention
d'exonérer tous les revenus tirés de toutes les acti-
vités de l'entreprise minière, il aurait pu facilement le
faire. Puisqu'il ne l'a pas fait, nous devons présumer
qu'il entendait donner à l'expression «exploitation
d'une mine» un sens plus restreint. Accorder l'avan-
tage de l'article au revenu tiré du produit d'assurance
payable en raison de la non-exploitation d'une acti-
vité d'une mine, comme l'a proposé le juge Maho-
ney, J.C.A., n'est pas, à mon humble avis, en harmo-
nie avec le libellé législatif ni avec l'intention du
Parlement.
Pour ces motifs, j'aurais rejeté l'appel.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.