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T-451-91
Administration régionale crie et Bill Namagoose (requérants)
c.
Raymond Robinson (intimé)
et
Procureur général du Québec et Hydro -Québec (intervenants)
et
Makivik Corporation (intervenante)
RÉPERTORIÉ' ADMINISTRATION RÉGIONALE CRIE C. CANADA (ADMINISTRATEUR FÉDÉRAL) (I 7 e INST.)
Section de première instance, juge Rouleau—Mont- réal, 16, 17, 18 et 19 juillet; Ottawa, 10 septembre 1991.
Peuples autochtones Terres Des Indiens concluent à ordonnance de mandamus pour obliger l'administrateur fédé- ral à appliquer le processus d'examen prévu à la Convention de la Baie James et du Nord québécois Projet hydro-élec- trique de la rivière Grande Baleine En application de la Convention BJNQ, des Indiens et Inuit ont cédé leurs droits territoriaux en vue d'entreprises fédérales et provinciales Mise en oeuvre du projet sans examen fédéral des répercussions sur l'environnement L'administrateur fédéral faisait savoir aux Indiens qu'il n'était pas habilité à appliquer le processus fédéral d'évaluation environnementale Conclusion par les autorités fédérales et provinciales d'un nouvel accord d'éva- luation sous le régime des Lignes directrices visant le proces- sus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, sans la participation des autochtones signataires de la Convention BJNQ Selon cette dernière, les examens fédéral et provin cial ne peuvent fusionner que si toutes les trois parties (gou- vernement fédéral, gouvernement provincial et Administration régionale crie) y consentent et si cette fusion ne se fait pas au détriment des Cric L'État fédéral a assumé une obligation fiduciaire envers les Cris en éteignant les droits autochtones par la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois Le droit des Indiens à des examens fédéral et provincial séparés en matière envi- ronnementale est aussi protégé par l'art. 35(1) de la Loi cons- titutionnelle La dernière entente fédérale-provinciale visait à apaiser et à circonvenir les populations autochtones, et à dispenser des obligations fédérales prévues par la Convention BJNQ.
Environnement Requête en mandamus pour obliger l'ad- ministrateur fédéral à appliquer le processus d'examen des
répercussions sur l'environnement, que prévoit la Convention de la Baie James et du Nord québécois Cession par les Indiens de leurs droits territoriaux en vue d'entreprises fédé- rales et provinciales Mise en œuvre du projet de Grande Baleine avant qu'il y ait eu examen des répercussions sur l'en- vironnement L'administrateur fédéral faisait savoir aux Indiens qu'il n'était pas habilité à procéder à l'examen fédé- ral, après avoir informé les autorités québécoises que ce projet était assujetti à l'examen environnemental fédéral et que cet examen était urgent Conclusion d'un nouvel accord d'éva- luation environnementale par les gouvernements fédéral et provincial sans le consentement des Indiens Il est hors de doute que le projet aura des répercussions sur la faune comme sur l'avenir social et économique des autochtones L'art. 35(1) de la Loi constitutionnelle protège les droits de chasse et de pêche des autochtones par des processus séparés d'examen environnemental, l'un fédéral, l'autre provincial Le récent accord visait à apaiser et à circonvenir les Indiens, et à dis penser des obligations prévues par la Convention BJNQ Cette Convention ayant été ratifiée par voie législative, seule une loi peut dispenser des obligations qu'elle prévoit Le nouveau processus d'examen, à entreprendre sous le régime des Lignes directrices, n'aura aucun effet à l'égard d'une entreprise provinciale Le fait d'attirer l'attention du public est d'une utilité restreinte Le projet ne nécessite aucun per- mis fédéral.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Mandamus L'administrateur fédéral est tenu à l'obligation publique de procéder à l'évaluation des répercussions sur l'environnement Recours possible en mandamus pour obliger un employé de la Couronne à remplir une obligation publique Il n'y a aucun autre recours plus pratique Demande et refus.
Droit constitutionnel Partage des pouvoirs Il échet d'examiner si par la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l'Etat fédéral entendait déléguer implicitement à l'administrateur provincial ses pouvoirs législatifs concernant les Indiens, les pêcheries, les oiseaux migrateurs et les eaux navigables La délégation des pouvoirs ne peut se faire que par une loi expresse à cet effet, avec mécanisme de révocation.
Il y a en l'espèce requête en mandamus ou, subsidiairement, en injonction, pour ordonner à l'administrateur intimé d'appli- quer le processus fédéral d'évaluation des répercussions sur l'environnement, que prévoient la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Loi sur le règlement des revendica- tions des autochtones de la Baie James et du Nord québécois.
La convention, signée en 1975 par les gouvernements fédé- ral et provincial, les représentants des Cris et des Inuit, fut mise en vigueur par une loi provinciale et une loi fédérale, en l'occurrence la Loi dont s'agit. Par cette convention, les autochtones du Nord québécois ont cédé certains de leurs droits en échange d'engagements spécifiques donnés par les gouvernements. La convention prévoit la nomination d'un administrateur provincial pour exercer les fonctions prévues en matière de compétence provinciale, et d'un administrateur fédéral pour les questions de compétence fédérale. Elle prévoit également l'évaluation des répercussions, notamment des pro- jets de production d'énergie, sur l'environnement et le milieu
social. Le promoteur doit soumettre son rapport des répercus- sions à «l'administrateur» qui le transmet sans délai au comité d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social, fédéral ou provincial selon le cas. La convention prévoit en outre l'obligation pour l'administrateur de décider si une évaluation est requise, et d'en établir la nature et la portée.
À l'origine, l'intimé cherchait à soumettre le projet hydro- électrique de la rivière Grande Baleine au processus d'examen fédéral des répercussions environnementales. Par la suite, en novembre 1990, les gouvernements fédéral et provincial ont conclu un accord d'évaluation conjointe. Cet accord prévoyait que l'évaluation serait effectuée conformément aux Lignes directrices (fédérales) visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement, mais par l'administra- teur provincial seul.
Jugement: il y a lieu à mandamus.
L'emploi au singulier du terme «administrateur» s'entend également, par application du paragraphe 33(2) de la Loi d'in- terprétation, du pluriel. La Convention prévoit que les deux comités d'examen ne peuvent fusionner que par consentement du gouvernement fédéral, du gouvernement provincial et de l'Administration régionale crie, et que cette fusion ne doit pas porter préjudice aux droits garantis aux Cris. Deux processus d'examen séparés étaient clairement envisagés. L'accord bipartite entre les deux gouvernements ne satisfait certaine- ment pas à la condition de consentement mutuel des trois par ties, et il est manifeste que la partie excluse, c'est-à-dire les Cris, le considère comme contraire à ses intérêts. La même dis position de la Convention prévoit qu'un projet ne peut être soumis à plus d'un processus d'examen à moins qu'il «ne relève à la fois de la compétence du Canada et du Québec». La conclusion logique qui en découle est que si tel est le cas, le projet sera soumis à la fois à l'examen fédéral et à l'examen provincial. Le projet de Grande Baleine touche aux matières de compétence fédérale, qui comprennent les oiseaux migrateurs, les pêcheries, les mammifères marins, les Indiens et terres indiennes, et les eaux navigables, ainsi qu'à des matières de compétence provinciale, savoir les travaux et entreprises d'une nature locale et les développements hydro-électriques. L'admi- nistrateur fédéral est donc tenu à l'obligation publique impéra- tive d'entreprendre l'examen fédéral impartial des répercus- sions environnementales du projet.
La délégation de pouvoirs fédéraux à une autorité provin- ciale n'est constitutionnellement valide que si elle se fait expressément par une loi et si les pouvoirs délégués sont expressément révocables. Il n'y a pas en l'espèce délégation par voie législative à l'administrateur provincial de pouvoirs relatifs à des matières de compétence fédérale en ce qui con- cerne la Convention BJNQ; est également absent le dispositif requis de révocation. En conséquence, la convention n'opère et ne saurait opérer délégation d'aucun pouvoir fédéral d'évalua- tion à l'administrateur provincial; celui-ci n'est donc habilité à s'occuper d'aucune répercussion du projet dans des domaines de compétence fédérale.
La cession de droits territoriaux par une bande indienne à l'État fédéral crée chez celui-ci une obligation fiduciaire
envers cette bande. A supposer qu'il ne fût pas déjà tenu à cette obligation fiduciaire envers les Cris, l'État fédéral l'a assumée en l'espèce en éteignant leurs droits autochtones par le para- graphe 3(3) de la Loi. Les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et toute ambiguïté doit profiter aux Indiens. Il incombe à la partie qui l'invoque de prouver la volonté de la Couronne d'éteindre des droits indiens, laquelle volonté doit être claire et expresse. L'État fédéral ne pouvait, sans une disposition expresse à cet effet, éteindre le droit aux processus d'évaluation environnementale visés aux chapitres 22 et 23 de la Convention BJNQ. Les droits autochtones prévus à la convention sont encore protégés par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. La Convention BJNQ ayant été ratifiée par voie législative, on ne saurait sub- stituer à l'obligation légale les clauses de l'accord bipartite subséquent. Comme l'examen prévu au nouvel accord relève des Lignes directrices fédérales, les recommandations issues de pareil examen n'ont aucun effet à l'égard d'une entreprise pro- vinciale. Comme aucun permis ou autorisation fédéral n'est requis en l'espèce pour entreprendre le projet, celui-ci ne pour- rait donc être retardé au cas des répercussions néfastes se produiraient dans des domaines de compétence fédérale.
Il y a lieu à mandamus contre un employé de la Couronne en sa qualité officielle pour l'obliger à remplir une obligation envers le public, à condition que le requérant jouisse du droit légal d'en demander l'exécution, qu'il en ait demandé l'exécu- tion et que cette demande ait été rejetée. Une personne exer- çant des fonctions publiques est un employé de la Couronne, à moins qu'elle ne soit investie de pouvoirs discrétionnaires qu'elle puisse exercer de façon indépendante. L'administrateur n'est investi d'aucun pouvoir discrétionnaire, mais n'a que des obligations de faire. Les Cris ont, dans le cadre de la Conven tion BJNQ, le droit d'exiger que l'administrateur remplisse son obligation publique de procéder à une évaluation des répercus- sions sur l'environnement. Il y a eu demande et refus.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi approuvant la Convention de la Baie James et du Nord québécois, L.Q. 1976, chap. 46, art. 2.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 .cur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91(10),(12),(24),(29), 92(10), 92A (édicté par la Loi constitutionnelle de 1982, L.R.C. (1985), appendice II, no 44, art. 50).
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, art. 33(2). Loi sur le règlement des revendications des autochtones
de la Baie James et du Nord québécois, S.C. 1976-77,
chap. 32, art. 3(1),(2),(3).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Calder et al. c. Procureur Général de la Colombie-Bri- tannique, [1973] R.C.S. 313; (1973), 34 D.L.R. (3d) 145; [1973] 4 W.W.R. 1; Bande d'Eastmain c. Gilpin, [1987] R.J.Q. 1637 (C.S.P.); Bender v. The King, [1949] 2 D.L.R. 318 (C. de l'É.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Minis- tre de l'Environnement), [1990] 2 W.W.R. 69; (1989), 38 Admin. L.R. 138; 4 C.E.L.R. (N.S.) 1; 27 F.T.R. 159; 99 N.R. 72 (C.A.F.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Canoe Ontario v. Reed (1989), 69 O.R. (2d) 494; 6 R.P.R. (2d) 226 (H.C.); P.E.I. Potato Marketing Board v. Willis, [1952] 2 R.C.S. 392; [1952] 4 D.L.R. 146; Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R. (4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301; [1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36 R.P.R. 1; Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; (1987), 38 D.L.R. (4th) 321; [1987] 3 W.W.R. 1; 46 Man. R. (2d) 241; 25 Admin. L.R. 20; 87 CLLC 14,015; 18 C.P.C. (2d) 273; 73 N.R. 341; Karavos v. Toronto & Gillies, [1948] 3 D.L.R. 294; [1948] O.W.N. 17 (C.A. Ont.); O'Grady c. Whyte, [1983] I C.F. 719; (1982), 138 D.L.R. (3d) 167; 42 N.R. 608 (C.A.).
DECISIONS CITÉES:
Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273; (1990), 77 D.L.R. (4th) 25; [1991] 2 W.W.R. 195; 52 B.C.L.R. (2d) 187; 120 N.R. 109; R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; [1990] 4 W.W.R. 410; Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2 C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41.
DOCTRINE
de Smith, S.A. Judicial Review of Administrative Action, 4th ed. by J. M. Evans, London: Stevens & Sons Ltd., 1980.
AVOCATS:
James A. O'Reilly, Kathleen Lawand, P. W. Hutchins et F. S. Gertler pour les requérants. J. M. Aubry et R. Leblanc pour l'intimé. M. Yergeau, Georges Emery, c. r., Sylvain Lus- sier et Line Lacasse pour l'intervenante Hydro - Québec.
Pierre Lachance, Alain Gingras et Christiane Cantin pour l'intervenant, le procureur général du Québec.
John D. Hurley et Gérard Dugré pour l'interve- nante Makivik.
PROCUREURS:
O'Reilly, Mainville, Montréal, pour les requé- rants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in- timé.
Desjardins, Ducharme, Montréal, pour l'interve- nante Hydro -Québec.
Le sous-procureur général du Québec pour l'in- tervenant, le procureur général du Québec. Byers, Casgrain, Montréal, pour l'intervenante Makivik.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il y a en l'espèce requête, intro- duite par les requérants, en ordonnance de mandamus ou, subsidiairement, en injonction, pour ordonner à Raymond Robinson, en sa qualité d'administrateur fédéral, d'appliquer le processus fédéral d'évaluation et d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social, que prévoient les chapitres 22 et 23 de la «Convention de la Baie James et du Nord qué- bécois» (la «Convention BJNQ») et la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois (la «Loi BJNQ»), S.C. 1976-77, chap. 32, en ce qui concerne le projet hydro-électrique de la rivière Grande Baleine, dans le Nord du Québec.
Après que cette action eut été intentée, l'intimé Raymond Robinson a été remplacé par le nommé Michel Dorais, mais puisqu'il avait été cité en sa qua- lité officielle, les parties conviennent que mon ordon- nance peut s'adresser à Michel Dorais.
Le litige se rapporte à la Convention BJNQ, signée en 1975 par les gouvernements du Canada et de la province de Québec, la Société de développement de la Baie James, Hydro -Québec, le Grand Council of the Crees of Quebec et la Northern Quebec Inuit Association. Cette convention fut ratifiée et mise en vigueur par une loi fédérale et une loi provinciale: la Loi sur le règlement des revendications des autoch- tones de la Baie James et du Nord québécois, S.C. 1976-77, chap. 32, paragraphe 3(1), et la Loi approu- vant la Convention de la Baie James et du Nord qué- bécois, L.Q. 1976, chap. 46, article 2. En application de cette convention, les Cris et les Inuit du Nord qué- bécois ont abandonné et cédé certains de leurs droits
territoriaux en échange de garanties et d'engagements spécifiques, donnés à la fois par le gouvernement fédéral et par le gouvernement provincial. Cet arran gement avait pour objet la planification et le contrôle de la mise en valeur future de la région du Nord qué- bécois.
Il y a lieu de noter que lorsque cette affaire fut appelée pour la première fois en mars 1991, j'ai été saisi d'une exception d'incompétence. Le 13 mars 1991, j'ai conclu que la Cour avait compétence pour connaître de la requête [[1991] 2 C.F. 422], et ma décision a été confirmée par la Cour d'appel fédérale [[1991] 3 C.F. 533]. Par cette décision, la Cour d'ap- pel conclut la page 552] que la convention ayant été mise en vigueur par une loi, elle tirait «son plein effet juridique même comme contrat des lois qui doi- vent lui donner force et validité. De plus, il n'y a aucune confusion de compétence, puisque tant le Canada que le Québec doivent légiférer "sous réserve ... de la compétence législative du Parle- ment et de l'Assemblée nationale". Il importe peu que la loi portant validation soit une loi unique aussi bien du Parlement que de l'Assemblée nationale ou un ensemble de lois».
Les débats qui, en l'espèce, duraient trois jours, du 16 au 19 juillet, portaient sur le fond du chef de demande initial. Pour éclairer la question et mieux situer les points litigieux, je reproduis ci-dessous cer- tains passages des motifs que j'ai prononcés le 13 mars 1991 [aux pages 425-427]:
Ces derniers mois, le gouvernement du Québec ainsi que la Société de développement de la Baie James et Hydro -Québec ont rendu publique leur intention de procéder à la phase II du développement appelé Projet hydroélectrique de la rivière Grande-Baleine. On a récemment révélé que la société respon- sable du développement du projet avait fait un appel d'offres en vue de l'ouverture et de la construction d'une route d'accès. Le Grand Council of the Crees, mis au courant de cette initia tive, a pressé les autorités fédérales d'engager le processus d'examen en matière d'environnement dans la région avant le commencement de la construction. Conscient de l'imminence de la mise sur pied du chantier de construction de la route, le Grand Council of the Crees a donné à ses avocats l'instruction de saisir cette Cour d'une action en mandamus ou en injonc- tion contre l'administrateur fédéral désigné, M. Raymond Robinson [M. Michel Dorais]. Finalement, il est demandé dans l'action qu'il entame des procédures d'évaluation et d'examen des répercussions sur l'environnement et sur le milieu social en vertu des articles 22 et 23 de la Convention.
Dans une lettre datée du 3 octobre 1989 et adressée au ministre de l'Environnement de la province de Québec, le ministre fédéral, Lucien Bouchard, a fait savoir que, puisque les autorités fédérales étaient au courant de la mise en oeuvre du Projet hydro-electrique de la rivière Grande-Baleine, il était d'avis qu'une évaluation environnementale devrait être entre- prise étant donné que le projet comportait des questions rele vant de la compétence fédérale. D'après lui, les articles 22 et 23 de la Convention s'appliquaient, et il a proposé que les deux paliers de gouvernement coopèrent. La lettre ajoutait que les fonctionnaires fédéraux attendaient la réponse d'Hydro-Qué- bec et espéraient recevoir de celle-ci une esquisse du projet envisagé. Toujours selon lui, compte tenu de l'ampleur de ce projet, il était extrêmement important de procéder à une éva- luation environnementale d'une manière aussi objective et indépendante que possible.
Le 28 novembre 1989, le ministre fédéral de l'Environne- ment a encore une fois écrit au ministre de l'Environnement de la province de Québec, nouvellement nommé, pour porter à son attention l'urgence de l'examen environnemental, et il a joint à la lettre une copie de la lettre qu'il avait auparavant envoyée au prédécesseur du nouveau ministre. Par lettre en date du 23 novembre 1989, M. Raymond Robinson, l'adminis- trateur fédéral, a écrit au vice-président de l'environnement d'Hydro-Québec pour réitérer le fait que ce projet était sujet à un processus d'examen environnemental en vertu des articles 22 et 23 de la Convention. Il a en outre demandé un résumé ou une esquisse du projet, et il a confirmé que, en vertu de son mandat, il avait nommé une commission pour entreprendre cette étude. Il a également confirmé que, selon lui, le gouver- nement fédéral était tenu d'entreprendre ces études compte tenu des décisions récemment rendues par la Cour fédérale du Canada, et, plus particulièrement, à la lumière des Lignes directrices visant le PÉEE [Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'en- vironnement, DORS/84-467] qui sont entrées en vigueur en juin 1984. Il a également proposé une étude conjointe.
Un long silence a ensuite régné. Le 19 novembre 1990, M. Robinson a écrit à Michel Chevalier d'Environnement Canada, président du comité d'évaluation responsable du développe- ment de la Baie James et du Nord québécois. Il a souligné la responsabilité fédérale relativement au projet Grande Baleine et ses incidences possibles sur des domaines de compétence fédérale, à savoir les pêcheries, les oiseaux migrateurs et l'éco- logie de la Baie d'Hudson. Il a ajouté que les personnes nom- mées par le gouvernement fédéral étaient disposées à collabo- rer avec leurs homologues provinciaux, et qu'il tenait à ce qu'une convention conjointe soit ratifiée. Au cas le Québec n'agirait pas, le gouvernement fédéral serait tenu d'agir unila- téralement, a-t-il précisé. Le 23 novembre 1989, M. Robinson a informé de nouveau le vice-président de l'environnement d'Hydro-Québec que ce projet était assujetti à une évaluation environnementale en vertu des articles 22 et 23 de la Conven tion, et il a sollicité sa coopération à cet égard.
À une réunion tenue en novembre 1990, M. Robinson a modifié sa position et informe les Cris qu'il n'avait pas de
mandat pour appliquer la procédure fédérale d'examen et d'évaluation des répercussions sous le régime de la Conven tion.
Ainsi donc, M. Robinson est revenu tout d'un coup sur sa position au cours d'une réunion tenue à la fin de novembre 1990, en expliquant qu'il avait reçu des consultations juridiques qui l'empêchaient d'appli- quer le processus d'examen fédéral prévu à la Con vention BJNQ. Par la suite, cette action a été intentée.
L'avocat des requérants a attiré mon attention sur un accord intitulé «Entente fédérale-provinciale— Évaluation environnementale conjointe—Complexe Grande Baleine», daté du 15 novembre 1990 et signé par les autorités provinciales et fédérales le 25 novembre 1990 et le 12 février 1991 respectivement, sans la participation des signataires autochtones. Il semble que ce soient ces nouvelles dispositions, pré- vues dans ce document appelé ci-après 1'«Entente du 15 novembre 1990», qui ont persuadé M. Robinson qu'il fallait cesser toute participation active.
Essentiellement, ce dernier accord prévoyait les modalités d'une nouvelle évaluation environnemen- tale conjointe semblable à celle que prévoit la Con vention BJNQ, mais sous le régime des Lignes direc- trices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement (les «Lignes directrices»). Cette nouvelle initiative, bien qu'elle soit, sur le plan procédural, semblable à celle que prévoit la Conven tion BJNQ, a été néanmoins conclue sans le consen- tement de tous les signataires de cette dernière, en particulier le Grand Council of the Crees et la North ern Quebec Inuit Association. Elle prévoit qu'une étude conjointe des répercussions environnementales serait entreprise pour toutes les matières relevant de la Convention BJNQ et que l'examen fédéral serait soumis à l'administrateur québécois nommé en appli cation de cette dernière, éliminant ainsi la participa tion d'un administrateur fédéral distinct. Je note que selon la nouvelle Entente, les autorités québécoises, tout en admettant la nécessité d'une certaine étude conjointe, se réservaient le droit de contester la vali- dité de toute évaluation environnementale effectuée sous le régime des Lignes directrices.
Le litige est centré sur le soi-disant impératif, prévu aux chapitres 22 et 23 de la Convention BJNQ,
de la participation active de deux «administrateurs» et de deux examens parallèles des répercussions, l'un chargé des questions relevant de la compétence fédé- rale et l'autre des questions relevant de la compé- tence provinciale. Le chapitre 22 de la Convention est intitulé «L'environnement et le développement futur au sud du 55e parallèle», et le chapitre 23, «L'envi- ronnement et le développement futur au nord du 55e parallèle».
Pour mieux éclairer le contexte, je reproduis ci- dessous l'alinéa 22.1.1 de la Convention BJNQ, qui définit le terme «administrateur» tel qu'il s'applique au développement au sud du 55e parallèle, et les ali- néas 23.1.2 et 23.1.6 qui définissent le même terme à l'égard du développement au nord du 55e parallèle:
22.1.1 [Aux fins des présentes, on entend par] «administra- teur»,
i) le directeur des services de protection de l'environne- ment ou son successeur ou toute(s) personne(s) autorisée(s) en tout temps par le lieutenant-gouverneur en conseil à exercer les fonctions décrites dans le présent chapitre, en matière de com- pétence provinciale,
ii) toute(s) personne(s) autorisée(s) en tout temps par le lieutenant [sic] gouverneur en conseil à exercer les fonctions décrites dans le présent chapitre, en matière de compétence fédérale,
iii) l'administrateur de l'Administration locale crie chargée de la protection de l'environnement, dans le cas des projets de développement dans les terres de la catégorie I.
23.1.2 [Aux fins des présentes, on entend par] «administra- teur» ou «administrateur fédéral», le ministre fédéral de l'Environnement ou toute(s) autre(s) personne(s) auto- risée(s) en tout temps par le lieutenant [sic] gouverneur en conseil à exercer les fonctions décrites dans le pré- sent chapitre, en matière de compétence fédérale;
23.1.6 [Aux fins des présentes, on entend par] «administra- teur» ou «administrateur du Québec», le directeur des services de protection de l'environnement ou son suc- cesseur ou toute(s) autre(s) personne(s) autorisée(s) en tout temps par le lieutenant-gouverneur à exercer les fonctions décrites dans le présent chapitre, en matière de compétence provinciale;
Chacun des deux alinéas ci-dessus est suivi d'an- nexes.
L'annexe 1 énumère les «Développements futurs automatiquement soumis au processus d'évaluation», dont ce qui suit en son article 3 intitulé «Production d'énergie» :
(a) Centrales hydro-électriques et ouvrages connexes
(b) Réservoirs d'emmagasinage et bassins de retenue d'eau
(c) Lignes de transport à 75kV et plus
(d) Extraction et traitement de matières productrices d'énergie
(e) Centrales thermiques alimentées en combustibles fossiles, d'une capacité de trois mille (3 000) kW.
Il est évident que le projet de la Grande Baleine, qui comprend une centrale hydro-électrique et des ouvrages connexes, est de ce fait soumis au processus d'évaluation et d'examen des répercussions sur l'en- vironnement et le milieu social, que prévoit la Con vention.
L'annexe 2, qui ne nous intéresse pas en cet état de la cause, énumère les «Développements futurs sous- traits au processus d'évaluation», et l'annexe 3 pré- voit le «Contenu d'un rapport des ,répercussions sur l'environnement et le milieu social».
Aux termes de cette annexe 3, le rapport des réper- cussions devrait indiquer et évaluer clairement et aussi concrètement que possible les répercussions sur l'environnement et le milieu social découlant du pro- jet et, plus particulièrement, les répercussions sur les populations cries pouvant être touchées. Elle prévoit en outre que ce rapport a pour objet de garantir que les considérations sur l'environnement et le milieu social font partie intégrante du processus conceptuel et décisionnel du promoteur, que les solutions de rechange du projet de développement seront évaluées dans le but de réduire dans la mesure du raisonnable les répercussions de ce dernier sur les autochtones et les ressources fauniques, et que des mesures seront incorporées au projet de développement de façon à réduire dans la mesure du raisonnable les répercus- sions indésirables prévues. Enfin, elle prévoit ce qui suit en page 348:
De façon générale, la procédure d'évaluation des répercussions devrait contribuer à apporter une plus grande compréhension des interactions entre les autochtones, ('exploitation des res- sources fauniques et le développement économique du Terri- toire, et aussi à promouvoir la compréhension des processus écologiques. Le rapport des répercussions doit être bref et con- cis, et contenir une table des matières du contenu et des con-
clusions de l'étude ainsi qu'un résumé précis contenant les rai- sons essentielles invoquées par le promoteur et ses conclusions. Celui-ci présente son rapport en français ou en anglais à son gré.
Les chapitres 22 et 23 de la Convention portent à conclure qu'un administrateur provincial et un admi- nistrateur fédéral doivent être nommés pour contrôler les répercussions environnementales de tout dévelop- pement futur et veiller à la protection de domaines relevant de leur compétence respective, la compé- tence fédérale embrassant, bien entendu, la popula tion autochtone de la région. La Convention prévoit expressément que l'administrateur fédéral doit cons- tituer des comités d'évaluation pour vérifier si le pro- jet peut avoir des répercussions appréciables sur les peuples autochtones ou sur les ressources fauniques de la région. Il n'est pas tenu d'entreprendre l'évalua- tion si le projet ne comporte aucune répercussion appréciable. Je doute que quiconque puisse dire que la phase II du projet hydro-électrique de la Baie James n'affectera pas l'avenir social et économique de la population autochtone locale; il affectera certai- nement la faune et son habitat, ce qui se traduira par des changements profonds dans le mode de vie tradi- tionnel.
La thèse de l'intimé et des intervenants
L'intimé et les intervenants 1 soutiennent que la Convention BJNQ n'impose pas une évaluation envi- ronnementale de la part des autorités fédérales et des autorités provinciales à la fois, que le projet en cause étant exclusivement une matière de compétence pro- vinciale par application du paragraphe 92(10) (tra- vaux et entreprises d'une nature locale) et de l'article 92A [édicté par la Loi constitutionnelle de 1982, L.R.C. (1985), appendice II, 44, art. 50] de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) [(mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitution- nelle de 1982, 1) [L.R.C. (1985), appendice II, 5]], seul l'examen par l'administrateur provincial est nécessaire. Ils soutiennent encore que toute question incidente d'intérêt fédéral pourrait être proprement incluse dans l'étude provinciale, que la Convention BJNQ ne fait pas aux autorités fédérales obligation d'entreprendre une étude environnementale distincte
1 A l'exception de la Makivik Corporation qui prend fait et cause pour les requérants.
bien que les parties conviennent que le projet embrasse des domaines de compétence fédérale comme les Indiens et les terres indiennes, les pêche- ries et les eaux navigables, les mammifères marins et les oiseaux migrateurs, autant de matières visées par les paragraphes 91(10),(12),(24) et (29) de la Loi constitutionnelle de 1867.
A leur avis, le projet de la Grande Baleine, consis- tant en la construction et l'exploitation d'une centrale hydro-électrique, relève exclusivement de la compé- tence provinciale par application du paragraphe 92(10) et de l'article 92A de la Loi constitutionnelle de 1867. Leurs avocats font valoir en conséquence que tout projet ou entreprise doit être soit fédéral soit provincial, mais ne peut être les deux à la fois, que le projet en cause étant provincial ne requiert qu'un examen effectué par l'«administrateur» provincial seul, et enfin que la Convention BJNQ investit impli- citement l'administrateur provincial du pouvoir d'examiner les répercussions environnementales dans des domaines d'intérêt fédéral, lesquels ne sont qu'incidents dans une entreprise essentiellement pro- vinciale.
Ils soutiennent enfin que l'administrateur fédéral n'est pas tenu à l'obligation d'agir en l'espèce, puis- qu'il n'y a participation active de sa part que si le promoteur lui soumet une description du projet con- formément aux alinéas 22.5.1 ou 22.5.11, ou que s'il reçoit une recommandation du comité d'évaluation ou du comité de sélection, conformément à l'alinéa 22.5.5 ou à l'alinéa 23.4.9 respectivement. Le projet de la Grande Baleine n'ayant pas été soumis à l'ad- ministrateur fédéral, celui-ci n'est donc pas tenu d'agir en la matière.
La thèse des requérants
L'avocat des requérants soutient que le projet de la Grande Baleine touche à la fois des domaines de compétence fédérale et des domaines de compétence provinciale, et qu'à cet égard, les chapitres 22 et 23 de la Convention BJNQ prévoient des processus d'examen parallèles, à entreprendre simultanément par les organismes d'examen fédéral et provincial. Il fait valoir par ailleurs qu'une ordonnance de manda- mus constituerait le redressement indiqué, par ce motif que l'administrateur fédéral est tenu à l'obliga-
Lion publique impérative d'entreprendre l'examen requis, et que le processus d'examen prévu aux cha- pitres 22 et 23 de la Convention BJNQ fait partie des «droits, privilèges et avantages légaux» qui revien- nent aux Cris par application du paragraphe 3(2) de la Loi BJNQ et de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44].
Obligation publique
Le principal point litigieux entre les parties porte sur la question de savoir si l'administrateur fédéral est tenu à l'obligation publique d'entreprendre l'éva- luation et l'examen impartiaux en application de la Convention BJNQ.
Les alinéas 22.5.15 et 23.4.9 de la Convention BJNQ font à l'administrateur fédéral obligation impérative de décider s'il faut procéder à l'évaluation et à l'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social, et de se prononcer sur la nature et l'envergure du processus d'évaluation et d'examen:
22.5.15 Conformément aux dispositions de la Convention, et plus particulièrement du présent chapitre, et après avoir considéré entre autres facteurs possibles lesdites recommandations, l'administrateur décide selon le cas, s'il faut procéder à l'évaluation et à l'examen. Le cas échéant, l'administrateur donne des instructions ou fait des recommandations sur la nature et l'enver- gure de cette évaluation et de cet examen, ou des deux (2), et agit conformément aux alinéas 22.5.4 ou 22.5.5, selon le cas. Si l'administrateur ne peut accep- ter les recommandations du comité d'évaluation ou s'il désire les modifier, il consulte le comité d'évalua- tion, avant de prendre une décision pour expliquer sa position et pour en discuter avant d'informer officiel- lement le promoteur ou avant d'agir.
23.4.9 L'administrateur fédéral, conformément aux disposi tions du présent chapitre et après avoir pris en consi- dération, entre autres facteurs possibles, lesdites recommandations, décide selon le cas qu'une évalua- tion et un examen sont requis et/ou établit la nature et la portée desdits évaluation et examen. Si l'adminis- trateur fédéral ne peut accepter les recommandations du Comité de sélection ou s'il désire modifier ces recommandations, il consulte le Comité de sélection avant de prendre une décision, afin d'expliquer la position qu'il prend et d'en discuter, avant d'en aviser le promoteur ou de prendre des mesures dans ce sens. [Mots non soulignés dans l'original.]
Les alinéas 22.6.15 et 23.4.23 font à l'administra- teur fédéral obligation soit de donner au promoteur son avis sur les solutions de rechange présentées soit de décider, compte tenu des considérations concer- nant les répercussions sur l'environnement et le milieu social, si le développement doit être autorisé:
22.6.15 L'administrateur doit, en conformité avec les disposi tions de la Convention et, en particulier, du présent chapitre, et après avoir considéré entre autres facteurs possibles les recommandations du comité provincial d'examen ou du comité fédéral d'examen:
a) dans le cas d'un rapport des répercussions présenté à un stade préliminaire et préparé conformément aux dispositions de l'alinéa 22.5.15 ou dans le cas d'un rapport insuffisant, donner au promoteur son avis au sujet des solutions de rechange présentées ou de l'évaluation supplémentaire requise, ou
b) dans le cas d'un rapport présenté à un stade une décision finale peut être prise, décider si le déve- loppement doit être autorisé, compte tenu des con- sidérations concernant les répercussions sur l'envi- ronnement et le milieu social et, le cas échéant, à quelles conditions, et préciser au besoin les mesures de prévention ou de correction.
23.4.23 L'administrateur fédéral, respectant les dispositions du présent chapitre et après avoir pris en considéra- tion, entre autres, les recommandations du Comité d'examen, doit:
a) dans le cas d'un rapport préliminaire d'évaluation des répercussions, préparé en conformité avec le présent chapitre ou, dans le cas d'un rapport incomplet, donner son avis au promoteur au sujet des options présentées ou de la nécessité d'une autre évaluation, ou
b) dans le cas d'un rapport d'évaluation des répercus- sions présenté à un stade une décision finale peut être prise, décider si oui ou non, en se fondant sur les facteurs reliés à l'environnement et au milieu social, le développement doit être autorisé et, dans ce cas, à quelles conditions, précisant, s'il y a lieu, des mesures de prévention ou de correc tion. [Mots non soulignés dans l'original.]
Malgré la nature présumée impérative de l'obliga- tion qu'imposent à l'administrateur fédéral les dispo sitions ci-dessus de la Convention, l'intimé persiste à soutenir que celle-ci ne prévoit qu'un seul processus d'examen, qu'un examen provincial satisfait pleine- ment à tous les impératifs d'évaluation et qu'en con- séquence, l'examen fédéral n'est pas nécessaire.
Je note cependant que l'alinéa 22.6.4 de la Con vention BJNQ institue un comité fédéral d'examen:
22.6.4 Il est institué un comité fédéral d'examen des répercus- sions sur l'environnement et le milieu social (ci-après désigné par les termes «comité fédéral d'examen»). Il constitue l'organisme d'examen en ce qui a trait aux projets de développement qui relèvent de la compé- tence fédérale dans le Territoire.
Un comité provincial d'examen est créé par l'ali- néa 22.6.1:
22.6.1 II est créé un comité provincial d'examen des répercus- sions sur l'environnement et le milieu social (ci-après désigné par les termes «comité provincial d'examen»). Il constitue l'organisme d'examen en ce qui a trait aux projets de développement de compétence provinciale dans le Territoire.
En soutenant que la Convention n'envisage quand même qu'un seul processus d'examen, l'intimé cite l'alinéa 22.6.10 l'emploi au singulier du terme «administrateur» signifie à son avis qu'un seul admi- nistrateur est habilité à s'occuper d'un projet donné. Voici ce que prévoit cet alinéa 22.6.10:
22.6.10 Le promoteur soumet son rapport des répercussions à l'administrateur qui le transmet sans délai au comité provincial d'examen ou au comité fédéral d'examen.
Cependant, le paragraphe 33(2) de la Loi d'interpré- tation, L.R.C. (1985), chap. I-21, prévoit que le plu- riel ou le singulier s'appliquent, le cas échéant, à l'unité et à la pluralité; par ailleurs, rien dans le libellé de l'alinéa ci-dessus ne permet de l'interpréter comme excluant expressément l'un ou l'autre des deux processus d'examen prévus. À mon avis, seule une disposition expresse permettrait de dispenser d'un processus d'examen fédéral distinct et impartial, expressément prévu autre part dans la Convention.
Toujours à l'appui de sa thèse, l'intimé fait valoir que le contenu du rapport des répercussions sur l'en- vironnement et le milieu social, prévu à l'annexe 3 des deux chapitres 22 et 23, est le même pour l'exa- men fédéral que pour l'examen provincial, et que, de ce fait, il serait redondant d'avoir à la fois un examen fédéral et un examen provincial.
Cet argument n'est pas convaincant non plus. Le fait que les matières à évaluer par les autorités fédé- rales et provinciales soient les mêmes ne signifie pas
que le point focal de l'examen fédéral et de l'examen provincial serait le même.
A mon avis, l'alinéa 22.6.7 nous offre la solution de cette question. Le voici:
22.6.7 Le Canada, le Québec et l'Administration régionale crie peuvent, de consentement mutuel, fusionner les deux comités d'examen prévus au présent chapitre, et plus particulièrement aux alinéas 22.6.1 et 22.6.4, pourvu que cette fusion ne porte pas atteinte aux droits et aux garanties établis en faveur des Cris par le présent chapitre.
Nonobstant les dispositions précédentes, un projet ne peut être soumis à plus d'un processus d'évaluation et d'examen des répercussions à moins que ledit projet relève à la fois de la compétence du Canada et du Qué- bec ou à moins que le projet se trouve en partie dans le Territoire et en partie ailleurs un processus d'évalua- tion et d'examen des répercussions est requis. [Pas- sages non soulignés dans l'original.]
Aux termes du premier paragraphe de cet alinéa, le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et l'Administration régionale crie peuvent convenir de fusionner les comités fédéral et provincial d'examen des répercussions, mais à condition qu'il y ait con- sentement unanime et que la fusion ne se fasse pas au détriment des Cris. Il ressort de cette disposition que ces derniers ne participaient pas à la Convention en vue d'un seul processus d'examen; deux processus d'examen séparés étaient clairement envisagés. Qui plus est, on ne saurait dire que l'Entente du 15 novembre 1990 satisfait aux critères du fusionnement des comités d'examen prévu à l'alinéa 22.6.7 précité: non seulement l'Administration régionale crie n'y participait pas, mais la cause en instance signifie clai- rement qu'aux yeux des Cris, cet accord bipartite leur a causé ou causera du tort.
Le second paragraphe de l'alinéa 22.6.7 est encore plus significatif. Cet alinéa prévoit clairement qu'un projet peut relever «à la fois de la compétence du Canada et du Québec». La locution conjonctive «à moins que» signifie que, si tel est le cas, il y aura exception à la règle générale du processus unique d'évaluation et d'examen. La conclusion logique qui en découle est que, si le projet relève à la fois de la compétence du Québec et du Canada, il sera soumis à plus d'un processus d'évaluation et d'examen, c'est-
à-dire à la fois à l'examen fédéral et à l'examen pro vincial.
Il est constant que le projet de la Grande Baleine relève à la fois de la compétence du gouvernement fédéral et du gouvernement du Québec. L'intimé a reconnu que ce projet touchait aux matières relevant de la compétence législative fédérale, qui peuvent comprendre les oiseaux migrateurs, les pêcheries, les mammifères marins, les Indiens et les terres indiennes, et les eaux navigables 2 . Qui plus est, les deux côtés conviennent que des matières de compé- tence provinciale sont également en jeu: «travaux et entreprises d'une nature locale» et développements hydro-électriques visés respectivement par le para- graphe 92(10) et l'article 92A de la Loi constitution- nelle de 1867. Il s'ensuit qu'en l'espèce, l'alinéa 22.6.7 prescrit l'application des deux processus d'examen fédéral et provincial, que prévoit le chapi- tre 22.
Au chapitre 23 qui porte sur les développements au nord du 55e parallèle, la volonté de créer deux orga- nismes d'examen distincts, l'un fédéral et l'autre pro vincial, est plus manifeste encore. Les processus d'examen fédéral et provincial sont respectivement prévus par deux paragraphes distincts: le paragraphe 23.4 est consacré au «Processus fédéral d'évaluation et d'examen des répercussions sur l'environnement et le milieu social», et le paragraphe 23.3 au «Processus provincial d'évaluation et d'examen des répercus- sions sur l'environnement et le milieu social». Les alinéas 23.4.1 et 23.3.2 sont reproduits ci-dessous:
23.4.1 Tous les développements ou projets de développement dans la Région, qui relèvent de la compétence fédérale, y compris les développements ou projets de développe- ment mis en œuvre par le Canada, ses organismes ou
2 L'intervenante Hydro -Québec soutient que la preuve n'est pas faite que des eaux navigables seraient touchées par le pro- jet. À son avis, un cours d'eau n'est «navigable» au sens de l'art. 91(10) de la Loi constitutionnelle de 1867 que s'il sert à la navigation commerciale. Cependant, des décisions récentes font conclure à une interprétation plus large de cet art. (cf. Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273). Par exemple, dans Canoe Ontario v. Reed (1989), 69 O.R. (2d) 494 (H.C.), le juge Doherty a jugé qu'une rivière servant de lien social et de voie de communication communautaires était un cours d'eau navigable. Quoi qu'il en soit, j'accueille l'argument des requé- rants selon lequel les Cris ont utilisé les cours d'eau en ques tion dans le but commercial de relever leurs pièges, qui consti tuent leur moyen d'existence.
toute personne agissant en son nom, sont soumis au processus fédéral d'évaluation des répercussions con- formément aux dispositions du présent article sauf quand, de l'avis de l'administrateur fédéral, le même processus d'évaluation prévoit la participation des autochtones dans une mesure au moins égale à celle prévue dans le présent chapitre, ou quand les disposi tions de l'alinéa 23.7.5 s'appliquent.
23.3.2 La CQE est l'organisme privilégié et officiel chargé, conformément aux présentes, de participer à l'adminis- tration et à la surveillance du processus d'évaluation des répercussions sur l'environnement et le milieu social dans la Région, pour les questions et les projets de développement qui relèvent de la compétence pro- vinciale.
Les alinéas 23.7.5 et 23.7.6 prévoient des disposi tions presque identiques à celles de l'alinéa 22.6.7 reproduit plus haut:
23.7.5 Le Canada et le Québec peuvent de consentement mutuel combiner les deux processus d'examen des répercussions de la Commission de la qualité de l'envi- ronnement et du Comité fédéral d'examen auxquels fait allusion le présent chapitre, pourvu que cette com- binaison ne porte pas atteinte aux droits et garanties en faveur des Inuit et des autres habitants de la région accordés conformément aux dispositions du présent chapitre.
23.7.6 Nonobstant l'alinéa précédent tout projet ne peut faire l'objet de plus d'un processus d'évaluation et d'examen des répercussions à moins que ledit projet ne relève à la fois de la compétence provinciale et fédérale ou à moins que ledit projet soit situé en partie dans la Région et en partie ailleurs un processus d'examen des répercussions est requis.
Pour les mêmes raisons que celles qui s'appliquent à propos de l'alinéa 22.6.7, l'Entente fédérale-provin- ciale du 15 novembre 1990 ne satisfait pas aux condi tions d'examen combiné que prévoit l'alinéa 23.7.5. Ces dispositions prévoient incontestablement deux processus d'examen distincts, l'un fédéral et l'autre provincial, dans le cas des projets relevant de la com- pétence à la fois du Québec et du Canada.
L'intimé avance encore l'argument tout à fait spé- cieux selon lequel l'administrateur fédéral n'est tenu d'agir que s'il reçoit du promoteur une description du projet conformément aux alinéas 22.5.1 ou 22.5.11 ou s'il reçoit une recommandation du comité d'éva- luation ou du comité de sélection conformément aux alinéas 22.5.5 ou 23.4.9. L'application de ces deux alinéas 22.5.5 et 23.4.9 étant déclenchée par la pré- sentation de la description du projet par le promoteur,
l'interprétation de ces deux dispositions dans le sens voulu par l'intimé reviendrait à investir le promoteur du pouvoir discrétionnaire de décider s'il faut présen- ter le projet en vue de l'examen fédéral ou provincial, sans qu'aucun recours soit possible s'il choisit de n'en rien faire. Pareille interprétation est absurde. On ne saurait raisonnablement concevoir que la volonté des parties à la Convention ait été de faire en sorte que l'administrateur fédéral ne soit pas habilité à agir sans l'intervention du promoteur. Il ne saurait être laissé à la merci des caprices de ce dernier.
Je conclus que, conformément aux dispositions des chapitres 22 et 23 de la Convention BJNQ, telles qu'elles sont expliquées plus haut, l'administrateur fédéral est tenu à l'obligation publique impérative d'entreprendre l'examen fédéral impartial des réper- cussions environnementales du projet de la Grande Baleine.
Questions constitutionnelles
1. Les intimés soutiennent que, le projet hydro-élec- trique de la Grande Baleine étant essentiellement une entreprise provinciale, il n'y a pas lieu à évaluation parallèle des répercussions de la part de l'administra- teur fédéral, bien qu'ils reconnaissent que certains domaines de compétence fédérale sont incidemment en jeu. Ils m'engagent à conclure que par la Conven tion BJNQ de 1975, l'État fédéral a voulu déléguer implicitement à l'administrateur provincial ses pou- voirs concernant les Indiens et les terres réservées à ces derniers, les mammifères marins, les pêcheries, les oiseaux migrateurs et les eaux navigables. Au cas j'accueillerais cette thèse, la délégation de pou- voirs était-elle constitutionnellement valide?
2. En deuxième lieu, l'État fédéral est-il tenu à une obligation fiduciaire envers la population autochtone du Québec?
3. L'Entente datée du 15 novembre 1990 et signée par les autorités fédérales le 12 février 1991 repré- sente-t-elle une tentative illégale de la part de l'État fédéral de manquer à son obligation fiduciaire? D'autre part, cette Entente qui prévoit une étude des répercussions dans le cadre des Lignes directrices, a- t-elle suffisamment force obligatoire pour supplanter la Convention de 1975?
1. Délégation de pouvoirs
Les intimés soutiennent que toute répercussion du projet de la Grande Baleine sur des domaines de res- ponsabilité fédérale est purement incidente, que l'évaluation à effectuer par les autorités provinciales suffit pour couvrir toute répercussion incidente éven- tuelle, et qu'il est inutile d'entreprendre aucun exa- men fédéral distinct. En termes constitutionnels, cet argument suppose que l'État fédéral a, d'une façon ou d'une autre, délégué à la province ses pouvoirs d'évaluation et d'examen.
La jurisprudence a posé pour principe que la délé- gation des pouvoirs fédéraux à un autre ordre de gou- vernement n'est constitutionnellement valide que si elle se fait expressément par une loi et si les pouvoirs délégués sont expressément récupérables par l'auto- rité qui les a délégués.
Dans P.E.I. Potato Marketing Board v. Willis, [1952] 2 R.C.S. 392, la Cour suprême du Canada a approuvé un arrangement par lequel le gouvernement fédéral délégua à la Commission de commercialisa tion des pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard le pouvoir de réglementer la commercialisation de ce produit de l'île en dehors de la province, dans le commerce interprovincial et les exportations. Sous le régime de la Loi sur l'organisation du marché des produits agricoles [S.C. 1949, chap. 16], le Parlement fédéral habilita le gouverneur en conseil à déléguer aux commissions provinciales le pouvoir de régle- menter des matières de commerce interprovincial et d'exportation de la même façon qu'à l'égard de la commercialisation à l'intérieur de leur province res pective. Il était expressément prévu que le gouver- neur en conseil pouvait reprendre ce pouvoir. Fort de cette habilitation, le gouverneur en conseil a pris un décret pour permettre à la commission provinciale de réglementer la commercialisation en dehors de la pro vince, dans le commerce interprovincial et l'exporta- tion du produit provincial. La Cour a conclu que [TRADUCTION] «le Parlement, légiférant en matière de commerce interprovincial et d'exportation, ce qu'il était seul habilité à faire à l'exclusion de toute légis- lature provinciale, peut validement autoriser le gou- verneur en conseil à déléguer à une commission pro- vinciale constituée en application de la loi de 1940 de
l'Île-du-Prince-Édouard, le pouvoir de réglementer cette commercialisation».
En l'espèce, nous ne sommes en présence d'aucun texte de loi qui serait l'équivalent de la Loi sur l'or- ganisation du marché des produits agricoles; en ce qui concerne la Convention BJNQ, il n'y a eu aucune délégation expresse par l'État fédéral à l'administra- teur provincial de pouvoirs relatifs à des matières de compétence fédérale; est également absent le disposi- tif requis de récupération des pouvoirs délégués. En conséquence, la Convention BJNQ n'opère pas et ne saurait opérer délégation d'aucun pouvoir fédéral d'évaluation à l'administrateur provincial; celui-ci n'est donc nullement habilité à s'occuper d'aucune répercussion du projet dans des domaines de compé- tence fédérale.
2. Obligation fiduciaire
Il est maintenant bien établi en droit jurisprudentiel que l'État fédéral est tenu à une obligation fiduciaire envers les peuples autochtones du Canada (voir par exemple R. c. Sparrow, [ 1990] 1 R.C.S. 1075; Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335). En outre 3 ,
... les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et ... toute ambiguïté doit profiter aux Indiens.
L'arrêt Guerin pose également pour règle que dans le cas une bande indienne cède ses droits territo- riaux à l'État fédéral, celui-ci assume une obligation fiduciaire envers cette bande.
En l'espèce, l'État fédéral a éteint «tous les reven- dications, droits, titres et intérêts autochtones» par le paragraphe 3(3) de la Loi sur le règlement des reven- dications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois et, au paragraphe 3(2) de la même loi, il garantit aux Cris et autres bénéficiaires en vertu de la Convention BJNQ les «droits, privilèges et avantages» que prévoit cette dernière. Ainsi donc, les droits et avantages prévus à la Convention BJNQ ont été accordés aux Cris en échange de leur participation à cette Convention qui opère extinction de leurs
3 Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 36.
droits traditionnels. Les droits accordés aux Cris sous le régime de la Convention sont les droits de chasse, de pêche et de trappage prévus au chapitre 24. L'ar- ticle 24.11 prévoit expressément que ces droits sont garantis, protégés et appliqués par le jeu des proces- sus d'examen environnemental prévus aux chapitres 22 et 23:
22.2.2 Ledit régime prévoit:
c) lorsqu'il est nécessaire, pour protéger les droits et garan- ties des autochtones établis en vertu de la présente Con vention et conformément à ses dispositions et leur donner effet, l'établissement par le truchement de mécanismes de consultation ou d'un statut particulier et une participation spéciale aux Cris leur assurant une participation plus grande que celle normalement prévue pour le grand public,
d) la protection des droits et des garanties établis en faveur des Cris en vertu du chapitre 24 et conformément à ses dispositions,
e) la protection des Cris, de leur économie et des ressources fauniques dont ils dépendent.
23.2.2 Ledit régime prévoit:
c) lorsqu'il est nécessaire, pour protéger les droits et garan- ties des autochtones établis par la Convention et conformé- ment à ses dispositions et leur donner effet, l'établissement par le truchement de mécanismes de consultation et de représentation, d'un statut particulier aux autochtones et aux autres habitants de la Région leur assurant une partici pation plus grande que celle normalement prévue pour le grand public,
d) la protection des droits et garanties établis en faveur des autochtones en vertu [du] chapitre 24 et conformément à ses dispositions,
e) la protection des autochtones, de leur économie et des res- sources fauniques dont ils dépendent,
22.5.1 Tous les développements énumérés à l'Annexe 1 sont automatiquement assujettis aux processus d'évalua- tion et d'examen des répercussions prévus dans les présentes. Tout promoteur d'un développement visé dans le présent alinéa soumet une description du pro- jet à l'administrateur à l'étape de la planification pré- liminaire. La liste constituant l'Annexe 1 est révisée par les parties tous les cinq (5) ans et peut, au besoin, être modifiée de consentement mutuel des parties, à la lumière des changements d'ordre technologique et de l'expérience résultant du processus d'évaluation et d'examen.
22.5.5 L'administrateur décide, conformément aux disposi tions du présent article et, plus particulièrement, après
avoir reçu la recommandation du comité d'évaluation en conformité avec l'alinéa 22.5.13, si un projet de développement non visé aux alinéas 22.5.1 ou 22.5.2 doit être évalué et examiné. Si l'administrateur décide que le développement proposé doit être évalué ou exa- miné, il agit conformément aux dispositions de l'ali- néa 22.5.4.
22.5.11 Le promoteur fournit à l'administrateur les renseigne- ments préliminaires suivants concernant son projet de développement:
a) dans le cas de développement visé à l'alinéa 22.5.1,
i) le but du projet,
ii) la nature et l'envergure du développement proposé,
iii) l'intention d'étudier d'autres emplacements pour le développement, s'il y a lieu,
iv) dans le cas un seul emplacement est pro- posé, les raisons pour lesquelles il n'est pas possible de choisir d'autres emplacements,
b) dans le cas de développement non visé aux alinéas 22.5.1 et 22.5.2, les renseignements énumérés en i), ii), iii) et iv) ci-dessus, et de plus, des renseigne- ments et des données techniques suffisants pour permettre au comité d'évaluation et à l'administra- teur d'évaluer de façon approximative les réper- cussions du projet sur l'environnement et sur le milieu social.
23.4.9 L'administrateur fédéral, conformément aux disposi tions du présent chapitre et après avoir pris en consi- dération, entre autres facteurs possibles, lesdites recommandations, décide selon le cas qu'une évalua- tion et un examen sont requis et/ou établit la nature et la portée desdits évaluation et examen. Si l'adminis- trateur ne peut accepter les recommandations du Comité de sélection ou s'il désire modifier ces recom- mandations, il consulte le Comité de sélection avant de prendre une décision, afin d'expliquer la position qu'il prend et d'en discuter, avant d'en aviser le pro- moteur et de prendre des mesures dans ce sens.
24.11.1 Les droits et garanties reconnus aux autochtones par le présent chapitre et en application de ses dispositions, sont protégés, respectés et appliqués en tenant compte de la protection de l'environnement naturel et du milieu social et en conformité avec le chapitre 22 et le chapitre 23.
Comme noté plus haut, la Cour suprême du Canada a jugé, par l'arrêt Guerin, que la cession de
droits autochtones par une bande indienne à l'État fédéral crée chez celui-ci une obligation fiduciaire envers la bande indienne en question. En outre, comme le juge Hall l'a conclu dans Calder et al. c. Procureur Général de la Colombie-Britannique, [1973] R.C.S. 313, à la page 404:
... il incombe à l'intimé d'établir que le Souverain voulait éteindre le titre indien, et que cette intention doit être «claire et expresse».
Je conclus en l'espèce que, tout comme dans la cause Guerin, l'État fédéral, à supposer qu'il ne fût pas déjà tenu à une obligation fiduciaire envers les Cris, en a assumé une quand il a éteint leurs droits autochtones par le paragraphe 3(3) de la Loi sur le règlement des revendications des autochtones de la Baie James et du Nord québécois. En second lieu, l'État fédéral ne pouvait, sans une disposition expresse à cet effet comme l'exige la règle posée par l'arrêt Sparrow, éteindre les droits des Cris, dont celui, prévu à l'alinéa 24.11.1, aux processus d'éva- luation environnementale visés aux chapitres 22 et 23.
Comme je l'ai conclu plus haut, les chapitres 22 et 23 de la Convention BJNQ prévoient deux processus d'examen distincts, l'un fédéral et l'autre provincial. Cette conclusion est confirmée par mon analyse de l'obligation fiduciaire de l'État fédéral envers la population autochtone. Cette situation suffit, à mon avis, pour protéger le droit des Cris à l'examen fédé- ral impartial que prévoient les chapitres 22 et 23 de la Convention BJNQ. A l'intention cependant des scep- tiques, j'ajouterais que les droits que les Cris tiennent de la Convention BJNQ sont encore protégés par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982.
Dans Bande d'Eastmain c. Gilpin, [ 1987] R.J.Q. 1637 (C.S.P.), la Cour provinciale du Québec a jugé que le droit détenu par la Bande d'Eastmain sur des terres de la catégorie lA en application de la Conven tion BJNQ était protégé par le paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Par analogie, d'autres droits autochtones, comme celui, prévu à l'alinéa 24.11.1, à la protection des droits de chasse, de pêche et de trappage des peuples autochtones, au moyen de processus distincts d'examen environnemental fédé- ral et provincial que prévoient les chapitres 22 et 23, seront également protégés par l'article 35.
3. Force et effet de l'entente du 15 novembre 1990
L'entente fédérale-provinciale conclue quelque 16 ans après la Convention BJNQ prétend substituer au processus d'examen environnemental fédéral, un pro- cessus régi par les Lignes directrices. Il est manifeste que l'entente visait à apaiser et à circonvenir les populations autochtones qui comptaient sur un exa- men fédéral distinct des matières de compétence fédérale comme le prévoyait la Convention de 1975; en outre, il est clair qu'elle a été négociée pour dis penser des obligations et responsabilités prévues par la Convention BJNQ.
À mon avis, les autorités fédérales ne sauraient légalement substituer la nouvelle entente bipartite (du 15 novembre 1990) aux obligations qu'elles tiennent de la Convention BJNQ. Cette dernière a été ratifiée par voie législative; l'obligation légale qu'elle impose ne pourrait être changée qu'au moyen d'une loi. Par ailleurs, la Convention ne peut être modifiée ou remplacée sans la participation de tous les signa- taires initiaux. Enfin, l'examen à entreprendre sous le régime de la nouvelle entente doit être conforme aux Lignes directrices; les recommandations issues de pareil examen n'ont aucun effet à l'égard d'une entre- prise provinciale, bien qu'elles puissent avoir une uti- lité restreinte en attirant l'attention du public. À l'op- posé de ce qui se passait dans la cause Fédération canadienne de la faune Inc. c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1990] 2 W.W.R. 69 (C.A.F.), aucun permis ou autorisation fédéral n'est requis en l'espèce pour entreprendre le projet; celui-ci ne peut donc être retardé au cas des répercussions néfastes se produiraient dans des domaines de compétence fédérale.
Il est d'ailleurs visible que dans le cadre de la Con vention BJNQ, qui visait à assurer une protection spécifique aux peuples autochtones en échange de certains de leurs droits, l'État fédéral assume une obligation fiduciaire qui n'est pas remplie par la nou- velle entente et il ne peut éteindre le droit des Cris, prévu à l'alinéa 24.11.1, au processus d'examen envi- ronnemental visé aux chapitres 22 et 23. Ce droit doit être considéré comme toujours en vigueur.
Conclusion des requérants
Les requérants concluent à une ordonnance de mandamus ou, subsidiairement, à une injonction.
Selon de Smith's Judicial Review of Administra tive Action, 4e éd., J. M. Evans (Londres: Stevens 1980), l'ordonnance de mandamus est préférable à
l'injonction quand elle vise un employé de la Cou- ronne; en outre, il y a lieu à mandamus contre un
employé de la Couronne en sa qualité officielle si l'obligation est assumée, non pas envers la Couronne, mais envers le public [aux pages 445-446]:
[TRADUCTION] En matière de mandamus, la règle est qu'en cas d'obligation incombant à un employé de la Couronne en sa qualité officielle, non pas envers la Couronne mais envers le public, quiconque justifie d'un intérêt légal suffisant dans l'exécution de cette obligation peut agir en ordonnance de mandamus pour en forcer l'exécution. Si cependant le recours est en injonction, il est douteux qu'on puisse attribuer cette double qualité à un fonctionnaire de la Couronne; il a été jugé que s'il est investi de pouvoirs ou d'attributions légaux, il les exerce en qualité d'autorité représentant la Couronne, et non pas en qualité d'autorité désignée, distincte de la Couronne.
Dans Bender v. The King, [1949] 2 D.L.R. 318 (C. de l'É), la Cour de l'Échiquier a jugé qu'une per- sonne morale ou physique exerçant des fonctions publiques est un employé ou mandataire de la Cou- ronne, à moins qu'elle ne soit investie de pouvoirs discrétionnaires qui lui soient propres et qu'elle puisse exercer de façon indépendante. Sous le régime de la Convention BJNQ, l'administrateur n'est investi d'aucun pouvoir discrétionnaire, mais n'a que des obligations de faire; je conclus en conséquence que, conformément au critère défini par Bender, M. Dorais, en sa qualité d'administrateur, est un employé de la Couronne. En conséquence, une ordonnance de mandamus serait la mesure de répara- tion indiquée, bien que la décision de la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987]1 R.C.S. 110 n'exclue pas le recours à une injonction.
Par ailleurs, les requérants sont des «demandeurs privés» cherchant à obliger une autorité publique à remplir ses obligations légales la page 436]:
[TRADUCTION] Il est douteux qu'une injonction de faire puisse être rendue dans l'action intentée par un demandeur privé pour obliger un organisme public à remplir des obligations de faire prévues par une loi, à moins que celle-ci ne soit interprétée
comme conférant au demandeur un droit d'action privé en cas de violation de ces obligations; le redressement judiciaire plus approprié (s'il y a lieu) sera le bref de prérogative de manda- mus.
En conséquence, je conclus que l'ordonnance de mandamus est la réparation indiquée en l'espèce.
Les conditions du bref de prérogative de manda- mus sont exposées par le juge Laidlaw de la Cour d'appel de l'Ontario dans Karavos v. Toronto & Gil- lies, [1948] 3 D.L.R. 294 (C.A. Ont.) à la page 295, et adoptées par la Cour d'appel fédérale dans O'Grady c. Whyte, [1983] 1 C.F. 719 la page 722:
[TxnoucTIox] Il y a tout lieu de mentionner dès le début cer- taines règles fondamentales et bien comprises relatives au redressement par voie de bref de mandamus. Ce redressement est à bon droit appelé et réputé un redressement extraordinaire; la Cour ne le décerne pas si celui qui le sollicite a quelque autre recours adéquat. Ce bref vise à suppléer à l'absence d'autres voies de recours légales. Il convient de s'en servir pour venir à bout de l'inaction ou de l'incurie de personnes à qui incombe l'exercice de fonctions à caractère public. Toute- fois, la partie plaignante doit établir clairement le droit dont la protection est demandée, et une ordonnance n'est jamais accor- dée dans des cas douteux: High's Extraordinary Legal Reme dies, 3e éd., 1896, p. 12, art. 9. Je n'essaie pas de faire un résumé exhaustif des règles qui guident la Cour en matière de demande de bref de mandamus, mais je vais exposer briève- ment certaines d'entre elles qui s'appliquent particulièrement en l'espèce. Pour que le redressement puisse être accordé, celui qui le sollicite doit établir ce qui suit: (1) «un droit clair et licite de faire accomplir la chose dont on demande l'exécution, de la manière demandée, et par la personne qui fait l'objet de la demande de redressement»: High, op. cit., p. 13, art. 9; voir p. 15, art. 10. (2) «L'obligation dont on demande l'exécution forcée par voie de mandamus doit être née et doit incomber au fonctionnaire au moment de la demande de redressement, et le bref ne sera pas accordé pour forcer l'accomplissement de quelque chose qu'il n'est pas encore tenu de faire»: ibid., p. 44, art. 36. (3) Cette obligation doit être de nature purement maté- rielle, c'est-à-dire qu'elle doit «incomber manifestement à un fonctionnaire en vertu d'une loi ou de ses fonctions, et à l'égard de laquelle il n'a aucun pouvoir discrétionnaire»: ibid., p. 92, art. 80. (4) 11 doit y avoir une demande et un refus d'ac- complir l'acte dont l'exécution forcée est sollicitée par voie de recours légale: ibid., p. 18, art. 13.
Il ne faut pas oublier que l'ordonnance de manda- mus étant un bref de prérogative, la juridiction saisie a le pouvoir discrétionnaire de refuser de la décerner si, par exemple, un autre recours légal est tout aussi utile, commode et efficace, ou en cas de retard exces-
sif de la part du requérant (de Smith's Judicial Review of Administrative Action, précité, à la page 558).
J'ai déjà conclu à l'existence de l'obligation publique qui incombe à l'administrateur fédéral et dont les requérants demandent l'exécution en l'es- pèce. Le droit légal des Cris à l'exécution des obliga tions prévues au chapitre 22 de la Convention BJNQ (au sujet des développements au sud du 55e parallèle) n'est pas contesté; je conclus que les requérants ont également des droits légaux en vertu du chapitre 23 de la Convention BJNQ (au sujet des développements au nord du 55e parallèle). Les Cris sont inclus dans la définition de «peuple autochtone» de l'article 1.12, et en leur qualité de bénéficiaires au sens de la Conven tion BJNQ par application de son article 3.2, sont habilités à invoquer les droits, avantages et privilèges prévus au chapitre 23 comme au chapitre 22.
On est en présence en l'espèce d'une demande et du refus qui y était opposé, donc d'une condition de l'ordonnance de mandamus: il est constant que lors de rencontres en 1989 et 1990 entre l'Administration régionale crie et M. Robinson et ses représentants, les requérants ont demandé à celui-ci d'entreprendre le processus d'évaluation fédérale des répercussions sur l'environnement, que prévoit la Convention BJNQ. Comme noté plus haut, M. Robinson les a informés en novembre 1990 qu'il n'entreprendrait pas cette évaluation.
Nul autre recours n'est prévu, sous le régime de la Convention BJNQ ou ailleurs, en cas de défaut d'agir de la part de l'administrateur; l'ordonnance de man- damus est le seul redressement possible en l'espèce.
Enfin, on ne saurait reprocher aux requérants un retard excessif dans leur requête en ordonnance de mandamus; jusqu'à la signature de l'Entente du 15 novembre 1990, il était raisonnable de leur part de présumer qu'un examen environnemental fédéral serait entrepris conformément à la Convention BJNQ. Les requérants ont déposé leur avis de requête en Cour fédérale le 21 février 1991, juste neuf jours après la survenance de leur cause d'action.
Par tous ces motifs, je conclus que le droit des Cris à un examen fédéral parallèle et impartial demeure entier et doit être honoré.
Avant de conclure, il me faut encore examiner cer- tains arguments avancés par la Couronne fédérale et qui méritent qu'on s'y arrête.
La Couronne soutient que ce projet, par application du paragraphe 92(10) et de l'article 92A de la Loi constitutionnelle de 1867, relève de la compétence provinciale. En fait, aucune des parties à l'instance n'a contesté ce point. De l'avis du gouvernement, il s'ensuit qu'une évaluation environnementale fédérale qui s'ingérerait dans la réalisation de ce projet serait une violation des principes constitutionnels fonda- mentaux. En outre, une évaluation sous le régime des Lignes directrices dans les domaines de compétence fédérale serait suffisante. Pareille évaluation permet- trait aux autorités fédérales d'en apprendre sur les répercussions du projet sur l'environnement dans les domaines de compétence fédérale, et de revoir, le cas échéant, la délivrance des permis et autres autorisa- tions nécessaires. En conséquence, si l'administrateur provincial est investi du pouvoir d'autoriser le projet, les autorités fédérales pourraient s'assurer de la res- ponsabilité à l'égard du projet dans son ensemble, en refusant de délivrer les permis nécessaires dans leurs domaines de compétence. L'avocat de la Couronne m'assure qu'à cette fin, le gouvernement fédéral exa- minerait soigneusement tous les résultats de l'évalua- tion à entreprendre sous le régime des Lignes direc- trices, et prendrait en considération, dans l'exercice de son pouvoir décisionnel, les droits et privilèges des collectivités autochtones.
Bien que tout cela soit parfaitement concevable, il appert que la situation qui pourrait se faire jour pour- rait mener à un résultat tout à fait opposé. Je n'ai été saisi d'aucune preuve montrant qu'un permis ou autorisation fédéral soit nécessaire. Dans ce cas, l'examen et la protection que ce pouvoir décisionnel est censé garantir ne servent à rien du tout. Quoi qu'il en soit, si l'on accepte l'argument de l'État fédéral qui affirme sa volonté de remplir son obligation envers les peuples autochtones de ce pays, on com- prend mal son refus de remplir l'obligation qu'il a initialement contractée par la Convention BJNQ.
L'avocat de la Couronne soutient aussi que, si la Convention BJNQ porte à confusion ou se prête à deux interprétations possibles, il faut l'interpréter de telle façon qu'un domaine de compétence n'empiète
pas sur l'autre. À la lumière de l'obligation fiduciaire qui incombe à l'État fédéral dans ses rapports avec les peuples autochtones, je ne vois aucune ambiguïté: la Convention rend obligatoire la protection des peuples autochtones qui ont renoncé à des droits importants en échange de la protection des deux ordres de gouvernement.
L'avocat de la Couronne fait encore valoir que l'arrêt Sparrow, précité, ne distingue pas entre la Couronne fédérale et la Couronne provinciale, et qu'il incombe également aux autorités provinciales de protéger les droits de la population autochtone. J'en conviens. Je ne dis pas que la province de Qué- bec sera négligente à l'égard des populations crie ou Inuit. Cependant, ce que je suis appelé à décider en l'espèce, c'est quelle est la responsabilité de l'État fédéral et s'il doit s'en acquitter.
En conclusion, il appert que tout au long de ce débat, les intervenants étaient convaincus que le pro- jet relevait au premier chef de la compétence provin- ciale, et qu'en conséquence, un processus d'évalua- tion fédérale parallèle serait inutile et pourrait constituer une ingérence abusive dans un domaine de compétence provinciale. Cela se peut, mais ce qu'ils ont oublié, c'est qu'il y a 16 ans, les parties étaient manifestement conscientes qu'il y avait des domaines de compétence fédérale exclusive qui pourraient être affectés par des développements futurs, et que toute nouvelle mise en valeur du Nord québécois toucherait certainement les collectivités inuit et crie. C'est pour- quoi la Convention de 1975 exprimait pleinement la conscience qu'à un moment donné, les deux ordres de gouvernement y seraient partie, de même que les peuples autochtones; toutes les parties étaient con- scientes de la nécessité de consigner par écrit un pro- cessus de coopération pour l'avenir. Je n'arrive pas à comprendre que, d'une part, les intervenants, savoir le procureur général du Québec et Hydro -Québec, se déclarent tenus de respecter la Convention BJNQ mais, d'autre part, que les autres signataires soient exclus.
Malgré ce qui précède, j'engage toutes les parties à faire preuve de coopération. Il est conforme à l'inté- rêt des Cris de se joindre aux parties qui tiennent à les consulter au sujet de l'étude des répercussions sur l'environnement. Il ne faut pas que se reproduisent
les incidents tels que la réception inhospitalière réser- vée par les Cris aux membres de la commission Kati- vik, à l'aéroport de Kuujjuarapik le 26 juin. L'admi- nistrateur fédéral doit décider dès que possible si un examen fédéral des répercussions sur l'environne- ment est nécessaire et, le cas échéant, décider de la nature et de l'ampleur de cet examen, conformément aux alinéas 22.5.15 et 23.4.9 de la Convention BJNQ. S'il décide qu'un examen est nécessaire, celui-ci doit être entrepris le plus rapidement possible.
Les requérants recouvreront leurs dépens auprès de l'intimé Raymond Robinson, conseillé et représenté par le procureur général du Canada. Aucun des inter- venants n'aura droit aux dépens.
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