A-706-91
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(requérant)
c .
Ugan Mehmet (intimé)
RÉPERTORIÉ: CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE
L'IMMIGRATION) C. MENMET (CA.)
Cour d'appel, juges Marceau, Desjardins et Décary
J.C.A.—Montréal, 5 février; Ottawa, ler avril 1992.
Immigration — Statut de réfugié — Demande fondée sur
l'art. 28 visant la révision du refus par le tribunal d'accès
d'appliquer la clause d'exclusion de la Convention des
Nations Unies — L'intimé avait torturé des kurdes en tant que
membre d'un commando des forces militaires turques — Le tri
bunal d'accès a refusé d'appliquer la clause d'exclusion de la
Convention faute de compétence à cet égard — Analyse des
rôles du tribunal d'accès et de la section du statut — Examen
de la jurisprudence — L'exclusion constitue un élément négatif
de refus qui ne peut être considéré que dans un deuxième
temps — Distinction entre le «changement de circonstances» et
les clauses d'exclusion — L'application de la clause d'exclu-
sion à un revendicateur qui satisfait aux critères de recevabi-
lité n'est pas automatique, elle exige une appréciation des cir-
constances.
Il s'agissait d'une demande fondée sur l'article 28 visant
l'annulation de la décision de l'arbitre et du membre de la sec
tion du statut (le tribunal d'accès) de refuser d'appliquer la
clause d'exclusion prévue à la section F de l'article premier de
la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés.
Selon ladite clause, les dispositions de la Convention ne s'ap-
pliquent pas aux personnes soupçonnées d'avoir commis un
crime de guerre ou un crime grave de droit commun ou de
s'être rendues coupables d'agissements contraires aux buts et
principes des Nations Unies. Le revendicateur était un ressor-
tissant turc qui avait servi dans un commando spécialisé des
forces militaires et torturé des citoyens kurdes accusés de col-
laborer avec des prétendus terroristes du Parti des travailleurs
du Kurdistan. Il a quitté la Turquie pour le Canada, en novem-
bre 1986, parce qu'il craignait des représailles de la part des
sympathisants suite à son retour à la vie civile. Le représentant
du ministre a invité le tribunal d'accès à étudier «la possibilité
d'appliquer la clause d'exclusion de la Convention». Le motif
donné par le tribunal pour rejeter la demande a été que seule
l'autorité habilitée à déterminer qu'une personne est un réfugié
au sens de la Convention avait compétence pour refuser à cette
personne les avantages rattachés à ce statut. Le tribunal d'accès
a renvoyé le dossier à la section du statut, étant convaincu que
la revendication possédait un minimum de fondement.
La question que la Cour devait trancher était de savoir si le
tribunal d'accès avait erré en jugeant ne pas avoir compétence
pour appliquer la clause d'exclusion prévue à la section F de la
Convention.
Arrêt (le juge Desjardins, J.C.A., étant dissidente): la
demande devrait être rejetée.
Le juge Marceau, J.C.A.: L'arbitre et le membre de la sec
tion du statut ont eu raison de se déclarer non habilités à exa
miner la possibilité d'appliquer la clause d'exclusion prévue à
la section F de la Convention. Après avoir décelé dans la
preuve des faits susceptibles d'appuyer la prétention du reven-
dicateur, à l'égard de sa crainte d'être victime de persécution
dans son pays, le tribunal ne pouvait pas conclure que la reven-
dication n'avait pas un minimum de fondement. La possibilité
d'appliquer une exclusion ne fait pas disparaître l'existence
d'éléments crédibles susceptibles de fonder la réclamation.
Le tribunal d'accès n'est pas habilité à accorder le statut de
réfugié et il ne lui revient pas, selon les fonctions énoncées au
paragraphe 46.01(6) de la Loi sur l'immigration, de s'interro-
ger sur la suffisance des éléments de preuve soumis pour
appuyer une revendication, seule leur existence doit le préoc-
cuper. La cohérence du système s'oppose à ce que le tribunal
d'accès fasse plus que de vérifier l'existence d'éléments de
preuve crédibles. C'est à la section du statut, l'autorité habili-
tée à donner effet à la revendication, qu'il revient, après avoir
jugé et reconnu la suffisance des preuves, d'examiner si une
exclusion ne force pas finalement à nier au revendicateur la
protection à laquelle il aurait autrement droit. Une exclusion
constitue un élément négatif de refus qui n'a rien à voir avec
les éléments positifs de la définition même de réfugié au sens
de la Convention, prévue au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'im-
migration, et ne saurait être considérée que séparément et en
un deuxième temps.
Dans l'arrêt Mileva c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), la Cour d'appel fédérale a conclu que le tribu
nal d'accès pouvait tenir compte d'un «changement de circons-
tances» dans le pays d'origine du revendicateur. Mais il sub-
siste une distinction essentielle entre le «changement de
circonstances» et les clauses d'exclusion: contrairement à ces
dernières, le «changement de circonstances» est intimement lié
à la notion de réfugié puisqu'il porte directement atteinte à
l'aspect rationnel ou raisonnable de la crainte invoquée par le
revendicateur au moment où il tente de faire valoir sa revendi-
cation. C'est cette distinction qui explique la façon dont le
texte visant à expliciter le sens de l'expression «réfugié au sens
de la Convention» a été rédigé. Il n'est pas possible que le tri
bunal d'accès, au moment où il s'interroge sur la crédibilité
d'une revendication, réalise soudainement être en face d'un cas
clair et non équivoque d'exclusion, car, selon le nouveau sys-
tème, le revendicateur doit déjà à ce moment avoir convaincu
le tribunal de son admissibilité. L'application d'une clause
d'exclusion, à l'égard d'un revendicateur qui a satisfait aux cri-
tères de recevabilité, n'est jamais automatique, et elle nécessi-
tera toujours une appréciation des circonstances et de l'en-
semble de la situation. La compétence pour appliquer une des
clauses d'exclusion prévues à la section F de l'article premier
de la Convention des Nations Unies appartient exclusivement à
la section du statut qui aura à se prononcer définitivement sur
la revendication.
Le juge Desjardins, J.C.A. (dissidente): Selon l'intimé, il
existe deux définitions d'un «réfugié au sens de la Conven
tion»: une première de caractère positif, qui va dans le sens
d'une inclusion et, une seconde de caractère négatif, qui va
dans le sens de l'exclusion. La position de l'intimé, selon
laquelle la compétence du tribunal d'accès se limite à scruter le
«minimum de fondement» d'une revendication et ne s'étend
pas aux aspects négatifs, secondaires à la «première définition»
de réfugié au sens de la convention, est beaucoup trop générale
et ne tient pas compte du rôle, même limité, que la législation
confère au tribunal d'accès. Que la clause d'exclusion consti-
tue une deuxième définition ou un des éléments essentiels de la
définition de «réfugié au sens de la Convention», il s'agit du
même texte de loi que les deux paliers décisionnels sont tenus
d'appliquer, mais sous des angles différents.
Les revendicateurs qui tombent sous le coup des exclusions
prévues aux sections E et F de cette Convention ne peuvent en
aucune façon se prévaloir de la protection que le Canada
accorde aux réfugiés au sens de la Convention. Quant à savoir
si le tribunal d'accès a un rôle à jouer dans le processus d'ex-
clusion, la réponse à cette question pourrait se trouver dans
Mileva. Dans cette affaire, la Cour avait à décider de la compé-
tence du tribunal d'accès à l'égard de la preuve des change-
ments politiques récents survenus en Bulgarie, un élément
essentiellement négatif de la définition. Néanmoins, le rôle de
la section du statut et du tribunal d'accès décrit par les juges
majoritaires me paraît d'application générale, compte tenu des
responsabilités que la Loi leur confère. Le rôle du tribunal
d'accès est d'écarter les réclamations frivoles ou sans mini
mum de fondement. Dans un cas oh l'exclusion est indéniable
dès le premier niveau, il serait incompatible avec l'objectif
poursuivi par la création du tribunal d'accès d'acheminer, mal-
gré cela, la réclamation vers le processus d'évaluation. Si, tou-
tefois, il apparaît au tribunal d'accès qu'il n'existe qu'une sim
ple possibilité d'appliquer l'exclusion, et qu'il faille soupeser
la preuve positive et négative retenue, le tribunal d'accès doit
renvoyer le dossier à la section du statut. L'affirmation de l'in-
timé, selon laquelle lorsqu'un revendicateur a satisfait aux cri-
tères de recevabilité, il n'est pas possible de lui opposer une
clause d'exclusion au premier niveau était inacceptable. Le
champ d'application des critères d'irrecevabilité n'est pas
nécessairement le même que celui des clauses d'exclusion. Il
existe une distinction marquée entre l'alinéa 19(1)j) de la Loi
sur l'immigration , qui est plus restreint puisqu'il se réfère à un
«crime de guerre ou un crime contre l'humanité au sens du
paragraphe 7(3.76) du Code criminel et qui aurait constitué une
infraction au droit canadien en son état à l'époque de la perpé-
tration», et l'alinéa a) de la section F de la Convention, qui est
plus vaste puisqu'il traite, entre autres, d'«un crime contre la
paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au
sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des
dispositions relatives à ces crimes». Qu'un revendicateur ait
franchi avec succès le test restreint de recevabilité ne constitue
pas un gage certain que sa revendication, si elle révèle des élé-
ments crédibles d'exclusion, doive nécessairement être portée
au deuxième niveau. En l'espèce, le tribunal d'accès dans
l'exercice de sa juridiction se devait de déterminer si la preuve
révélait des éléments crédibles et dignes de foi portant sur l'ex-
clusion du revendicateur pour un des motifs prévus aux sec
tions E ou F de l'article premier de la Convention.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, art. 7(3.76) (mod.
par L.R.C. 1985 (3e suppl.), ch. 30, art. 1).
Loi modifiant la Loi sur l'immigration et d'autres lois en
conséquence, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 40,
41, 43.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 28
(mod. par L.R.C. (1985), (2 0 suppl.), ch. 30, art. 61).
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(1)
(mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1),
19(1)j) (mod. par L.R.C. (1985) (3C suppl.), ch. 30, art.
3), 46.01(1),(6) (édicté par L.R.C. (1985) (4° suppl.),
ch. 28, art. 14), 69.1(5) (édicté idem, art. 18), 82.1
(édicté, idem, art. 19), annexe (édicté, idem, art. 34).
Règlement sur la catégorie admissible de demandeurs du
statut de réfugié, DORS/90-40, art. 3(2)e).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Mileva c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), [1991] 3 C.F. 398; (1991), 50 Admin. L.R. 269; 129
N.R. 262 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion) (1990), 74 D.L.R. (4th) 313; 12 Imm. L.R. (2d) 143
(C.A.F.); Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion) c. Paszkowska (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 262
(C.A.F.); Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306.
DOCTRINE
Assemblée générale des Nations Unies—Commission du
droit international. Le statut et le jugement du Tribunal
de Nuremberg: Historique et analyse, annexe II, Doc.
N.U. A/CN. 4/5 (3 mars 1949).
Driedger, Elmer A. Construction of statutes, 2nd ed.,
Toronto: Butterwoths, 1983.
Goodwin-Gill, Guy S. The Refugee in International Law,
Oxford: Clarendon Press, 1983.
Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
Guide des procédures et critères à appliquer pour
déterminer le statut de réfugié au regard de la Conven
tion de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut
de réfugiés, Genève, septembre 1979.
DEMANDE fondée sur l'article 28 visant la révi-
sion du refus par un arbitre et un membre de la sec
tion du statut d'appliquer une des clauses d'exclusion
prévues aux sections E ou F de l'article premier de la
Convention des Nations Unies relative au statut des
réfugiés. Demande rejetée.
AVOCATS:
Normand Lemyre, pour le requérant.
M. Pia Zambelli, pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada, pour le
requérant.
Sabine Venturelli, Montréal, pour l'intimé.
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE MARCEAU, J.C.A.: On aurait pu penser
qu'après tant de décisions rendues par cette Cour où
le nouveau système de détermination et d'octroi du
statut de réfugié (adopté par la Loi modifiant la Loi
sur l'immigration et d'autres lois en conséquence,
L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, mise en vigueur le
ler janvier 1989) était mis en cause, toutes les diffi-
cultés relatives à la délimitation du rôle respectif des
diverses autorités administratives impliquées étaient
depuis longtemps résolues. Tel n'est pas le cas. La
présente demande soumise en vertu de l'article 28 de
la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7
(mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 30, art. 61)]
(tel qu'il existait avant le ler février 1992) en soulève
une de conséquence qui, à ma connaissance, n'a
jamais été traitée en jurisprudence jusqu'à mainte-
nant. Aux termes du paragraphe 2(1) de la Loi sur
l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2 (mod. par
L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1)] (la «Loi»),
où on s'est employé à préciser au départ le sens à
donner à certains termes utilisés par la suite, l'expres-
sion «réfugié au sens de la Convention», («Conven-
tion refugee» dans la version anglaise), est définie
comme suit: -
«réfugié au sens de la Convention» Toute personne:
a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à
un groupe social ou de ses opinions politiques:
(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et
ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de
la protection de ce pays;
(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du
pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, rie peut
ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;
b) n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Conven
tion en application du paragraphe (2).
Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites
à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'ar-
ticle premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe
de la présente loi.
La question nouvelle dont la Cour est saisie aujour-
d'hui est celle de savoir si le tribunal initial d'accès,
formé de l'arbitre et d'un membre de la section du
statut, à qui a été confié le soin de s'assurer de la
«crédibilité» d'une revendication avant qu'elle ne
soit soumise à l'autorité chargée d'en disposer, a
compétence pour appliquer l'une de ces clauses d'ex-
clusion que contiennent les sections E ou F de l'ar-
ticle premier de la Convention [Convention des
Nations Unies relative au statut des réfugiés], plus
précisément celles de la section F qui se lit, telle que
reproduite en annexe à la Loi [édictée, idem, art. 34],
comme suit:
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas appli-
cables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de
penser:
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de
guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instru
ments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions
relatives à ces crimes;
b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en
dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme
réfugiés;
c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements con-
traires aux buts et aux principes des Nations Unies.
Que la question n'ait pas été soulevée plus tôt en
jurisprudence étonne, mais qu'elle ait enfin surgi ici
se comprend aisément, étant donné les circonstances
de l'espèce. Le revendicateur était un ressortissant
turc qui, dans les années précédant sa fuite hors de
son pays, alors qu'il servait dans un commando spé-
cialisé des forces militaires, s'était apparemment
prêté à des actes de torture à l'endroit de citoyens
kurdes accusés de collaborer avec des supposés terro-
ristes du Parti des travailleurs du Kurdistan. Aussi, au
cours de sa plaidoirie, le représentant du ministre
avait invité les membres du tribunal d'accès à étudier
la «possibilité d'appliquer la clause d'exclusion de la
Convention». L'arbitre et le membre du statut crurent
toutefois devoir décliner l'invitation et, dans une
décision où ils reconnaissent à la revendication le
minimum de fondement requis pour mériter d'être
soumise à la section du statut, ils s'en expliquèrent en
ces termes (à la page 7):
En l'absence de toute argumentation motivée à l'effet con-
traire, nous considérons que seule l'autorité habilitée à déter-
miner qu'une personne est un réfugié au sens de la Convention
de Genève a juridiction pour refuser à cette personne les béné-
fices rattachés à ce statut; en effet, les clauses d'exclusion
décrites aux sections D, E et F de l'article premier de la Con
vention de 1951 précisent que cette Convention ne sera pas
applicable aux personnes bénéficiant déjà de la protection ou
de l'assistance des Nations unies, aux personnes qui ont dans
leur pays de résidence les droits et obligations rattachés à la
possession de la nationalité de ce pays et, pour terminer, aux
personnes considérées comme ne devant pas bénéficier de la
protection internationale à cause des gestes répréhensibles
qu'elles ont posés.
En conséquence, compte tenu du mandat qui est le nôtre en
tant que tribunal d'accès, nous sommes d'avis qu'il n'est pas
de notre juridiction de statuer, en l'espèce, sur l'éventuelle
application au présent dossier de la clause d'exclusion.
La question est si clairement posée que le ministre,
qui conteste la façon de voir du tribunal, ne pouvait
éviter de demander à cette Cour d'intervenir.
Je dirai tout de suite que je ne crois pas que la
Cour doive intervenir car je partage pleinement l'avis
du tribunal. L'arbitre et le membre du statut ont eu
raison, d'après moi, de se déclarer non habilités à
examiner la possibilité d'appliquer une clause d'ex-
clusion et voici pourquoi je pense ainsi.
Le rôle du tribunal d'accès est, comme l'on sait,
défini au paragraphe 46.01(6) [édicté, idem, art. 14]
de la Loi, dont je rappelle le texte:
46.01 .. .
(6) L'arbitre ou le membre de la section du statut concluent
que la revendication a un minimum de fondement si, après
examen des éléments de preuve présentés à l'enquête ou à l'au-
dience, ils estiment qu'il existe des éléments crédibles ou
dignes de foi sur lesquels la section du statut peut se fonder
pour reconnaître à l'intéressé le statut de réfugié au sens de la
Convention. Parmi les éléments présentés, ils tiennent compte
notamment des points suivants:
a) les antécédents en matière de respect des droits de la per-
sonne du pays que le demandeur a quitté ou hors duquel il
est demeuré de crainte d'être persécuté;
b) les décisions déjà rendues aux termes de la présente loi ou
de ses règlements sur les revendications où était invoquée la
crainte de persécution dans ce pays.
Mon commentaire de départ est simple. Je ne vois
tout simplement pas comment l'arbitre et le membre
du statut, après avoir décelé, dans la preuve crédible
reçue par eux, des faits susceptibles d'appuyer la pré-
tention du revendicateur à l'effet que sa peur d'être
victime de persécution dans son pays pour l'un des
motifs prévus est justifiée, pourraient encore conclure
que la revendication n'a aucun minimum de fonde-
ment. La possibilité d'appliquer une exclusion ne fait
pas disparaître «l'existence d'éléments crédibles»
susceptible de fonder la réclamation, et ce qu'ils doi-
vent faire dès qu'ils constatent cette existence leur est
clairement dicté par la Loi.
Quand on revoit les multiples décisions de cette
Cour où on a parlé du rôle du tribunal d'accès, on se
rend compte que, derrière toute une gamme d'expres-
sions variées et sans doute parfois moins heureuses
que d'autres, une pensée constante domine: il ne
revient pas au tribunal d'accès de s'interroger sur la
suffisance des éléments de preuve soumis pour
appuyer une revendication, seule leur existence doit
les préoccuper. Et il ne saurait d'ailleurs en être
autrement puisqu'il n'appartient nullement à ce tribu
nal d'octroyer le statut réclamé. Mais alors, peut-on
logiquement penser que, même s'il n'est pas juge de
la suffisance des preuves pour appuyer une revendi-
cation, ce tribunal initial d'accueil serait néanmoins
habilité à juger de la suffisance des preuves pour
refuser le statut en dépit d'une revendication bien
fondée? Ce serait, il me semble, une construction
juridique aussi boiteuse qu'incompréhensible.
La cohérence du système s'oppose, à mon sens, à
ce que le tribunal d'accès fasse plus que de vérifier
l'existence d'éléments de preuve crédibles, touchant
chacune des composantes de la définition et partant
susceptibles d'appuyer une revendication de réfugié.
C'est à la section du statut, l'autorité habilitée à don-
ner effet à la revendication, qu'il revient, après avoir
jugé et reconnu la suffisance des preuves, d'examiner
si une exclusion ne force pas finalement à nier au
revendicateur la protection à laquelle il aurait autre-
ment droit. On trouve une confirmation additionnelle
de l'exclusivité attribuée à cet égard à la section du
statut dans la disposition du paragraphe 69.1(5)
[édicté, idem, art. 18] de la Loi telle qu'elle est rédi-
gée:
69.1...
(5) À l'audience, la section du statut est tenue de donner à
l'intéressé et au ministre la possibilité de produire des élé-
ments de preuve, de contre-interroger des témoins et de pré-
senter des observations, ces deux derniers droits n'étant toute-
fois accordés au ministre que s'il l'informe qu'à son avis, la
revendication met en cause la section E ou F de l'article pre
mier de la Convention ou le paragraphe 2(2) de la présente loi.
Je veux bien qu'il soit formellement question dans
cet article uniquement des pouvoirs du ministre et de
la possibilité de rendre la procédure contradictoire
lorsqu'il est question de refuser une reconnaissance
de statut par application d'une des clauses d'exclu-
sion de la section E ou F de l'article premier de la
Convention. Mais cette disposition n'est pas isolée et
doit être placée en contexte. Il faut lui donner un
sens. Et la seule explication, c'est qu'une exclusion
constitue un élément négatif de refus qui n'a rien à
voir avec les éléments positifs de la définition même
de réfugié et ne saurait être considérée que séparé-
ment et en un deuxième temps.
Je n'oublie pas que, dans l'arrêt Mileva c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3
C.F. 398, cette Cour a refusé de nier au tribunal
d'accès la possibilité de tenir compte d'un «change-
ment de circonstances» dans le pays d'origine du
revendicateur, et je sais bien qu'un changement de
circonstances peut être vu comme un élément négatif,
au même titre que les clauses d'exclusion, d'autant
plus qu'il en est fait mention dans ce paragraphe
69.1(5) de la Loi auquel je viens de me référer. Mais
il subsiste, je pense, une distinction essentielle entre
le «changement de circonstances» et les clauses d'ex-
clusion. Le «changement de circonstances» est inti-
mement lié à la notion de réfugié puisqu'il porte
directement atteinte à l'aspect rationnel ou raisonna-
ble de la crainte invoquée par le revendicateur au
moment où il tente de faire valoir sa revendication.
Les clauses d'exclusion, au contraire, sont totalement
extérieures aux caractéristiques d'un réfugié et à l'au-
thenticité comme à la raisonnabilité de sa crainte
d'être persécuté pour les motifs prévus, s'il est
refoulé dans son pays d'origine. C'est d'ailleurs cette
distinction essentielle qui explique la façon dont le
texte visant à expliciter le sens de l'expression «réfu-
gié au sens de la Convention» au paragraphe 2(1) de
la Loi a été rédigé. C'est pour y donner effet, sans
doute, qu'on y parle du «changement de circons-
tances» dans un alinéa b), le pendant à l'alinéa a) où
sont précisés les éléments de la notion de réfugié,
alors que les exclusions sont introduites tout à fait
séparément.
Même si cette distinction est indéniable, dira-t-on,
la réaction dans Mileva ne s'explique-t-elle pas aussi
par des considérations pratiques: pourquoi saisir la
section du statut d'une demande qui clairement ne
peut réussir, la crainte alléguée ne pouvant certes plus
être jugée authentique ou raisonnable dans les cir-
constances qui aujourd'hui prévalent? Ne peut-on
pas, sur la même base pratique, demander pourquoi
saisir la section du statut d'une demande qui sera sans
doute rejetée parce qu'une clause d'exclusion empê-
chera finalement de l'accueillir? La réponse, je pense,
est qu'il n'est pas possible que le tribunal d'accueil,
au moment où il s'interroge sur la crédibilité d'une
revendication, réalise soudainement être en face d'un
cas clair et sans retour d'exclusion. Il en est ainsi
parce que le revendicateur, selon le système nouveau,
doit déjà, à ce moment, avoir satisfait le tribunal qu'il
est éligible et le paragraphe 46.01(1) [édicté, idem,
art. 14] inclut, parmi les personnes non éligibles, cel-
les décrites à l'alinéa 19(1)(j) [mod. par L.R.C.
(1985) (3e suppl.), ch. 30, art. 3], soit:
19. (1)...
j) les personnes au sujet desquelles il existe de bonnes rai-
sons de croire qu'elles ont commis, à l'extérieur du
Canada, un fait constituant un crime de guerre ou un
crime contre l'humanité au sens du paragraphe 7(3.76) du
Code criminel et qui aurait constitué, au Canada, une
infraction au droit canadien en son état à l'époque de la
perpétration.
À l'égard d'un revendicateur qui a satisfait au test
d'éligibilité, l'application d'une clause d'exclusion
n'est jamais automatique, et toujours elle nécessitera
une appréciation des circonstances et de l'ensemble
de la situation comme l'explique bien Guy S. Good-
win-Gill dans son livre The Refugee in International
Law, aux pages 61 et 62:
[TRADUCTION] L'article IF refuse aux «personnes» plutôt
qu'aux «réfugiés» les avantages de la Convention, laissant
entendre que la question de la crainte fondée d'être persécuté
n'est pas pertinente et n'a nullement à être considérée s'il
existe des «raisons sérieuses de penser» qu'un particulier
relève de son libellé. En pratique, la revendication du statut de
réfugié peut rarement être négligée, car il faut aussi établir un
équilibre entre la nature de l'infraction dont on présume
qu'elle a été commise et le degré de persécution redouté. Qui-
conque éprouve une crainte fondée de grave persécution, qui
mettrait en danger sa vie ou sa liberté, ne devrait être écarté
que pour les raisons les plus sérieuses. Si la persécution redou-
tée est moindre, la nature du crime ou des crimes en question
doit être appréciée pour établir si le caractère criminel de l'in-
fraction l'emporte de fait sur la qualité du requérant en tant
qu'authentique régufiél.
Il est vrai que le revendicateur en l'espèce n'a pas
eu à subir le test de l'éligibilité car il avait fait sa
revendication avant la mise en vigueur de la nouvelle
Loi et qu'en vertu des dispositions transitoires, il pas-
sait directement au stade de l'examen de crédibilité 2 .
Mais, bien sûr, on ne saurait apprécier les données
d'un nouveau système à partir des limites que des
dispositions transitoires ont pu apporter à son appli
cation, que ce soit pour des motifs tenant au respect
des droits acquis ou pour quelque autre motif que ce
soit.
1 Dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour
déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de
1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés,
publié par le Haut commissariat des Nations Unies pour les
réfugiés — où il n'est pas question, évidemment, du test de
l'éligibilité, — l'idée paraît claire tout au long de l'analyse. On
le voit tout de suite en lisant le paragraphe d'ouverture [à la
page 36]:
140. Les sections D, E et F de l'article premier de la Con
vention de 1951 contiennent des dispositions prévoyant que
certaines personnes, bien qu'elles répondent aux conditions
requises par la section A de l'article premier pour être considé-
rées comme réfugiés, ne peuvent cependant pas être admises
au bénéfice du statut de réfugié. Ces personnes appartiennent à
trois catégories. La première catégorie (article premier, section
D) est celle des personnes qui bénéficient déjà d'une protection
ou d'une assistance de la part des Nations Unies; la deuxième
(article premier, section E) est celle des personnes qui ne sont
pas considérées comme requérant une protection internationale
et la troisième (article premier, section F) comprend divers cas
de personnes dont on considère qu'elles ne méritent pas de
bénéficier d'une protection internationale.
2 Articles 40, 41 et 43 de la Loi modifiant la Loi sur l'immi-
gration et d'autres lois en conséquence, L.R.C. (1985) (4C
suppl.), ch. 28.
Il n'y a d'ailleurs pas lieu de penser que, pour ces
«réfugiés désignés», le passage soit tellement plus
simplifié, car on retrouve, à l'alinéa 3(2)e) du Règle-
ment sur la catégorie admissible de demandeurs du
statut de réfugié (DORS/90-40), une exclusion de
principe des personnes visées à l'alinéa 19(1)j), cet
alinéa se lisant en partie comme suit:
3....
(2) Les personnes suivantes ne peuvent faire partie de la
catégorie admissible de demandeurs du statut de réfugié:
e) celles qui sont visées à l'un des alinéas 19(1)c) à g) ouf)
et 27(2)c) de la Loi;
Voilà donc les raisons qui m'incitent à penser que
le tribunal d'accès, dans le nouveau système de déter-
mination du statut de réfugié, n'a pas compétence
pour appliquer à un revendicateur une des clauses
d'exclusion prévues aux sections E ou F de l'article
premier de la Convention de Genève. Cette compé-
tence appartient exclusivement à la section du statut
qui aura à se prononcer définitivement sur la revendi-
cation.
La demande, à mon avis, doit être rejetée.
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: J'y souscris.
* * *
Voici les motifs du jugement rendus en français par
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A. (dissidente): Seule une
question de droit est posée par cette demande en
vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration 3 (la
«Loi»): le tribunal d'accès a-t-il compétence en ce
qui a trait à la preuve relative aux exclusions que l'on
retrouve dans le corps de la définition de «réfugié au
sens de la Convention» à l'article 2 de la Loi sur l'im-
migration, laquelle se réfere à l'annexe de la Loi. Le
texte est le suivant:
2. (1)...
«réfugié au sens de la Convention» Toute personne:
a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa
race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à
un groupe social ou de ses opinions politiques:
3 L.R.C. (1985), ch. I-2 [édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.),
ch. 28, art. 19].
(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et
ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de
la protection de ce pays,
(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du
pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut
ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;
b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Con
vention en application du paragraphe (2).
Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites
à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'ar-
ticle premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe
de la présente loi. [Je souligne.]
La section F de l'article premier de la Convention,
en annexe de la Loi, dispose:
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas appli-
cables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de
penser:
a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de
guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instru
ments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions
relatives à ces crimes;
b) Qu'elles ont commis un crime grave de droit commun en
dehors du pays d'accueil avant d'y être admises comme
réfugiés;
c) Qu'elles se sont rendues coupables d'agissements con-
traires aux buts et aux principes des Nations Unies.
L'intimé, d'origine turque, a fait son service mili-
taire obligatoire en Turquie de mars 1985 septem-
bre 1986 et a participé, en tant que sergent, à des
représailles et à des tortures contre la population
kurde du village de Borcka, soupçonnée de collaborer
avec des prétendus terroristes du Parti des travailleurs
du Kurdistan («P.K.K.»). Le revendicateur a expliqué
que son service militaire obligatoire l'obligeait à exé-
cuter comme un robot les ordres de ses supérieurs et,
qu'à défaut de s'exécuter, il aurait subi des sanctions
sévères. Il a quitté la Turquie en novembre 1986,
pour le Canada, parce qu'il craignait des représailles
de la part des sympathisants du P.K.K. suite à son
retour à la vie civile.
L'agent chargé de présenter le cas a invité le tribu
nal d'accès lors de ses représentations et, après que la
preuve fut close, à étudier la possibilité d'appliquer la
clause d'exclusion contenue dans le dernier para-
graphe de la définition de «réfugié au sens de la Con
vention». Le motif donné par le tribunal pour rejeter
la demande a été que seule l'autorité habilitée à déter-
miner qu'une personne est un «réfugié au sens de la
Convention» avait juridiction pour refuser à cette per-
sonne les bénéfices rattachés à ce statut. Le tribunal
d'accès a conclu à la crédibilité du témoignage du
revendicateur et a déféré son dossier à la section du
statut, étant satisfait que la revendication possédait un
minimum de fondement.
Le tribunal s'est exprimé en ces termes 4 :
ANALYSE
Le témoignage du revendicateur à l'audience a été rendu
sans encadrement de la part de son avocate, avec spontanéité et
sans exagération. La narration a été détaillée, structurée et per-
sonnalisée. Le revendicateur n'a pas cherché à cacher sa parti
cipation à des actions qui ne peuvent lui être favorables dans
l'esprit des membres du tribunal. En effet, c'est de son propre
chef, sans qu'aucune question spécifique ne l'ait forcé à le
faire, qu'il a évoqué comment il a été emmené, dans le cadre
de son service militaire, à participer à des actions contre le
PKK.
LA CLAUSE D'EXCLUSION
Comme nous l'avons dit précédemment, en aucun moment
avant ses soumissions, l'A.C.P.C. n'a fait mention qu'il allait
nous demander d'appliquer la clause d'exclusion dans le pré-
sent dossier. Au surplus, ce dernier n'a posé, au cours de son
contre-interrogatoire, aucune question ayant pour but d'éclair-
cir la participation du revendicateur dans les gestes posés con-
tre la population kurde. Les seules questions posées par mon
sieur Castonguay ont porté sur les deux versions données par le
revendicateur sur les motifs de sa venue au Canada.
Il est utile de reproduire ici les paragraphes 140 et 141 du
Guide des procédures et critères n appliquer pour déterminer
le statut de réfugié relatifs à l'application des clauses d'exclu-
sion:
140. Les sections D, E et F de l'article premier de la Con
vention de 1951 contiennent des dispositions prévoyant que
certaines personnes, bien qu'elles répondent aux conditions
requises par la section A de l'article premier pour être consi-
dérées comme réfugiés, ne peuvent cependant pas être admi-
ses au bénéfice du statut de réfugié. Ces personnes appar-
tiennent à trois catégories. La première catégorie (article
premier, section D) est celle des personnes qui bénéficient
déjà d'une protection ou d'une assistance de la part des
Nations Unies; la deuxième (article premier, section E) est
celle des personnes qui ne sont pas considérées comme
requérant une protection internationale et la troisième (arti-
cle premier, section F) comprend divers cas de personnes
dont on considère qu'elles ne méritent pas de bénéficier
d'une protection internationale.
141. Ce sera normalement au cours du processus de détermi-
nation du statut de réfugié que les faits constituant des fins
4 Décision rendue le 16 mai 1991, Division de l'arbitrage et
Commission de l'immigration et du statut de réfugié, dossier
no 9529-E-6950.
de non-recevoir en vertu de ces diverses clauses apparaî-
tront. Néanmoins, il se peut que ces faits ne soient connus
qu'après qu'une personne aura été reconnue comme réfugié.
En pareil cas, la clause d'exclusion devra entraîner l'annula-
tion de la décision antérieure.
En l'absence de toute argumentation motivée à l'effet con-
traire, nous considérons que seule l'autorité habilitée à déter-
miner qu'une personne est un réfugié au sens de la Convention
de Genève a juridiction pour refuser à cette personne les béné-
fices rattachés à ce statut; en effet, les clauses d'exclusion
décrites aux sections D [sic 5 ], E et F de l'article premier de la
Convention de 1951 précisent que cette Convention ne sera pas
applicable aux personnes bénéficiant déjà de la protection ou
de l'assistance des Nations unies, aux personnes qui ont dans
leur pays de résidence les droits et obligations rattachés à la
possession de la nationalité de ce pays et, pour terminer, aux
personnes considérées comme ne devant pas bénéficier de la
protection internationale à cause des gestes répréhensibles
qu'elles ont posés.
En conséquence, compte tenu du mandat qui est le nôtre en
tant que tribunal d'accès, nous sommes d'avis qu'il n'est pas
de notre juridiction de statuer, en l'espèce, sur l'éventuelle
application au présent dossier de la clause d'exclusion.
Le requérant, qui attaque cette décision, nous
réfère aux articles 46 [mod., idem, art. 14] et 46.01 de
la Loi qui établissent la juridiction du tribunal
d'accès. Sa prétention est celle-ci. Le paragraphe
46.01(1) confère juridiction à l'arbitre et au membre
de la section du statut pour examiner la recevabilité
de la revendication. Une revendication jugée irrece-
vable n'est pas déférée à la section du statut. Si la
demande est jugée recevable, le tribunal d'accès s'en-
quiert alors du «minimum de fondement» de la
revendication lequel, suivant le paragraphe 46.01(6),
est de toute évidence relié à la définition de «réfugié
au sens de la Convention». Le tribunal d'accès se voit
ainsi dans l'obligation d'examiner tous et chacun des
éléments essentiels de cette définition, et ce, dans le
cadre de ses fonctions telles que délimitées par la Loi
et la jurisprudence de cette Cour 6 . Les exclusions
constituent, selon le requérant, des éléments essen-
tiels de cette définition. Si des éléments sont amenés
5 Bien que le tribunal d'accès mentionne la clause d'exclu-
sion décrite à la section D de l'article premier de la Conven
tion, cette section ne fait pas partie de la Loi sur l'immigration.
6 Voir Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immi-
gration) (1990), 74 D.L.R. (4th) 313 (C.A.F.); Mileva c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3
C.F. 398 (C.A.); Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immi-
gration) c. Paszkowska (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 262
(C.A.F.).
en preuve qui donnent aux membres du tribunal
d'accès «des raisons sérieuses de penser 7 » que le
revendicateur est exclu de la définition de refugié
parce qu'il est une personne soustraite à l'application
de la Convention en vertu des sections E et F de l'ar-
ticle premier de celle-ci, le tribunal d'accès doit alors
les examiner. Si on interprète le paragraphe 46.01(6)
de la Loi comme niant toute compétence au tribunal
d'accès pour examiner la clause d'exclusion, seule
une partie . de la définition sera considérée. On en
viendrait à une situation où, bien qu'étant convaincu
de la non-application de la Convention dans le cas
d'un revendicateur qui rencontrerait clairement les
cas d'exclusion, le tribunal d'accès devrait déférer la
revendication à la section du statut. Celle-ci serait
appelée soit à reconnaître le statut de refugié à un
revendicateur pour ensuite l'exclure parce que ce der-
nier serait soustrait à l'application de la Convention,
soit conclure que le revendicateur est visé par une
clause d'exclusion, et décider par voie de consé-
quence qu'il est inutile de se pencher sur le bien-
fondé de sa crainte de persécution. Dans les deux cas,
cette procédure au deuxième niveau s'avérerait inu-
tile.
L'intimé n'accepte pas que la clause d'exclusion
soit un des éléments essentiels de la définition de
«réfugié au sens de la Convention». Il note que, dans
la version anglaise, les mots «means» et «does not
include» ont acquis, dans la langue de la rédaction
juridique, le sens où le mot «means» est restrictif
alors que le mot «include» («does not include») est
plus générâl 8 . Il existe en fait deux définitions de
«réfugié au sens de la Convention»: une première de
7 Ces termes sont tirés de la section F de la Convention telle
qu'elle figure à l'article de la Loi.
8 E. A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. (Toronto:
Butterworths, 1983) la p. 18:
[TRADUCTION] Les dispositions donnant des définitions revê-
tent diverses formes. On trouve des définitions lorsqu'un mot
ou une phrase sont déclarés: (1) désigner ou signifier quelque
chose, (2) comprendre quelque chose, (3) désigner ou signifier
quelque chose et comprendre une autre chose ou (4) désigner
ou signifier et comprendre quelque chose.
Normalement, pour les rédacteurs, désigner ou signifier
imposent une limite alors que comprendre donne de l'exten-
sion.
caractère positif, qui va dans le sens d'une inclusion
et, une seconde de caractère négatif, qui va dans le
sens de l'exclusion 9 . La version française de la défi-
nition de «réfugié au sens de la Convention» est
encore plus fidèle à cette rédaction statutaire puis-
qu'elle contient deux paragraphes distincts. Cette
façon de voir exige alors que le tribunal d'accès
doive s'attacher d'abord aux aspects positifs de la
définition et, après seulement, aux aspects négatifs. Il
ne peut cependant se pencher sur les exclusions puis-
qu'il faut d'abord évaluer les facteurs d'inclusion, ce
qu'il n'a pas le pouvoir de faire puisqu'il n'a pas
compétence pour soupeser la preuve.
L'intimé prétend que la décision de cette Cour
dans Mileval ° ne peut recevoir application puis-
qu'elle traite du changement de circonstances dans le
pays d'origine, et que ce changement est intimement
relié aux éléments d'inclusion de la définition—ce
qui n'est pas le cas de la clause d'exclusion. L'étape
de recevabilité 11 , ajoute-t-il, a précisément pour
objectif d'exclure au départ les personnes qui ne peu-
vent aspirer à la protection de la Convention quel que
soit le bien-fondé de leur crainte de persécution 12 . Le
9 L'intimé reprend à son compte cette description de la défi-
nition de «réfugié au sens de la Convention» qui se retrouve
dans le Guide des procédures et critères à appliquer pour
déterminer le statut de réfugié, Haut commissariat des Nations
Unies pour les réfugiés, Genève, septembre 1979, à la p. 9:
31. Les clauses d'inclusion énoncent les conditions
qu'une personne doit remplir pour être réfugié. Ce sont
les critères positifs de la reconnaissance du statut de réfu-
gié. Les clauses dites de cessation et d'exclusion ont une
valeur négative; les premières indiquent les circonstances
dans lesquelles un réfugié perd cette qualité et les
secondes, les circonstances dans lesquelles une personne
est exclue du bénéfice de la Convention de 1951 bien
qu'elle satisfasse aux critères positifs des clauses d'inclu-
sion.
10 Mileva c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion), [1991] 3 C.F. 398 (C.A.).
11 Paragraphe 46.01(1) de la Loi sur l'immigration.
12 À noter que la demande de l'intimé est régie par le Règle-
ment sur la catégorie admissible de demandeurs du statut de
réfugié, DORS/90-40, 27 décembre 1989, lequel s'applique
dans les cas de personnes ayant réclamé le statut de réfugié
avant le 1 janvier 1989 et dont la revendication a un minimum
de fondement conformément soit au paragraphe 46.01(6) ou
(7) de la Loi, soit au paragraphe 43(1) de la Loi modifiant la
Loi sur l'immigration et d'autres lois en conséquence, L.R.C.
(1985), ch. 28 (4e suppl.). Le paragraphe 46.01(1) n'est pas
(Suite à la page suivante)
tribunal d'accès, par la suite, a pour rôle d'écarter
ceux qui abusent du processus. Sa juridiction se
limite à scruter le «minimum de fondement» d'une
revendication et ne s' étend pas aux aspects négatifs,
secondaires à la «première définition» de réfugié au
sens de la Convention. Et pour appuyer sa thèse, l'in-
timé invoque le paragraphe 69.1(5) de la Loi, qui est
spécifique lorsque le ministre veut invoquer les
exclusions E et F prévues à l'article premier de la
Convention.
La position de l'intimé me paraît beaucoup trop
générale et ne tient pas compte du rôle, même limité,
que la législation confère au tribunal d'accès.
Dire, comme l'intimé, que la clause d'exclusion
constitue une deuxième définition ou encore, comme
le requérant, que cette clause constitue un des élé-
ments essentiels de la définition de «réfugié au sens
de la Convention» n'a, à mon avis, aucune impor
tance. Il s'agit d'un même texte de loi que les deux
paliers décisionnels ont charge de l'appliquer, mais
sous des angles différents.
Il est certain qu'une personne qui tombe sous le
coup des exclusions prévues aux sections E et F de
cette Convention ne peut en aucune façon se préva-
loir de la protection que le Canada accorde aux réfu-
giés au sens de la Convention. Dans un cas oit la
preuve ne soulève aucun doute, jamais la section du
statut, qui est le tribunal du deuxième niveau, ne
pourrait reconnaître à cette personne le statut de réfu-
gié au sens de la Convention. Dans le cas où la
preuve a besoin d'être soupesée, ce n'est qu'après
avoir fait l'analyse de l'ensemble de la preuve avec
toutes les circonstances atténuantes ou de moyens de
défense que la section du statut pourrait déterminer si
le revendicateur a oui ou non droit au statut de réfu-
gié.
Le tribunal d'accès joue-t-il un rôle dans le proces-
sus d'exclusion?
(Suite de la page précédente)
applicable. La définition exclut cependant les personnes qui
sont visées aux alinéas 19(1)c) à g) ou j) et 27(2)c) de la Loi.
Une personne remplissant les critères de la définition peut dès
lors présenter à l'agent d'immigration une demande de droit
d'établissement sans passer par la section du statut.
S'il arrive qu'une preuve jugée crédible par le tri
bunal d'accès porte sur l'exclusion d'une personne
pour les motifs prévus aux sections E et F de la Con
vention, et que cette preuve établisse clairement qu'il
serait impossible ou que jamais la section du statut ne
pourrait accorder au revendicateur le statut de réfugié
au sens de la Convention, je ne saurais par quelle
logique devoir écarter le tribunal d'accès du rôle qui
lui a été délimité dans l'affaire Mileva.
Il est vrai que dans Mileva, notre Cour avait à déci-
der de la compétence du tribunal d'accès à l'égard de
la preuve des changements politiques récents surve-
nus en Bulgarie. Il s'agissait là d'un élément essen-
tiellement négatif de la définition. Le rôle de la sec
tion du statut et du tribunal d'accès décrit par les
juges majoritaires me paraît d'application générale,
compte tenu des responsabilités que la Loi leur con-
fère.
Le juge Pratte, J.C.A., s'exprimait ainsi 13 :
Avant d'aller plus loin, il convient de rappeler la différence
qui existe entre les rôles respectifs de la section du statut,
d'une part, et de l'arbitre et du membre de la section du statut,
d'autre part, lorsqu'ils ont à statuer sur une revendication du
statut de réfugié dont la recevabilité n'est pas contestée.
Ce que l'on demande à la section du statut, c'est de détermi-
ner, à la lumière de la preuve, si le revendicateur est un réfugié
au sens de la Convention. La section du statut doit donc pren-
dre connaissance de preuves relatives à des faits passés ou pré-
sents qui concernent le revendicateur, sa famille et son pays
d'origine. Ces preuves, la section du statut doit les apprécier
comme le ferait n'importe quel autre tribunal, en tenant compte
de leur crédibilité et de leur force probante, et décider quels
sont les faits que ces preuves établissent. La section du statut
doit ensuite juger si les faits ainsi prouvés sont tels qu'ils per-
mettent de conclure que le revendicateur courrait vraiment le
risque d'être persécuté pour des motifs prévus à la Convention
s'il devait retourner dans son pays. Comme il est impossible de
prédire l'avenir, en portant pareil jugement la section du statut
ne fait, bien sûr, qu'exprimer une opinion.
Le rôle de l'arbitre et du membre de la section du statut est
défini par le paragraphe 46.01(6) [édicté, idem, art. 14] de la
Loi. Ils doivent, eux aussi, prendre connaissance des diverses
preuves qui leur sont soumises. Ils doivent se prononcer sur la
crédibilité de ces preuves. Ils doivent ensuite se demander si,
en se fondant sur celles de ces preuves qu'ils jugent crédibles,
il serait raisonnablement possible que la section du statut con-
clue au bien-fondé de la revendication si l'affaire lui était défé-
rée. Il ne leur appartient pas de décider quels faits sont établis
par la preuve; ils n'ont pas d'avantage à juger si la preuve per
13 Mileva, supra, note 10 aux p. 402 et 403,
M. le juge Pratte, J.C.A.
met de conclure que le revendicateur courrait vraiment le ris-
que d'être persécuté s'il retournait chez lui. Après avoir statué
sur la crédibilité des preuves, la seule question que l'arbitre et
le membre de la section du statut peuvent se poser est celle de
savoir si, en se fondant sur celles de ces preuves qui sont cré-
dibles, la section du statut pourrait, si elle était saisie de l'af-
faire, conclure à l'existence de faits qu'elle pourrait juger suffi-
sants à établir le bien-fondé de la revendication. [Je souligne.]
Plus loin, il ajoutait 14 :
Si l'arbitre et le membre de la section du statut doivent tenir
compte des preuves tendant à démontrer un changement de cir-
constances dans le pays d'origine du revendicateur, ce n'est
pas à eux de juger si le changement de circonstances établi par
ces preuves est suffisant pour faire échec à la revendication. Ils
doivent seulement décider si cette preuve est telle qu'il serait
impossible que la section du statut fasse droit à la réclamation.
[Je souligne.]
Pour ma part, j'affirmaisls:
Le tribunal d'accès doit déterminer la crédibilité de toute la
preuve qui lui est présentée. Il lui appartient ensuite de déter-
miner si, devant la preuve retenue comme étant crédible, la
section du statut pourrait raisonnablement conclure au bien-
fondé de la revendication. Il ne lui appartient pas de soupeser
cette preuve à l'égard de l'existence de chacun des éléments
essentiels de la définition de «réfugié au sens de la Conven
tion», puisque ce rôle appartient à la section du statut. Si
cependant la preuve est telle que jamais la section du statut ne
pourrait conclure au bien-fondé de la revendication, le tribunal
d'accès a compétence pour écarter la revendication au motif
qu'elle n'a aucun minimum de fondement. [Je souligne.]
Écarter les réclamations frivoles ou sans minimum
de fondement est précisément le rôle du tribunal
d'accès. Dans un cas où l'exclusion est indéniable
dès le premier niveau, il me paraît incompatible avec
l'objectif poursuivi par la création du tribunal d'accès
d'acheminer, malgré cela, la réclamation vers le pro-
cessus d'évaluation. Si, évidemment, devant la
preuve retenue crédible, il apparaît au tribunal
d'accès qu'il n'existe qu'une simple possibilité d'ap-
pliquer l'exclusion, et qu'il faille, soupeser la preuve
positive et négative retenue, le tribunal, d'accès doit
déférer le dossier à la section du statut.
Je ne puis accepter la position de l'intimé selon
laquelle lorsqu'un revendicateur a satisfait aux cri-
tères de recevabilité, il n'est pas possible de lui oppo-
ser une clause d'exclusion au premier niveau. Le
champ d'application des critères d'irrecevabilité n'est
14 Ibid., à la p. 405.
15 Ibid., à la p. 418.
pas nécessairement le même que celui des clauses
d'exclusion. L'alinéa 46.01(1)e), par exemple, se
réfère à l'alinéa 19(1)j) qui se lit ainsi:
19. (1) Les personnes suivantes appartiennent à une catégo-
rie non admissible:
j) celles dont on peut penser, pour des motifs raisonnables,
qu'elles ont commis, à l'étranger, un fait constituant un
crime de guerre ou un crime contre l'humanité au sens du
paragraphe 7(3.76) du Code criminel et qui aurait constitué,
au Canada, une infraction au droit canadien en son état à
l'époque de la perpétration.
Il existe une distinction marquée entre l'alinéa
19(1)j) de la Loi et la section F de l'article premier de
la Convention. L'alinéa 19(1)j) est plus restreint puis-
qu'il se réfère à «un crime de guerre ou un crime con-
tre l'humanité au sens du paragraphe 7(3.76) du Code
criminel et qui aurait constitué, au Canada, une
infraction au droit canadien en son état à l'époque de
la perpétration» [soulignements ajoutés]. L'alinéa a)
de la section F est plus vaste puisqu'il traite, entre
autres, d'«un crime contre la paix, un crime de guerre
ou un crime contre l'humanité, au sens des instru
ments internationaux élaborés pour prévoir des dis
positions relatives à ces crimes» 16 . À supposer même
que la norme de culpabilité applicable en droit cana-
dien soit la même que celle de ces instruments inter-
nationaux,—ce sur quoi je ne me prononce pasl 7 —,
l'alinéa 19(1)j) exige que le crime ait constitué au
Canada une infraction au moment où il a été commis.
Qu'un revendicateur ait franchi avec succès le test
restreint de recevabilité ne constitue pas, à mon sens,
un gage certain que sa revendication, si elle révèle
des éléments crédibles d'exclusion, doive nécessaire-
ment être portée au deuxième niveau. Comment réfé-
16 À noter cependant que la définition de «crime contre l'hu-
manité» contenue à l'art. 7(3.76) du Code criminel [L.R.C.
(1985), ch. C-46 (mod. par L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 30,
art. 1)] se rapproche de la définition contenue dans le Statut du
tribunal militaire international reproduite dans le Guide des
procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de
réfugié, annexe V, Haut commissariat des Nations Unies pour
les réfugiés, Genève, 1979. Voir également Le statut et le juge-
ment du Tribunal de Nuremberg: Historique et analyse, annexe
11, Assemblée générale des Nations Unies—Commission du
droit international 1949 (A/CN.4/5 du 3 mars 1949).
17 Voir à ce sujet les commentaires du juge MacGuigan,
J.C.A., s'exprimant au nom de cette Cour, dans Ramirez c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2
C.F. 306 (C.A.).
rer au deuxième niveau le cas d'un revendicateur, par
exemple, qui aurait été condamné par un tribunal
militaire international pour un crime contre l'huma-
nité commis avant l'entrée en vigueur des articles
traitant de ce même crime au Code criminel cana-
dien 18 ? Cette personne n'est-elle pas, par définition,
exclue de la définition au point que sa revendication
ne puisse comporter aucun minimum de fondement?
Le paragraphe 69.1(5) de la Loi 19 ne change rien à
la question. Je ne crois pas qu'il faille en tirer d'autre
inférence que celle notée par le juge Pratte, J.C.A.
dans Mileva [aux pages 404 et 405]:
Le paragraphe 69.1(5) qu'invoque l'avocat de la requérante n'a
rien à voir avec cette question. Il ne fait qu'indiquer dans quels
cas, lors d'une audience de la section du statut sur une revendi-
cation, le ministre a le droit de contre-interroger les témoins et
de présenter des observations. On ne trouve pas de disposition
semblable qui soit applicable aux audiences de l'arbitre et du
membre de la section du statut parce que ceux-ci sont toujours
tenus, suivant le paragraphe 46(3) [mod., idem, art. 14], de
«donner au ministre et à l'intéressé la possibilité de produire
des éléments de preuve, de contre-interroger des témoins et de
présenter des observations».
Je conclus qu'en l'espèce le tribunal d'accès, dans
l'exercice de sa juridiction, se devait de déterminer si
la preuve révélait des éléments crédibles ou dignes de
foi portant sur l'exclusion du revendicateur pour un
des motifs prévus aux sections E et F de l'article pre
mier de la Convention. Une fois la preuve crédible
retenue, il devait déférer le dossier à la section du sta-
tut s'il était d'avis que la section du statut pouvait, si
elle était saisie de l'affaire, conclure au bien-fondé de
la revendication de l'intimé. Il devait rejeter la
demande s'il était d'avis que, devant cette preuve, il
était impossible que la section du statut puisse con-
clure au bien-fondé de la revendication de l'intimé.
[R L'art. 7(3.76) du Code criminel canadien a été mis en
vigueur le 16 septembre 1987 (L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch.
30, art. 1; L.C. 1987, ch. 37, art. 1).
19 69.1.. .
(5) À l'audience, la section du statut est tenue de donner à
l'intéressé et au ministre la possibilité de produire des élé-
ments de preuve, de contre-interroger des témoins et de pré-
senter des observations, ces deux derniers droits n'étant tou-
tefois accordés au ministre que s'il l'informe qu'à son avis,
la revendication met en cause la section E ou F de l'article
premier de la Convention ou le paragraphe 2(2) de la pré-
sente loi.
J'aurais accueilli la demande, j'aurais annulé la
décision rendue le 16 mai 1991 par le tribunal com-
posé de l'arbitre et du membre de la section du statut,
et j'aurais retourné l'affaire pour redétermination par
un tribunal différent constitué conformément aux
motifs que je viens d'exprimer.
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