T-218-89
Sharon Boechler, exécutrice testamentaire de feu
Alexander Boger (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIA' ROGER, SUCCESSION C. CANADA (/re /NST.)
Section de première instance, juge en chef adjoint
Jerome—Edmonton, 13 septembre et 30 novembre
1990; Ottawa, 16 août 1991.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Gains en capital
— Disposition relative au transfert libre d'impôt de terres agri-
coles accordant un allégement . fiscal aux membres survivants
d'une famille en reportant les conséquences . fiscales de la réa-
lisation présumée — Signification des mots «par dévolution,
irrévocablement acquis par l'enfant» à l'art. 70(9) — La
demande présentée par l'épouse survivante en application de
la Family Relief Act empêche-t-elle l'acquisition par l'enfant?
— Signification des termes «transféré ou transmis lors d'un
partage» à l'art. 70(9) — Examen de l'arrêt Hillis c. R. de la
C.A.F. — Examen des définitions de dictionnaires — Les
notions et la terminologie du droit des successions et du droit
des biens immobiliers aident-elles à interpréter la Loi? — La
vente de terres par l'exécutrice testamentaire signifie-t-elle
qu'il n'y a pas eu transfert aux enfants du défunt? — Faut-il
un acte de cession en bonne et due forme?
Impôt sur le revenu — Pratique — Conséquences de la déli-
vrance du certificat de décharge à l'exécutrice testamentaire
de la succession — L'exécutrice testamentaire est déchargée
de son obligation personnelle en vertu de l'art. 159(3) — Elle
demeure responsable à titre de représentante personnelle — La
succession n'est pas libérée de son obligation fiscale.
Par suite du décès d'Alexander Boger, un fermier, en mars
1979, le ministre du Revenu national a établi un avis de nou-
velle cotisation refusant, conformément au paragraphe 70(9)
de la Loi de l'impôt sur le revenu, le transfert libre d'impôt de
terres agricoles et de biens amortissables légués par testament
à ses enfants et utilisés par le contribuable, immédiatement
avant son décès, dans le cadre de l'exploitation d'une entre-
prise agricole. En qualité d'exécutrice testamentaire de la suc
cession de son père, la demanderesse en a appelé de la décision
de la Cour canadienne de l'impôt confirmant la nouvelle coti-
sation. Aux termes du testament, l'épouse du défunt a hérité
d'un domaine viager sur le terrain bâti et ses quatre enfants,
d'un quart du reliquat chacun. En 1979, l'épouse a présenté
une demande sous le régime de la Family Relief Act de l'Al-
berta afin d'obtenir une part plus importante de la succession.
En août 1981, la Cour du Banc de la Reine a rendu une ordon-
nance portant remise à l'épouse d'espèces et d'une partie du
matériel agricole; en outre, des fonds ont été répartis entre les
enfants. Par suite d'une réunion entre les comptables de la suc
cession et Revenu Canada en février 1983, celui-ci a établi une
nouvelle cotisation à l'égard de la déclaration de revenus défi-
nitive du contribuable pour 1979, appliquant un transfert libre
d'impôt au conjoint dans le cas du terrain bâti, mais refusant le
transfert libre d'impôt quant au reste des terres agricoles et
quant au matériel agricole. En février 1987, le ministre a déli-
vré un certificat de décharge, prenant effet à la date du décès,
qui attestait le règlement de toutes les sommes dues par la suc
cession. La demanderesse a soutenu que les droits du contri-
buable sur les biens avaient été transférés aux bénéficiaires ou
irrévocablement acquis par eux conformément au testament
immédiatement avant son décès ou, subsidiairement, dans le
délai fixé aux paragraphes 70(6) et 70(9). Le transfert libre
d'impôt aux enfants n'est demandé qu'en ce qui concerne les
biens qui leur ont été transmis par testament, suivant l'ordon-
nance de la Cour du Banc de la Reine. Le transfert libre d'im-
pôt à l'épouse, prévu au paragraphe 70(6), n'est pas en litige.
Trois questions principales devaient être tranchées: (1) Quel
est le sens des mots «par dévolution, irrévocablement acquis
par l'enfant» du paragraphe 70(9) et s'appliquent-ils en l'es-
pèce? La demande présentée par l'épouse survivante en appli
cation de la Family Relief Act de l'Alberta empêche-t-elle que
les biens soient «par dévolution, irrévocablement acquis par
l'enfant»? (2) Le reste des terres et des biens amortissables a-t-
il été, au moment du décès du contribuable ou postérieurement,
et par suite de ce décès, «transféré ou transmis lors d'un par-
tage» aux enfants du contribuable? (3) Les certificats de
décharge délivrés par Revenu Canada l'empêchent-ils d'affir-
mer que le défunt, l'exécutrice testamentaire/fiduciaire ou les
bénéficiaires sont redevables d'impôts?
Jugement: l'action devrait être accueillie quant à la première
et à la deuxième questions et rejetée quant à la troisième.
(1) Le paragraphe 70(9), l'une des dispositions relatives au
transfert libre d'impôt de la Loi de l'impôt sur le revenu, est
une exception au paragraphe 70(5), le contribuable étant réputé
avoir disposé d'un bien-fonds immédiatement avant son décès
et avoir réalisé tous les gains ou pertes en capital; il permet le
transfert libre d'impôt des terres agricoles ou des biens amor-
tissables utilisés dans le cadre de l'exploitation d'une entre-
prise agricole s'ils sont «transférés ou transmis lors d'un par-
tage» à l'enfant, au moment du décès du défunt ou
postérieurement, et par suite de ce décès, et qu'il puisse être
établi, dans les quinze mois qui suivent le décès du défunt,
qu'ils ont été «par dévolution, irrévocablement acquis» par
l'enfant au plus tard dans les quinze mois suivant le décès.
Pour interpréter le paragraphe 70(9), il est utile d'examiner les
définitions que donnent les dictionnaires de termes comme
droit dévolu, révocable, titre révocable, irrévocable. Les
notions et la terminologie du droit des successions et du droit
des biens immobiliers aident à interpréter la Loi de l'impôt sur
le revenu; il faut tenir compte du sens qui y est donné à ces
termes. En droit des biens immobiliers, une distinction a été
établie entre les droits «dévolus» et les droits «éventuels».
Deux conditions doivent être remplies pour qu'un droit soit
dévolu: (i) la personne qui y a droit doit être déterminée; (ii)
elle doit être prête à en prendre possession immédiatement et
n'en être empêchée que par l'existence d'un droit antérieur. Un
«droit éventuel» est un droit qui n'attribue pas de droit de
jouissance avant qu'un événement futur ne se réalise, c'est-à-
dire l'accomplissement d'une condition suspensive. Un droit
dévolu est susceptible d'être résilié ou «révocable» s'il est
l'objet d'une condition résolutoire, notamment en cas de dévo-
lution d'héritage. Pour qu'un droit soit dévolu «irrévocable-
ment», il ne doit pas être l'objet d'une telle condition. En l'es-
pèce, le droit sur les biens a incontestablement été dévolu: il
n'y avait aucune condition suspensive qui devait se réaliser
avant que la libéralité prît effet; les enfants, soit les ayants
droit, étaient déterminés; ils étaient prêts à en prendre posses
sion immédiatement, puisqu'il n'y avait aucun autre droit anté-
rieur existant. Le droit dévolu aux enfants n'était pas non plus
révocable car il n'était pas l'objet d'une condition résolutoire
contenue dans le testament. Cette conclusion est conforme à la
décision du juge suppléant Clement dans l'arrêt Hillis c. R.,
dans lequel la Cour d'appel fédérale devait interpréter le para-
graphe 70(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la disposition
relative au transfert libre d'impôt à l'épouse, et se prononcer
sur l'effet d'une ordonnance rendue en vertu de la Dependants'
Relief Act de la Saskatchewan, augmentant la part de la veuve
dans la succession du défunt. Si, comme l'ont décidé le juge
suppléant Clement et le juge Pratte, J.C.A., dans Hillis,
d'autres biens reçus en vertu d'une ordonnance sous le régime
de la loi sur le secours aux personnes à charge n'étaient pas
dévolus avant la date effective de l'ordonnance, il s'ensuit
qu'en l'espèce, les enfants n'ont pas non plus été dépossédés
de leurs droits sur ceux-ci avant cette date. En dépit du fait que
leurs droits aient été, de fait, réduits par l'ordonnance, ils
avaient néanmoins été, par dévolution, irrévocablement acquis
conformément au paragraphe 70(9), du moins dans la mesure
où ils n'étaient pas visés par l'ordonnance.
(2) Il semble que la Cour fédérale ait, dans certaines déci-
sions, reconnu qu'un acte de cession en bonne et due forme
n'était peut-être pas nécessaire pour qu'il y ait «transfert» ou
«transmission lors d'un partage». Les définitions que donnent
les dictionnaires sont assez larges pour viser la libéralité faite
par testament. En l'occurrence, le testament valide fait par le
contribuable, transmettant ses biens à son épouse et à ses
enfants, est un «transfert» suffisant pour l'application du para-
graphe 70(9). Le fait que le «reliquat» des biens a été légué aux
enfants n'a pas modifié la nature des biens susceptibles d'être
l'objet d'un transfert libre d'impôt. Il n'est pas nécessaire que
soit fait un legs à titre particulier de chaque partie des terres
agricoles et des biens amortissables pour que puisse s'opérer le
«transfert libre d'impôt des biens agricoles», l'objet du para-
graphe 70(9) étant d'accorder une exemption fiscale au
moment du transfert de ces biens d'une génération à la sui-
vante. C'était sur les instructions et avec l'assentiment des
enfants, propriétaires, que la fiduciaire a vendu la terre à un
tiers. Le fait que les biens ont été vendus dans le délai de
quinze mois n'est pas opposable à la demanderesse. Le para-
graphe 70(9) ne dit pas que les biens doivent rester entre les
mains des enfants pour que le transfert libre d'impôt s'ap-
plique. Dans la mesure où les biens sont transférés aux bénéfi-
ciaires, la succession peut demander le transfert libre d'impôt
prévu au paragraphe 70(9).
(3) Le fait qu'un certificat de décharge a été délivré à un
exécuteur testamentaire de la succession, «représentant person-
nel», ne libère pas la succession de son obligation fiscale. Le
paragraphe 159(3) dispose que le représentant personnel est
personnellement responsable des impôts, intérêts et pénalités
non payés s'il n'obtient pas un certificat avant de répartir les
biens placés sous son contrôle. La succession n'est pas libérée
de son obligation fiscale. Autrement dit, le représentant per
sonnel reste redevable à ce titre, mais il est déchargé de son
obligation personnelle imposée par le paragraphe 159(3).
LOIS ET RÈGLEMENTS
Dependants' Relief Act, R.S.S. 1978, chap. D-25, art. 14.
Devolution of Real Property Act, R.S.A. 1980, chap.
D-34, art. 3, 9, 10(1).
Family Relief Act, R.S.A. 1980, chap. F-2, art. 5(1),(4),
11(1), 17(1), 18(1).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 70(5),(6),(9) (édicté par S.C. 1973-74, chap. 14, art.
19; 1976-77, chap. 4, art. 27(4)), 159(2),(3).
Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès, S.C.
1958, chap. 29, art. 7(1).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Hillis c. R., [1982] CTC 293; (1982), 82 DTC 6249 (C.F.
I 1 e inst.); Hillis c. R., [1983] 6 W.W.R. 577; [1983] CTC
348; (1983), 83 DTC 5365; 15 E.T.R. 156; 49 N.R. 1
(C.A.F.); Tory Estate c. Le ministre du Revenu national,
[1973] C.F. 820; [1973] CTC 434; (1973), 73 DTC 5354
(C.A.); appel rejeté sub nom. Montreal Trust Co. c.
M.R.N., [1976] 1 R.C.S. x; [1976] CTC 415; (1976), 76
DTC 6312; 9 N.R. 394; Fasken, David v. Minister of
National Revenue, [1948] R.C.E. 580; [1948] C.T.C. 265;
(1948), 49 DTC 491.
DECISIONS EXAMINÉES:
La succession Dontigny c. La Reine, [1974] 1 C.F. 418;
[1974] CTC 532; (1974), 74 DTC 6437 (C.A.); Lucky, M
c MRN., [1972] CTC 2412 (C.R.I.); Succession Green-
wood c. La Reine (1990), 90 DTC 6690; 39 F.T.R. 234
(C.F. Ire inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Succession Willis c. M.R.N. (1968), 68 DTC 204 (C.A.I.);
Succession Hrycej (A) c MRN, [1984] CTC 2115; (1984),
84 DTC 1089; 17 E.T.R. 183 (C.C.I.); Gathercole v.
Smith (1880-81), 17 Ch.D. 1 (C.A.); Succession Boger
(A.) c. M.R.N., [1989] 1 C.T.C. 2110; (1988), 89 DTC 15
(C.C.I.).
DOCTRINE
Anger and Honsberger: The Law of Real Property, Vol. 1,
2nd ed., by Oosterhoff, A. H. et Rayner, W. B., Aurora
(Ont.): Canada Law Book Inc., 1985.
Black's Law Dictionary, 5th ed., St. Paul, Minn.: West
Publishing Co., 1979, «vested interest», «defeasible»,
«defeasible tille», «indefeasible», «transfer».
Feeney, Thomas G. The Canadian Law of Wills, Vol. 2,
Toronto: Butterworths, 1987.
Jowitt 's Dictionary of English Law, vol. 1, 2nd ed., Lon-
don: Sweet & Maxwell Ltd., 1977, «indefeasible».
Megarry, Robert and Wade, H.W.R. The Law of Real Pro
perty, 5th ed., London: Stevens & Sons Ltd., 1984.
Osborn's Concise Law Dictionary, 6th ed., by John
Burke, London: Sweet & Maxwell, 1976, «defeasible»,
«distribution».
Shorter Oxford English Dictionary, vol. 1, 3rd ed.,
Oxford: Clarendon Press, 1969, «indefeasible», «trans-
fer», «distributed».
AVOCATS:
David P. Jones, c. r., et Anne S. de Villars pour
la demanderesse.
J.E. Fulcher et Naomi R. Goldstein pour la
défenderesse.
PROCUREURS:
de Villars Jones, Edmonton, pour la demande-
resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: J'ai entendu cette
affaire à Edmonton (Alberta), le 13 septembre 1990.
L'exécutrice testamentaire de la succession de feu
Alexander Boger (la «demanderesse») en appelle de
la décision de la Cour canadienne de l'impôt, en date
du 3 novembre 1988, qui a rejeté l'appel interjeté par
la demanderesse de la nouvelle cotisation établie par
le ministre du Revenu national (le «ministre»), en
date du 12 janvier 1984, l'égard de la déclaration de
revenus définitive d'Alexander Boger (le «contribua-
ble»), produite pour l'année 1979. La nouvelle cotisa-
tion refusait le transfert libre d'impôt, en application
du paragraphe 70(9) de la Loi de l'impôt sur le
revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63 (édicté par S.C.
1973-74, chap. 14, art. 19; 1976-77, chap. 4, art.
27(4))] (la «Loi»), de terres agricoles et de biens
amortissables légués par testament aux enfants du
contribuable, parce que ces biens n'avaient pas été
«transférés ou transmis lors d'un partage» aux
enfants et qu'il n'avait pas été établi qu'ils avaient
été, «par dévolution, irrévocablement acquis» dans le
délai fixé au paragraphe 70(9). À la fin de l'audience,
j'ai mis l'affaire en délibéré en attendant les
mémoires des avocats.
FAITS
Les faits ne sont pas contestés. Le résumé qui suit
est tiré de l'«exposé conjoint partiel des faits». Le
contribuable, un fermier, est décédé le 10 mars 1979
en laissant un testament à son épouse, Olga Boger
(l' «épouse») et à ses quatre filles (les «enfants»),
dont une mineure. Dans son testament, le contribua-
ble a désigné sa fille, Sharon Boechler, comme exé-
cutrice testamentaire et fiduciaire (la «demande-
resse»). Il a disposé de ses biens de la manière
suivante: en faveur de la veuve — domaine viager sur
le terrain S.W. 1/4 14-38-13-W4 (le «terrain bâti»);
en faveur des enfants — 1/4 du reliquat chacun. Des
lettres d'homologation ont été délivrées à la deman-
deresse le 9 juillet 1979. La succession du contribua-
ble avait une valeur totale de 446 180,42 $ et consis-
tait dans les biens-fonds et les biens agricoles
énumérés ci-après, ainsi que dans des espèces, des
actions et des biens personnels:
Fonds de terre (valeur homologuée)
S.W. 1/4 14-38-13-W4 («terrain bâti») 50 000,00 $
N.E. 1/4 15-38-13-W4 47 250,00 $
N.W. 1/4 15-38-13-W4 48 750,00 $
S.W. 1/4 17-38-13-W4 45 700,00 $
S.E. 1/4 18-38-13-W4 47 300,00 $
S. 1/2 7-38-13-W4 54 300,00 $
293 300,00 $
Biens agricoles
Matériel agricole 83 483,00 $
Bétail 18 490,75 $
Grains 860,50 $ 102 834,25 $
Immédiatement avant son décès, le contribuable utili-
sait les terres et les biens agricoles dans le cadre de
l'exploitation d'une entreprise agricole.
Une déclaration de revenus définitive, établie à la
date du décès, a été produite et Revenu Canada l'a
reçue le 30 avril 1980. On y demandait un transfert
libre d'impôt à l'épouse du terrain bâti, conformé-
ment au paragraphe 70(6), et un transfert libre d'im-
pôt des biens agricoles, soit les biens-fonds et le
matériel agricole, conformément au paragraphe
70(9). Par conséquent, aucun gain (ni perte) en capi
tal n'a été déclaré à l'égard de ce qui aurait autrement
constitué une disposition présumée de ces biens en
application du paragraphe 70(5).
En 1979, l'épouse a demandé, en conformité avec
la Family Relief Act, R.S.A. 1970, chap. 134, modi-
fiée, qu'une part plus importante de la succession lui
soit dévolue. Le ministre a, en date du 14 octobre
1980, délivré un certificat de décharge prenant effet à
la date du décès. Toutefois, aucune répartition n'a eu
lieu avant la décision définitive sur la demande de
l'épouse, soit vingt-neuf mois après la, date du décès.
Par ordonnance de la Cour, datée du 4 août 1981
(l' «ordonnance»), l'épouse a reçu ce qui suit:
a) 75 000 $ en espèces, en sus des intérêts, en novembre
1981;
b) le domaine en fief simple absolu sur le terrain bâti (valeur
homologuée de 50 000 $), qui lui a été transféré le 6 janvier
1982;
c) une partie du matériel agricole, qui lui a été remise immé-
diatement:
(i) camionnette Chevrolet 1967, 1/2 tonne, avec caravane
(valeur homologuée de 4 000 $);
(ii) six silos à grains sur le terrain S. 1/2 15-38-13-W4
(valeur homologuée de 4 200 $).
En septembre 1979, le matériel agricole restant dans
la succession du contribuable a été vendu aux
enchères. En avril 1981, la succession a été transmise
à la demanderesse, en qualité d'exécutrice testamen-
taire, et elle est devenue propriétaire enregistrée des
biens. En août 1982, trois quarts de section de terrain
ont été vendus avec l'assentiment des bénéficiaires
majeurs et du curateur public de l'Alberta pour le
compte de la mineure. Des sommes ont été versées,
sur la succession, à l'épouse, conformément à l'or-
donnance, et des fonds répartis entre les enfants
comme suit:
Septembre 1981 26 000,00 $ chacun 104 000,00 $
Décembre 1981 2 500,00 $ chacun 10 000,00 $
Mai 1982 2 000,00 $ chacun 8 000,00 $
Septembre 1982 47 000,00 $ chacun 188 000,00 $
En octobre 1982, après que les comptables de la
succession eurent fait part de leur inquiétude au sujet
de la déclaration de revenus définitive pour l'année
1979, et compte tenu de la décision Hillis c. R.,
[1982] CTC 293 (C.F. Ire inst.), les services d'avo-
cats spécialistes des successions ont été retenus et
une réunion avec Revenu Canada a été demandée en
février 1983. Par suite de celle-ci, la déclaration défi-
nitive du contribuable pour 1979 a fait l'objet d'une
nouvelle cotisation:
a) un transfert libre d'impôt au conjoint a été appliqué dans le
cas du terrain bâti;
b) le transfert libre d'impôt quant au reste des terres agricoles
a été refusé parce que le contribuable a été réputé avoir
disposé du reste des biens-fonds à leur juste valeur mar-
chande immédiatement avant son décès et des gains en
capital ont été déclarés;
c) le transfert libre d'impôt à l'égard du matériel agricole a
été refusé. Le produit de la vente aux enchères a été inclus
dans le calcul du revenu du contribuable en 1979;
d) le revenu en intérêts a fait l'objet de révisions.
Le ministre a en outre admis que les revenus gagnés
durant les années d'imposition 1980 et 1981 de la
succession doivent être imposés entre les mains de la
fiduciaire parce que l'action engagée par l'épouse en
application de la Family Relief Act était encore pen-
dante au cours de ces années-là. Les revenus et les
gains ou pertes en capital, le cas échéant, pour l'an-
née d'imposition 1982 de la succession et pour les
suivantes, devaient être répartis entre les bénéficiaires
du reliquat.
L'avis de nouvelle cotisation faisant état de ces
modifications a été mis à la poste le 19 août 1983.
Aucune opposition n'a été produite, mais le 12 jan-
vier 1984, le ministre a délivré un autre avis de nou-
velle cotisation relativement à la déclaration de reve-
nus définitive. La demanderesse a produit un avis
d'opposition le 14 mars 1984. Le 10 février 1987, le
ministre a délivré un certificat de décharge, prenant
effet à la date du décès, dont la teneur suit:
[TRADUCTION] Nous attestons que toutes les sommes dues par le
contribuable désigné ci-dessous [feu Alexander Boger] et dont
vous pouvez vraisemblablement devenir redevable en qualité
de représentant personnel du contribuable pour la période se
terminant à la date de son décès et pour toute année d'imposi-
tion précédente en application des dispositions de [diverses lois
dont la Loi de l'impôt sur le revenu] ont été payées ou qu'une
garantie a été acceptée par le ministre.
La demanderesse déclare que, en conformité avec
les dispositions du testament du contribuable, les
droits du contribuable sur les biens ont été transférés
aux bénéficiaires ou irrévocablement acquis par eux
conformément au testament, au moment même de
son décès ou, subsidiairement, dans le délai fixé aux
paragraphes 70(6) et 70(9). La demanderesse
demande donc ce qui suit:
[TRADUCTION] a) Un jugement déclaratoire reconnaissant au
défunt le droit aux transferts libres d'impôt prévus aux
paragraphes 70(6) et 70(9) de la Loi pour ce qui est de cal-
culer le produit de la disposition réputée avoir eu lieu au
décès d'Alexander Boger;
b) Un jugement déclaratoire interdisant à la défenderesse de
percevoir d'autres impôts parce qu'elle a déjà délivré deux
certificats de décharge prenant effet à la date du décès;
c) Tous les dépens de cette action.
En l'espèce, le transfert libre d'impôt aux enfants
n'est demandé qu'en ce qui concerne les biens qui
leur ont été transmis par testament, tel qu'il a été
modifié par l'ordonnance de la Cour du Banc de la
Reine.
QUESTIONS EN LITIGE
L'objet de cette action est l'interprétation qu'il
convient de donner à la disposition relative au trans-
fert libre d'impôt de biens agricoles que contient le
paragraphe 70(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu et
l'effet des certificats de décharge délivrés par le
ministre en conformité avec le paragraphe 159(2) de
la Loi. Le transfert libre d'impôt à l'épouse, prévu au
paragraphe 70(6), n'est pas en litige. Voici donc les
questions principales et secondaires qu'il faut tran-
cher:
1. Quel est le sens des mots «par dévolution, irrévocablement
acquis par l'enfant» du paragraphe 70(9)? La demande
présentée par l'épouse survivante en application de la
Family Relief Act empêche-t-elle que les biens soient «par
dévolution, irrévocablement acquis par l'enfant»?
2. Quel est le sens des mots «transféré ou transmis lors d'un
partage» du paragraphe 70(9)? L'exécutrice testamentaire,
qui est aussi fiduciaire de l'actif du défunt, doit-elle
accomplir un acte pour transférer ou transmettre les biens
agricoles à l'enfant du défunt qui est bénéficiaire en vertu
du testament? Le transfert libre d'impôt est-il possible
quand l'exécutrice testamentaire, qui est aussi fiduciaire,
vend par la suite les biens agricoles directement à un tiers
acquéreur?
3. Le ministre est-il empêché d'affirmer que le défunt, l'exé-
cutrice testamentaire, qui est aussi fiduciaire, ou les béné-
ficiaires sont redevables des impôts une fois qu'un certifi-
cat de décharge a été délivré?
DISPOSITIONS DE LA LOI
Les dispositions pertinentes de la Loi de l'impôt
sur le revenu sont le paragraphe 70(9) relatif aux
transferts libres d'impôt de biens agricoles et les
paragraphes 159(2) et (3) portant sur les certificats de
décharge:
70. ...
(9) Lorsqu'un fonds de terre d'un contribuable qui est situé
au Canada ou un bien amortissable d'une catégorie prescrite
d'un contribuable qui est situé au Canada, et auquel les alinéas
(5)a) et c) ou les alinéas (5)b) et d), selon le cas, s'applique-
raient par ailleurs, était utilisé, immédiatement avant le décès
du contribuable, par ce dernier, son conjoint ou l'un de ses
enfants dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise agricole
et que le bien a, au moment du décès du contribuable ou posté-
rieurement, et par suite de ce décès, été transféré ou transmis
lors d'un partage à un enfant du contribuable qui résidait au
Canada immédiatement avant le décès du contribuable et qu'il
peut être établi, dans les 15 mois qui suivent le décès du contri-
buable ou dans le délai plus long qui est raisonnable dans les
circonstances, que ce bien a été, par dévolution, irrévocable-
ment acquis par l'enfant au plus tard dans les 15 mois suivant
le décès du contribuable, les règles suivantes s'appliquent: ...
159. ...
(2) Avant de procéder à la répartition de tous biens placés
sous son contrôle, tout mandataire, liquidateur, administrateur,
exécuteur testamentaire ou autre personne semblable, à l'ex-
clusion d'un syndic de faillite, doit obtenir du Ministre un cer-
tificat attestant que les impôts, intérêts ou pénalités qui ont été
fixés en vertu de la présente loi et qui sont imputables ou
payables sur les biens, ont été acquittés ou que la garantie rela
tive à leur acquittement a, conformément aux dispositions du
paragraphe 220(4), été acceptée par le Ministre.
(3) Toute répartition de biens faite sans le certificat requis
par le paragraphe (2) rend la personne tenue d'obtenir ce certi-
ficat personnellement responsable des impôts, intérêts et péna-
lités non payés.
Les autres dispositions pertinentes de la loi sont,
notamment, les paragraphes 5(1), 5(4), 11(l), 17(1) et
18(1) de la Family Relief Act, R.S.A. 1980, chap. F-2
et les articles 3, 9 et 10 de la Devolution of Real Pro
perty Act, R.S.A. 1980, chap. D-34, modifiées:
Family Relief Act
[TRADUCTION] 5(1) Dans l'ordonnance prévoyant des disposi
tions pour l'entretien d'une personne à charge, le juge peut
fixer les conditions et les restrictions qu'il estime convenables.
(4) S'il ordonne le transfert ou la cession de biens, le juge peut
prendre les dispositions suivantes:
a) donner toutes les instructions nécessaires pour l'exécution
du transfert ou de la cession par l'exécuteur testamentaire ou
l'administrateur ou par les autres personnes qu'il désigne;
b) prononcer une ordonnance assignant les biens.
11(1) Lorsqu'une ordonnance est rendue en application de la
présente loi, l'ordonnance prend effet à compter du décès du
défunt et le testament, le cas échéant, prend effet à compter de
cette date, comme s'il avait été fait, compte tenu des modifica
tions nécessaires, dans le but de donner effet à l'ordonnance.
17(1) Avant l'expiration d'un délai de six mois suivant la date
à laquelle les lettres d'homologation du testament ou les lettres
d'administration auront été accordées, l'exécuteur testamen-
taire, l'administrateur ou le fiduciaire ne doit pas assigner une
part de la succession à un bénéficiaire sans l'assentiment de
toutes les personnes à charge du défunt, ou sans l'autorisation
contenue dans une ordonnance d'un juge rendue sur demande
sommaire.
18(1) Si l'avis de la présentation d'une demande est donné à
l'exécuteur testamentaire, à l'administrateur ou au fiduciaire,
la succession est assujettie à toute ordonnance qui peut être
rendue et l'exécuteur testamentaire, l'administrateur ou le fidu-
ciaire ne doit pas faire la distribution de l'actif, sauf en confor-
mité avec l'ordonnance.
Devolution of Real Property Act
[TRADUCTION] 3 Sous réserve des pouvoirs, droits, devoirs et
obligations mentionnés dans la présente Loi, le représentant
personnel du défunt détient les biens réels en qualité de fidu-
ciaire des personnes qui disposent d'un droit bénéficiaire sur
lesdits biens et ces personnes ont le même droit de demander le
transfert des biens réels que celui que possèdent les personnes
ayant un droit bénéficiaire sur des biens personnels de deman-
der le transfert de ces derniers.
9 Le représentant personnel peut vendre les biens réels afin
non seulement de payer les dettes, mais aussi de distribuer l'ac-
tif aux personnes qui disposent d'un droit bénéficiaire sur
celui-ci, peu importe qu'il y ait ou non des dettes, et il n'est
pas nécessaire que les personnes qui disposent d'un droit béné-
ficiaire consentent à cette vente, excepté si elle est effectuée
dans le seul but de distribuer l'actif.
10(1) Sous réserve de la présente Loi, aucune vente de biens
réels faite dans le seul but de distribuer l'actif n'est opposable
aux personnes qui disposent d'un droit bénéficiaire, sauf si
elles y consentent.
Le paragraphe 70(9) est l'une des dispositions rela
tives au transfert libre d'impôt que contient la Loi de
l'impôt sur le revenu. C'est une exception au para-
graphe 70(5) selon lequel le contribuable est réputé
avoir disposé d'un bien-fonds immédiatement avant
son décès et avoir réalisé tous les gains ou pertes en
capital. Le transfert libre d'impôt accorde un allége-
ment fiscal aux membres survivants d'une famille en
reportant les répercussions fiscales de la réalisation
présumée jusqu'à ce que le bénéficiaire dispose des
biens. Le paragraphe 70(9) permet donc le transfert
libre d'impôt des terres agricoles ou des biens amor-
tissables utilisés dans le cadre de l'exploitation d'une
entreprise agricole s'ils sont «transférés ou transmis
lors d'un partage» à l'enfant, au moment du décès du
défunt ou postérieurement, et par suite de ce décès, et
qu'il puisse être établi, dans les 15 mois qui suivent
le décès du défunt [ou dans le délai plus long qui est
raisonnable], qu'ils ont été «par dévolution, irrévoca-
blement acquis» par l'enfant au plus tard dans les 15
mois suivant le décès.
Première question: Les biens ont-ils été, par dévolu-
tion, irrévocablement acquis par
les enfants? Quel est le sens des
mots «par dévolution, irrévoca-
blement acquis par l'enfant» du
paragraphe 70(9)? La demande
présentée par l'épouse survivante
en application de la Family Relief
Act empêche-t-elle que les biens
soient «par dévolution, irrévoca-
blement acquis par l'enfant»?
À l'appui de leur thèse respective, les parties se
sont toutes deux référées à la décision de la Cour
d'appel fédérale Hillis c. R., [1983] 6 W.W.R. 577.
Dans l'arrêt Hillis, la Cour devait interpréter le para-
graphe 70(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la
disposition relative au transfert libre d'impôt à
l'épouse, et se prononcer sur l'effet d'une ordon-
nance rendue en vertu de la Dependants' Relief Act
de la Saskatchewan, R.S.S. 1978, chap. D-25, aug-
mentant la part de la veuve dans la succession du
défunt. Les mots clefs du paragraphe 70(6) sont sem-
blables à ceux du paragraphe 70(9); il y a donc lieu
d'étudier en détail l'arrêt Hillis. Les trois juges for-
mant la Cour d'appel ont toutefois adopté des points
de vue très divergents sur la question soumise et ont
donné des motifs tout à fait distincts. Par voie de con-
séquence, quoique l'arrêt Hillis soit très pertinent, les
solutions préconisées par la Cour d'appel sont un peu
ambiguës.
Dans l'arrêt Hillis, le contribuable était décédé
intestat en Saskatchewan. Selon la loi provinciale sur
les successions, sa veuve et ses deux fils ont acquis
des droits sur la succession. Longtemps après l'expi-
ration du délai de 15 mois fixé au paragraphe 70(6),
le fils du contribuable a signé un acte de renonciation
A la succession et la veuve a obtenu une ordonnance
en vertu de la Dependants' Relief Act lui attribuant
tout l'actif. Conformément à l'article 14 de cette Loi,
l'ordonnance était présumée rétroactive à la date du
décès du contribuable. Les administrateurs ont pro-
duit la déclaration de revenus définitive et demandé
le transfert libre d'impôt à l'épouse en application du
paragraphe 70(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu à
l'égard de tout l'actif. Le ministre a établi une nou-
velle cotisation en considérant qu'aucune partie de
l'actif n'était l'objet du transfert libre d'impôt.
Le juge suppléant Clement et le juge Pratte, J.C.A.,
ont décidé que la loi provinciale n'avait pas d'effet
quant à l'impôt fédéral. Par conséquent, l'article 14
de la Dependants' Relief Act ne pouvait pas changer
le fait que le délai de 15 mois était expiré et que les
biens n'avaient pas été acquis dans le délai fixé au
paragraphe 70(6) de la Loi de l'impôt sur le revenu. A
la page 598, le juge suppléant Clement fait observer:
Lorsqu'une ordonnance d'exonération est rendue, elle a pour
effet d'influer sur les perspectives ou sur la dévolution décou-
lant d'une disposition testamentaire ... Ce texte [article 14]
ne peut d'aucune façon introduire un testament présumé dans
une autre loi ni agir dans un but différent.
Il a conclu que la loi sur les successions entraînait
néanmoins une dévolution irrévocable à la veuve
d'une somme de 10 000 $ et d'un tiers du reliquat et
il a permis le transfert libre d'impôt à l'égard de cette
somme. Il a fait le raisonnement suivant, aux pages
596 à 598:
Sous réserve de ce que j'aurai à dire plus tard, la question de
la dévolution irrévocable doit être réglée par une loi provin-
ciale. La Intestate Succession Act est nécessairement le point
du départ ... A mon avis, les dispositions prennent effet au
décès de l'intestat et entraînent une dévolution irrévocable des
droits prescrits en faveur du bénéficiaire. Les administrateurs
doivent donner effet à cette dévolution, bien que sous réserve
de la disposition, par le bénéficiaire, des droits dévolus. Dans
cette optique, la dévolution des droits ne dépend pas d'une
ordonnance de la Cour accordant l'administration de la succes
sion de l'intestat: elle se produit en vertu d'une disposition
légale impérative entrant en vigueur au moment du décès de
l'intestat.
En outre, on peut relever qu'il n'était pas certain que, dans
le délai de 15 mois prescrit, une partie de la succession, au-delà
de celle qui avait déjà été dévolue à la veuve par la Intestate
Succession Act, serait assujettie à une ordonnance d'exonéra-
tion, pas plus qu'on ne savait quelles seraient les conditions
que la Cour pourrait imposer. [Non souligné dans le texte ori
ginal.]
À la page 599, il a reconnu que la renonciation du fils
et l'ordonnance avaient «pour effet un accroissement
du droit du conjoint dans la valeur nette de la succes
sion qui pouvait exister à l'époque», mais il a décidé
qu'ils s'étaient produits «à un moment où son droit à
une exonération fiscale s'était déjà cristallisé en vertu
des dispositions de la Intestate Succession Act». Il a
donc conclu que l'accroissement n'avait pas été, par
dévolution, irrévocablement acquis par le conjoint
dans le délai prescrit de 15 mois.
Le juge Pratte, J.C.A., a rejeté l'appel. Il a dit lui
aussi que le droit aux deux tiers du reliquat accordé
par l'ordonnance n'avait pas été, par dévolution, irré-
vocablement acquis dans le délai, mais il a ajouté
qu'aucune partie de la succession ne pouvait être
transférée libre d'impôt. Selon son raisonnement,
comme l'administration de la succession n'avait pas
été achevée avant l'expiration du délai, la veuve
n'avait aucun droit particulier à un des biens, mais
seulement le droit de recevoir des sommes d'argent.
A son avis [à la page 584], «les droits de madame
Hillis en vertu de la Intestate Succession Act por-
taient uniquement sur une somme d'argent et sur une
part du reliquat de la succession». Il a examiné la
question [à la page 583]: «Quand est-ce que les biens
ont été, par dévolution, irrévocablement acquis par
madame Hillis?», puis a fait remarquer, à la page
583:
À mon avis, lorsque les renonciations ont été signées et que
l'ordonnance a été rendue, étant donné que les effets des unes
et de l'autre, en dépit de leur rétroactivité, n'existaient pas tant
que les renonciations n'avaient pas été signées et que l'ordon-
nance de la Cour n'avait pas été rendue. Ce n'est que lorsque
cela a été fait que madame Hillis a eu droit à la totalité de la
succession de son mari, avec effet rétroactif à la date du décès
de ce dernier. Par conséquent, si, comme le prétendent les
appelants, les renonciations et l'ordonnance de la Cour avaient
eu pour effet de transmettre les biens à madame Hillis, cet effet
ne n'est pas produit dans les 15 mois qui ont suivi le décès de
M. Hillis.
En revanche, le juge Heald, J.C.A., a été d'avis
qu'il ressortait clairement du libellé du paragraphe
70(6) que, à la page 587 «le législateur envisageait
que la loi des provinces concernant la disposition de
biens lors du décès ou postérieurement, étant une
matière relative aux biens et aux droits civils, s'appli-
querait de manière à contrôler l'application du para-
graphe 70(6)». Il a donc décidé que l'ordonnance ren-
due en vertu de l'article 14 de la Dependants' Relief
Act avait pris effet à la date du décès et, à compter de
cette date, [à la page 588] «transmis la totalité de la
succession du contribuable décédé à la veuve, trans
mission qui est réputée avoir pris effet à partir du
décès de ce contribuable». Il avait été établi que le
droit du conjoint avait été acquis dans un délai rai-
sonnable et, par conséquent, toute la succession fai-
sait l'objet d'un transfert libre d'impôt.
Ainsi, dans l'arrêt Hillis, la Cour a permis, en con-
formité avec le paragraphe 70(6) de la Loi, en ce qui
concerne la succession du contribuable décédé, le
transfert libre d'impôt à l'épouse d'une somme de
10 000 $ et d'un tiers du reliquat qui lui avait été
transmis en application de la loi sur les successions.
Toutefois, le transfert libre d'impôt des autres biens
attribués à l'épouse conformément à la loi sur le
secours aux personnes à charge n'a pas été autorisé.
Il convient de noter qu'en vertu du paragraphe 9(2)
de la Dependants' Relief Act de la Saskatchewan,
aucune ordonnance en vertu de cette Loi ne pouvait
accorder à l'épouse du testateur une allocation infé-
rieure à ce que la loi sur les successions lui aurait
attribué.
Arguments — Première question
La demanderesse soutient que les biens avaient été,
«par dévolution, irrévocablement acquis» par les
enfants, en dépit de la demande de l'épouse en appli
cation de la Family Relief Act. Puisque l'«acquisition
par dévolution» est une notion relevant de l'equity, il
faut appliquer les principes de l' equity pour en déter-
miner le sens. Par conséquent, la demanderesse
affirme qu'un droit est «irrévocablement acquis, par
dévolution» si la donation ne dépend pas d'une con
dition suspensive ou d'une condition résolutoire ou
d'un événement futur. Le pouvoir qu'accorde la
Family Relief Act de redistribuer les droits bénéfi-
ciaires n'est pas pertinent par rapport à la notion
d'«acquisition irrévocable par dévolution» car, sui-
vant les règles de la common law en matière immobi-
lière, un droit acquis par dévolution ne peut être révo-
cable que si une condition résolutoire est contenue
dans l'acte créant ce droit. La demanderesse soutient
que dans le cas contraire, l'existence même d'une loi
sur le secours aux personnes à charge ou de tout autre
pouvoir attribué par la loi de redistribuer les droits
bénéficiaires (telles les lois sur l'expropriation et sur
la taxation municipale qui prévoient la confiscation
de biens en cas de défaut de payer les impôts fonciers
municipaux) révoquerait le droit acquis par dévolu-
tion, qu'une demande soit présentée ou non. Par con-
séquent, aucun transfert libre d'impôt ne serait jamais
possible pour un contribuable décédé.
La demanderesse affirme que le fait que, dans l'ar-
rêt Hillis, le droit de la veuve en vertu de la loi pro-
vinciale sur les successions ne pouvait pas être réduit
par l'application d'une ordonnance rendue sous le
régime de la loi sur le secours aux personnes à
charge, n'était pas un facteur déterminant en fonction
duquel la Cour a décidé que ce droit avait été, par
dévolution, irrévocablement acquis. La Dependants'
Relief Act de la Saskatchewan est une loi extraordi-
naire en ce sens que les lois correspondantes des
autres provinces ne contiennent pas de disposition
semblable selon laquelle la part de la veuve est irré-
ductible. Par conséquent, si l'irréductibilité était le
critère selon lequel est déterminée l'irrévocabilité,
alors les transferts libres d'impôt prévus dans la Loi
de l'impôt sur le revenu ne seraient possibles que
pour les veuves de la Saskatchewan. De la même
façon, parce que les lois provinciales sur le secours
aux personnes à charge n'attribuent pas une part irré-
ductible aux enfants, aucun transfert libre d'impôt
aux enfants ne serait possible.
Toutefois, si la loi sur le secours aux personnes à
charge est réputée avoir le même effet qu'une condi
tion résolutoire, la demanderesse soutient que les
enfants ont droit au transfert libre d'impôt des biens
qu'ils ont effectivement reçus et que ne visait pas
l'ordonnance. Parce que seule une demande accordée
conformément à la Family Relief Act peut avoir pour
effet de priver les bénéficiaires de leurs droits en
vertu du testament initial, l'ordonnance n'a aucun
effet à l'égard du reste des biens transmis aux
enfants. Par conséquent, le transfert libre d'impôt
s'applique aux biens non visés par l'ordonnance car
ils ont toujours été dévolus aux enfants et le restent
même après l'ordonnance. De l'avis de la demande-
resse, si, comme dans l'arrêt Hillis, la veuve n'avait
pas, par dévolution, acquis les autres biens avant la
date à laquelle l'ordonnance a été rendue, il s'ensuit
que les enfants n'ont pas été privés de leurs droits sur
ceux-ci avant cette même date.
La défenderesse soutient que, même si les biens
avaient été, par dévolution, acquis par les bénéfi-
ciaires dès le décès du contribuable, ils ne pouvaient
pas être, «par dévolution, irrévocablement acquis»
tant que la demande n'avait pas été réglée et l'ordon-
nance rendue conformément à la Family Relief Act de
l'Alberta, dans les délais fixés au paragraphe 70(9).
Quoique les enfants aient acquis des droits sur le reli-
quat en vertu du testament, la nature exacte de ces
droits n'a été déterminée qu'après que la Cour eut
rendu son ordonnance. La Family Relief Act permet à
une personne à charge de présenter une demande
dans les six mois suivant l'homologation du testa
ment et prévoit que, sur avis de la demande à l'exécu-
teur testamentaire, la distribution de l'actif ne doit
pas être faite, sauf en conformité avec cette Loi. En
application de l'article 5, le tribunal est habilité à des-
saisir un bénéficiaire du titre de propriété légué par
testament. Par conséquent, la défenderesse affirme
qu'en Alberta, les biens ne peuvent être, par dévolu-
tion, irrévocablement acquis par un bénéficiaire que,
soit à l'expiration du délai de six mois, si aucune
demande n'a été présentée, soit par l'effet de l'ordon-
nance du tribunal. Jusqu'à ce moment-là, les enfants
n'ont pas de droit particulier ou déterminé sur les
biens.
La défenderesse affirme que cette interprétation du
paragraphe 70(9) est compatible avec l'objectif de
l'État d'aider les enfants qui veulent s'établir sur la
ferme et continuer d'utiliser les biens amortissables à
des fins agricoles. Au surplus, l'exigence que les
biens aient été «transférés ou transmis lors d'un par-
tage» met à l'épreuve le caractère sérieux de leur
engagement à continuer l'exploitation de la ferme. La
défenderesse reconnaît que le délai de 15 mois
impose aux parties l'obligation de s'assurer que les
questions fiscales seront réglées dans un délai raison-
nable. Selon son argument, en cas de demande de
secours à la famille, les parties doivent prendre les
mesures qui s'imposent car la demande peut les pri-
ver de la possibilité de se prévaloir de l'exonération
d'impôt prévue au paragraphe 70(9).
La défenderesse soutient que, dans l'affaire Hillis,
le fait que la part de la veuve, soit un tiers du reliquat,
n'était «aucunement en danger» a été un facteur cru
cial qui a amené le juge Clement à conclure que cette
part avait été, par dévolution, irrévocablement
acquise. De l'avis de la défenderesse, les décisions
combinées du juge suppléant Clement et du juge
Pratte, J.C.A., indiquent que, si un doute ou une
incertitude subsiste à l'expiration du délai fixé au
paragraphe 70(9), une disposition présumée s'ap-
plique en conformité avec le paragraphe 70(5). En
l'espèce, parce qu'il n'y avait aucune certitude à
quelque moment que ce soit au cours de la période de
15 mois quant à la question de savoir qui aurait en
définitive droit à une parcelle déterminée, la défende-
resse soutient qu'aucun droit sur les biens n'avait été,
par dévolution, irrévocablement acquis.
Analyse — Première question
Il est utile d'examiner les définitions que donnent
les dictionnaires des termes en cause:
[TRADUCTION] Droit dévolu. Droit ou titre actuel sur une chose
qui comporte le droit d'aliéner, encore que le droit à la pos
session ou à la jouissance soit différé à une date incertaine
dans l'avenir, par opposition à un droit futur, qui peut ne
jamais se concrétiser ni être consacré dans un titre, et le
temps durant lequel la possession future ou le droit à la
jouissance peut être différé importe peu, si le droit d'aliéner
et de transmettre le titre existe déjà. [ ... J Ce n'est pas l'in-
certitude de la jouissance dans l'avenir, mais l'incertitude du
droit de jouir, qui fait la différence entre un droit «dévolu»
et un droit «éventuel».
Révocable. Susceptible d'être annulé ou résilié si un événe-
ment futur se produit ou si une condition résolutoire se réa-
lise, notamment en cas de dévolution d'héritage. S'entend
d'ordinaire des biens et des droits réels. Par exemple, le
droit du créancier hypothécaire est révocable (susceptible
d'être annulé) par le droit de rachat du débiteur hypothé-
caire.
Titre révocable. Titre susceptible d'être annulé, autre qu'un
titre déjà nul ou radicalement nul.
Irrévocable. Qui ne peut pas être annulé. Ce terme vise d'or-
dinaire les droits réels ou autres qui ne peuvent pas être
révoqués.
Black's Law Dictionary, 5th Ed.
[TRADUCTION] Irrévocable. Ne pouvant être annulé.
Jowitt's Dictionary of English Law
[TRADUCTION] Irrévocable ... Non révocable; non suscepti
ble d'être annulé ou résilié, qui ne peut pas être perdu.
Shorter Oxford English Dictionary, 3rd Edition
Dans son ouvrage The Canadian Law of Wills, vol. 2,
(Toronto: Butterworths, 1987), Thomas G. Feeney
étudie la signification du mot «dévolution», à la page
258:
[TRADUCTION] Le mot «dévolution» s'entend aussi, soit de la
donation de droits de jouissance immédiate, ou payables ou
transférables, dans le cas du legs de sommes en espèces ou de
la donation de biens personnels, soit du droit à la possession
acquis par le légataire, dans le cas de bien-fonds. C'est le sens
du mot «dévolution» quand une donation est purement et sim-
plement exécutée au décès du testateur et n'est aucunement
différée ... En outre, une donation emporte la jouissance
immédiate quand elle n'est plus susceptible d'être différée con-
formément à la loi.
La question de savoir si les biens avaient été
«dévolus irrévocablement» au conjoint, au sens du
paragraphe 7(1) de la Loi de l'impôt sur les biens
transmis par décès, S.C. 1958, chap. 29, a été exami
née dans l'arrêt La succession Dontigny c. La Reine,
[1974] 1 C.F. 418 (C.A.). Dans cette affaire-là, le tes
tament du défunt disposait que la veuve était légataire
universelle sous réserve de l'obligation, si elle se
remariait, de remettre tous les biens-fonds à ses
enfants ou à ses petits-enfants vivant à ce moment-là.
Le juge en chef Jackett a décidé, au nom de la Cour,
à la page 421, que les biens n'avaient pas été «dévo-
lus irrévocablement» à la veuve, étant donné cette
condition:
[ ...1 la question de savoir si le testateur a créé une «substitu-
tion», au sens du Code civil de la province de Québec, en
léguant ses immeubles à sa veuve sous réserve de l'obligation
de les remettre, si elle se remarie, aux enfants ou aux petits-
enfants vivant au moment du second mariage. Indépendam-
ment de cette question, il est constant que, aux termes du testa
ment, la propriété des biens n'était pas dévolue purement et
simplement à la veuve, mais devait, au cas de son remariage,
passer aux enfants, ou aux petits-enfants. À mon sens, un tel
testament n'attribue pas «irrévocablement» les biens à la
veuve. Une libéralité qui est susceptible d'être annulée ou rési-
liée lors d'un événement tel qu'un remariage, est révocable et,
par conséquent, ne relève pas de la partie principale de l'article
7(1)a). [Non souligné dans le texte original.]
Dans Lucky, M c MRN, [1972] CTC 2412 (C.R.I.),
Maurice Boisvert, c.r., se réfère à la définition du mot
«révocable» donnée dans le Osborn's Concise Law
Dictionary — [TRADUCTION] «droit réel susceptible
d'être résilié ou annulé par l'effet d'une condition
résolutoire, notamment en cas de dévolution d'héri-
tage». Il fait observer, à la page 2415, que [TRADUC-
TION] «le testament n'avait pas pour effet de rendre
irrévocable la dévolution des biens» et il a conclu que
[TRADUCTION] «dès l'homologation du testament, l'ap-
pelante avait acquis un titre absolu sur les biens».
Pour terminer, dans Succession Greenwood c. La
Reine (1990), 90 DTC 6690 (C.F. 1 r inst.), Madame
le juge Reed a dit [à la page 6691] que, «pour qu'un
bien soit irrévocablement dévolu, il faut que le béné-
ficiaire ait le droit de décider s'il le gardera ou s'il
l'aliénera.» Dans cette affaire-là, la succession du
contribuable décédé avait été l'objet d'une conven
tion de vente qu'il avait signée avant son décès et les
biens visés par la convention n'ont pas été tenus pour
irrévocablement dévolus à la fiducie en faveur du
conjoint constituée en vertu du testament.
Je ne conviens pas avec l'avocat de la défenderesse
que les notions et la terminologie du droit des succes
sions et des biens immobiliers n'aident pas à interpré-
ter la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est le langage
associé à ces domaines qui a été employé et toute
interprétation doit tenir compte du sens donné à ces
termes. En droit des biens immobiliers, une distinc
tion a été établie entre les droits «dévolus» et les
droits «éventuels». Un «droit dévolu» peut être un
droit «acquis de jouissance immédiate» si le bénéfi-
ciaire a le droit actuel de jouissance, ou un droit
«acquis de jouissance future» si le droit de jouissance
est différé, encore qu'un droit existant ait été acquis
par le propriétaire. Deux conditions doivent être rem-
plies pour qu'un droit soit dévolu: (i) la personne qui
y a droit doit être déterminée; (ii) elle doit être prête à
en prendre possession immédiatement et n'en être
empêchée que par l'existence d'un droit antérieur:
Megarry and Wade, The Law of Real Property (Lon-
don: Stevens & Sons Limited, 1984), aux pages 231
et 232. En revanche, un «droit éventuel» est un droit
qui n'attribue pas de droit de jouissance avant qu'un
événement futur ne se réalise, c'est-à-dire l'accom-
plissement d'une condition suspensive.
Un droit dévolu est susceptible d'être résilié ou
«révocable» s'il est l'objet d'une condition résolu-
toire, notamment en cas de dévolution d'héritage.
L'on peut s'appuyer sur nombre d'autorités pour sou-
tenir que la condition doit être contenue dans l'acte
de concession. Par exemple, Oosterhoff & Rayner,
dans Anger and Honsberger: The Law of Real Prop
erty, 2e éd.: Canada Law Book, 1985, la page 125,
affirment que [TRADUCTION] «une condition résolu-
toire est créée par l'insertion d'une condition dans un
acte de concession qui peut mettre fin au droit à la
demande du concédant» [soulignements ajoutés]. Il
semble donc qu'un droit est dévolu «irrévocable-
ment» s'il n'est pas l'objet d'une condition résolu-
toire, notamment en cas de dévolution d'héritage,
énoncée dans l'acte de concession.
En l'espèce, le droit sur les biens a incontestable-
ment été dévolu: il n'y a aucune condition suspensive
qui doit se réaliser avant que la libéralité prenne effet;
les enfants, soit les ayants droit, sont déterminés; ils
sont prêts à en prendre possession immédiatement,
puisqu'il n'y a aucun autre droit antérieur existant. Le
droit dévolu aux enfants n'est pas non plus révocable
car il n'est pas l'objet d'une condition résolutoire
contenue dans le testament. De toute évidence, le
contribuable n'a pas limité de quelque autre manière
le droit des enfants de conserver, d'aliéner ou de ven-
dre les biens, comme ils l'ont fait en l'occurrence. Le
droit est donc, «par dévolution, irrévocablement
acquis» au sens de ces termes tels que définis. Cette
conclusion est conforme à la décision du juge sup
pléant Clement dans Hillis, selon laquelle les disposi
tions de la Intestate Succession Act prennent effet au
décès de l'intestat et entraînent une dévolution irrévo-
cable des droits prévus en faveur du bénéficiaire.
Toutefois, une autre question gênante demeure.
Dans l'arrêt Hillis, le juge suppléant Clement a fait
remarquer, à la page 597, que le droit de la veuve en
vertu de la Intestate Succession Act était irréductible
étant donné le paragraphe 9(2) de la Dependants'
Relief Act:
Le par. 9(2) prescrit, en termes impératifs, qu'aucune alloca
tion pour entretien accordée 'a un conjoint ne doit être infé-
rieure ce que ce dernier aurait reçu dans une succession ab
intestat. Cela, à mon avis, exprime la politique gouvernemen-
tale en Saskatchewan quant aux droits minimums que possède
un conjoint dans la succession de son conjoint décédé — sous
réserve, évidemment, de restrictions qui ne sont pas appli-
cables en l'espèce. Aucune ordonnance prise en vertu de la
susdite loi ne peut porter préjudice à la dévolution des biens
prévue par la Intestate Succession Act.
Les observations antérieures du juge Clement, aux
pages 596 et 597, étayent cependant le point de vue
de la demanderesse, qui affirme qu'en dépit du fait
que les droits des enfants aient été, de fait, réduits par
l'ordonnance, ils avaient néanmoins été, par dévolu-
tion, irrévocablement acquis, du moins dans la
mesure où ils n'étaient pas visés par l'ordonnance:
L'article 4 [de la Intestate Succession Act] [mod. 1978
(Suppl.), chap. 34, art. 3] donne droit au conjoint, en termes
impératifs, à 10 000 $ et en garantit le paiement par un privi-
lège sur la succession. Il prévoit, en outre, et toujours en
termes impératifs, qu'un tiers du reliquat doit lui être attribué.
Il faut en déduire nécessairement que les deux autres tiers du
reliquat sont attribués aux enfants de la même manière. En soi,
ces dispositions ne permettent aucune équivoque ni ne pré-
voient une renonciation ultérieure ab initio: il n'est pas dou-
teux que le bénéficiaire peut ensuite disposer de son droit mais
non pas par révocation de celui que la loi lui a octroyé. À mon
avis, les dispositions prennent effet au décès de l'intestat et
entraînent une dévolution irrévocable des droits prescrits en
faveur du bénéficiaire. Les administrateurs doivent donner
effet à cette dévolution, bien que sous réserve de la disposition,
par le bénéficiaire, des droits dévolus. Dans cette optique, la
dévolution des droits ne dépend pas d'une ordonnance, de la
Cour accordant l'administration de la succession de l'intestat:
elle se produit en vertu d'une disposition légale impérative
entrant en vigueur au moment du décès de l'intestat. [Non sou-
ligné dans le texte original.]
En l'espèce, les droits réels des enfants en vertu du
testament, modifié par l'ordonnance, avaient été, par
dévolution, irrévocablement acquis en conformité
avec le paragraphe 70(9). Naturellement, une
demande sous le régime de la loi sur le secours aux
personnes à charge peut entraîner le transfert des
droits au détriment des enfants. Pourtant, si, comme
l'ont décidé le juge suppléant Clement et le juge
Pratte, J.C.A., dans Hillis, d'autres biens reçus en
vertu d'une ordonnance sous le régime de la loi sur le
secours aux personnes à charge ne sont pas dévolus
avant la date effective de l'ordonnance, il s'ensuit
qu'en l'espèce, les enfants ne sont pas non plus
dépossédés de leurs droits sur ceux-ci avant cette
date. Par conséquent, le droit attribué aux enfants par
le testament qui n'est pas visé par l'ordonnance doit
certainement être tenu pour acquis irrévocablement,
par dévolution, par les enfants.
J'estime que la position du ministre serait contra-
dictoire s'il refusait le transfert libre d'impôt, prévu
au paragraphe 70(6), dans le cas des biens supplé-
mentaires attribués à l'épouse, comme dans l'arrêt
Hillis, et s'il refusait aussi le transfert libre d'impôt
prévu au paragraphe 70(9) quant aux biens transmis
aux enfants par le testament, tels que réduits par l'or-
donnance en l'espèce.
Ce résultat concorde avec ce que je crois être l'ob-
jet du paragraphe 70(9) et les observations du juge
Heald, J.C.A., dans l'arrêt Hillis, à la page 589, sem-
blent appuyer ce point de vue:
Ces deux alinéas [70(5)] prévoient, en définitive, qu'un gain
en capital est réputé avoir été réalisé lors du décès du contri-
buable lorsque la juste valeur marchande d'un bien à la date de
ce décès dépasse le prix de base rajusté de ce bien. C'est là,
évidemment, une disposition onéreuse et, dans de nombreux
cas, ce concept théorique de gain en capital cause indûment un
énorme préjudice aux bénéficiaires d'une succession, en parti-
culier une succession composée en grande partie de biens
immobiliers comprenant peu de biens liquides permettant de
régler l'impôt sur le revenu devenu exigible à cause du gain
théorique en capital ... Si l'on restreignait le bénéfice du rou-
lement prévu au paragraphe 70(6) aux veuves qui ont pu obte-
nir une ordonnance de la Cour dans les 15 mois de la date du
décès du contribuable, cela aurait pour effet de soumettre
toutes les veuves à un certain nombre d'éventualités indépen-
dantes de leur volonté ... j'estime qu'un nombre important de
conjoints de contribuables décédés seraient privés de l'exemp-
tion prévue au paragraphe 70(6) si l'on admettait l'interpréta-
tion avancée par l'intimée.
Les délais fixés au paragraphe 70(9), de toute
façon, ne posent pas de problème en l'occurrence car
je suis disposé à donner une certaine latitude au con-
tribuable puisque rien n'indique que les parties
n'aient pas agi expéditivement dans cette affaire.
Deuxième question: Les terres agricoles et les biens
amortissables qui restent (les
«biens») ont-ils, au moment du
décès du contribuable ou posté-
rieurement, et par suite de ce
décès, été «transférés ou trans-
mis lors d'un partage» aux
enfants du contribuable?
Arguments
La demanderesse soutient qu'en vertu du testa
ment, dont les dispositions sont valables à compter du
moment précédant le décès, un droit bénéficiaire
dévolu sur le reste des terres agricoles et des biens
amortissables (les «biens») a effectivement été
«transféré ("transferred") ou transmis lors d'un par-
tage ("distributed")» aux enfants. Les droits des
enfants sur les biens ont été déterminés immédiate-
ment au moment du décès du contribuable et aucune
autre action n'était nécessaire pour leur attribuer la
propriété pure et simple. Elle affirme que le sens
ordinaire des mots «transférer» et «transmettre lors
d'un partage» est très large et n'exige pas la transmis
sion du titre en common law ou de la possession. Le
paragraphe 70(9) ne comporte pas non plus cette exi-
gence; il dispose que le transfert doit être fait «au
moment du décès du contribuable ou postérieure-
ment, et par suite de ce décès», et la demanderesse
fait remarquer que le mot «biens», dont la définition
large est énoncée au paragraphe 248(1), doit viser les
biens reconnus en equity. L'exécutrice testamentaire
n'a donc pas à prendre de mesure additionnelle pour
«transférer» les biens aux enfants.
La demanderesse soutient que le fait qu'elle déte-
nait le titre en common law sur les biens en qualité de
fiduciaire, en conformité avec l'article 3 de la Devo
lution of Real Property Act, quand ils ont été vendus
à un tiers, ne modifie pas, en l'espèce, le fait que les
biens avaient été transférés aux enfants par suite du
décès du contribuable. Une fois acquittées les dettes
de la succession, les enfants avaient le droit de récla-
mer les biens à tout moment et, à ce moment-là, la
demanderesse devenait la mandataire des enfants. Les
biens ont été vendus par la demanderesse à un tiers
sur les instructions des propriétaires bénéficiaires et
avec leur assentiment. Conformément aux usages en
matière successorale en Alberta, aucun acte de trans
mission en bonne et due forme du titre en common
law n'a été rédigé en faveur des bénéficiaires avant la
cession du titre au tiers acquéreur. Enfin, la demande-
resse affirme que la demande de l'épouse sous le
régime de la Family Relief Act n'empêche pas que les
biens aient été «transférés ou transmis lors d'un par-
tage» aux enfants immédiatement, au moment du
décès du contribuable, pour les fins de l'application
du transfert libre d'impôt prévu au paragraphe 70(9),
quoiqu'une telle demande puisse empêcher un repré-
sentant personnel de céder les biens.
La défenderesse soutient que, parce que les biens
n'ont jamais été transmis en bonne et due forme aux
enfants du contribuable et parce que les biens ont été
vendus par l'exécutrice testamentaire à un tiers, ceux-
ci n'ont pas été «transférés ou transmis lors d'un par-
tage» aux enfants en conformité avec le paragraphe
70(9). Elle affirme que les définitions et l'examen par
les tribunaux des termes «transférés ou transmis lors
d'un partage ("distributed")» supposent une transmis
sion en bonne et due forme. Elle se reporte à l'affaire
Succession Willis c. M.R.N. (1968), 68 DTC 204
(C.A.I.), à la page 210, dans laquelle la Commission
a décidé qu'une ordonnance d'un tribunal obligeant
un exécuteur testamentaire à transférer tous les biens
d'un défunt ne transfère pas, en soi, les biens. L'or-
donnance habilite seulement l'exécuteur testamen-
taire à agir et c'est seulement lorsqu'il exécute l'or-
dre reçu que le transfert s'opère. S'appuyant sur la
décision du juge Rip dans l'affaire Succession Hrycej
(A) c MRN, [1984] CTC 2115 (C.C.I.), la défende-
resse affirme de plus que le fait que les biens ont été
vendus par l'exécutrice testamentaire à un tiers étaye
le point de vue selon lequel les biens n'avaient jamais
été transférés aux enfants. Elle fait observer, en outre,
que le contribuable n'a pas légué de parcelles ni de
matériel en particulier à ses enfants. Le testament dis
pose plutôt qu'ils recevront le «reliquat» de la suc
cession en parts égales. La défenderesse émet donc
l'avis que ce qui devait être transmis aux enfants,
c'est vraisemblablement de l'argent et non des biens
visés par le paragraphe 70(9).
Analyse — Deuxième question
Les parties ont cité les définitions qui suivent des
termes «transférés» («transferred») et «transmis lors
d'un partage» («distributed»):
[TRADUCTION] Transférer, v. tr. Transporter d'un lieu ou d'une
personne à une autre, etc.; faire passer d'une personne à une
autre; spécialement, transmettre la possession ou le contrôle
(par exemple, transférer un titre immobilier). Vendre ou don-
ner. Chappel v. State, 216 Ind. 666, 25 N.E.2d 999, 10001.
Transfert, n.m. Acte des parties ou effet de la loi par lequel un
titre immobilier est transmis d'une personne à une autre.
Vente et tout autre moyen, direct ou indirect, de disposer
d'un bien ou d'un droit sur un bien, ou de s'en défaire, ou
d'en céder la possession, ou de grever d'un privilège un bien
ou un droit sur un bien, absolument ou conditionnellement,
volontairement ou involontairement, par procédure judi-
ciaire ou non, par exemple, cession, vente, paiement, gage,
hypothèque, privilège, charge, donation, garantie ou autre.
C'est un mot dont le sens est général et qui peut désigner la
donation par testament. Hayter v. Fern Lake Fishing Club,
Tex.Civ.App., 318 S.W.2d 912, 915.
Transfert s'entend de tout moyen, direct ou indirect, absolu
ou conditionnel, volontaire ou involontaire, de disposer d'un
bien ou d'un droit sur un bien, ou de s'en défaire, y compris
la rétention du titre comme sûreté.
Black's Law Disctionary, 5th Ed.
Distribution ou Transmission lors d'un partage, («distribu-
tion»). Répartition des biens personnels d'un intestat à sa
famille, ...
Osborn's Concise Law Distionary, 6th Ed.
Transfert ... (transféré ... ). I. Transporter d'un lieu ou
d'une personne à une autre, etc.; transmettre, transporter; faire
passer d'une personne à une autre; 2. Droit. Transporter ou
transmettre (titre, droit ou propriété) par acte ou procédé juri-
dique...
Distribuer ou transmettre lors d'un partage («Distri-
bute»). I. Répartir ou donner des parties ou des parts à plu-
sieurs personnes prises séparément, attribuer ou assigner à cha-
cun sa part; rendre, dispenser (la justice, etc.) ... 3. Répartir
d'une manière particulière, selon un certain ordre. 4. Diviser et
ranger dans des classes ou catégories; classer. 5. Diviser et
répartir dans plusieurs endroits ... 7. Rendre susceptible de
répartition .. .
Shorter Oxford English Dictionary, 3rd Edition
Dans l'arrêt Succession Tory c. Le ministre du
Revenu national, [1973] C.F. 820 (C.A.) (pourvoi du
ministre devant la C.S.C. refusé [1976] CTC 415, 76
DTC 6312), le juge suppléant Bastin a étudié le sens
des mots «cédée ou distribuée aux bénéficiaires»
(«transferred or distributed») employés alors au para-
graphe 64(3) de la Loi. Il a conclu, à la page 823:
Le terme «distribuée» est utilisé pour couvrir les cas où la ces
sion est répartie entre plusieurs bénéficiaires. Le terme
«cédée» a été inséré pour couvrir le cas où la cession ne va
qu'à une seule personne.
La signification du terme «cédée» à ce paragraphe est res-
treinte par son association au mot distribuée. Cette règle est
résumée par l'expression «noscuntur a sociis». Citons un
extrait de l'ouvrage de Maxwell On Interpretation of Statutes,
12e édition, à la page 289:
[TRADUCTION] Où deux ou plusieurs mots pouvant présenter
une analogie sont groupés, noscuntur a sociis, ils sont utili-
sés dans leur sens parent. Ils prennent, pour ainsi dire, une
couleur commune, le sens du plus général étant restreint à
un sens analogue à celui du moins général.
Les observations du juge suppléant Bastin dans
l'arrêt Tory ne laissent cependant pas supposer qu'il
faut un acte de cession en bonne et due forme pour
qu'il y ait «transfert» ou «transmission lors d'un par-
tage» («distribution»). Les définitions que donnent
les dictionnaires sont, à l'évidence, assez larges pour
viser la libéralité faite par testament. Dans l'affaire
Fasken, David v. Minister of National Revenue,
[1948] R.C.É. 580, le président Thorson a décidé, à la
page 592, ce qui suit:
[TRADUCTION] Le mot «cession» [«transfer>] n'est pas un
terme de l'art et n'a pas un sens technique. Il n'est pas néces-
saire qu'un transport de biens par un mari en faveur de son
épouse soit fait sous une forme particulière ni qu'il le soit
directement. Il suffit que le mari agisse de façon à se départir
des biens et les remettre à son épouse, c'est-à-dire transporter
les biens de l'un à l'autre. Les moyens d'arriver à cette fin,
qu'ils soient directs ou non, peuvent être à juste titre appelés
une cession. [Non souligné dans le texte original.]
Il s'est référé à l'affaire Gathercole v. Smith (1880-
81), 17 Ch.D. 1 (C.A.), dans laquelle le lord juge
Lush déclare, à la page 9, que [TRADUCTION] «l'ex-
pression "qui peut être cédé", ... est une expression
d'une très large portée et comprend tous les moyens
par lesquels la propriété peut être transmise d'une
personne à une autre».
En l'espèce, le contribuable a désigné, dans son
testament, la demanderesse comme exécutrice testa-
mentaire et fiduciaire et a légué tous ses biens à la
demanderesse en fiducie au profit de son épouse et de
ses enfants. Par conséquent, le titre sur ses biens a été
transmis, à son décès, à la fiduciaire pour l'aider à
administrer la succession et le droit bénéficiaire a été
transmis aux bénéficiaires. Le contribuable s'est ainsi
départi de la propriété de ses biens. En l'occurrence,
le testament valide fait par le contribuable, transmet-
tant ses biens à son épouse et à ses enfants, est un
«transfert» suffisant pour l'application du paragraphe
70(9). Le fait que le «reliquat» des biens a été légué
aux enfants ne modifie pas, à mon sens, la nature des
biens susceptibles d'être l'objet d'un transfert libre
d'impôt. Le législateur n'avait certainement pas l'in-
tention d'exiger qu'un legs à titre particulier de
chaque partie des terres agricoles et des biens amor-
tissables soit fait pour que puisse s'opérer le «trans-
fert libre d'impôt des biens agricoles», l'objet du
paragraphe 70(9) étant d'accorder une exemption fis-
cale au moment du transfert de ces biens d'une géné-
ration à la suivante.
La défenderesse et la Cour de l'impôt en première
instance, dans l'affaire Succession Boger (A.) c.
M.R.N., [1989] 1 C.T.C. 2110 (C.C.I.), à la page
2117, se fondent sur la décision Hrycej pour étayer
leur point de vue selon lequel, parce que les biens ont
été vendus directement par l'exécutrice testamentaire,
[TRADUCTION] «il n'y a pas eu de transfert ou de trans-
mission, lors d'un partage, du terrain aux enfants du
défunt». Dans l'affaire Hrycej, le contribuable décédé
avait donné par testament à sa fille une option d'achat
de matériel agricole qui, si elle ne la levait pas dans
un délai imparti, s'ajouterait au reliquat de l'actif
légué à la veuve. La fille a levé l'option et la veuve a
reçu le produit de la vente en espèces. La succession
a demandé le transfert libre d'impôt prévu au para-
graphe 70(6) parce que la veuve avait acquis le maté
riel au décès du contribuable, mais le juge Rip,
C.C.I., a pourtant décidé que, parce que le matériel
agricole faisait l'objet d'une option, il n'avait pas été
acquis par la veuve. Certes, le juge Rip a déclaré que
[à la page 2117] [TRADUCTION] «le matériel agricole
n'a jamais été transféré ou transmis à l'épouse», mais
je remarque qu'il n'a pas tiré de conclusion sur la
question précise du transfert ou de la transmission,
car les parties avaient admis que le matériel agricole
[TRADUCTION] «était resté en la possession des exécu-
teurs testamentaires et n'avait pas été transféré ou
transmis lors d'un partage à Mme Hrycej».
Pour terminer, le juge suppléant Clement, dans
l'arrêt Hillis, à la page 596, semble lui aussi avoir
reconnu qu'une cession en bonne et due forme n'est
peut-être pas nécessaire:
En fait, dans les circonstances de l'espèce, l'épouse doit être
capable d'établir, qu'en droit, elle a irrévocablement acquis le
bien dans le délai prescrit de 15 mois. Selon l'ensemble du
contexte, il est clair qu'il n'est pas nécessaire que le transfert
réel du bien en sa faveur ait été exécuté dans ce délai: si elle
rapporte la preuve exigée, en droit, le transfert doit suivre auto-
matiquement. Ce qui doit inévitablement se produire doit être
considéré comme s'étant produit. Cette interprétation permet
une conciliation logique de cette expression avec l'expression
précédente qui parle d'un bien qui a été, lors du décès du con-
tribuable ou postérieurement, transféré ou transmis lors d'un
partage: elle reconnaît dans une certaine mesure les difficultés
et la complexité qui accompagnent parfois une administration
et un partage satisfaisants d'une succession et qu'il faut peut-
être régler, en particulier lorsque l'interprétation et la validité
d'un testament sont contestées, avant qu'on ne puisse procéder
au partage. [Non souligné dans le texte original.]
Je conclus que la vente de la terre à un tiers par la
fiduciaire a été faite sur les instructions et avec l'as-
sentiment des enfants et qu'elle n'agissait pas au nom
du contribuable à ce moment-là mais au nom de ses
enfants, propriétaires du bien-fonds. Je ferai remar-
quer qu'à la suite de l'ordonnance, le titre sur le ter
rain bâti a été transféré à l'épouse le 8 janvier 1982.
Vraisemblablement, le titre sur le reste des terres
agricoles aurait pu aussi être transféré aux bénéfi-
ciaires quand il a été vendu en août 1982 et j'accepte
l'explication de la demanderesse selon laquelle ce
titre n'a pas été transmis aux enfants en conformité
avec les «usages en matière successorale en Alberta».
J'admets donc que les termes «transférer ou transmet-
tre lors d'un partage» englobent la transmission des
biens en vertu d'un testament et je suis convaincu que
les biens ont été «transférés» aux enfants du contri-
buable au sens du paragraphe 70(9).
En dernier lieu, je n'accepte pas l'argument de la
défenderesse selon lequel le fait que les biens ont été
vendus dans le délai de 15 mois est opposable à la
demande. Le paragraphe 70(9) ne dit absolument pas
que les biens doivent rester entre les mains des
enfants pour que le transfert libre d'impôt s'applique.
Dans la mesure où les biens sont transférés aux béné-
ficiaires, la succession peut demander le transfert
libre d'impôt prévu au paragraphe 70(9). Toutefois,
quand les bénéficiaires disposent ensuite des biens,
comme ils l'ont fait en l'occurrence, ils sont, à titre
de propriétaires des biens, redevables des gains en
capital résultant de la disposition même si c'est le
fiduciaire qui les vend.
Troisième question: Étant donné qu'il a délivré les
certificats de décharge, Revenu
Canada est-il empêché d'affir-
mer que le défunt, l'exécutrice
testamentaire, qui est aussi fidu-
ciaire, ou les bénéficiaires sont
redevables d'un impôt?
Subsidiairement, la demanderesse soutient que le
ministre ne peut établir une nouvelle cotisation à
l'égard de la demanderesse, vu les certificats de
décharge délivrés respectivement le 14 octobre 1980
et le 10 février 1987. Inversement, la défenderesse
affirme que la délivrance des certificats de décharge
est inapplicable à cette action car ils sont établis au
nom de Sharon Boechler personnellement et n'empê-
chent nullement le ministre de déterminer les obliga
tions fiscales de feu Alexander Boger.
Je suis tout à fait d'accord avec la Cour de l'impôt
qui a dit, en première instance, que le fait qu'un certi-
ficat de décharge a été délivré à un exécuteur testa-
mentaire de la succession,. «représentant personnel»,
ne libère pas la succession de son obligation en vertu
de la Loi. Le paragraphe 159(3) porte simplement
que si le représentant personnel n'obtient pas un cer-
tificat comme l'exige le paragraphe 159(2) avant de
répartir les biens placés sous son contrôle en sa qua-
lité de représentant personnel, il est personnellement
responsable des impôts, intérêts et pénalités non
payés. La succession n'est aucunement libérée de son
obligation fiscale. Pour parler simplement, le repré-
sentant personnel reste redevable à titre de représen-
tant personnel, mais il est déchargé de son obligation
personnelle imposée au paragraphe 159(3). Par con-
séquent, l'appel de la demanderesse sur ce point est
rejeté.
CONCLUSION
Le transfert libre d'impôt prévu au paragraphe
70(9) s'applique à la terre et au matériel agricole
transmis aux enfants en vertu du testament du contri-
buable, modifié par l'ordonnance, et il est fait droit à
l'appel de la demanderesse quant à la première et à la
deuxième questions. J'inviterais les avocats à prépa-
rer un projet de jugement conforme aux présents
motifs afin que j'y appose ma signature. Les dépens
sont adjugés à la demanderesse.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.