T-2886-84
X (requérant)
c.
Ministre de la Défense nationale et Secrétaire
d'État aux Affaires extérieures (intimés)
RÉPERTORIÉ.' X C. CANADA (!MINISTRE DE LA DÉFENSE
NATIONALE) (1 re INST.)
Section de première instance, juge Denault—Ottawa,
28 mars et 27 août 1991.
Accès à l'information — Un historien cherchait à se faire
communiquer les dossiers du service canadien de décryptage
appelé «Examination Unit» pour la période 1941-1942 ainsi
que les communications ennemies interceptées pendant la
guerre — La Loi autorise la présentation d'arguments ex parte
ainsi que le dépôt de renseignements et témoignages d'expert
confidentiels sous forme d'afdavits secrets afin de protéger
les renseignements confidentiels — La Loi ne prévoit pas le
droit au contre-interrogatoire et on n'est pas en présence de
circonstances exceptionnelles qui justifieraient le contre-inter-
rogatoire au sujet des affidavits — Nature des relations confi-
dentielles entre gouvernements et leur importance dans les
affaires internationales — Selon l'art. 13 de la Loi, le respon-
sable de l'institution fédérale peut refuser la communication si
le document en cause a été obtenu à titre confidentiel; ce docu
ment demeure confidentiel à moins que le gouvernement ou
organisme étranger ne consente à sa divulgation ou ne l'ait
rendu public lui-même — L'art. 19 de la Loi exempte les ren-
seignements personnels de la communication — Cette Loi ne
dit pas qu'il faut divulguer le document après 30 ans ou si le
demandeur a une bonne raison d'en demander la communica
tion — Cependant, il faut que le responsable de l'institution
fédérale soit à même de dire quelles mesures ont été prises
pour vérifier si les exceptions s'appliquent — Sous le régime
de l'art. 15, les motifs invoqués pour refuser la communication
pour cause d'atteinte, réelle ou probable, à l'intérêt national
doivent être raisonnables — Que les renseignements person-
nels postérieurs à 1942 n'aient pas un rapport direct avec la
demande de communication ne constitue pas un motif
d'exemption prévu par la Loi.
Le requérant cherche à se faire communiquer les dossiers
relatifs au service de décryptage créé en 1941 sous le nom
d'«Examination Unit». En sa qualité d'historien, il s'intéresse
aux renseignements concernant le renvoi, apparemment par
suite de pressions diplomatiques exercées par le Royaume-Uni
et les États-Unis, de Herbert Yardley, le chef de ce service en
1941, ainsi qu'aux codes et messages interceptés des Japonais,
des Français de Vichy et des Allemands à l'époque où celui-ci
travaillait à l'Examination Unit. Le ministre de la Défense
nationale lui a communiqué 413 pages de documents dans leur
intégralité et 132 pages avec occultation de certains renseigne-
ments par application des articles 13, 15 et 19 de la Loi sur
l'accès à l'information; le reste, soit 243 pages, était complète-
ment exempté en vertu des mêmes dispositions. Il s'agit en
l'espèce d'un recours, fondé sur l'article 41 de la Loi, en révi-
sion de ce refus. Les intimés concluent à ordonnance portant
que le recours en révision serait entendu à huis clos et qu'ils
pourraient présenter leurs arguments hors la présence du requé-
rant et déposer des affidavits complémentaires sous pli scellé,
soustraits à la consultation comme au contre-interrogatoire de
la part de ce dernier.
Jugement: la demande du requérant devrait être accueillie en
partie seulement; celle des intimés devrait être accueillie.
Les intimés ont fait raisonnablement diligence pour satis-
faire la demande du requérant, et il ne faut pas étendre ce
recours fondé sur l'article 41 au-delà des dossiers exemptés par
application des articles 13, 15 et 19 de la Loi.
A la lumière des dispositions expresses de la Loi qui pré-
voient l'audition à huis clos des recours en révision et vu la
réserve qui est expressément prévue pour protéger les docu
ments confidentiels, il faut accueillir la requête des intimés. La
Loi ne prévoit pas le droit au contre-interrogatoire. On n'est
pas en présence non plus de «circonstances exceptionnelles»
qui justifieraient un contre-interrogatoire par le requérant au
sujet des affidavits confidentiels. Enfin, si la Loi autorise le
responsable de l'institution fédérale à présenter des arguments
hors la présence de l'autre partie, il ne saurait y avoir droit au
contre-interrogatoire au sujet de ces arguments.
Selon l'article 48 de la Loi, il incombe à l'institution fédé-
rale de prouver que les dossiers demandés sont exemptés. Les
renseignements exemptés par application des articles 13 et 19
sont soumis au recours visé à l'article 49 de la Loi, lequel pré-
voit que la Cour ordonne la communication du dossier en
cause ou rend toute autre ordonnance qu'elle juge indiquée, si
elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé le recours
en révision. Les renseignements exemptés par application de
l'article 15 sont soumis au recours visé à l'article 50, lequel
prévoit que la Cour ordonne la communication du document
ou rend toute autre ordonnance qu'elle estime indiquée si elle
conclut que le refus n'était pas fondé sur des motifs raison-
nables.
L'exemption de l'article 13
Cet article exempte de la communication les renseignements
obtenus à titre confidentiel de gouvernements étrangers ou de
leurs organismes. Cette disposition traduit l'importance des
relations confidentielles entre gouvernements dans les affaires
internationales. Selon le paragraphe 13(1), le responsable de
l'institution fédérale concernée doit tout simplement décider si
les renseignements dont il s'agit ont été obtenus à titre confi-
dentiel et, dans l'affirmative, il doit refuser de les divulguer à
moins que les exceptions ne s'appliquent. Cette exemption ne
perd son caractère obligatoire que si l'autre gouvernement ou
organisme consent à la divulgation ou a lui-même rendu public
le renseignement. Puisque que tel n'était pas le cas en l'espèce,
l'exemption demeure en vigueur.
L'exemption de l'article 19
Sont exemptés les renseignements personnels qui correspon
dent exactement aux catégories visées à l'article 3 de la Loi sur
la protection des renseignements personnels ou au paragraphe
19(2) de la Loi sur l'accès à l'information. La Loi ne prévoit
pas le pouvoir discrétionnaire de divulguer le renseignement en
fonction du temps qui s'est écoulé depuis le moment où il fut
obtenu à l'origine. Le fait que Yardley soit mort depuis 35 ans
ne présente aucune importance pour ce qui est de savoir si des
renseignements concernant quelqu'un d'autre devraient être
divulgués, à moins que l'intéressé ne soit mort depuis plus de
20 ans ou n'ait consenti lui-même à cette divulgation. Bien
qu'il puisse être difficile de vérifier si ces exceptions s'appli-
quent, il ne suffit pas au responsable de l'institution fédérale de
dire qu'il ne sait pas si elles s'appliquent. Il faut qu'il soit à
même de dire quelles mesures ont été prises à cet égard.
L'exemption de l'article 15
Cette disposition autorise le responsable de l'institution
fédérale à refuser la communication si elle risque de porter
atteinte à l'intérêt national. La Cour doit former sa propre opi
nion pour décider si les explications données à l'appui de ce
refus sont raisonnables.
Le refus de communication du ministre était justifié, sauf à
l'égard de deux dossiers contenant les renseignements relatifs
aux noms, fonctions et date d'engagement d'individus engagés
après 1942. Ces renseignements ont été occultés par ce motif
qu'ils sont postérieurs à 1942 et, de ce fait, n'ont rien à voir
avec la demande faite par le requérant de consulter les rensei-
gnements sur le service de décryptage de la «période Yardley»,
1941-1942. Que ces renseignements n'aient pas un rapport
direct avec la demande de communication ne constitue pas un
motif d'exemption prévu par la Loi; les intimés n'ont donc pas
des motifs raisonnables pour refuser de les divulguer.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Archives Act 1983 (Cth), art. 33(1)(a),(b).
Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-81-82-83, chap.
111, annexe I, art. 2, 4, 6, 8(1), 10(1)b), 13, 15, 19,
20(1)b), 30(1), 41, 47(1), 48, 49, 50, 52(1),(2),(3).
Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10,
art. 36.1 (édicté par S.C. 1980-81-82,83, chap. 1 l 1, art.
4), 36.2 (édicté idem).
Loi .sur la protection des renseignements personnels, S.C.
1980-81-82-83, chap. 111, annexe I1, art. 3.
National Security Act of 1947, 61 Stat. 498, 50 USC
§403(d)(3)(1982), §102(d)(3).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Maislin Industries Limited c. Ministre de l'Industrie et du
Commerce, [1984] 1 C.F. 939; (1984), 10 D.L.R. (4th)
417; 8 Admin. L.R. 305; 27 B.L.R. 84 (lie inst.); Kevork
c. La Reine, [1984] 2 C.F. 753; (1984), 17 C.C.C. (3d)
426 (lre inst.); Canada (Commissaire à l'information) c.
Canada (Secrétaire d'État aux Affaires extérieures),
[1990] 1 C.F. 395; (1989), 64 D.L.R. (4th) 413; 28 C.P.R.
(3d) 301; 32 F.T.R. 161 (ire inst.); Canada (Commissaire
à l'information) c. Canada (Ministre de la Défense natio-
nale), [1990] 3 C.F. 22; (1990), 67 D.L.R. (4th) 585; 33
F.T.R. 234 (Ire inst.); Goguen c. Gibson, [1983] 1 C.F.
872; conf. par [1983] 2 C.F. 463; (1984), 7 D.L.R. (4th)
144; 3 Admin. L.R. 225; 10 C.C.C. (3d) 492; 40 C.P.C.
295; 50 N.R. 286 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Central Intelligence Agency v. Sims, 471 U.S. 159 (1985);
85 L Ed 2d 173; 105 S Ct. 1881.
DÉCISION EXAMINÉE:
Re Throssell and Australian Archives (1986), 10 ALD 403
(Adm. App. Trib.).
DÉCISION CITÉE:
Re Maher and Attorney -General's Department (1985), 7
ALD 731 (Adm. App. Trib.).
AVOCATS:
X pour le requérant.
B. A. Mclsaac, c. r., pour les intimés.
PROCUREURS:
X pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour les
intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE DENAULT: Il y a en l'espèce recours, intro-
duit par X (le «requérant») en application de l'article
41 de la Loi sur l'accès à l'information, S.C. 1980-
81-82-83, chap. 111 [annexe I.] [L.R.C. (1985), chap.
A-1] (la «Loi»), en révision du refus des intimés de
communiquer les dossiers ou certains de leurs élé-
ments, visés par la demande de communication en
date du 18 mars 1984 du requérant. L'intimé ministre
de la Défense nationale avait refusé la communica
tion en invoquant les exemptions prévues aux articles
13, 15 et 19 de la Loi. Par avis de requête en date du
20 mars 1991, les intimés se sont fondés sur les para-
graphes 47(1), 52(2) et 52(3) de la Loi pour conclure
à ordonnance portant que le recours en révision serait
entendu à huis clos, et qu'ils pourraient présenter
leurs arguments hors la présence du requérant et
déposer des affidavits complémentaires sous pli
scellé, soustraits à la consultation comme au contre-
interrogatoire de la part de ce dernier. L'affaire étant
venue en bon ordre à Ottawa (Ontario), le 28 mars
1991, j'ai fait droit à la requête des intimés et pris en
délibéré le recours en révision fondé sur l'article 41
de la Loi.
LES FAITS DE LA CAUSE
En cherchant à se faire communiquer les dossiers
relatifs au service de décryptage créé sous le nom
d'«Examination Unit» en 1941 par M. Lester B.
Pearson, qui était à l'époque sous-secrétaire d'État
aux Affaires extérieures, le requérant a présenté, en
date du 8 mars 1984, une demande non signée de
communication (la «demande») au ministère des
Affaires extérieures. Plus précisément, il demanda la
communication de renseignements se rapportant aux
années 1941 et 1942, au cours desquelles un crypto-
logue du nom de Herbert Osborne Yardley était à la
tête de l'Examination Unit. M. Yardley avait travaillé
au Cipher Bureau des États-Unis pendant la Première
Guerre mondiale jusqu'à ce que ce bureau fût dissout
par le président Hoover en 1929. En 1938, il fut
employé par la Chine nationaliste pour déchiffrer les
codes et chiffres japonais et en mai 1941, il fut
engagé par le gouvernement du Canada pour diriger
l'Examination Unit. Il a été renvoyé par la suite,
apparemment en raison de pressions diplomatiques
exercées par le Royaume-Uni et les États-Unis. Le
requérant s'intéresse aux renseignements se rappor-
tant au renvoi de M. Yardley, ainsi qu'aux codes et
messages interceptés des Japonais, des Français de
Vichy et des Allemands à l'époque où celui-ci tra-
vaillait à l'Examination Unit. C'est ainsi que dans sa
demande de communication en date du 8 mars 1984,
le requérant a demandé communication des rensei-
gnements suivants:
[TRADUCTION] 1) Codes et messages interceptés des Japonais,
qui se rapportent au déclenchement de la guerre dans le
Pacifique (Pearl Harbour, Hong Kong, Singapour, Manille,
etc.);
2) Codes et messages interceptés des autorités françaises de
Vichy, au sujet des îles Saint-Pierre et Miquelon, et de
l'occupation de ces dernières par les Forces françaises
libres;
3) Codes et messages interceptés des Allemands, qui se rap-
portent au déclenchement de la guerre entre l'Allemagne
et l'Union soviétique;
4) La décision de remplacer Yardley et son renvoi de l'Exa-
mination Unit.
Conformément au paragraphe 8(1) de la Loi, la
demande du requérant fut transmise au ministère de
la Défense nationale («MDN») qui était identifié
comme l'institution fédérale ayant le plus grand inté-
rêt dans les dossiers faisant l'objet de cette demande.
Le 13 avril 1984, le MDN rejeta la demande et, con-
formément à l'alinéa 10(1)b), informa le requérant
que les dossiers de ce genre étaient exemptés de
divulgation par l'article 15 de la Loi, sans pour autant
en confirmer ou nier l'existence. Le 2 mai 1984, le
requérant déposa une plainte auprès du Commissariat
à l'information du Canada, ce qui a déclenché une
enquête à ce sujet. Cependant, dans son compte rendu
des résultats de l'enquête en date du 2 novembre
1984, le Commissaire à l'information conclut que
[TRADUCTION] «la décision du ministère de la Défense
nationale était justifiée au regard de la loi» et que la
plainte déposée par le requérant contre ce ministère
n'était pas fondée.
Par avis de requête déposé le 14 décembre 1984, le
requérant a introduit, en application de l'article 41 de
la Loi, ce recours en révision du refus de communica
tion de la part des intimés. Par la suite cependant, le
MDN a divulgué au requérant des dossiers relatifs à
l'Examination Unit et, le 29 mars 1985, l'a informé
que d'autres documents suivraient. Après consulta
tion d'organismes d'autres pays et nouvel examen
des documents en question, le MDN a communiqué
le 19 avril 1985 au requérant ce que le Ministère con-
sidérait comme le solde des renseignements visés par
la demande du 8 mars 1984 de ce dernier, sauf occul-
tation des renseignements exemptés en application de
la Loi. Le 23 avril 1985, le requérant se désista de
son recours [TRADUCTION] «sans préjudice d'un nou-
veau recours fondé sur la Loi sur l'accès à l'informa-
tion».
Le 9 août 1985, le requérant soumit une autre
demande non signée de communication, par laquelle
il chercha les renseignements suivants:
[TRADUCTION] Je demande à consulter tous les dossiers de
l'Examination Unit de 1941 à janvier 1942 (date du départ de
Yardley), les communications interceptées des Allemands, des
Japonais et des Français de Vichy; les dossiers du personnel
concernant Yardley (qui est mort depuis quelque 30 ans), et
toutes les photographies concernant l'Examination Unit (sis
chemin Montréal ou au n° 345, avenue Laurier) et son person
nel (si possible).
Par avis de requête déposé le 29 octobre 1985, le
requérant a introduit un autre recours, fondé sur l'ar-
ticle 41 de la Loi, en révision du refus de communi
cation des intimés, qu'il a rapporté en ces termes:
[TRADUCTION] Les [intimés] ont refusé la communication des
dossiers et des éléments de ces dossiers, relatifs à Herbert
Osborne Yardley et à l'Examination Unit, en invoquant les
exemptions prévues aux articles 13, 15 et 19 de la Loi sur
l'accès à l'information, pendant qu'ils divulguaient des dos
siers pendant la période allant du 30 janvier au 19 avril de cette
année et que les premiers auraient pu être communiqués; et,
après la divulgation subséquente d'autres dossiers visés par la
demande initiale du requérant, le ministre de la Défense natio-
nale a refusé la communication de dossiers et de certains élé-
ments de dossier en invoquant les exemptions prévues aux
articles 15 et 19 ... alors que ceux-ci auraient pu être divul-
gués.
Par lettre adressée à la Cour en date du 28 novembre
1985, l'avocate des intimés fait cependant remarquer
que le Commissariat à l'information n'avait pas pro-
cédé à une enquête au sujet des renseignements com-
muniqués après le retrait du premier recours en révi-
sion. Le 19 novembre 1987, un nouveau compte
rendu du Commissaire à l'information confirma que
le MDN avait retiré les exemptions et communiqué
les dossiers au requérant. Aussi le Commissaire à
l'information a-t-il inscrit la plainte dans ses livres
comme «fondée-résolution négociée»; le dossier fut
classé sous réserve du droit du requérant de deman-
der une autre enquête au cas il ne serait pas satisfait
de la suite donnée par le MDN.
Le MDN a continué à communiquer au requérant
les dossiers demandés, sous réserve des exemptions
fondées sur la Loi, ainsi que d'autres dossiers indi-
rectement mais non pas expressément visés par la
demande du requérant. De son côté, celui-ci a conti-
nué à faire d'autres demandes de communication et à
déposer d'autres plaintes sur le mode de traitement
des dossiers par les intimés et sur leur refus de four-
nir les reproductions des photographies.
Les intimés font maintenant savoir que, malgré
leur refus initial de communiquer les dossiers, cer-
tains ont été subséquemment mis à la disposition du
requérant les 30 janvier, 1 er et 19 avril 1985, et les 8
août et 16 septembre 1988. En tout, 788 pages de
documents ont été identifiés comme étant visés par la
demande. Cependant, seulement 413 pages ont été
intégralement communiquées au requérant, 132 pages
communiquées avec occultation de certains rensei-
gnements par application des articles 13, 15 et 19 de
la Loi, et 243 pages complètement exemptées en
vertu des mêmes dispositions. Dans son mémoire des
points de fait et de droit en date du 8 mars 1991, le
requérant soutient aussi que les intimés ne lui ont pas
communiqué un grand nombre des documents
demandés, dont les codes utilisés par les Japonais, les
Français de Vichy et les Allemands, ainsi que les dos
siers émanant de la Direction des communications du
Conseil national de recherches. Il prétend aussi que
les documents relatifs à la décision de remplacer
Yardley n'ont pas été intégralement divulgués. Il
appert néanmoins qu'il n'a pas demandé une nouvelle
enquête du Commissaire à l'information après le
compte rendu de novembre 1987 de ce dernier.
LES POINTS LITIGIEUX
1. Quel est exactement le «refus de communica
tion» susceptible du recours en révision prévu à
l'article 41?
2. Faut-il donner au requérant la possibilité de con-
tre-interroger les auteurs des affidavits secrets?
3. Les dossiers ou certains de leurs éléments ont-ils
été exemptés à bon droit en application des
articles 13, 15 et 19 de la Loi sur l'accès à l'in-
formation?
POINT N () 1: Quel est exactement le «refus de commu
nication» susceptible du recours en révi-
sion prévu à l'article 41?
Si l'on considère la genèse de cette affaire, il y a eu
un certain nombre de demandes de communication et
de plaintes émanant du requérant, d'enquêtes par lui
déclenchées et de mesures prises par les intimés pour
donner accès aux renseignements demandés. Il est
donc impossible de dire a priori quels refus sont
visés par ce recours fondé sur l'article 41. Voici les
dispositions de la Loi relatives aux demandes de
communication, aux plaintes, aux enquêtes et au
recours en révision:
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi
mais nonobstant toute autre loi du Parlement, ont droit à
l'accès aux documents des institutions fédérales et peuvent se
les faire communiquer sur demande:
a) les citoyens canadiens;
b) les résidents permanents au sens de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976.
6. La demande de communication d'un document se fait par
écrit auprès de l'institution fédérale dont relève le document;
elle doit être rédigée en des termes suffisamment précis pour
permettre à un fonctionnaire expérimenté de l'institution de
retrouver le document sans problèmes sérieux.
10. (1) En cas de refus de communication totale ou partielle
d'un document demandé en vertu de la présente loi, l'avis
prévu à l'alinéa 7a) doit mentionner, d'une part, le droit de la
personne qui a fait la demande de déposer une plainte auprès
du Commissaire à l'information et, d'autre part:
a) soit le fait que ce document n'existe pas;
b) soit la disposition précise de la présente loi sur laquelle se
fonde le refus ou, s'il n'est pas fait état de l'existence du
document, la disposition sur laquelle il pourrait vraisembla-
blement se fonder si le document existait.
30. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente
loi, le Commissaire à l'information reçoit les plaintes et fait
enquête sur les plaintes:
a) déposées par des personnes qui se sont vu refuser la com
munication totale ou partielle d'un document qu'elles ont
demandé en vertu de la présente loi;
41. La personne qui s'est vu refuser communication totale
ou partielle d'un document demandé en vertu de la présente loi
et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le
Commissaire à l'information peut, dans un délai de quarante-
cinq jours suivant le compte rendu du Commissaire prévu au
paragraphe 37(2), exercer un recours en révision devant la
Cour. La Cour peut, avant ou après l'expiration du délai, le
proroger ou en autoriser la prorogation. [Passages non sou-
lignés dans l'original.]
Bien qu'on puisse voir dans le second recours en
révision en date du 29 octobre 1985 la prolongation
de l'instance antérieure, il appert que le Commissaire
à l'information aurait dû faire enquête au sujet des
documents dont les intimés ont invoqué l'exemption
et qui n'ont pas fait l'objet des enquêtes antérieures.
Étant donné cependant le temps qui s'est écoulé
depuis la première demande faite en 1984 et à la
lumière des efforts faits de part et d'autre après
l'abandon du premier recours en révision, pour résou-
dre la première demande du requérant, il serait injuste
que celui-ci soit maintenant irrecevable, pour une rai-
son strictement procédurale, à donner suite à son
recours en révision. Il y aurait cependant lieu, à mon
avis, de confiner la révision au défaut de communi-
quer les dossiers visés à la demande en date du 9 août
1985, dans la mesure où ils sont couverts par la
demande initiale du 8 mars 1984. Plus particulière-
ment, la révision devrait être limitée aux dossiers qui
ont été entièrement refusés ou partiellement occultés
sous couvert des exemptions prévues à la Loi et tels
qu'ils figurent à l'affidavit en, date du 20 octobre
1988 de Lesia Maruschak, coordonnatrice de l'accès
à l'information et de la protection des renseignements
personnels, Centre de la sécurité des télécommunica-
tions du MDN. Quoi qu'il en soit, la Cour n'est pas
en mesure de savoir si d'autres documents existent.
Cette conclusion s'accorde avec la demande faite
par le requérant, au paragraphe 20 de son affidavit en
date du 28 octobre 1985, d'un examen impartial de
tous les documents ou de leurs éléments, exemptés
par application des articles 13, 15 et 19 de la Loi. Le
requérant fait néanmoins valoir que les intimés n'ont
pas fait tous les efforts nécessaires pour communi-
quer les documents en cause. Il fait observer qu'une
grosse partie des renseignements demandés n'a été
communiquée qu'après qu'il eut intenté son recours
en révision et que, si les intimés y avaient mis un peu
plus d'efforts, des documents qui ont été peut-être
oubliés ou égarés, comme le «French Bulletin», pour-
raient être retrouvés. Il soupçonne que le MDN s'est
efforcé de soustraire des documents, en particulier à
la lumière du voile de secret jeté au début sur l'exis-
tence de l'Examination Unit, et il doute que les
intimés aient fait raisonnablement diligence pour
satisfaire sa demande.
L' avocate des intimés reconnaît que les rapports
entre les parties ont mal commencé en raison du rejet
initial de la demande du requérant. Elle fait cepen-
dant savoir qu'après que plusieurs cartons de docu
ments eurent été accidentellement découverts, après
consultation de gouvernements étrangers et après
examen plus poussé des autres documents en ques
tion, des dossiers ont été communiqués au requérant
les 30 janvier, ler et 19 avril 1985, et les 8 août et 15
septembre 1988. Un grand nombre de documents mis
à la disposition du requérant n'étaient même pas
visés par la première demande de celui-ci, mais lui
ont été quand même communiqués dans un esprit de
coopération, bien que le Ministère n'y fût pas obligé.
Elle soutient qu'il y a eu effort diligent pour satisfaire
la demande de communication du requérant, et que
les intimés ne sont au courant d'aucun document qui
eût été retenu. Malheureusement, comme en
témoigne une note de service en date de mai 1972 et
jointe à titre d'annexe «A» à l'affidavit établi le 27
mars 1991 par Ronald Browne, coordonnateur de
l'accès à l'information et de la protection des rensei-
gnements personnels du MDN, certains documents
dont le requérant demande communication ont été
soit détruits lors d'une destruction générale de vieux
dossiers en 1971 soit placés ailleurs.
L'article 6 fait au demandeur l'obligation d'indi-
quer en termes précis ce qu'il cherche à se faire com-
muniquer, et à l'institution fédérale intéressée l'obli-
gation correspondante de faire tous les efforts pour
trouver les documents visés par la demande. Il est
évident qu'en l'espèce, le requérant a reçu beaucoup
de renseignements et de dossiers par suite de sa
demande initiale, y compris 2 000 pages de docu
ments communiquées en août 1988 et qui dépassent
même cette demande. Il appert que les représentants
des intimés ont fait des efforts considérables pour
satisfaire ce qui est à mes yeux une demande très
générale. Je ne suis donc pas enclin à faire droit à la
conclusion du requérant, faite de suspicion et de con
jectures, pour étendre le recours fondé sur l'article 41
au-delà des dossiers exemptés par application des
articles 13, 15 et 19 de la Loi, tels qu'en fait état l'af-
fidavit de Mme Maruschak et tels que les rappelle
l'affidavit en date du 18 mars 1991 de Ronald
Browne, coordonnateur de l'accès à l'information et
de la protection des renseignements personnels du
MDN.
POINT N 0 2: Objection du requérant à l'introduction
d'affidavits secrets soustraits au contre-
interrogatoire — Faut-il lui accorder la
possibilité de contre-interroger les
auteurs de ces affidavits?
À l'ouverture de l'audience, le requérant s'est
opposé à la production de documents confidentiels et
de dépositions d'expert sous forme d'affidavits
secrets par ce motif qu'il lui était impossible d'exa-
miner le témoignage de l'expert et de vérifier son
expertise par contre-interrogatoire. Le requérant fait
aussi valoir qu'il n'y avait pas lieu à arguments hors
sa présence puisqu'il connaissait déjà l'existence de
certains des dossiers visés par sa demande, qu'il pou-
vait identifier plusieurs dossiers par leur nom, et qu'il
était à même de rétablir l'identité d'agents ainsi que
des noms de code et autres, cachés dans un grand
nombre de dossiers. Il soutient aussi que ces rensei-
gnements pouvaient être glanés dans d'autres docu
ments divulgués et qu'en tous les cas, ils étaient
publiquement disponibles.
À la lumière cependant des dispositions expresses
de la Loi qui prévoient l'audition à huis clos des
recours en révision et vu la réserve qui est expressé-
ment prévue pour protéger les documents confiden-
tiels, la seule procédure applicable en l'espèce est
celle qu'a proposée l'avocate des intimés. Les dispo
sitions suivantes de la Loi montrent bien que le légis-
lateur a, dans une certaine mesure tout au moins,
prévu les problèmes que soulève le requérant:
47. (1) À l'occasion des procédures relatives aux recours
prévus aux articles 41, 42 et 44, la Cour prend toutes les pré-
cautions possibles, notamment, si c'est indiqué, par la tenue
d'audiences à huis clos et l'audition d'arguments en l'absence
d'une partie, pour éviter que ne soient divulgués de par son
propre fait ou celui de quiconque:
a) des renseignements qui, par leur nature, justifient, en
vertu de la présente loi, un refus de communication totale ou
partielle d'un document;
b) des renseignements faisant état de l'existence d'un docu
ment que le responsable d'une institution fédérale a refusé
de communiquer sans indiquer s'il existait ou non.
52. (1) Les recours visés aux articles 41 ou 42 et portant sur
les cas où le refus de donner communication totale ou partielle
du document en litige s'appuyait sur les alinéas 13(1)a) ou b)
ou sur l'article 15 sont exercés devant le juge en chef adjoint
de la Cour fédérale ou tout autre juge de cette Cour qu'il
charge de leur audition.
(2) Les recours visés au paragraphe (1) font, en premier res-
sort ou en appel, l'objet d'une audition à huis clos; celle-ci a
lieu dans la région de la capitale nationale définie à l'annexe
de la Loi sur la capitale nationale si le responsable de l'institu-
tion fédérale concernée le demande.
(3) Le responsable de l'institution fédérale concernée a, au
cours des auditions, en première instance ou en appel et sur
demande, le droit de présenter des arguments en l'absence
d'une autre partie.
Dans Maislin Industries Limited c. Ministre de
l'Industrie et du Commerce, [1984] 1 C.F. 939 (lre
inst.), le juge en chef adjoint Jerome a examiné [à la
page 942] plusieurs questions procédurales découlant
de la Loi, dont celle de savoir s'il y avait lieu à
audience à huis clos et s'il fallait autoriser un contre-
interrogatoire au sujet d'affidavits déposés:
En ce qui concerne les audiences à huis clos, les débats
devant nos tribunaux doivent être publics et être tenus en pré-
sence de toutes les parties. Il peut y avoir à l'occasion des
exceptions à ce principe, mais ces exceptions doivent se limiter
aux cas de nécessité absolue. Même alors, les directives doi-
vent permettre de sauvegarder l'intérêt qu'a le public dans
l'administration de la justice et les droits de toutes les parties
qui sont exclues du débat. Dans les demandes faites en vertu
des lois sur l'accès à l'information, le litige porte sur le carac-
tère confidentiel de certains renseignements, et il est évident
qu'une audience publique dans ce cas rendrait inutile la déci-
sion finale. En conséquence, il semble qu'il n'y ait en l'espèce
d'autre solution que de n'admettre à l'audience que les avocats
des parties.
Un dilemme semblable se pose quant à la question de savoir
si un avocat ... peut prendre connaissance des documents liti-
gieux. Manifestement, on ne peut s'attendre à ce que l'avocat
présente une argumentation efficace sur la nature d'un docu
ment qu'il n'a pas vu, mais lui permettre de l'examiner sans
réserve équivaudrait à décider à l'avance la question en litige.
Cette décision sera différente suivant les circonstances de
chaque espèce, mais dans l'instance, après avoir examiné tout
le texte du rapport, j'ai estimé opportun d'accepter l'engage-
ment de l'avocat de ne pas en dévoiler le contenu, même à son
client, et de lui permettre d'en examiner la partie litigieuse uni-
quement aux fins du débat. Par ailleurs, il a semblé nécessaire
de conserver le document dans une enveloppe cachetée jus-
qu'au jugement sur la requête. [Passage non souligné dans
l'original.]
Cette approche est encore renforcée par la jurispru
dence relative à l'article 36.2 [actuellement l'article
38] de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970,
chap. E-10 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, chap.
111, art. 4), applicable aux cas où un ministre fédéral
s'oppose à la divulgation par ce motif qu'elle porte-
rait préjudice aux relations internationales ou à la
défense ou la sécurité nationales. Dans Kevork c. La
Reine, [1984] 2 C.F. 753 (i C e inst.), le juge Addy ins-
truisait entre autres une demande d'autorisation de
contre-interroger le directeur du Service canadien du
renseignement de sécurité sur l'affidavit que celui-ci
avait déposé à l'appui de l'opposition fondée par le
ministre intimé sur l'article 36.2 pour refuser la
divulgation pour cause de sécurité nationale. Les
requérants étaient des supposés terroristes arméniens,
accusés d'avoir comploté le meurtre d'un diplomate
turc. Au cours de l'enquête préliminaire, ils cher-
chaient à se faire communiquer le profil d'agent de
surveillance et de sécurité des dénonciateurs. Dans
l'annexe «A» de sa décision, le juge Addy a examiné
la question de savoir s'il existe un droit absolu au
contre-interrogatoire dans les affaires de ce genre.
Faisant observer que la common law n'a jamais
reconnu elle-même de droit absolu au contre-interro-
gatoire de l'auteur d'un témoignage produit par affi
davit dans une instance, il a tiré cette conclusion [aux
pages 770 et 771]:
La présente demande est fondée sur l'article 36.2 de la Loi sur
la preuve au Canada. Aucune disposition de cette Loi ni
aucune règle ne créent un droit au contre-interrogatoire. Ni les
règles de justice naturelle ni les exigences relatives à une audi
tion impartiale ne comportent de droit absolu au contre-interro-
gatoire de l'auteur d'un affidavit. Voir l'affaire Armstrong c.
L'État du Wisconsin et autre, [1973] C.F. 437 (C.A.), aux
pages 439 444, où le juge Thurlow, maintenant juge en chef,
traite précisément et fort exhaustivement de ce sujet même,
affirmant catégoriquement que ni l'alinéa la) ni l'alinéa 2e) de
la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice
III] n'ont modifié le principe. L'autorisation de se pourvoir de
cette décision en Cour suprême du Canada a été refusée. De
plus, l'exposé du juge Thurlow sur le droit fut approuvé et
suivi par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Vardy c. Scott
et autres, [1977] 1 R.C.S. 293. La question dans cette affaire
était de savoir s'il existait un droit de contre-interroger dans le
cadre d'une déposition recueillie pour fin d'expulsion du
requérant. La Cour suprême du Canada a statué qu'aucun droit
de ce genre n'existait.
La Cour d'appel de l'Ontario est arrivée au même résultat
depuis l'adoption de la Charte des droits Voir ... Re United
States of America and Smith (1984), 44 O.R. (2d) 705...
Le juge Addy conclut qu'il appartient au juge, dans
l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation,
de décider s'il y a lieu à contre-interrogatoire ou non.
Notant [à la page 772] propos de l'opposition à la
divulgation, qu'«[il] est difficile d'exagérer l'impor-
tance de toute question portant sur la sécurité natio-
nale», il a analysé les difficultés qui se posent en la
matière [aux pages 772 et 773]:
Ce qui peut paraître au non-initié, au profane qui n'a pas la
formation requise, une information d'apparence inoffensive et
anodine pourrait fort bien s'avérer pour un adversaire entraîné
ou quelque service de renseignement rival extrêmement utile
une fois rapproché d'un ensemble d'autres renseignements
apparemment sans rapport. Vu cela et en raison de l'extrême
délicatesse de toute question touchant à la sécurité, ce serait
une tâche fort aventureuse pour un juge de décider si certaines
questions doivent ou ne doivent pas recevoir une réponse au
cours d'un contre-interrogatoire. De plus, le contre-interrogé
pourrait fort bien être placé dans une position des plus désa-
gréables de fournir une réponse par sa simple opposition à la
question. Enfin, il est facile de prévoir qu'on s'opposera à bien
des questions du contre-interrogatoire de la même manière
qu'on s'oppose aux questions initiales qui servent de fonde-
ment à la présente demande. Cela conduira inévitablement à
d'autres enquêtes et d'autres demandes et n'aura pas de fin, et
le danger de porter atteinte à la sécurité en sera d'autant plus
réel.
Il conclut en conséquence [à la page 773] qu'«à l'oc-
casion d'une demande de cette nature, sauf peut-être
en cas de circonstances exceptionnelles démontrées,
dont le poids ferait pencher la balance, aucun contre-
interrogatoire ne saurait être autorisé».
En l'espèce, la Loi ne prévoit nullement le droit de
contre-interroger. En fait, le législateur impose
expressément à la Cour l'obligation de prendre toutes
les précautions pour prévenir la divulgation dans les
recours en révision de ce genre. Je conclus que les
«difficultés» relevées ci-dessus par le juge Addy
existent tout aussi bien en l'espèce, laquelle n'est pas
caractérisée par des «circonstances exceptionnelles»
qui justifieraient un contre-interrogatoire par le
requérant au sujet des affidavits versés au dossier.
Enfin, si selon le paragraphe 52(3), le responsable de
l'institution fédérale a le droit de présenter des argu
ments hors la présence de l'autre partie, il est évident
qu'il ne saurait y avoir droit au contre-interrogatoire
au sujet de ces arguments.
POINT No 3: Les dossiers ou certains de leurs éléments
étaient-ils exemptés à bon droit en appli
cation des articles 13, 15 et 19 de la Loi
sur l'accès à l'information?
Avant d'en venir aux arguments respectifs des par
ties et d'examiner chaque page des dossiers en cause,
il convient de considérer les dispositions applicables
de la Loi sur l'accès ù l'information et les critères
fixés par le législateur pour décider si un document
donné doit être totalement ou partiellement exempté
en application de la Loi. L'article 2 présente l'objet
de la Loi; les articles 13, 15 et 19 prévoient les
exemptions en cause en l'espèce; l'article 48 assigne
la charge de la preuve en cas de recours en révision
fondé sur l'article 41; les articles 49 et 50 définissent
les modalités de révision à observer par la Cour à
l'égard des exemptions fondées sur les articles 13, 15
et 19, respectivement comme suit:
2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux docu
ments de l'administration fédérale en consacrant le principe du
droit du public à leur communication, les exceptions indispen
sables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant
à la communication étant susceptibles de recours indépendants
du pouvoir exécutif.
(2) La présente loi vise à compléter les modalités d'accès
aux documents de l'administration fédérale; elle ne vise pas à
restreindre l'accès aux renseignements que les institutions
fédérales mettent normalement à la disposition du grand
public.
13. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une
institution fédérale est tenu de refuser la communication de
documents contenant des renseignements obtenus à titre confi-
dentiel:
n) des gouvernements des États étrangers ou de leurs orga-
nismes;
h) des organisations internationales d'États ou de leurs orga-
nismes;
c) des gouvernements des provinces ou de leurs organismes;
d) des administrations municipales ou régionales constituées
en vertu de lois provinciales ou de leurs organismes.
(2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner
communication de documents contenant des renseignements
visés au paragraphe (1) si le gouvernement, l'organisation,
l'administration ou l'organisme qui les a fournis:
a) consent à la communication;
b) rend les renseignements publics.
15. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser
la communication de documents contenant des renseignements
dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter pré-
judice à la conduite des affaires internationales, à la défense du
Canada ou d'États alliés ou associés avec le Canada ou à la
détection, à la prévention ou à la répression d'activités hostiles
ou subversives, notamment:
h) des renseignements contenus dans la correspondance
diplomatique échangée avec des États étrangers ou des orga
nisations internationales d'États, ou dans la correspondance
officielle échangée avec des missions diplomatiques ou des
postes consulaires canadiens;
i) des renseignements relatifs à ceux des réseaux de commu
nications et des procédés de cryptographie du Canada ou
d'États étrangers qui sont utilisés dans les buts suivants:
(i) la conduite des affaires internationales,
(ii) la défense du Canada ou d'États alliés ou associés
avec le Canada,
(iii) la détection, la prévention ou la répression d'activités
hostiles ou subversives.
(2) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent arti
cle.
«activités hostiles ou subversives» s'entend:
a) de l'espionnage dirigé contre le Canada ou des États alliés
ou associés avec le Canada;
e) les activités visant à recueillir des éléments d'information
aux fins du renseignement relatif au Canada ou aux États qui
sont alliés ou associés avec lui;
19. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d'une
institution fédérale est tenu de refuser la communication de
documents contenant les renseignements personnels visés à
l'article 3 de la Loi sur la protection des renseignements per-
.sonnels 1 .
1 Ci-dessous la définition de «renseignements personnels»
figurant à l'article 3 de la Loi sur la protection des renseigne-
ments personnels, S.C. 1980-81-82-83, chap. 111, annexe Il
[actuellement L.R.C. (1985), chap. P-21]:
3....
«renseignements personnels» Les renseignements, quels que
soient leur forme et leur support, concernant un individu
identifiable, notamment:
a) les renseignements relatifs à sa race, à son origine
nationale ou ethnique, à sa couleur, à sa religion, à son
âge ou à sa situation de famille;
b) les renseignements relatifs à son éducation, à son dos
sier médical, à son casier judiciaire, à ses antécédents pro-
fessionnels ou à des opérations financières auxquelles il a
participé;
e) tout numéro ou symbole, ou toute autre indication iden-
tificatrice, qui lui est propre;
d) son adresse, ses empreintes digitales ou son groupe
sanguin;
(Suite à la page suivante)
(2) Le responsable d'une institution fédérale peut donner
communication de documents contenant des renseignements
personnels dans les cas où:
a) l'individu qu'ils concernent y consent;
b) le public y a accès;
c) la communication est conforme à l'article 8 de la Loi sur
la protection des renseignements personnels.
(Suite de la page précédente)
e) ses opinions ou ses idées personnelles, à l'exclusion de
celles qui portent sur un autre individu ou sur une propo
sition de subvention, de récompense ou de prix à octroyer
à un autre individu par une institution fédérale, ou subdi
vision de celle-ci visée par règlement;
f) toute correspondance de nature, implicitement ou expli-
citement, privée ou confidentielle envoyée par lui à une
institution, ainsi que les réponses de l'institution dans la
mesure où elles révèlent le contenu de la correspondance
de l'expéditeur;
g) les idées ou opinions d'autrui sur lui;
h) les idées ou opinions d'un autre individu qui portent
sur une proposition de subvention, de récompense ou de
prix à lui octroyer par une institution, ou subdivision de
celle-ci, visée à l'alinéa e), à l'exclusion de cet autre indi-
vidu si ce nom est mentionné avec les idées ou opinions;
i) son nom lorsque celui-ci est mentionné avec d'autres
renseignements personnels le concernant ou lorsque la
seule divulgation du nom révélerait des renseignements à
son sujet;
étant entendu que, pour l'application des articles 7, 8 et 26,
et de l'article 19 de la Loi sur l'accès à l'information, les
renseignements personnels ne comprennent pas les rensei-
gnements concernant:
j) un cadre ou employé, actuel ou ancien, d'une institution
fédérale et portant sur son poste ou ses fonctions, notam-
ment:
(i) le fait même qu'il est ou a été employé par l'institu-
tion,
(ii) son titre et les adresse et numéro de téléphone de
son lieu de travail,
(iii) la classification, l'éventail des salaires et les attri
butions de son poste,
(iv) son nom lorsque celui-ci figure sur un document
qu'il a établi au cours de son emploi,
(v) les idées et opinions personnelles qu'il a exprimées
au cours de son emploi;
k) un individu qui a conclu un contrat de prestation de
services avec une institution fédérale et portant sur la
nature de la prestation, notamment les conditions du con-
(Suite à la page suivante)
48. Dans les procédures découlant des recours prévus aux
articles 41 ou 42, la charge d'établir le bien-fondé du refus de
communication totale ou partielle d'un document incombe à
l'institution fédérale concernée.
49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la
personne qui a exercé un recours en révision d'une décision de
refus de communication totale ou partielle d'un document fon-
dée sur des dispositions de la présente loi autres que celles
mentionnées 'a l'article 50, ordonne, aux conditions qu'elle
juge indiquées, au responsable de l'institution fédérale dont
relève le document en litige d'en donner à cette personne com
munication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordon-
nance si elle l'estime indiqué.
50. Dans les cas où le refus de communication totale ou par-
tielle du document s'appuyait sur les articles 14 ou 15 ou sur
les alinéas 16(1)c) ou d) ou 18d), la Cour, si elle conclut que le
refus n'était pas fondé sur des motifs raisonnables, ordonne,
aux conditions qu'elle juge indiquées, au responsable de l'ins-
titution fédérale dont relève le document en litige d'en donner
communication totale ou partielle à la personne qui avait fait la
demande; la Cour rend une autre ordonnance si elle l'estime
indiqué. [Passages non soulignés dans l'original.]
Selon l'article 48 de la Loi, c'est au responsable de
l'institution fédérale qu'il incombe de prouver que
les dossiers demandés sont exemptés. On pourrait
qualifier les exemptions prévues aux articles 13 et 19
d'«exemptions par catégorie», et à l'article 15,
d'«exemptions pour préjudice». La Cour doit appli-
quer deux normes de révision différentes selon la dis
position d'exemption en jeu. Les renseignements
exemptés par application des articles 13 et 19 sont
soumis au recours visé à l'article 49 de la Loi, lequel
prévoit que la Cour ordonne la communication totale
ou partielle du dossier en cause ou rend toute autre
ordonnance qu'elle juge indiquée, si elle conclut au
bon droit de la personne qui a exercé le recours en
révision. Par contre, les renseignements exemptés par
application de l'article 15 sont soumis au recours visé
à l'article 50, lequel prévoit que la Cour ordonne, aux
(Suite de la page précédente)
trat, le nom de l'individu ainsi que les idées et opinions
personnelles qu'il a exprimées au cours de la prestation;
l) des avantages financiers facultatifs, notamment la déli-
vrance d'un permis ou d'une licence accordés à un indi-
vidu, y compris le nom de celui-ci et la nature précise de
ces avantages;
ni) un individu décédé depuis plus de vingt ans.
conditions qu'elle juge indiquées, la communication
totale ou partielle du document ou rend toute autre
ordonnance qu'elle estime indiquée, si elle conclut
que le refus n'était pas fondé sur des motifs raison-
nables.
L'argumentation du requérant
Le requérant soutient qu'un grand nombre des dos
siers exemptés et des éléments occultés auraient pu
être divulgués puisqu'ils ne tombent pas dans le
champ d'application des dispositions d'exemption de
la Loi. Il doute qu'un examen sérieux ait eu lieu et
que des gouvernements d'États étrangers aient été
vraiment consultés pour voir s'ils consentent à la
divulgation de ces dossiers. Il suppose que les
intimés se sont contentés de consulter les services de
leurs homologues en Grande-Bretagne et aux États-
Unis, et non pas les organismes dont émanaient les
dossiers qui avaient été reçus à titre confidentiel. Il
estime que les intéressés ont pu tout au plus passer
rapidement en revue plus de vingt codes et plus de
700 pages de documents durant les trois journées que
durait la consultation de la National Security Agency
en février 1985.
Le requérant soutient que les dossiers dont s'agit
ainsi que leurs éléments occultés ou bien n'étaient
pas reçus à titre confidentiel ou bien ont perdu leur
caractère confidentiel. Il suppose qu'une exemption
générale a été appliquée à tous les codes des nations
belligérantes de cette époque où ni les services de
renseignements britanniques ni les services améri-
cains ne mettaient à la disposition du Canada des
informations confidentielles sur ces codes, et fait
valoir que les codes utilisés par les gouvernements
des pays belligérants ne constituaient pas des «rensei-
gnements obtenus à titre confidentiel». Qui plus est,
les gouvernements belligérants ayant été dissous à la
fin des hostilités en 1945 et étant donné que certains
de ces codes ont été rendus publics par le Bureau
fédéral d'enquête et le Département d'État des États-
Unis, le requérant fait valoir que tout risque de préju-
dice a été considérablement réduit.
Le requérant soutient que les dossiers de sécurité et
de renseignement ne doivent pas être indéfiniment
soustraits à la divulgation, d'autant plus que d'autres
dossiers gouvernementaux gardés aux Archives
nationales ne sont tenus confidentiels que pendant 30
ans au maximum. Il fait valoir que par le passé,
d'autres historiens se sont vu communiquer des dos
siers sur une base discrétionnaire et que lui-même
étant aussi historien, le même accès devrait lui être
accordé. Le requérant fait observer que Yardley est
mort il y a plus de 35 ans, et que la décision de rem-
placer ce dernier à la tête du Service de décryptage
était causée par l'attitude hostile des agents des ser
vices de renseignements britanniques et américains,
et par leurs attaques rancunières contre sa compé-
tence professionnelle de cryptologue. Il estime
qu'avec le passage du temps et après la mort de
Yardley et de ces agents, il n'y a plus aucun risque
vraisemblable de préjudice pour la «défense natio-
nale» ou la «conduite des affaires internationales».
Par ailleurs, toujours selon le requérant, il serait con-
forme à l'intérêt de tout le monde de rendre
publiques les réalités historiques et la vérité sur la
réputation et la compétence professionnelle de
Yardley.
Enfin, dans son affidavit en date du 13 décembre
1984, le requérant soutient que les exemptions reven-
diquées devraient être «spécifiques» et non pas
«générales» et qu'en conséquence, les intimés
auraient dû indiquer sur quels alinéas exactement de
l'article 15 ils se sont fondés. Il fait également valoir,
au paragraphe 8 de ce même affidavit, qu'il n'y a
exemption en vertu de l'article 15 que si tous les ali-
néas de cet article s'appliquent à tous les dossiers pris
dans leur ensemble.
L' argumentation des intimés
L'avocate des intimés soutient qu'il ressort à l'évi-
dence que les échanges de renseignements militaires
secrets entre alliés se font à titre confidentiel, en par-
ticulier en temps de guerre. Elle fait valoir que les
affidavits secrets complémentaires de Ronald Browne
et de Patrick Griffith, directeur général, Production
SigInt, Centre de la sécurité des télécommunications,
MDN, déposés conformément aux articles 47 et 52,
donnent les explications sur la nature des renseigne-
ments en cause et sur ces relations confidentielles.
L'affidavit secret complémentaire de Cleeve Francis
Wilfred Hooper, ancien conseiller spécial à la Direc
tion des services de sécurité du ministère des Affaires
extérieures, explique en détail pourquoi il est impor
tant de préserver ces relations confidentielles et de
respecter la demande faite par un gouvernement ou
organisme gouvernemental étranger, que les rensei-
gnements qu'il fournit soient gardés confidentiels.
L'avocate des intimés fait remarquer que l'institu-
tion fédérale sollicitée est tenue de refuser de com-
muniquer les renseignements personnels concernant
des individus à moins qu'on ne soit en présence de
l'une des exceptions prévues au paragraphe 19(2), et
qu'autant que sachent ceux qui étaient chargés d'ins-
truire la demande de communication en l'espèce,
aucune de ces exceptions ne s'applique aux rensei-
gnements personnels exemptés.
En ce qui concerne les exemptions prévues à l'ar-
ticle 15, elle fait savoir que l'affidavit complémen-
taire de M. Browne passe en revue les renseigne-
ments en cause et présente l'index détaillé de
l'application de l'article 15 ainsi que les motifs d'ap-
plication à chaque renseignement exempté de divul-
gation. En outre, les affidavits complémentaires de
M. Griffith et M. Hooper passent en revue les motifs
d'application de l'article 15 et les analysent au regard
de chaque renseignement en cause. L'avocate des
intimés soutient que l'application des exemptions de
l'article 15 requiert une connaissance approfondie du
«contexte général» dans lequel les renseignements
ont été obtenus à l'origine ou existent à l'heure
actuelle. Les raisons qui président à la conviction que
leur divulgation causerait vraisemblablement le pré-
judice visé à l'article 15 ne sont pas toujours évi-
dentes aux yeux du profane, et elle rappelle que vu la
grande expérience et la grande expertise de MM.
Hooper et Griffith en matière de relations internatio-
nales, de renseignement et de sécurité, leurs vues
devraient l'emporter sur celles du requérant qui n'est
pas un expert reconnu dans ce domaine.
ANALYSE
Pour faciliter les renvois, les 788 pages de docu
ments ont été numérotées de façon consécutive et
pour chaque numéro de page, il y a indication de la
ou des dispositions portant exemption. Il faut noter
en tout premier lieu qu'il ressort des paragraphes 8 et
11 de l'affidavit de Mme Maruschak que dans plu-
sieurs cas, plus d'une exemption a été revendiquée à
la fois au sujet de tel ou tel élément occulté. Il s'en-
suit que si, à l'égard d'un élément donné du dossier,
la Cour conclut que les deux articles 13 et 19 ou l'un
d'entre eux ont été invoqués à bon droit, il n'est pas
nécessaire d'examiner la question de l'exemption
fondée sur l'article 15 si elle est également invoquée
pour le même élément occulté. Au cas cependant où
l'article 15 est la seule disposition invoquée, il faut
examiner si la crainte de préjudice manifestée par le
responsable de l'institution fédérale concernée est
raisonnable.
L'exemption de l'article 13
La nature des relations confidentielles entre gou-
vernements et leur importance dans les affaires inter-
nationales ont été examinées par le Tribunal des
appels administratifs d'Australie dans Re Throssell
and Australian Archives (1986), 10 ALD 403. Dans
cette affaire, le juge Davies, président du tribunal,
était saisi du recours en contrôle du rejet de la
demande faite par le requérant de consulter des ren-
seignements à son sujet et au sujet de sa mère, les-
quels renseignements provenaient d'un service de
renseignements étranger. L'intimée s'était fondée sur
les alinéas 33(1)a) et b) de la loi Archives Act 1983
(Cth) pour justifier le refus:
[TRADUCTION] 33. (1) Pour l'application de la présente loi, est
exempté tout document du Commonwealth contenant:
a) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisem-
blablement de porter atteinte à la sécurité, à la défense ou
aux relations internationales du Commonwealth;
b) des renseignements communiqués à titre confidentiel
directement ou indirectement par un gouvernement ou orga-
nisme gouvernemental étranger ou une organisation interna-
tionale, au gouvernement ou à une autorité du Common
wealth ou à une personne les représentant, renseignements
dont la divulgation sous le régime de la présente loi consti-
tuerait une violation de cette confidentialité. [Passages non
soulignés dans l'original.]
Après avoir examiné les documents en cause, le juge
Davies constate [à la page 405] qu'ils contenaient des
renseignements communiqués à titre confidentiel par
un service de renseignements étranger et dont la
divulgation contre la volonté de la source serait con-
sidérée par celle-ci comme une violation de la confi-
dentialité. Il conclut cependant que pour qu'il y ait
véritablement violation de confidentialité visée à
l'alinéa 33(1)b), il faut qu'il y ait des [TRADUCTION]
«relations de confidentialité qui se poursuivent»; que
les documents en cause ne présentant qu'un intérêt
historique, l'alinéa 33(1)b) ne s'appliquait pas. Il
décide cependant que la divulgation, sans le consen-
tement de leur source, de documents communiqués à
titre confidentiel, risquerait vraisemblablement de
porter atteinte aux relations internationales de l'Aus-
tralie, ce qui met en jeu l'alinéa 33(1)a). Citant la
décision Re Maher and Attorney -General's
Department (1985), 7 ALD 731 (Adm. App. Trib.),
par laquelle lui-même a conclu, au sujet du préjudice
visé à l'alinéa 33(1)a), qu'«il faut qu'il y ait un lien
raisonnablement prévisible de cause à effet», il s'est
prononcé en ces termes [aux pages 406 et 407]:
[TRADUCTION] Dans cette décision [Re Maher], j'ai évoqué la
nécessité d'une coopération entre les organismes de différents
gouvernements, la nature confidentielle des communications
qui passent de l'un à l'autre et les rapports qui en découlent. La
sécurité est un domaine particulièrement délicat et particulière-
ment tributaire, pour son efficacité, d'un débit satisfaisant de
renseignements.
En l'espèce, la divulgation de documents communiqués à titre
confidentiel au service de renseignements australien par un ser
vice de renseignements étranger risquerait vraisemblablement,
si celui-ci ne consent pas à la divulgation, de porter atteinte
aux relations entre les deux services et, partant, aux relations
internationales de l'Australie.
À l'opposé de la cause Re Throssell, nous ne
sommes en présence en l'espèce d'aucun pouvoir dis-
crétionnaire d'interpréter la loi comme requérant des
relations continues de confidentialité au sujet des
documents en cause. Le responsable de l'institution
fédérale concernée doit tout simplement décider si les
renseignements dont s'agit ont été obtenus à titre
confidentiel au sens du paragraphe 13(1) et, dans l'af-
firmative, il doit refuser de les divulguer à moins que
les exceptions ne s'appliquent. Des exceptions sont
expressément prévues au paragraphe 13(2), lequel,
essentiellement, énumère les cas où les renseigne-
ments en cause ne sont plus «confidentiels» au sens
de l'article 13. Ainsi, cette exemption ne perd son
caractère obligatoire que si l'autre gouvernement ou
organisme consent à la divulgation ou a lui-même
rendu public le renseignement. De même, à l'opposé
de l'alinéa 20(1)b) de la Loi 2 qui prévoit expressé-
ment la question de savoir si la source d'information
considère toujours le renseignement comme confi-
dentiel, l'article 13 ne prévoit que la question de
savoir si, au moment où il fut obtenu, ce renseigne-
ment était confidentiel.
L'exemption de l'article 19
Les renseignements personnels visés à l'article 19
sont définis par référence à l'article 3 de la Loi sur la
protection des renseignements personnels. Dans
Canada (Commissaire à l'information) c. Canada
(Secrétaire d'État aux Affaires extérieures), [1990] 1
C.F. 395 (]Ce inst.), le juge Dubé, analysant l'esprit et
l'objet de la Loi sur la protection des renseignements
personnels et de la Loi sur l'accès à l'information
ainsi que les rapports entre ces deux textes, a tiré la
conclusion suivante [à la page 4011:
Il convient donc à ce stade-ci d'examiner l'article 2 de la Loi
sur l'accès à l'information qui indique l'objet de la Loi, qui est
d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en
consacrant le droit du public à leur communication, les excep
tions indispensables à ce droit «étant précises et limitées».
L'objet de la Loi sur la protection des renseignements person-
nels est également défini dans son article 2 qui prévoit que la
Loi a pour objet de protéger les renseignements personnels
relevant des institutions fédérales.
Il ressort clairement de l'interprétation conjointe de ces deux
articles que la règle est la communication des renseignements
au public et l'exception vise les renseignements personnels.
Il me paraît évident que les deux lois interprétées de façon
conjointe prévoient la communication des renseignements au
public à l'exception des renseignements personnels concernant
les individus.
Il s'ensuit que sont seuls exemptés les renseigne-
ments qui correspondent exactement aux catégories
visées à l'article 3 de la Loi sur la protection des ren-
seignements personnels et au paragraphe 19(2) de la
2 20. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu,
sous réserve des autres dispositions du présent article, de refu-
ser la communication de documents contenant:
G) des renseignements financiers, commerciaux, scienti-
fiques ou techniques fournis à une institution fédérale par
un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont
traités comme tels de façon constante par ce tiers. [Pas-
sage non souligné dans l'original.]
Loi sur l'accès ù l'information, mais qui ne sont pas
touchés par les exceptions prévues aux mêmes dispo
sitions. En fait, le paragraphe 19(1) prévoit que dans
ce cas, le responsable de l'institution fédérale sollici-
tée «est tenu» de refuser la communication. La Loi ne
prévoit pas le pouvoir discrétionnaire de divulguer le
renseignement en fonction du temps qui s'est écoulé
depuis le moment où il fut obtenu à l'origine. Elle ne
dit pas qu'il faut divulguer un document après 30 ans
ou si le demandeur a une bonne raison d'en demander
la communication. Le fait que Yardley soit mort
depuis 35 ans et que les circonstances de son renvoi
remontent à près de 50 ans ne présente absolument
aucune importance pour ce qui est de savoir si des
renseignements personnels concernant quelqu'un
d'autre que Yardley devraient être divulgués, à moins
que l'intéressé ne soit mort depuis plus de 20 ans ou
n'ait consenti lui-même à cette divulgation. J'admets
qu'il pourrait être difficile de vérifier si ces excep
tions s'appliquent. Cependant, je ne pense pas qu'il
suffise au responsable de l'institution fédérale con-
cernée de se contenter de dire qu'il n'est pas au cou-
rant ou qu'il ne sait pas si les exceptions s'appli-
quent. Au contraire, il faut qu'il soit à même de dire
quelles mesures ont été prises à cet égard.
L'exemption de l'article /5
L'argument du requérant selon lequel les exemp
tions invoquées en vertu de l'article 15 auraient dû
être plus spécifiques n'a aucune valeur. Dans Canada
(Commissaire ù l'information) c. Canada (Ministre
de la Défense nationale), [1990] 3 C.F. 22 (i re inst.),
Madame le juge Reed constate, au sujet du contenu
de l'avis portant refus de communication, que si le
paragraphe 10(1) fait au ministre obligation de citer
la disposition expresse sur laquelle il fonde son refus,
il n'est pas tenu de spécifier la catégorie de docu
ments visée aux alinéas applicables. Elle s'est pro-
noncée en ces termes [aux pages 29 et 30]:
Le critère applicable est celui du préjudice, ou du préjudice
probable. Les alinéas descriptifs qui suivent ne formulent que
des exemples. Ils décrivent de façon non exhaustive les genres
de documents dont la divulgation pourrait être considérée
comme portant préjudice aux intérêts précis qui se trouvent
énumérés.
À mon sens, ce qui est exigé, dans le contexte de l'article 15,
c'est que le requérant reçoive un avis lui disant si le motif du
refus est que la divulgation aurait pour effet de (1) porter préju-
dice à la conduite des affaires internationales, ou de (2) porter
préjudice à la défense du Canada ou d'États alliés ou associés
avec le Canada, ou de (3) porter préjudice à la détection, à la
prévention ou à la répression d'activités hostiles ou subver
sives.
Les intimés citent la décision de la Cour suprême
des États-Unis dans Central Intelligence Agency v.
Sims, 471 U.S. 159 (1985); 85 L Ed 2d 173; 105 S
Ct. 1881, pour soutenir qu'en l'espèce, la Cour
devrait s'en remettre à l'expertise des auteurs des
affidavits secrets. Dans l'affaire citée, la Central
Intelligence Agency («CIA») refusait de divulguer
les noms des chercheurs MKULTRA en invoquant
§102(d)(3) de la loi dite National Security Act of
1947, 61 Stat. 498, 50 USC §403(d)(3) [50 USCS
§403(d)(3) (1982)], lequel prévoit que [TRADUCTION]
«le directeur de [la CIA] est chargé de protéger les
sources d'information et les méthodes de recherche
des renseignements contre la divulgation non autori-
sée». La Cour suprême des États-Unis a infirmé la
conclusion des instances inférieures que les rensei-
gnements en cause étaient susceptibles de divulgation
si la CIA ne prouvait pas de façon satisfaisante qu'il
lui était nécessaire d'entourer ses entreprises de
secret pour obtenir le genre de renseignements
demandés par le chercheur. Le juge en chef Burger,
rendant le jugement majoritaire concourant, a tiré la
conclusion suivante [à la page 187 L Ed 2d]:
[TRADUCTION] La Cour d'appel a sous-estimé l'importance qu'il
y a à donner aux sources d'information une assurance de confi-
dentialité qui soit aussi absolue que possible. Sous le régime
qu'elle envisage, l'Agence serait forcée de divulguer une
source chaque fois qu'un tribunal décide, après le fait, qu'elle
aurait pu obtenir les renseignements du même genre sans avoir
à promettre la confidentialité. Cette divulgation forcée de
l'identité de ses sources d'information pourrait bien avoir un
effet dévastateur sur son aptitude à remplir sa mission.
Il a évoqué l'historique de la loi en cause et conclu
que le Congrès entendait manifestement investir le
directeur de la CIA d'un large pouvoir pour protéger
le secret et l'intégrité du travail de recherche des ren-
seignements. Il s'est également prononcé sur la
nature du travail de renseignement et sur les facteurs
qu'il faut prendre en considération pour décider s'il
est raisonnable de divulguer les renseignements
demandés [à la page 184 L Ed 2d]:
[TRADUCTION] Les raisons sont trop évidentes pour qu'on en
discute davantage; sans cette protection, l'Agence serait prati-
quement réduite à l'impuissance.
Des témoins avec une grande expérience dans le domaine du
renseignement ont déposé devant le Congrès au sujet des réa-
lités pratiques du travail de recherche des renseignements.
L'amiral de la flotte Nimitz, par exemple, expliqua que «le
renseignement est un mélange de renseignements vérifiés et de
renseignements évalués, qui portent non seulement sur les for
ces armées d'un ennemi éventuel, mais encore sur sa capacité
industrielle, ses caractéristiques raciales, ses croyances reli-
gieuses et autres aspects connexes».
[aux pages 187 et 188] Nous doutons sérieusement qu'une
source potentielle de renseignements se sente rassurée si elle
sait que des juges, qui n'ont guère ou pas du tout d'expérience
dans le travail délicat de recherche des renseignements, ordon-
neront la divulgation de son identité, après avoir juste examiné
les faits de la cause pour décider si l'Agence avait réellement
besoin de promettre la confidentialité pour obtenir le rensei-
gnement... Qui plus est, une décision judiciaire sur la ques
tion de savoir si la divulgation de l'identité d'une source d'in-
formation fera du tort à cette dernière nécessitera dans un
grand nombre de cas des jugements de valeur politiques, histo-
riques et psychologiques ... Il n'y a aucune raison pour qu'une
source potentielle d'information, dont le bien-être et la sécu-
rité pourraient être en jeu, ait grande confiance dans l'aptitude
des magistrats à former correctement ces jugements de valeur.
[Aux pages 189 à 191] En l'espèce, le directeur a conclu que la
divulgation des établissements auxquels appartiennent les cher-
cheurs MKULTRA pourrait mener à l'identification de ces
chercheurs eux-mêmes et que par conséquent, la divulgation
faisait courir le risque inacceptable de révéler des «sources
d'information» protégées. Les décisions du directeur, qui doit
bien entendu connaître le «tableau d'ensemble», que ne con-
naissent pas les juges, doivent être respectées vu l'importance
des questions de sécurité nationale. Il est concevable que la
seule explication des raisons pour lesquelles le renseignement
ne doit pas être divulgué puisse constituer une information pré-
cieuse pour un service de renseignements étranger.
L'intérêt national fait que parfois il soit souhaitable, voire
impératif, de divulguer des renseignements qui pourraient con-
duire à l'identité de sources d'information. Et c'est au direc-
teur de [la CIA], et non pas aux juges, qu'il incombe de pren-
dre en considération la variété de facteurs complexes et subtils
pour décider si la divulgation de documents peut se traduire
par un risque inacceptable de compromettre le travail de
recherche des renseignements de l'Agence.
Bien qu'il n'ait pas valeur de précédent pour la
Cour, l'arrêt Sims est utile en ce qu'il illustre les
inquiétudes légitimes exprimées par les intimés pour
ce qui est du préjudice possible dans la conduite des
affaires internationales. Cependant, à l'opposé de la
législation citée dans l'affaire Sims, la loi applicable
en l'espèce n'investit pas le responsable de l'institu-
tion fédérale sollicitée du pouvoir discrétionnaire
absolu de ne pas divulguer les renseignements
demandés, bien qu'il y ait lieu de souligner que dans
sa décision, la Cour suprême des États-Unis, tout en
déférant à l'opinion du directeur, s'est finalement
demandé s'il avait «raisonnablement conclu» qu'il
fallait refuser la communication.
La question du préjudice a aussi été examinée au
Canada dans le contexte d'une autre loi. Dans
Goguen c. Gibson, [1983] 1 C.F. 872, le juge en chef
Thurlow était saisi de l'opposition faite en applica
tion du paragraphe 36.1(1) [actuellement l'article 37]
de la Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970,
chap. E-10, mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. l ll,
art. 4, à la divulgation de renseignements pour cause
de préjudice à la sécurité nationale et aux relations
internationales. Voici ce que prévoit l'article 36.1:
36.1(1) Un ministre ou toute autre personne intéressée peut
s'opposer à la divulgation de renseignements devant un tribu
nal, un organisme ou une personne ayant le pouvoir de con-
traindre à la production de renseignements, en attestant verba-
lement ou par écrit devant eux que ces renseignements ne
devraient pas être divulgués pour des raisons d'intérêt public
déterminées.
(2) Sous réserve des articles 36.2 et 36.3, dans les cas où
l'opposition visée au paragraphe (1) est portée devant une cour
supérieure, celle-ci peut prendre connaissance des renseigne-
ments et ordonner leur divulgation, sous réserve des restric
tions ou conditions qu'elle estime indiquées, si elle conclut
qu'en l'espèce, les raisons d'intérêt public qui justifient la
divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public invo-
quées lors de l'attestation.
Le juge en chef Thurlow a analysé en particulier
«l'importance de l'intérêt public dans le maintien de
la sécurité nationale et des relations internationales»
ainsi que des facteurs comme le degré d'ancienneté
du renseignement, sa source et les circonstances de sa
communication à l'origine. Il s'est prononcé en ces
termes, à la page 905:
En matière de sécurité nationale et de relations internatio-
nales, le secret est de rigueur. Le temps et l'effort consacrés à
rassembler et à trier l'information sont considérables. Le pro-
cessus est continu. Il se fait dans l'intérêt de la sécurité
publique. Ce qui est acquis par tous ces efforts est vite compro-
mis, voire perdu, par la révélation de renseignements qui
devraient demeurer secrets.
En outre, bien que les renseignements concernés par cette
demande datent d'au moins dix ans, je ne pense pas que leur
divulgation puisse être considérée pour cela moins préjudicia-
ble. Comme on l'a souligné au moins dans l'une des affaires
citées, certains secrets de la sécurité nationale peuvent devoir
être gardés ainsi indéfiniment. Voir Attorney -General v. Jona-
than Cape Ltd. and Others, [[1976] 1 Q.B. 752, la p. 770]. Je
pense qu'il en est de même des secrets liés aux relations inter-
nationales. L'opinion exprimée par le juge en chef adjoint
Gibbs de la Cour d'appel dans l'arrêt Sankey v. Whitlam
[(1978), 21 A.L.R. 505 (H.C.), à la p. 528], va dans le même
sens. Dans les deux cas, dix ou vingt ans ne sauraient réduire le
danger d'une divulgation dommageable.
Enfin, il faut tenir compte de ce que le Canada n'est pas
actuellement en guerre. Si un état de guerre existait, je doute
que l'on puisse soutenir que l'intérêt public dans la sécurité
nationale n'est pas supérieur à l'intérêt public dans la bonne
administration de la justice; car en temps de guerre, la vie de
tous les citoyens est en péril. Le fait que le pays ne soit pas en
guerre joue un peu en faveur des requérants mais, dans l'état
actuel des relations internationales, du terrorisme politique et
de la subversion, fort peu. Il faut maintenir une vigilance cons-
tante, comme on l'a toujours fait, pour assurer la sécurité de la
nation. [Passages non soulignés dans l'original.]
Les conclusions du juge en chef Thurlow ont été con-
firmées en Cour d'appel, [1983] 2 C.F. 463 (C.A.),
où le juge Marceau, J.C.A., a ajouté [à la page 4801:
... je suis d'avis, comme le juge en chef, que dans l'évalua-
tion de la justesse et du sérieux de la demande d'exemption
fondée sur l'intérêt public, «l'auteur de l'opposition, son inté-
rêt au maintien du secret et sa connaissance de la nécessité du
secret ont leur importance» (à la page 880). J'ajouterai même
qu'à mon avis, en matière de sécurité nationale, ces éléments
pourraient être les plus importants en raison de la compétence
requise pour évaluer adéquatement la situation, compétence
qu'un juge normalement ne possède pas. [Passages non sou-
lignés dans l'original.]
Il m'incombe en l'espèce d'examiner les docu
ments en cause, les arguments et les témoignages
produits pour décider si le refus de communication
fondé sur l'article 15 était raisonnable. Bien que
l'avis des experts soit utile, c'est moi qui en fin de
compte dois former ma propre opinion pour décider
si les explications données à l'appui de ce refus sont
raisonnables. Par ailleurs, contrairement à ce qui se
passait dans l'affaire Goguen, je ne suis pas investi
en l'espèce de la responsabilité d'examiner et de met-
tre dans la balance l'intérêt public dans la divulga-
tion. La Loi investit expressément la Cour du pouvoir
discrétionnaire de divulguer les renseignements en
cause si le responsable de l'institution fédérale con-
cernée n'était pas autorisé à invoquer une exemption,
autrement dit s'il n'avait pas des motifs raisonnables
pour refuser la communication en application de l'ar-
ticle 15. Une instruction au fond est donc nécessaire.
CONCLUSION
Après examen attentif des 243 documents qui
étaient entièrement exemptés, des 132 pages ou dos
siers où des renseignements ont été occultés, et de
plusieurs autres documents parmi ceux qui ont été
communiqués au requérant, je conclus, à part l'ex-
ception ci-après, qu'il ne faut pas toucher à la déci-
sion des intimés de ne pas communiquer ou d' occul-
ter des dossiers. A l'égard des exemptions
revendiquées en application de l'article 13, le respon-
sable était fondé à refuser la communication. Il res-
sort des témoignages produits qu'il y a eu consulta
tion en règle des États ou organisations étrangers,
lesquels n'ont pas consenti à la divulgation des ren-
seignements en cause qu'ils avaient fournis à titre
confidentiel.
De même, à l'égard des exemptions revendiquées
en application de l'article 19, je conclus que les docu
ments dont s'agit contiennent des renseignements
personnels visés aux alinéas applicables de l'article 3
de la Loi sur la protection des renseignements per-
sonnels, et que les exceptions prévues au paragraphe
19(2) ne s'appliquent pas. Enfin, à l'égard des
exemptions fondées sur l'article 15, je conclus, sur la
foi des affidavits secrets complémentaires déposés à
l'appui des intimés, que le responsable de l'institu-
tion concernée avait des motifs raisonnables pour
refuser de communiquer tout ou partie des dossiers
en cause, du fait que leur divulgation risquerait vrai-
semblablement de porter préjudice à la conduite des
affaires internationales.
Pour ce qui est des autres arguments avancés par le
requérant, il n'a pas produit des preuves suffisantes
pour prouver que d'autres historiens ont reçu un trai-
tement préférentiel. Quoi qu'il en soit, je ne vois
aucun motif sur lequel le responsable de l'institution
fédérale concernée aurait pu se fonder pour accorder
pareil traitement à d'autres historiens, si ce n'était les
exceptions prévues dans la loi applicable.
Comme indiqué précédemment, les intimés ont
invoqué une ou plusieurs dispositions portant exemp
tion à l'égard de chaque dossier ou de chaque élé-
ment occulté et, au moyen d'affidavits secrets, ont
essayé d'expliquer et de justifier chaque exemption.
J'ai examiné chaque dossier ainsi que l'explication
qui s'y rapporte et, à la lumière des faits ressortant du
dossier, j'ai décidé que le refus de communication
était justifié à l'exception d'un seul cas. Chaque fois
que j'avais des doutes, j'ai demandé des éclaircisse-
ments à l'avocate des intimés et je conclus qu'à l'ex-
ception des dossiers no 0616 et 0617, le recours en
révision doit être rejeté.
Dans les documents ci-dessus, les renseignements
relatifs aux noms, fonctions et date d'engagement
d'individus engagés après 1942 ont été occultés. Les
intimés ont exempté ces renseignements en invoquant
l'article 15, mais ont expliqué que ces derniers ont
été occultés parce qu'ils sont postérieurs à 1942 et, de
ce fait, n'ont rien à voir avec la demande faite par le
requérant de consulter les renseignements sur le Ser
vice de décryptage de la «période Yardley», 1941-
1942. Que ces renseignements n'aient pas un rapport
direct avec la demande de communication ne consti-
tue pas un motif d'exemption prévu par la Loi et, à la
lumière des considérations supra en matière
d'exemptions fondées sur l'article 15, je ne suis pas
convaincu que les intimés aient des motifs raison-
nables pour refuser de divulguer les noms, fonctions
et date d'engagement d'individus engagés après
1942, bien que les autres éléments occultés de ces
dossiers aient été proprement exemptés en applica
tion de l'article 15.
Par ces motifs, le recours est accueilli en partie,
sans que l'une ou l'autre partie ait droit aux dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.