A-193-90
Canadien Pacifique Limitée (appelante)
c.
Office national des transports et CSP Foods Ltd.
(intimés)
RÉPERTORIÉ' CANADIEN PACIFIQUE LIÉE C. CANADA (OFFICE
NATIONAL DES TRANSPORTS) (C.A.)
Cour d'appel, juge en chef Isaac, juges Stone et
Linden, J.C.A.—Winnipeg, 11 et 15 mai 1992.
Transports — Appel contre une décision de l'Office national
des transports ordonnant à Canadien Pacifique de fournir à
CSP Foods Ltd. les tarifs-marchandises ferroviaires d'huile et
de farine de colza canota d'un endroit à un autre au Canada,
bien que la destination finale soit située aux É.-U. — L'appe-
lante a refusé d'établir, tel que demandé, un tarif conformé-
ment à l'art. 115 de la Loi de 1987 sur les transports natio-
naux — Question de droit ou de compétence — L'Office n'a
pas excédé sa compétence en ordonnant à l'appelante d'établir
des prix individuels pour le trafic local en direction de Winni-
peg — La nouvelle loi favorise une plus grande concurrence
dans l'industrie ferroviaire et dans le système de transport en
général — L'établissement des tarifs ne se fait plus collective-
ment et publiquement dans tous les cas — L'art. 115(1). de la
Loi ne s'applique pas uniquement au tarif dont l'origine et la
destination se situent toutes deux sur la ligne d'une compagnie
ferroviaire — Il appartient aux expéditeurs de choisir la
méthode d'établissement des tarifs — Les tarifs sont principa-
lement tributaires des forces du marché — L'arrêté ne nie pas
le droit de Canadien Pacifique de négocier des prix communs
avec des transporteurs de liaison.
Chemins de fer — Appel portant sur une question de droit
ou de compétence en vertu de l'art. 115(1) de la Loi de 1987
sur les transports nationaux — Canadien Pacifique a refusé
d'établir des tarifs-marchandises ferroviaires d'huile et de
farine de colza canula que l'intimée CSP Foods Ltd. lui a
demandés — L'art. 115(1) est interprété dans le cadre de la
politique législative — L'Office n'a pas excédé sa compétence
en ordonnant à l'appelante d'établir des prix individuels pour
le tarif local en direction de Winnipeg — Canadien Pacifique
cherche à préserver le.c anciennes méthodes commerciales qui
régnaient dans l'industrie ferroviaire — La nouvelle loi favo-
rise une plus grande concurrence de façon à rendre le .système
ferroviaire plus efficace en offrant un transport à un coût
minime — La concurrence détermine maintenant la méthode
d'établissement des tarifs du transport ferroviaire de marchan-
dises — Le libellé et la politique de la nouvelle Loi cherchent à
promouvoir la liberté contractuelle de.c expéditeurs et de.c che-
mins de fer.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985)
(3c suppl.), ch. 28, art. 3(1), 65(1), I 15(1), 121 143, 144,
145.
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville d'Edmonton,
[1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449; 89 D.L.R. (3d)
161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565.
DÉCISION APPLIQUÉE:
Canadien Pacifique Ltée c. Office national des transports
(1989), 105 N.R. 35 (C.A.F.).
DOCTRINE
Rapport de la Commission royale sur le transport,
Ottawa: Imprimeur du Roi, 1951. (Président: W.F.A.
Turgeon).
APPEL d'une décision de l'Office national des
transports ordonnant à l'appelante de fournir à CSP
Foods Ltd. les tarifs-marchandises ferroviaires
d'huile et de farine de colza canola. Appel rejeté.
AVOCATS:
A. Ludkiewicz pour l'appelante.
Alix Jenkins pour l'intimé, l'Office national des
transports.
Marshall E. Rothstein, c. r., et Marc M. Monnin
pour l'intimée, CSP Foods Ltd.
PROCUREURS:
Contentieux de Canadien Pacifique, Winnipeg,
pour l'appelante.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timé, l'Office national des transports.
Aikins, MacAulay, Winnipeg, pour l'intimée,
CSP Foods Ltd.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE LINDEN, J.C.A.: Canadien Pacifique Limi-
tée interjette appel contre une décision de l'Office
national des transports rendue le 24 novembre 1989,
lui ordonnant de fournir à CSP Foods Ltd. les tarifs-
marchandises ferroviaires d'huile et de farine de
colza canola transportés sur du matériel roulant
fourni par CSP Foods depuis Altona et Harrowby
(Manitoba) et Nipawin (Saskatchewan) jusqu'à Win-
nipeg, en direction finale des États-Unis. Le présent
appel, interjeté avec l'autorisation de cette Cour con-
formément au paragraphe 65(1) de la Loi de 1987 sur
les transports nationaux, L.R.C. (1985) (3e suppl.),
ch. 28, se limite à une question de droit ou de compé-
tence.
L'Office national des transports était représenté, en
l'espèce, par Me Alix Jenkins, comme l'autorise le
paragraphe 65(4) de la Loi. Toutefois, la Cour a
limité la présentation de l'avocate à des questions de
compétence, comme l'a requis la Cour suprême du
Canada dans l'arrêt Northwestern Utilities Ltd. et
autre c. Ville d'Edmonton, [ 1979] 1 R.C.S. 684. Dans
cette affaire, le juge Estey a expliqué que le rôle du
tribunal dont la décision «est contestée [est limité] à
la présentation d'explications sur le dossier dont il
était saisi et d'observations sur la question de sa com-
pétence, même lorsque la loi lui confère le droit de
comparaître». (Voir page 709.) Cette Cour ayant tou-
jours accepté la ligne directrice énoncée dans l'arrêt
Northwestern Utilities, elle l'a suivie en l'espèce,
limitant en conséquence le rôle de l'avocate de l'Of-
fice dans cet appel. En tout état de cause, dans sa
plaidoirie, l'avocat de l'appelante a fait valoir que le
fondement du présent appel mettait en cause la com-
pétence de l'Office conformément à l'article 115 de
la Loi de 1987 sur les transports nationaux.
La décision contestée de l'Office a été rendue con-
formément au paragraphe 115(1) de la Loi, ainsi
libellé:
115. (1) Les compagnies de chemin de fer doivent, sur
demande d'un expéditeur, et peuvent, dans tout autre cas, éta-
blir un tarif relatif au trafic sur les chemins de fer qu'elles
exploitent.
L'intimée CSP Foods avait demandé à Canadien
Pacifique Limitée, qui a refusé, d'établir un tarif con-
formément à cet article. En conséquence, dans une
lettre du 5 octobre 1989, CSP Foods a déposé une
demande auprès de l'Office en vue d'obtenir un
arrêté obligeant Canadien Pacifique Limitée à agir
dans ce sens. La lettre se lit ainsi en partie:
[TRADUCTION] En vertu des paragraphes 115(1) et 35(4) de la
Loi de 1987 sur les transports nationaux, nous demandons aux
présentes qu'il soit ordonné à CP Limitée (CP Rail) de fournir
à CSP les tarifs du transport d'huile et de farine de colza
canota depuis Altona, Harrowby et Nipawin jusqu'à Winnipeg.
CSP entend se prévaloir des prix demandés de concert avec les
tarifs et les transports des lignes de différentes compagnies de
chemin de fer pour expédition aux États-Unis.
Le 24 novembre 1989, l'Office a rendu la décision
596-R-1989, contestée en l'espèce, dont voici une
partie du texte:
L'Office conclut que l'article 115 de la LTN 1987 exige que
les compagnies de chemin de fer établissent, sur demande d'un
expéditeur, un tarif relatif au trafic sur les chemins de fer
qu'elles exploitent. Aucune disposition législative n'oblige un
expéditeur à demander des prix communs ou l'empêche de
demander des prix distincts.
L'avocat de l'appelante, Me Ludkiewicz, soutient
que la décision était exorbitante de la compétence de
l'Office. Il prétend que l'article 115 s'applique uni-
quement dans les cas où l'origine et la destination du
trafic se situent tous deux sur la ligne de la compa-
gnie de chemin de fer, c'est-à-dire qu'il régit exclusi-
vement le «trafic local». Il avance également que
l'article 115 ne visait pas à remanier la tarification
préexistante aussi radicalement, mais plutôt, principa-
lement, à réduire le volume des écritures supporté par
les chemins de fer. Ceux-ci n'auraient plus à publier
un nombre incalculable de tarifs pour les parcours
locaux à moins qu'un expéditeur le demande. Cana-
dien Pacifique prétend que, le trafic de CSP Foods
l'obligeant à faire des expéditions aux États-Unis par
au moins deux compagnies de chemin de fer, il s'agit
d'un «trafic d'entier parcours», et qu'ainsi, elle n'a à
fournir qu'un tarif d'entier parcours, comme elle l'a
fait. Canadien Pacifique maintient qu'elle n'a pas
l'obligation d'établir un tarif de ligne unique à
l'égard du transport d'entier parcours qui s'effectue
sur un parcours continu dont les parties sont exploi-
tées par au moins deux compagnies de chemin de fer.
S'appuyant sur le contexte de la Loi et mettant l'ac-
cent sur les rubriques de celle-ci, Canadien Pacifique
allègue que seuls les articles 129 à 133 visent, pour le
transport commun d'entier parcours, la publication de
tarifs communs sur lesquels les compagnies de che-
min de fer doivent s'entendre et que l'article 115 ne
s'applique pas à ces tarifs. Selon l'appelante, forcer
le chemin de fer à établir des tarifs pour chaque partie
d'un parcours continu limiterait son droit à la liberté
contractuelle, contrairement à l'intention du Parle-
ment.
Canadien Pacifique soutient également que la
méthode du «prix de ligne concurrentiel», prévue aux
articles 134 à 143, permet elle aussi d'obtenir des
tarifs «de long parcours» auprès des transporteurs
autres que le transporteur original. Cette méthode,
nécessitant l'accord de tous les chemins de fer situés
sur le parcours, demande plus de temps et est contro-
versée. (En fait, CSP Foods a ensuite demandé et
reçu les prix de ligne concurrentiels pour l'huile de
colza canola, mais non pas pour la farine.)
L'avocat de l'appelante a admis que CSP Foods
pouvait effectuer ses transports selon une série de
prix individuels à titre de trafic local jusqu'à un car-
refour situé à Winnipeg, pour alors procéder à une
réexpédition jusqu'au carrefour suivant, à titre de tra-
fic local également, mais, avance-t-il, l'expéditeur ne
peut avoir accès au lieu de correspondance où le tra-
fic est raccordé s'il n'expédie pas selon le tarif d'en-
tier parcours. Le lieu de correspondance ne peut être
une destination à laquelle l'expéditeur peut envoyer
des marchandises, soutient-il, bien qu'il puisse exiger
que celles-ci soient livrées sur une voie d'évitement
ou de débord privée à Winnipeg ou ailleurs, d'où
elles peuvent être remises à un transporteur différent.
Les moyens ci-dessus ne me convainquent pas que
l'Office a excédé sa compétence en ordonnant à
Canadien Pacifique d'établir des prix individuels
pour le trafic local en direction de Winnipeg comme
partie d'un parcours continu nécessitant le concours
d'autres chemins de fer pour atteindre finalement les
États-Unis. Par sa prétention, Canadien Pacifique
cherche à préserver les anciennes méthodes commer-
ciales qui régnaient dans l'industrie ferroviaire anté-
rieurement à l'adoption de la Loi de 1987 sur les
transports nationaux. Cette nouvelle loi vise à chan-
ger ces méthodes en favorisant une plus grande con
currence dans l'industrie ferroviaire et dans le sys-
tème de transport en général. Nous préférons
l'analyse de l'article 115 soumise par le représentant
de CSP Foods, Me Rothstein. En s'appuyant carré-
ment sur le libellé de l'article 115 et sur la politique
exprimée dans la Loi, Me Rothstein a soutenu que
Canadien Pacifique devait, sur demande de l'expédi-
teur, établir un tarif incluant le prix pour la partie du
transport du trafic d'entier parcours qu'elle accom-
plit.
La Loi de 1987 sur les transports nationaux
énonce ceci à l'article 3:
3. (1) Il est déclaré que, d'une part, la mise en place d'un
réseau sûr, rentable et bien adapté de services de transport
viables et efficaces, utilisant au mieux et aux moindres frais
globaux tous les modes de transport existants, est essentielle à
la satisfaction des besoins des expéditeurs et des voyageurs en
matière de transports comme à la prospérité et à la croissance
économique du Canada et de ses régions, d'autre part, ces
objectifs ont le plus de chances de se réaliser en situation de
concurrence, dans et parmi les divers modes de transport, entre
tous les transporteurs, à condition que, compte dûment tenu de
la politique nationale et du contexte juridique et constitution-
nel:
b) la concurrence et les forces du marché soient, chaque fois
que possible, les principaux facteurs en jeu dans la presta-
tion de services de transport viables et efficaces;
c) la réglementation économique des transporteurs et des
modes de transport se limite aux services et aux régions à
propos desquels elle s'impose dans l'intérêt des expéditeurs
et des voyageurs, sans pour autant restreindre abusivement
la libre concurrence entre transporteurs ou modes de trans
port;
11 est en outre déclaré que la présente loi vise à la réalisation de
ceux de ces objectifs qui portent sur les questions relevant de
la compétence législative du Parlement en matière de trans
ports.
Il convient de remarquer que cette politique révèle
de nouvelles particularités qui, notamment, encoura-
gent la concurrence dans le transport ferroviaire, sou-
lignent que la concurrence et les forces du marché
sont les principaux facteurs d'un système de transport
efficace, et protègent les expéditeurs sans restreindre
la concurrence entre transporteurs. Avant l'adoption
de cette Loi en 1987, la réglementation des tarifs fer-
roviaires était plus rigide, plus publique, et les prix
étaient établis collectivement. Depuis l'adoption de la
nouvelle Loi, l'établissement des tarifs ne se fait plus
collectivement et publiquement dans tous les cas; les
négociations peuvent être individuelles et confiden-
tielles. Des rabais et des prix spéciaux, interdits aupa-
ravant, sont désormais accordés, et on a donné au
système plus de flexibilité.
Compte tenu de cette politique législative particu-
lière en vertu de laquelle la loi doit être interprétée, le
libellé du paragraphe 115(1) ne peut être limité aux
seuls prix du trafic local, comme l'a soutenu Cana-
dien Pacifique. L'article requiert un tarif «relatif au
trafic sur les chemins de fer qu[e les compagnies]
exploitent». Rien dans l'article, qui est à la rubrique
«Tarifs», ne donne à entendre que les prix devant être
fournis ne s'appliquent qu'au trafic dont l'origine et
la destination se situent sur la ligne d'un seul chemin
de fer. Rien n'indique que le paragraphe 115(1) ne
peut s'appliquer lorsque les wagons d'un expéditeur
sont envoyés au-delà de la fin de la ligne de chemin
de fer du transporteur original. En outre, le para-
graphe ne limite pas l'obligation au trafic local à l'ex-
clusion du trafic d'entier parcours. Si le Parlement
avait eu l'intention de restreindre la portée du para-
graphe 115(1), comme l'a soutenu Canadien Paci-
fique, il aurait pu facilement le faire.
Le Parlement n'a pas édicté que le transport de
marchandises effectué par au moins deux chemins de
fer est régi par les articles 129 à 133 et non par le
paragraphe 115(1). Le libellé du paragraphe 129(1)
fait clairement ressortir que son objet est différent:
129. (1) Lorsque le transport s'effectue, pour arriver à desti
nation, sur un parcours continu au Canada dont des parties sont
exploitées par deux ou plusieurs compagnies de chemin de fer,
celles-ci doivent, sur demande de l'expéditeur qui vient faire
transporter des marchandises:
a) soit s'entendre sur un prix commun pour ce parcours con-
tinu et la répartition du prix indiqué dans le tarif commun;
b) soit conclure un contrat confidentiel ou un accord visant
un prix convenu pour ce parcours continu.
Le libellé de cet article, inséré à la rubrique «Prix
communs» de la Loi, démontre donc que son applica
tion est déclenchée par la «demande de l'expéditeur
qui vient faire transporter des marchandises». Cette
politique d'un prix commun à l'égard d'un parcours
continu ne peut donc être imposée aux expéditeurs
par les chemins de fer; elle est plutôt mise en oeuvre
par la demande d'expéditeurs qui souhaitent s'en pré-
valoir. Selon la prétention de l'appelante, l'expédi-
teur devrait demander un prix commun en vertu du
paragraphe 129(1) alors que le libellé ne l'y oblige
pas. En conséquence, les articles 129 à 133 créent des
obligations qui s'ajoutent, et ne se substituent pas,
aux obligations du paragraphe 115(1).
Dans le même ordre d'idées, il est également pos
sible à l'«expéditeur captif» qui doit utiliser les lignes
de plus d'un chemin de fer, de recourir à la méthode
du prix de ligne concurrentiel pour obtenir un prix. À
la rubrique «Prix de ligne concurrentiels», les articles
134 à 143 énoncent la démarche à suivre. Le para-
graphe 134(2), primordial, est ainsi libellé:
134... .
(2) Sous réserve du présent article et de l'article 135, lors-
qu'un expéditeur a accès aux lignes d'une seule compagnie de
chemin de fer au point d'origine ou de destination du transport
effectué pour lui et qu'un parcours continu est exploité entre
ces points par deux ou plusieurs compagnies, le transporteur
local desservant l'expéditeur au point d'origine ou de destina
tion, selon le cas, doit, sur demande de l'expéditeur, établir un
prix de ligne concurrentiel pour le transport effectué à partir du
point d'origine ou de destination, selon celui qui est desservi
exclusivement par le transporteur local, jusqu'au lieu de cor-
respondance le plus proche avec un transporteur de liaison.
Il sera noté que ce mécanisme est aussi déclenché par
«la demande de l'expéditeur». Il apporte une autre
façon d'établir des prix dans des circonstances diffé-
rentes.
Par conséquent, il appartient aux expéditeurs de
choisir la méthode d'établissement des tarifs. Entre la
technique énoncée au paragraphe 115(1), le méca-
nisme prévu aux articles 129 à 133 (Prix communs)
et la méthode formulée aux articles 134 à 143 (Prix
de ligne concurrentiels), ils optent en fonction de leur
intérêt économique. (Sont également disponibles,
évidemment, dans les circonstances appropriées, la
nouvelle méthode du contrat confidentiel, expliquée à
l'article 120, et le système des prix convenus men-
tionné aux articles 121 à 128.) Ainsi, dans ce nou-
veau régime, l'établissement des tarifs est principale-
ment tributaire des forces du marché alors que sous
l'ancien régime, les prix étaient étroitement régle-
mentés et quelquefois même établis par les chemins
de fer eux-mêmes. Ces modifications visent à pro-
mouvoir la concurrence de façon à rendre le système
ferroviaire plus efficace en offrant un transport à un
coût minimum, conforme aux autres objectifs poli-
tiques de la Loi.
CSP Foods n'a plus à laisser Canadien Pacifique
négocier avec d'autres transporteurs pour lui offrir un
tarif commun d'entier parcours; elle peut négocier
avec ces autres chemins de fer en son propre nom, si
elle y trouve son profit. L'article 115 offre à CSP
Foods une méthode concurrentielle de transport qui
empêche Canadien Pacifique de lui imposer des tarifs
communs d'entier parcours qu'elle a négociés avec
d'autres transporteurs. Canadien Pacifique peut tou-
jours se mettre sur les rangs et proposer des tarifs
communs d'entier parcours, mais elle ne peut empê-
cher les expéditeurs de chercher à obtenir de meil-
leurs prix eux-mêmes. Comme l'a expliqué le juge
MacGuigan, J.C.A. dans l'arrêt Canadien Pacifique
Ltée c. Office national des transports (1989), 105
N.R. 35 (C.A.F.), à la page 43:
Selon mon interprétation de la Loi, le Parlement, entre le dan
ger qu'il associait à l'existence d'un monopole en matière de
chemins de fer et les risques qui lui semblaient découler d'une
concurrence débridée, a déjà opté pour cette dernière solution.
En d'autres termes, la concurrence, et non les tech
niques utilisées autrefois, doit maintenant déterminer
la méthode d'établissement des tarifs du transport fer-
roviaire de marchandises. Alors que, dans le passé,
les prix communs étaient peut-être efficaces, garan-
tissant un transport moins coûteux, il n'en est pas
nécessairement ainsi aujourd'hui.
Le traitement accordé au trafic ferroviaire interna
tional soutient cette opinion. De toute évidence, la loi
canadienne ne peut forcer les chemins de fer améri-
cains à convenir d'un tarif commun d'entier parcours.
Par conséquent, les chemins de fer canadiens peuvent
offrir des prix communs seulement là où les chemins
de fer américains y consentent (voir l'article 131; le
Rapport de la Commission royale sur le transport
(1951), la page 102.) Si la loi pouvait obliger les
chemins de fer canadiens à convenir d'un tarif com-
mun, et non les chemins de fer américains, le traite-
ment réservé au trafic intérieur et au trafic internatio
nal en deviendrait incohérent.
Les articles 144 et 145, qui soulignent l'obligation
des chemins de fer d'offrir un service, appuient cette
interprétation. Le paragraphe 144(1) exige que les
chemins de fer fournissent les installations pour la
réception et le transport des marchandises au point de
départ de leurs lignes et au point de raccordement
avec d'autres compagnies de chemin de fer. Le para-
graphe 145(1) oblige les chemins de fer à recevoir, à
transporter et à livrer des marchandises sur leurs che-
mins de fer et en provenance de ceux-ci et à transfé-
rer les marchandises entre leurs chemins de fer et
d'autres chemins de fer. En vertu du paragraphe
145(3), les compagnies de chemin de fer dont les
lignes, en se reliant à une autre voie ferrée, font partie
d'un parcours ininterrompu, doivent livrer et recevoir
les marchandises sans retard pour faire en sorte que le
public désirant se servir de ces voies ininterrompues
de communication n'y trouve pas d'obstacles à la cir
culation. Par conséquent, contrairement à ce que sou-
tenait l'appelante, selon laquelle les expéditeurs
n'avaient aucun droit d'exiger un service aux lieux de
correspondance à moins qu'ils transportent leurs
marchandises à un tarif commun d'entier parcours,
c'est l'opposé qui est vrai.
La prétention de Canadien Pacifique, selon
laquelle l'arrêté de l'Office nie son droit de négocier
des prix communs avec des transporteurs de liaison,
est sans fondement. Sa liberté contractuelle ne subit
aucune ingérence. Plutôt, refuser à CSP Foods l'accès
à d'autres transporteurs par l'application du para-
graphe 115(1) limiterait son droit de négocier des
contrats en son propre nom. Le libellé et la politique
de la Loi de 1987 sur les transports nationaux cher-
chent à promouvoir la liberté contractuelle des expé-
diteurs et des chemins de fer, et non pas seulement
celle de ces derniers.
L'appelante confond l'objectif de la nouvelle Loi
de 1987 sur les transports nationaux avec celui du
régime législatif précédent. La nouvelle Loi ne s'at-
tarde pas seulement aux droits des chemins de fer,
mais aussi à la création d'un nouvel équilibre entre
les droits des expéditeurs et ceux des chemins de fer.
Elle recherche un système de transport efficace, con-
currentiel, dont les prix sont raisonnables, et non le
maintien des méthodes commerciales historiques de
l'industrie ferroviaire.
Aucune erreur de compétence ou de droit n'ayant
été établie, le présent appel sera donc rejeté avec
dépens.
LE JUGE EN CHEF ISAAC: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.