A-140-87
Kellogg Salada Canada Inc. (appelante)
(appelante)
c.
Le registraire des marques de commerce et
Maximum Nutrition Limited (intimés) (intimés)
RÉPERTORIA' KELLOGG SALADA CANADA INC. C. CANADA
(REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE) (CA.)
Cour d'appel, juges Mahoney et Stone, J.C.A., et
juge suppléant Gray—Toronto, 10 juin; Ottawa, 29
juin 1992.
Marques de commerce — Enregistrement — Appel du juge-
ment de première instance confirmant le refus de la Commis
sion des oppositions d'enregistrer la marque «Nutri-Vite» pour
utilisation en liaison avec des produits alimentaires pour le
déjeuner et le casse-croûte, à cause du risque de confusion
avec les marques déposées «Nutri-Max» et «Nutri-Fibre» de
l'intimée — Plus de 225 marques comportant le mot «Nutri»
sont enregistrées — Appel accueilli — (1) La question de la
confusion doit être tranchée à la date de la décision sur l'op-
position — (2) L'arrêt Pepsi-Cola Company of Canada, Ltd. v.
The Coca-Cola Company of Canada, Ltd., (1940] R.C.S. 17,
s'applique même s'il s'agissait d'une action en contrefaçon et
non d'un enregistrement — Les règles de comparaison des
deux types d'action se ressemblent, quoiqu'il faille démontrer
une plus grande probabilité dans une action en contrefaçon —
Tous les éléments de preuve pertinents doivent être considérés
pour déterminer si l'appelante s'est acquittée du fardeau de
prouver le peu de probabilité de confusion — (3) Absence de
probabilité de confusion — Lorsque des marques de commerce
comportent des éléments communs, cela incite les acheteurs à
les distinguer au moyen d'autres traits — Lorsque des marques
présentant des caractéristiques communes appartiennent à des
propriétaires différents le trait commun a moins d'importance
— Les suffixes sont différents et suffisent à établir une distinc
tion entre les marques.
Appel du jugement de première instance confirmant le refus
de la Commission des oppositions d'enregistrer la marque de
commerce «Nutri-Vite» pour utilisation en liaison avec des ali-
ments pour le petit déjeuner et le casse-croûte. Le juge de pre-
mière instance a statué que la marque «Nutri-Vite» risquait de
créer de la confusion avec les marques déposées «Nutri-Max»
et «Nutri-Fibre» de l'intimée, toutes deux en usage au Canada
en liaison avec des produits alimentaires diététiques. A l'ins-
truction, l'appelante a déposé de nouveaux affidavits, que la
Commission des oppositions n'avaient pas examinés, montrant
que plus de 225 marques de commerce et noms commerciaux
différents comprenant le mot «Nutri» avaient été enregistrés.
La Commission des oppositions n'avait pas accepté la preuve
relative à l'état du registre parce que la recherche sur les
marques de commerce avait été établie plusieurs mois après la
date de la déclaration d'opposition originale. Le juge de pre-
mière instance a conclu que l'appelante ne s'était pas acquittée
du fardeau d'établir qu'il y avait peu de probabilités de confu
sion, que la Cour ne devait pas modifier la conclusion de la
Commission et qu'il n'incombait pas à l'intimée de démontrer
que ses marques de commerce ne créaient pas de confusion
avec celles de tiers, car la question de la validité de ses
marques ne se posait pas. Il a jugé que l'usage courant du mot
«Nutri» est plus pertinent à la question du «caractère distinctif
inhérent». Il a établi une distinction avec l'arrêt Pepsi-Cola
Company of Canada, Ltd. v. The Coca-Cola Company of
Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17, en invoquant qu'il s'agissait
d'une action en contrefaçon plutôt que d'une demande d'enre-
gistrement. L'appelante a fait valoir que le juge de première
instance a commis une erreur dans son appréciation des cri-
tères généraux énoncés au paragraphe 6(5) («tient compte de
toutes les circonstances de l'espèce») en ne considérant pas les
éléments de preuve pertinents établissant que bon nombre de
marques de commerce et de noms commerciaux contenant le
mot «Nutri» sont employés au Canada. La Cour devait se pro-
noncer sur: (1) la date à l'égard de laquelle la question de la
confusion doit être tranchée et sur les questions de savoir (2) si
l'arrêt Pepsi-Cola s'applique à l'espèce nonobstant le fait qu'il
portait sur une action en contrefaçon et (3) s'il y a risque de
confusion.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
(1) La question de la confusion doit être tranchée à la date
de la décision sur l'opposition. Toute la preuve produite devant
la Section de première instance doit être examinée pour que la
Cour puisse se prononcer sur la question de la confusion.
(2) L'arrêt Pepsi-Cola ne doit pas faire l'objet d'une distinc
tion du seul fait qu'il s'agit d'une action en contrefaçon. La
Cour suprême du Canada a conclu que les règles de comparai-
son dans une action en contrefaçon ressemblent à celles qui
s'appliquent à une demande d'enregistrement, même s'il faut
démontrer une plus grande probabilité dans le premier cas et
que la norme de preuve relative à la confusion diffère; elle n'a
pas statué que la preuve tirée de l'état du registre ne peut être
examinée dans une demande d'enregistrement. En consé-
quence, tous les éléments de preuve pertinents doivent être
examinés pour déterminer si l'appelante s'est acquittée du far-
deau de la preuve. En outre, établir à l'égard de l'arrêt Pepsi-
Cola une distinction fondée uniquement sur le fait qu'il s'agis-
sait d'une action en contrefaçon entraînerait des difficultés en
matière de preuve et de l'incohérence en jurisprudence.
(3) L'appelante s'est acquittée du fardeau de démontrer qu'il
n'existe aucune probabilité de confusion entre sa marque de
commerce et l'une ou l'autre de celles de l'intimée. La pré-
sence d'un élément commun incite les acheteurs à porter une
plus grande attention aux autres traits des marques respectives
et à les distinguer au moyen de ces autres traits. Le fait que les
marques présentant des caractéristiques communes appartien-
nent à différentes personnes tend à nier l'importance de l'exis-
tence du trait commun. La Commission des oppositions et le
juge de première instance estimaient qu'aucune des marques
en cause n'avait un caractère distinctif inhérent. Lorsque les
marques n'ont que peu ou pas de caractère distinctif inhérent,
«de petites différences permettent de les distinguer>. Le mot
«Nutri» est généralement adopté dans le secteur de l'alimenta-
tion pour suggérer une qualité désirable des produits alimen-
taires, en particulier des produits diététiques. Les consomma-
teurs sont habitués à établir des distinctions subtiles entre les
différentes marques «Nutri». Les suffixes sont totalement dif-
férents et suffisent à distinguer les marques. Les marques de
l'intimée n'ont acquis un caractère distinctif qu'en rapport aux
éléments de celles-ci qui différent des autres marques «Nutri».
Dans la mesure où l'appelante est déjà titulaire de deux
marques de commerce déposées incorporant le mot «Nutri»,
elle a déjà le droit d'employer ce préfixe.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, ch. T-10,
art. 6(5), 12(1)d), 16(3)a), 29b), 39(2), 44.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Pepsi-Cola Company of Canada, Ltd. v. The Coca-Cola
Company of Canada, Ltd., [1940] R.C.S. 17; [1940] 1
D.L.R. 161; conf. par Coca-Cola Co. v. Pepsi-Cola Co.
(1942), 2 D.L.R. 657; [1942] 2 W.W.R. 257; (1942), 1
C.P.R. 293; 2 Fox Pat. C. 143; [1942] 1 All E.R. 615
(P.C.); Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons
Bedding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Molson
Cos. v. Distilleries Corby Ltée/Corby Distilleries Ltd.
(1987), 17 C.I.P.R. 19; 18 C.P.R. (3d) 55 (C. Opp. M.C.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Molnlycke Aktiebolag c. Kimberly-Clark of Canada Ltd.
(1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C.F. lre inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Benson & Hedges (Canada) Limited v. St. Regis Tobacco
Corporation, [1969] R.C.S. 192; (1968), 1 D.L.R. (3d)
462; 57 C.P.R. 1; 39 Fox Pat. C. 207; Andres Wines Ltd
c. Canadian Marketing International Ltd., [1987] 2 C.F.
159; (1986), 10 C.I.P.R. 206; 13 C.P.R. (3d) 253; 8 F.T.R.
173 (lie inst.); conf. par (1988), 22 C.P.R. (3d) 289; 93
N.R. 253 (C.A.F.); Laurentide Chemicals Inc. c. Les Mar-
chands Deco Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 357 (C.F. 1m
inst.); Esprit de Corp c. S.C. Johnson & Co. (1986), 11
C.I.P.R. 192; 13 C.P.R. (3d) 235; 8 F.T.R. 81 (C.F. Ire
inst.); Beck, Koller & Coy. (England) Ld's Application for
a Trade Mark (1947), 64 R.P.C. 76; Harrods Ld. — In the
Matter of an Application by — to Register a Trade Mark
(1934), 52 R.P.C. 65; Oshawa Group Ltd c. Creative
Resources Co. Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.).
DOCTRINE
Fox, Harold G. The Canadian Law of Trade Marks and
Unfair Competition, 3rd ed., Toronto: Carswell Co.
Ltd., 1972.
APPEL du jugement de première instance (Maxi-
mum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Can. Inc.
(1987), 11 C.I.P.R. 1; 14 C.P.R. (3d) 133; 9 F.T.R.
136 (C.F. ire inst.)) confirmant le refus de la Com
mission des oppositions d'enregistrer la marque de
commerce «Nutri-Vite» pour utilisation en liaison
avec des aliments pour le petit déjeuner et le casse-
croûte. Appel accueilli.
AVOCATS:
Frank Farfan et Tony Bortolin pour l'appelante
(appelante).
Roger T. Hughes, c.r., pour les intimés
(intimés).
PROCUREURS:
MacBeth & Johnson, Toronto, pour l'appelante
(appelante).
Sim, Hughes, Dimock, Toronto, pour les intimés
(intimés).
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Le présent appel et l'appel
portant le numéro du greffe A-141-87 ont été enten-
dus ensemble. Les deux visent un jugement de la
Section de première instance rendu le 9 février 1987
dans des procédures d'appel sous le régime de la Loi
sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, ch. T-10,
modifiée, qui a confirmé des décisions de la Commis
sion des oppositions accueillant des déclarations
d'opposition modifiées, produites le 18 décembre
1981, l'égard de l'enregistrement des marques
«Nutri-Bran» et «Nutri-Vite» de l'appelante qui
devaient être employées en liaison avec des [TRADUC-
TION] «produits alimentaires dérivés de céréales et de
légumes devant être utilisés comme aliments de petit
déjeuner et de casse-croûte». Ce jugement est publié
intégralement sous l'intitulé Maximum Nutrition Ltd.
c. Kellogg Salada Can. Inc. (1987), 11 C.I.P.R. 1
(C.F. Pe inst.). Le présent appel porte sur le rejet de
la demande d'enregistrement de «Nutri-Vite» comme
marque de commerce au Canada.
La demande d'enregistrement des deux marques
était fondée sur l'usage projeté. L'intimée a fait
valoir devant la Commission des oppositions et
devant la Section de première instance que la marque
«Nutri-Vite» risquait de créer de la confusion avec
ses marques de commerce déposées «Nutri-Max» et
«Nutri-Fibre», qui avaient toutes deux été en usage
au Canada pendant d'importantes périodes en liaison
avec des produits alimentaires diététiques dans le
même commerce. Le juge de première instance a
souscrit à cette prétention. Pour trancher, il a tenu
compte des dispositions du paragraphe 6(5) de la Loi,
qui porte:
6....
(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms
commerciaux créent de la confusion, la cour ou le registraire,
selon le cas, doit tenir compte de toutes les circonstances de
l'espèce, y compris
a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce
ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont
devenus connus;
b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou
noms commerciaux ont été en usage;
c) le genre des marchandises, services ou entreprises;
d) la nature du commerce; et
e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce
ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou
dans les idées qu'ils suggèrent.
Devant la Section de première instance, l'appelante
a produit des éléments de preuve par affidavit qui
venaient s'ajouter à ceux qui avaient déjà été produits
devant la Commission des oppositions. Ces nouveaux
documents étaient composés de deux affidavits de
Michael Godwin, assermenté le 20 mars 1986, de
l'affidavit de Jennifer Stecyk, assermentée le 20 mars
1986, et de l'affidavit de Catherine Brunelle, asser-
mentée le 18 avril 1986, ce dernier portant sur le
registre. Ces affidavits montrent que plus de
225 marques de commerce et noms commerciaux dif-
férents qui ont été enregistrés par différentes per-
sonnes au Canada comprennent le mot «Nutri»
comme préfixe ou autrement. Au cours de la procé-
dure devant la Commission des oppositions, l'appe-
lante a produit l'affidavit d'une secrétaire juridique
auquel était jointe la copie d'une recherche en
matière de marques de commerce effectuée par un
représentant. Cette preuve a été jugée inadéquate
parce qu'elle constituait une preuve par ouï-dire et
que le rapport de la recherche avait été établi plu-
sieurs mois après la date de la déclaration d'opposi-
tion originale. Un deuxième affidavit, signé par Paul
Corimé qui était le directeur national des ventes de
l'appelante, a été jugé en grande partie inadmissible
dans la mesure où il constituait lui aussi une preuve
par ouï-dire.
La Commission des oppositions a conclu qu'il
incombait à l'appelante de démontrer qu'il n'y avait
aucune probabilité raisonnable de confusion entre les
marques. Après avoir constaté qu'aucune des
marques ne possédait beaucoup de caractère distinctif
inhérent et après avoir étudié les facteurs énumérés
au paragraphe 6(5) de la Loi, la Commission des
oppositions a motivé son rejet de la demande d'enre-
gistrement de la marque «Nutri-Vite» par la conclu
sion suivante:
[TRADUCTION] Eu égard à ce qui précède et compte tenu du fait
que c'est à la requérante qu'incombe en droit la charge d'éta-
blir l'absence de confusion selon toute probabilité raisonnable
entre les marques de commerce en cause, j'ai conclu que la
requérante ne s'était pas acquittée de cette charge puisqu'il
existerait une probabilité raisonnable de confusion entre la
marque de commerce NUTRI-VITE de la requérante appliquée
aux marchandises de la requérante et la marque de commerce
déposée NUTRI-MAX de l'opposante appliquée aux marchan-
dises visées par l'enregistrement de la marque de commerce de
l'opposante et, en particulier, aux céréales et produits céréa-
liers visés par l'enregistrement de sa marque de commerce. En
concluant ainsi, je constate que malgré le fait que les marques
de commerce en cause ont peu de caractère distinctif inhérent,
l'opposante a établi par sa preuve que sa marque de commerce
NUTRI-MAX est devenue connue au Canada en liaison avec
les marchandises visées par l'enregistrement de sa marque de
commerce et qu'il existe un degré de similarité entre les
marques de commerce dans la présentation et le son, et que les
marchandises de la requérante et certaines des marchandises de
l'opposante sont connexes et qu'elles circuleraient par les
mêmes circuits de distribution.
Il a tiré une conclusion identique en ce qui a trait au
rejet de la demande d'enregistrement de la marque
«Nutri-Bran».
Le juge de première instance était saisi de la ques
tion de savoir s'il existait une probabilité de confu
sion entre la marque de l'appelante et celles de l'inti-
mée, en particulier «Nutri-Max». En maintenant
l'opposition, le juge de première instance a tiré les
conclusions suivantes: l'appelante ne s'était pas
acquittée du fardeau d'établir qu'il y avait peu de
probabilités de confusion, la Cour ne devrait pas
modifier la conclusion de la Commission des opposi-
tions et, puisque la question de la validité des
marques de commerce de l'intimée ne se posait pas,
il n'incombait pas à l'intimée de démontrer que ses
marques de commerce ne créaient pas de la confusion
avec celles de tiers. Si la décision de la Commission
des oppositions mérite beaucoup de considération, le
juge de première instance n'est pas pour autant libéré
de l'obligation de trancher les points en litige en
ayant égard aux circonstances: Benson & Hedges
(Canada) Limited v. St. Regis Tobacco Corporation,
[1969] R.C.S. 192, la page 200. Comme nous le
verrons, l'affaire devait aussi être examinée en tenant
compte de tous les éléments de preuve, y compris
ceux qui n'ont pas été produits devant la Commission
des oppositions.
L'appelante ne conteste pas la façon dont le juge
de première instance a traité les critères particuliers
énumérés aux alinéas 6(5)a) à e). Me Farfan, avocat
de l'appelante, concède que si la question se limitait
vraiment aux critères énoncés par la Loi dans ces ali-
néas, il ne pourrait s'opposer au résultat. Il prétend
toutefois que le juge de première instance a commis
une erreur dans son appréciation des critères géné-
raux prévus par ce paragraphe, à savoir que la proba-
bilité de confusion doit être déterminée en tenant
compte «de toutes les circonstances de l'espèce», eu
égard à la preuve. Cet aspect de la question a été
abordé par le juge de première instance aux pages 5
et 6, où il a déclaré ce qui suit:
Elle soutient qu'il y a une preuve péremptoire d'une autre cir-
constance, une absence de caractère distinctif des marques
déposées de l'intimée par rapport aux marques de commerce et
aux noms commerciaux de tiers, qui aurait dû amener le regis-
traire, ou devrait amener la Cour, à conclure qu'il n'existe pas
de probabilité de confusion entre les marques de commerce
projetées de l'appelante et les marques déposées de l'intimée.
Dans la preuve qu'elle a soumise au président, l'appelante a
essayé d'établir que le mot «NUTRI» est d'un usage tellement
courant dans d'autres marques de commerce, noms commer-
ciaux et noms de sociétés, qu'il n'a aucun caractère distinctif.
Le président a considéré que la plus grande partie de cette
preuve était défectueuse. De nouveaux affidavits m'ont été
soumis pour surmonter ces défauts. L'avocat de l'appelante
déclare, et cela n'est pas contesté par l'avocat de l'intimée, que
selon la preuve actuellement au dossier, il y avait à la date de
production de la demande d'enregistrement, soit le 19 mai
1981, au moins quarante-sept enregistrements de marques de
commerce et quarante-trois noms commerciaux utilisant le mot
«NUTRI». A la date de l'opposition, le 17 décembre 1981, il y
avait au moins trois noms commerciaux de plus. Depuis cette
époque, il y a eu dix-huit nouveaux enregistrements ou
demandes d'enregistrement de marques de commerce et
soixante-six noms commerciaux utilisant ce mot. Je ne suis pas
convaincu qu'une telle «circonstance de l'espèce» ajoute beau-
coup à la thèse de l'appelante. Il se peut, qu'en fait, cette cir-
constance soit plus pertinente à la question de «caractère dis-
tinctif inhérent», dont le président et moi-même avons déjà
estimé qu'il faisait défaut aux marques de commerce de l'inti-
mée. En outre, je répète que les marques de commerce de l'in-
timée ne sont d'aucune façon en cause dans le présent litige.
Par ailleurs, l'intimée ne poursuit pas la demanderesse pour
contrefaçon des marques dé commerce déposées de cette der-
nière. Ce que le président devait décider au nom du registraire,
et ce que je dois décider, c'est de savoir si l'appelante a
démontré qu'il n'y a aucune probabilité de confusion entre ses
marques de commerce projetées et les marques projetées de
l'intimée mentionnées dans son opposition. En ce qui concerne
la nature des produits et de ces marques de commerce particu-
lières, je ne crois pas que l'appelante ait rapporté la preuve qui
lui incombe, du moins en ce qui a trait à la possibilité de con
fusion avec NUTRI-MAX. Le fait qu'il y ait plusieurs autres
marques de commerce, noms commerciaux et entreprises qui
utilisent le mot «NUTRI» n'est que marginalement pertinent
aux questions qui doivent être tranchées en l'espèce.
Il a ensuite établi une distinction entre les demandes
et la décision de la Cour suprême du Canada dans
l'affaire Pepsi-Cola Company of Canada, Ltd. v. The
Coca-Cola Company of Canada, Ltd., [1940] R.C.S.
17, portée en appel devant le Conseil privé sous l'in-
titulé Coca-Cola Co. v. Pepsi-Cola Co. (1942), 2
D.L.R. 657, en invoquant le fait qu'il s'agissait d'une
action en contrefaçon plutôt que d'une demande
d'enregistrement. Il a fondé cette distinction sur le
passage suivant du juge Davis, à la page 32:
[TRADUCTION] À notre avis, il résulte clairement de la juris
prudence que les règles de comparaison pour juger de l'exis-
tence de la prétendue contrefaçon d'une marque déposée res-
semblent à celles qui s'appliquent à la question de
ressemblance dans une demande d'enregistrement. Cependant,
il est nécessaire d'établir une plus grande probabilité pour qu'il
y ait une réelle contrefaçon que ne le justifierait le refus d'une
demande d'enregistrement. Dans une action en contrefaçon, il
incombe au demandeur d'établir une probabilité raisonnable de
confusion, alors que la personne qui demande un enregistre-
ment doit établir, s'il y a contestation, l'absence de toute possi-
bilité raisonnable de confusion.
Me Farfan fait valoir que le juge de première ins
tance a commis une erreur fondamentale puisque la
conclusion à laquelle il est arrivé n'a pas tenu compte
de la preuve d'emploi pertinente qui figurait dans le
registre ou ailleurs. Cette preuve, prétend-t-il, établit
que bon nombre de marques de commerce et de noms
commerciaux comprenant le mot «Nutri» sont
employés au Canada. Avant que chacune de ces
marques puisse être enregistrée', il a fallu prouver
qu'elle était effectivement employée au Canada; de
plus, le non-usage peut en entraîner la radiation. Il
prétend que certains éléments de preuve admissibles
devant la Commission des oppositions établissaient
l'usage du mot «Nutri» dans le marché, notamment
les parties de l'affidavit de M. Corimé qui n'étaient
pas fondées sur du ouï-dire. Selon lui, si tous ces élé-
ments de preuve avaient été examinés adéquatement,
le juge de première instance aurait conclu que l'appe-
lante s'était acquittée du fardeau de la preuve, qu'il
n'existait aucune confusion, et l'enregistrement de
«Nutri-Vite» comme marque de commerce au Canada
aurait été approuvé.
Me Hughes, qui représente l'intimée, fait ressortir
le régime législatif dans lequel doit s'inscrire l'exa-
men de l'opposition. Puisque l'opposition était fon-
dée sur la prétention selon laquelle [TRADUCTION] «la
marque de commerce n'est pas enregistrable», les
dispositions de l'alinéa 12(1)d) 3 devaient s'appliquer;
puisqu'elle était en outre fondée sur la prétention
selon laquelle [TRADUCTION] «la marque de commerce
n'est pas distinctive», les dispositions de l'ali-
néa 16(3)a) 4 devaient aussi s'appliquer. Ces deux ali-
néas introduisent l'élément de «confusion» qui,
comme nous l'avons vu, doit être examiné en tenant
compte du paragraphe 6(5) de la Loi. Il prétend que
c'est à l'appelante qu'incombe la charge de démon-
1 Voir les art. 29b) et 39(2) de la Loi.
2 Voir l'art. 44 de la Loi.
3 L'art. 12(1)d) porte:
12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de com
merce est enregistrable si elle ne constitue pas
d) une expression créant de la confusion avec une marque
de commerce déposée; ou ...
4 L'art. 16(3)a) porte:
16....
(3) Tout requérant qui a produit une demande selon l'ar-
ticle 29 en vue de l'enregistrement d'une marque de com
merce projetée et enregistrable, a droit, sous réserve des
articles 37 et 39, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard des
marchandises ou services spécifiés dans la demande, à
moins que, à la date de production de la demande, cette
marque ne créât de la confusion avec
a) une marque de commerce antérieurement employée ou
révélée au Canada par une autre personne;...
trer qu'il n'y a aucune probabilité de confusion,
comme l'a établi le juge Cattanach dans la décision
Molnlycke Aktiebolag c. Kimberly - Clark of Canada
Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C.F. ire inst.), à la
page 45:
La question classique de savoir à qui incombe la charge de
la preuve est exposée par lord Watson dans l'affaire Eno v.
Dunn (1890), 15 A.C. 252, où il a résumé en ces termes, à la p.
257, la position de la personne qui demande l'enregistrement
d'une marque:
... ici, il agit à titre de demandeur et doit justifier l'enre-
gistrement de sa marque de commerce en faisant la preuve
qu'elle n'est pas conçue pour tromper. J'estime qu'il s'en-
suit nécessairement qu'en cas de doute sa demande doit
être rejetée.
Par conséquent, lorsqu'il est question de confusion entre une
marque de commerce qui fait l'objet d'une demande d'enregis-
trement et une marque déposée, il appartient à la personne qui
demande l'enregistrement d'établir l'absence de confusion
selon toute probabilité raisonnable et si cette personne ne s'ac-
quitte pas de cette charge, la demande devrait être rejetée.
Cette charge de la preuve est constante et demeure inchan-
gée. On ne peut la comparer à un renversement du fardeau de
la preuve.
Me Hughes soutient que la Commission des oppo-
sitions et le juge de première instance ont conclu à
bon droit que l'appelante ne s'était pas acquittée de
cette charge. Puisqu'il y avait opposition à l'enregis-
trement, prétend-il, l'appelante devait à tout le moins
démontrer l'emploi réel dans le marché du mot
«Nutri», seul ou en combinaison, comme marque de
commerce. Il invoque à nouveau la décision
Molnlycke, cette fois à l'appui de la prétention selon
laquelle dans une procédure d'opposition, l'emploi
d'une marque de commerce ne peut être présumé et
doit être établi par la preuve. Le juge Cattanach s'est
en effet exprimé ainsi, à la page 48:
Ces considérations s'appliquent aux étapes préliminaires
d'une demande soumise au registraire et elles donnent ouver-
ture à la présomption de l'emploi de certaines des marques
sauf preuve contraire, mais dans une procédure d'opposition, il
ne peut y avoir une telle présomption car l'opposant est en
mesure de produire cette preuve (voir les affaires Re Beck, Kol-
ler & Co. (England), Ltds. Appl'n (1947), 64 R.P.C. 76 et Re
Harrods Ltds. Appl'n. (1934), 52 R.P.C. 65.
Me Farfan fait valoir que, lorsqu'elle est considé-
rée dans son ensemble, la décision Molnlycke n'ap-
puie pas cette prétention. Il attire l'attention sur la
page 49 de la décision Molnlycke, précitée, oh le juge
Cattanach a exprimé ce qui suit:
Cela étant, l'intimée n'a pas adopté une série de marques de
commerce ayant des traits communs mais au contraire, il y a eu
une pléthore de marques déposées pour fins d'emploi en liai
son avec des sous-vêtements féminins, toutes ces marques
employant le mot FREE avec une connotation de liberté de
mouvement, de sorte que ce terme est souvent employé dans ce
genre de commerce sans qu'il comporte une idée de propriété.
[Souligné par mes soins]
Il prétend que ce point de vue était fondé sur la
preuve tirée de l'état du registre. Il cite plusieurs
autres affaires, portées devant la Section de première
instance et devant cette Cour, dans lesquelles la
preuve d'emploi semble avoir été tirée exclusivement
de l'état du registre: Andres Wines Ltd. c. Canadian
Marketing International Ltd., [1987] 2 C.F. 159
(ire inst.), aux pages 162 et 163; portée en appel
(1988), 22 C.P.R. (3d) 289 (C.A.F.), à la page 290;
Laurentide Chemicals Inc. c. Les Marchands Deco
Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 357 (C.F. ire inst.), aux
pages 359 et 360; Esprit de Corp c. S.C. Johnson &
Co. (1986), 11 C.I.P.R. 192 (C.F. lre inst.); Park Ave
nue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding Ltd.
(1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), aux pages 427 et
428. Il se fonde surtout sur les arrêts Pepsi-Cola et
Coca-Cola, précités. Dans l'arrêt Pepsi-Cola, à la
page 33, il semble que la preuve d'emploi ait été
constituée d'un nombre d'enregistrements de
marques de commerce et de noms commerciaux com-
portant le mot «cola» sous une forme ou une autre. A
la même page, la Cour a jugé que ces enregistrements
constituaient [TRADUCTION] «une certaine preuve de
l'adoption générale du mot dans les noms de divers
toniques ou boissons». Cette conclusion semble avoir
été approuvée par le Conseil privé, saisi de l'affaire
par voie d'appel final. A la page 661 de l'arrêt Coca-
Cola, lord Russell of Killowen a déclaré:
[TRADUCTION] La défenderesse a fait état en preuve d'une
série de 22 marques de commerce déposées au Canada pendant
une période de 29 ans, à savoir de 1902 à 1930, en liaison avec
des boissons. Elles incluent la marque de la demanderesse et la
marque déposée de la défenderesse. Les 20 autres marques se
composent de deux mots ou plus ou d'un mot composé, mais
comprennent toujours le mot «Cola» ou «Kola» ... Leurs Sei-
gneuries conviennent avec la Cour suprême qu'il y a lieu de
reconnaître ces enregistrements comme démontrant que le mot
Cola ... avait été adopté au Canada comme un élément du
nom de différentes boissons.
Les affaires Beck, Koller & Coy. (England) Ld's
Application for a Trade Mark (1947), 64 R.P.C. 76 et
Harrods Ld. — In the Matter of an Application by —
to Register a Trade Mark (1934), 52 R.P.C. 65, men-
tionnées par le juge Cattanach dans la décision
Molnlycke, précitée, ont toutes deux été tranchées par
le bureau du Contrôleur général. La dernière décision
a été rendue postérieurement aux arrêts Pepsi-Cola et
Coca-Cola, mais elle ne les mentionne point.
Avant d'aborder toute la question litigieuse de la
confusion, je voudrais trancher deux questions secon-
daires qui furent posées au cours de l'argumentation:
celle de la date à laquelle la question en litige doit
être tranchée et celle de savoir si l'arrêt de la Cour
suprême du Canada dans l'affaire Pepsi-Cola s'ap-
plique à la question en litige nonobstant le fait qu'il
s'agissait d'une action en contrefaçon. La question de
la date pertinente a fait l'objet d'une certaine contro-
verse, mais la Cour a récemment énoncé une position
claire. En l'espèce, la question a une certaine impor
tance puisque la preuve tirée de l'état du registre, qui
a en grande partie été jugée inadmissible par la Com
mission des oppositions, a été admise devant la Sec
tion de première instance. Dans certaines des déci-
sions antérieures de la Section de première instance,
la date de la demande d'enregistrement, la date de
l'opposition et la date à laquelle une opposition est
tranchée ont chacune été considérées comme des
dates pertinentes. Il est maintenant établi que la date
à laquelle une opposition est tranchée est la seule date
pertinente: voir l'arrêt Park Avenue, précité. Dans
cette affaire, une preuve supplémentaire avait été pro-
duite après le dépôt de la demande. Après avoir passé
en revue la jurisprudence, y compris l'arrêt Oshawa
Group Ltd. c. Creative Resources Co. Ltd. (1982), 61
C.P.R. (2d) 29 (C.A.F.), le juge Desjardins, J.C.A., a
exprimé ce qui suit, à la page 424:
Dans le cas d'une opposition au droit à l'enregistrement, le
point de vue adopté par le juge Heald dans l'arrêt Oshawa
m'apparaît le plus logique. Je ne vois rien d'anormal dans la
possibilité pour les parties de mettre la situation à jour lorsqu'il
s'agit de savoir s'il y a lieu d'accorder une reconnaissance
législative à une marque. Il me semble qu'il importe que la
décision du registraire ou du tribunal reflète avec exactitude
l'état du registre. Le droit à l'enregistrement devrait être décidé
à la date de l'enregistrement ou à la date du refus de l'enregis-
trement.
La date, à retenir en l'espèce est celle à laquelle le registraire
a statué sur l'opposition en se fondant sur la preuve produite...
[Renvoi omis.]
En l'espèce, il s'ensuit que toute la preuve produite
devant la Section de première instance doit être exa
minée pour que la Cour puisse trancher la question de
la confusion.
En deuxième lieu et en toute déférence, je ne puis
établir une distinction d'avec l'arrêt Pepsi-Cola du
seul fait qu'il s'agissait d'une action en contrefaçon.
Dans cet arrêt, selon moi, la Cour suprême du Canada
a en effet conclu que les règles de comparaison dans
une action en contrefaçon ressemblent à celles qui
s'appliquent à une demande d'enregistrement, même
s'il faut démontrer une plus grande probabilité dans
une action en contrefaçon, et que la norme de preuve
relative à la confusion à laquelle est tenu le deman-
deur dans une action en contrefaçon diffère de celle
qui s'applique au requérant dans une demande d'en-
registrement. Selon moi, cette décision ne signifie pas
que la preuve tirée de l'état du registre peut servir à
trancher la question de la confusion dans une action
en contrefaçon mais non dans une demande d'enre-
gistrement. Si tel était le cas, on ne pourrait trancher
l'espèce sans examiner toute la preuve pertinente afin
de déterminer si l'appelante s'est acquittée du far-
deau de la preuve.
Établir entre l'arrêt Pepsi-Cola et l'espèce une dis
tinction fondée uniquement sur le fait qu'il s'agissait
alors d'une action en contrefaçon semble entraîner
des difficultés en matière de preuve et de l'incohé-
rence dans la jurisprudence. Ce point de vue était
exprimé récemment par la Commission des opposi-
tions dans Molson Cos. v. Distilleries Corby
Ltée/Corby Distilleries Ltd. (1987), 17 C.I.P.R. 19,
où le président Martin a déclaré ce qui suit, aux pages
25 et 26:
[TRADUCTION] L'opposante a en outre fait valoir que la
preuve tirée de l'état du registre en l'espèce n'a pratiquement
pas d'importance, eu égard à la décision rendue dans l'affaire
Maximum Nutrition Ltd. c. Kellogg Salada Can. Inc. (1987),
11 C.I.P.R. 1 (sub nom. Kellogg Salada Can. Inc. c. Reg.
M.C.), 14 C.P.R. (3d) 133, 9 F.T.R. 136 (C.F. lre inst.). A la
p. 138 de cette décision, le juge Strayer a commenté en ces
termes la preuve tirée de l'état du registre qui avait été produite
devant lui:
«Le fait qu'il y ait plusieurs autres marques de commerce,
noms commerciaux et entreprises qui utilisent le mot "nutri"
n'est que marginalement pertinent aux questions qui doivent
être tranchées en l'espèce.»
Le juge Strayer établit ensuite une distinction d'avec l'arrêt
Pepsi-Cola précité en se fondant sur le fait qu'il s'agissait
d'une action en contrefaçon, même si les motifs qu'il invoque
à cet égard ne sont pas clairs. De plus, son point de vue ne
semble pas correspondre à d'autres décisions de la Cour fédé-
rale, y compris les trois décisions suivantes rendues récemment
par la Section de première instance: Laurentide Chemicals Inc.
c. Marchands Deco Inc. (1985), 7 C.P.R. (3d) 357, à la p. 365;
Esprit de Corp. c. S.C. Johnson & Co. (1986), Il C.I.P.R. 192;
8 F.T.R. 81 (sub nom. S.C. Johnson & Son Inc. v. Esprit de
Corp.), 13 C.P.R. (3d) 235, aux p. 247 et 248, et Andres Wines
Ltd. c. Cdn. Marketing International Ltd, [1987] 2 C.F. 159,
10 C.1.P.R. 206; 8 F.T.R. 173; 13 C.P.R. (3d) 253, aux
pages 259 et 260. Compte tenu de cette apparente contradiction
et de l'ambiguïté de la décision Maximum Nutrition, je me sens
obligé de suivre la série de décisions qui reconnaissent la perti
nence de la preuve tirée de l'état du registre dans des affaires
comme la présente instance.
On a jugé que la présence d'un élément commun
dans les marques de commerce a une grande inci
dence sur la question de la confusion, comme l'a
exprimé le Contrôleur général dans l'affaire Harrods
LA, précitée, à la page 70:
[TRADUCTION] C'est maintenant un principe reconnu, dont il
faut tenir compte pour déterminer la possibilité de confusion
entre deux marques de commerce, que lorsque ces deux
marques comportent un élément commun qui est également
compris dans un certain nombre d'autres marques employées
dans le même marché, cet emploi commun dans le marché
incite les acheteurs à porter une plus grande attention aux
autres traits des marques respectives et à les distinguer les unes
des autres au moyen de ces autres traits.
Le même point de vue a été exprimé dans l'affaire
Beck, Koller & Coy. (England), Ld's, précitée. Dans
la décision Molnlycke, précitée, le juge Cattanach a
fait le commentaire suivant à propos de l'importance
d'une caractéristique commune et de la nature de la
preuve nécessaire. Il a déclaré ce qui suit, à la page
48:
Si les marques qui présentent des caractéristiques communes
sont enregistrées au nom de différents propriétaires, on pré-
sume alors que ces caractéristiques communes constituent un
trait commun de l'entreprise et l'enregistrement devrait être
accordé. Le fait que les marques appartiennent à différentes
personnes tend à nier l'importance de l'existence du trait com-
mun et favorise ainsi la personne qui demande l'enregistre-
ment.
Voir en outre les décisions de cette Cour dans l'af-
faire Park Avenue, précitée, à la page 428, et dans
l'affaire Andres Wines, précitée, à la page 290. Dans
l'ouvrage de Fox, The Canadian Law of Trade Marks
and Unfair Competition, (3e éd.), Toronto, 1972, à la
page 351, les auteurs affirment:
[TRADucnoN] Il arrive rarement qu'on emploie uniquement les
parties communes au commerce sans leur ajouter d'autres
traits, qui peuvent être distinctifs. On prend habituellement une
partie d'une marque de commerce, comme le préfixe ou le suf-
fixe d'un mot, ou, dans d'autres cas, seulement l'un des mots
d'une marque de commerce comportant plusieurs mots. Pour
déterminer la possibilité de confusion entre deux marques de
commerce données, c'est un principe reconnu que, lorsque ces
deux marques comportent un élément commun qui est égale-
ment compris dans un certain nombre d'autres marques
employées dans le même marché, cet emploi commun dans le
marché incite les acheteurs à porter une plus grande attention
aux traits additionnels ou non communs des marques respec-
tives et à les distinguer les unes des autres au moyen de ces
autres traits. Ce principe exige toutefois que les marques qui
comprennent les éléments communs fassent l'objet d'un
emploi assez répandu dans le marché à l'intérieur duquel les
marques examinées sont ou seront utilisées. (Motifs du Contrô-
leur général dans l'affaire Harrods Ld. (1935), 52 R.P.C. 65, à
la p. 70; Diamond T. Motor Car Co. Ltd.'s Application (1921),
38 R.P.C. 373, à la p. 378; Baie & Church Ltd. v. Sutton, Par
sons & Sutton (1934), 51 R.P.C. 129, à la p. 144; voir aussi
Marshall's Application (1943), 60 R.P.C. 147, à la p. 50.)
En l'espèce, la Commission des oppositions et le juge
de première instance estimaient tous deux qu'aucune
des marques en cause n'avait un caractère distinctif
inhérent. Je suis d'accord avec cette constatation.
Lorsque les marques n'ont que peu ou pas de carac-
tère distinctif inhérent, comme cela est mentionné
dans l'ouvrage de Fox, précité, aux pages 152 et 153,
[TRADUCTION] «de petites différences permettent de
les distinguer».
La preuve montre bien que le mot «Nutri», comme
préfixe ou autrement, est généralement adopté et
employé dans le secteur de l'alimentation au Canada.
À la date de production de la demande, la preuve fait
état d'au moins 47 enregistrements de marques de
commerce et de 43 noms commerciaux; à la date de
l'opposition modifiée, il y avait 3 noms commerciaux
de plus; depuis cette date, il y a eu au moins 18 nou-
veaux enregistrements et demandes d'enregistrement
de marques de commerce. Je suis d'accord avec la
prétention de l'avocat selon laquelle il est raisonnable
de conclure, à partir de toute cette preuve, que le mot
«Nutri» est généralement adopté dans le secteur de
l'alimentation pour suggérer une qualité désirable des
produits alimentaires, en particulier des produits ali-
mentaires diététiques. Je pense qu'on peut déduire
que les consommateurs de ces produits sont habitués
à établir de fines distinctions entre les diverses
marques de commerce «Nutri» dans le marché, en
portant une plus grande attention aux moindres
petites différences entre les marques. J'accueille la
prétention de l'appelante selon laquelle les marques
de l'intimée sont faibles parce qu'elles incorporent
un mot qui est employé généralement dans le com
merce. Le. suffixe «Vite» employé dans la marque de
l'appelante et les suffixes «Max» et «Fibre»
employés dans les marques de l'intimée sont totale-
ment différents et ont une apparence qui suffit à les
distinguer. Dans la mesure où les marques de l'inti-
mée peuvent avoir acquis un caractère distinctif, cela
ne serait dû qu'aux parties différentes (qui ne com-
prennent pas le mot «Nutri») de toutes les autres
marques «Nutri». Il convient en outre de noter que
l'appelante est déjà elle-même titulaire de deux
marques de commerce déposées qui incorporent le
mot «Nutri», soit «Nutri-Grain» et «Nutri Grain and
Design». A ce titre, l'appelante a déjà le droit d'em-
ployer le préfixe «Nutri».
En tenant compte de toute la preuve des circons-
tances de l'espèce, je conclus que l'appelante s'est
acquittée du fardeau de démontrer qu'il n'existe
aucune probabilité de confusion entre la marque de
commerce «Nutri-Vite» de l'appelante et l'une ou
l'autre des marques de commerce «Nutri-Max» et
«Nutri-Fibre» de l'intimée, même si celles-ci visent
des produits alimentaires qui sont vendus dans le
même commerce. Pour reprendre les termes du juge
Davis dans l'arrêt Pepsi-Cola, précité, à la page 32,
accueillir l'opposition aurait pour effet de rendre l'in-
timée [TRADUCTION] «pratiquement ... titulaire d'un
droit de propriété exclusif» à l'égard du mot «Nutri»
employé en liaison avec de tels produits.
J'accueillerais l'appel, je casserais le jugement de
la Section de première instance rendu le 9 février
1987 et la décision de la Commission des oppositions
en date du 29 novembre 1985 et je renverrais l'affaire
au registraire des marques de commerce pour qu'il
admette la demande d'enregistrement de la marque
de commerce «Nutri-Vite» présentée sous le numéro
470,140. Comme le présent appel et l'appel portant le
numéro du greffe A-141-87 ont été entendus ensem
ble, il devrait y avoir un seul mémoire de frais, avec
débours dans les deux dossiers.
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE SUPPLÉANT GRAY: Je souscris à ces motifs.
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