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T-2383-89
Comeau's Sea Foods Limited (demanderesse) c.
Sa Majesté la Reine, représentée par le ministre des Pêches et des Océans (défenderesse)
REPERTORIÉ.' COMEAU'S SEA FOODS LTD. C. CANADA (MINISTRE DES PÈCHES ET DES OCEANS) Ire 1NST.)
Section de première instance, juge Strayer—Halifax, 18 février; Ottawa, 5 mai 1992.
Couronne Délits Action en dommages-intérêts décou- lant de l'omission de la défenderesse d'octroyer des permis de pêche du homard en haute mer dont elle avait permis l'octroi, alors qu'elle savait que la demanderesse avait engagé des dépenses en vue de convertir ses bateaux de façon à utiliser les permis En vertu de l'art. 7 de la Loi sur les pêches, le minis- tre peut, à discrétion, octroyer des permis de pêche ou en per- mettre l'octroi En permettant l'octroi des permis, le ministre a épuisé son pouvoir discrétionnaire Le présumé retrait de la permission d'octroyer le permis constitue un excès de com- pétence La décision de ne pas délivrer les permis dont l'oc- troi avait antérieurement été autorisé constitue une négligence Le ministre avait une obligation de diligence envers la demanderesse Le lien existant entre les parties découlait de la déclaration selon laquelle les permis seraient octroyés Violation de l'obligation de diligence Le préjudice causé à la demanderesse était prévisible La demanderesse a subi une perte financière prévisible par suite du volte-face Il s'agissait d'une perte purement financière, mais lorsqu'un »lien circonstanciel» existe, la défenderesse est responsable de la perte Aucun moyen de défense fondé sur l'autorisation du législateur ne peut être invoqué lorsque le ministre outrepasse ses pouvoirs Obligation de diligence non limitée Le refus d'octroyer les permis n'est pas une décision de politique Le moyen de défense fondé sur l'autorisation du législateur n'est jamais absolu Le ministre n'a pas montré que la façon de gérer la pêche du homard en l'espèce était la conséquence iné- vitable de l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l'art. 7 L'art. 8 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif qui confère à la Cou- ronne une immunité spéciale contre la responsabilité délic- tuelle, ne s'applique pas étant donné qu'il ne vise qu'une con- duite non négligente.
Couronne Contrats Après que le ministre eut annoncé qu'il avait permis l'octroi de permis de pêche du homard en haute mer, la demanderesse a informé celui-ci qu'elle était en train d'exécuter des travaux de conversion à bord de ses navires Le ministre a parla suite annoncé que les permis ne seraient pas octroyés Let demanderesse soutient qu'il exis- tait un lien contractuel en vertu duquel le ministre octroyait les permis, en échange de quoi la demanderesse se préparait pour la pêche du homard en haute mer et faisait cette pêche Aucune violation de contrat étant donné qu'il n'a pas été établi
que les parties voulaient que la demande et l'octroi de permis entraînent des droits et obligations contractuels.
Pêches Le ministre a informé la demanderesse qu'il avait permis l'octroi de permis de pêche du homard en haute mer La demanderesse a informé le Ministère qu'elle était en train d'exécuter des travaux de conversion à bord de ses navires de façon à utiliser les permis Le ministre a cédé aux objections des pêcheurs côtiers et a annoncé que les permis ne seraient pas octroyés L'État a fait l'objet de poursuites pour négli- gence et pour violation de contrat Le ministre a épuisé son pouvoir discrétionnaire législatif en permettant l'octroi des permis La violation de l'obligation d'origine législative incombant au ministre constitue une négligence ouvrant droit à une poursuite La perte financière subie parla demanderesse était prévisible Le moyen de défense fondé sur l'autorisa- tion du législateur ne peut pas être invoqué dans le cas d'une négligence La défenderesse n'a pas montré que le ministre devait agir comme il l'avait fait en vue d'exercer son pouvoir discrétionnaire dans le cadre de la gestion de la pêche du homard.
Il s'agit d'une action en dommages-intérêts découlant de l'omission d'octroyer des permis de pêche du homard. Le ministre a informé la demanderesse qu'il avait permis l'octroi à cette dernière de deux permis de pêche du homard en haute mer ainsi que de deux permis expérimentaux de pêche du homard et du crabe rouge en haute mer. On devait discuter des conditions des permis à une date ultérieure. Peu de temps après, la demanderesse a fourni au Ministère les noms et numéros des bateaux qui devaient figurer sur les permis et a indiqué que des travaux de conversion des navires étaient en cours. Toutefois, par la suite, on a ordonné au directeur régio- nal de ne pas délivrer de permis sans une autorisation expresse d'Ottawa. Cette décision découlait apparemment des objec tions formulées par les pêcheurs côtiers, qui croyaient que l'augmentation des activités de pêche du homard en haute mer aurait un effet préjudiciable sur la pêche côtière. Par la suite, le ministre a annoncé que les permis expérimentaux ne seraient pas octroyés. Le Ministère a confirmé, dans une lettre envoyée à la demanderesse, que celle-ci ne recevrait pas les quatre per- mis dont le ministre avait permis l'octroi. La demanderesse avait dépensé environ 500 000 $ pour convertir son navire pour la pêche du homard. En vertu de l'article 7 de la Loi sur les pêches, le ministre peut, à discrétion, octroyer des permis de pêche ou en permettre l'octroi. En vertu de l'article 9, il peut suspendre ou révoquer tout permis dans certaines circons- tances.
La demanderesse a invoqué la responsabilité délictuelle fon- dée sur la négligence (violation d'une obligation législative), la responsabilité découlant de la «violation d'un engagement pris par le gouvernement» et la responsabilité découlant de la viola tion d'un contrat, et a soutenu qu'il existait un lien contractuel en vertu duquel il était entendu que si le ministre octroyait les permis, la demanderesse se préparerait pour la pêche du homard en haute mer et ferait cette pêche. Il a été soutenu que, du moins en ce qui concerne la pêche visée par les permis «expérimentaux», le Ministère bénéficierait des données
recueillies sur l'habitat du homard dans un secteur aucun permis n'avait encore été délivré.
La défenderesse a soutenu qu'en vertu de l'article 7, le ministre peut, à discrétion, octroyer des permis, pouvoir qui n'est pas restreint par l'article 9, qui limite le pouvoir de révo- quer un permis, étant donné qu'aucun permis n'avait été octroyé. Subsidiairement, il a été soutenu (1) que la défende- resse n'avait pas d'obligation de diligence envers la demande- resse parce que la décision de ne pas octroyer de permis était une décision «de politique»; et (2) que les mesures prises par le ministre étaient autorisées par la loi, de sorte que selon les principes généraux de droit et l'article 8 de la Loi sur la res- ponsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, qui prévoit que la responsabilité de l'État n'est pas engagée pour tout fait commis dans l'exercice d'un pouvoir dévolu à celui- ci, la défenderesse n'était pas responsable.
Jugement: l'action devrait être accueillie.
En vertu de l'article 7, le ministre peut, à discrétion, octroyer des permis ou en permettre l'octroi. S'il octroie un permis, personne n'a plus rien à faire. S'il en permet l'octroi, comme en l'espèce, certaines conditions devant être fixées, il reste uniquement aux représentants du Ministère et au titulaire à élaborer ces conditions. Le ministre n'a plus aucun rôle lors- que l'octroi d'un permis a été autorisé. Le refus d'octroyer les permis n'a rien à voir avec une omission par la demanderesse de satisfaire à des conditions précises. Lorsque le ministre a autorisé l'octroi des permis à la demanderesse, il a épuisé le pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 7. Les restrictions relatives à la suspension ou à la révocation des permis prévues à l'article 9 ne s'appliquent pas étant donné qu'aucun permis n'a été octroyé.
La violation d'une loi n'entraîne pas automatiquement une responsabilité délictuelle, mais les actes qui constituent une violation par le ministre d'une obligation d'origine législative constituent également une négligence ouvrant droit à une pour- suite. La négligence découle de la décision de ne pas délivrer les permis dont le ministre a antérieurement permis l'octroi. Les éléments de la négligence sont établis. (1) Le ministre avait une obligation de diligence envers la demanderesse. Il existait un lien entre la défenderesse et la demanderesse, par suite de la déclaration que le ministre avait faite, à savoir que les permis seraient octroyés. (2) L'obligation requise de dili gence a été violée. À compter du moment la demanderesse a informé le Ministère qu'elle effectuait des travaux en vue de convertir ses bateaux de façon à utiliser les permis, on pouvait prévoir que toute dérogation à la ligne de conduite annoncée (c'est-à-dire l'octroi des permis) causerait préjudice à la demanderesse. (3) La demanderesse a subi une certaine perte financière prévisible par suite du volte-face. La perte de la demanderesse était purement financière, mais la Cour suprême du Canada a jugé que lorsque le «lien circonstanciel» néces- saire existe, le défendeur peut être tenu responsable de pareille perte.
Les tribunaux ne révisent pas les décisions de politique à l'égard desquelles les autorités publiques sont politiquement responsables, mais les décisions prises dans le cadre de la
«mise en eeuvre» des décisions de politique sont assujetties à une obligation de diligence. Une fois que la décision de poli- tique nécessaire a été prise, elle devrait être mise en œuvre d'une façon qui ne causera pas un risque déraisonnable de pré- judice à ceux qu'elle touchera vraisemblablement. Ce raison- nement découle de la supposition selon laquelle la présumée décision «de politique» est autorisée par la loi. Le refus de délivrer les permis outrepassait la compétence du ministre. En outre, la seule décision de politique pertinente était la décision que le ministre avait prise de permettre l'octroi des permis, mesure expressément prévue par l'article 7. Il avait été décidé de permettre l'octroi plutôt que d'octroyer les permis eux- mêmes parce qu'il restait encore à fixer certaines conditions, mais l'affaire évoluait sans difficulté en faveur de l'octroi des permis eux-mêmes. Il ne restait aucune question de principe à régler. Étant donné que le présumé retrait par le ministre de la permission d'octroyer les permis outrepasse les pouvoirs de celui-ci, le moyen de défense fondé sur l'autorisation du légis- lateur ne peut pas être invoqué. De plus, le moyen de défense fondé sur l'autorisation du législateur n'a jamais été absolu. Si un organisme se voyait conférer un pouvoir discrétionnaire, il ne pourrait pas invoquer l'autorisation du législateur comme moyen de défense dans les actions fondées sur un délit décou- lant du tort causé par suite de l'exercice de ce pouvoir à moins qu'il ne puisse montrer que la violation alléguée des droits privés était une conséquence inévitable de l'exercice de ce pouvoir. Cette doctrine a été modifiée en faveur des demande- resses dans l'affaire Tock c. St. John's Metropolitan Area Board, le juge Sopinka, qui était le plus favorable au moyen de défense, a dit qu'il incombait au défendeur de prouver au moins que ce qui avait été fait en vertu de la présumée autori- sation du législateur n'avait donné lieu à aucune négligence et que le résultat préjudiciable était donc inévitable. La défende- resse n'a pas montré que permettre l'octroi d'un permis, puis refuser de l'octroyer après qu'un titulaire éventuel a engagé des dépenses en se fondant sur cette permission, était une con- séquence inévitable de l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par l'article 7. L'article 8 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif se rapporte à une conduite non négligente; en l'espèce, il est question de conduite négligente.
Généralement parlant, les relations entre les fonctionnaires qui délivrent les permis en vertu d'une autorisation du législa- teur d'une part, et les titulaires de permis d'autre part, sont régies non par le droit des contrats, mais par les dispositions de la loi et par les principes généraux du droit administratif. Un lien contractuel n'est pas impossible, mais il devrait être claire- ment établi que les parties voulaient que la demande et l'octroi d'un permis entraînent des droits et obligations contractuels. Les circonstances de l'espèce n'auraient pas donné lieu à pareilles attentes. Indépendamment du fait qu'on n'a décrit aucun avantage particulier que l'octroi de deux des permis pro- curerait au ministre, même les permis dans le secteur expéri- mental n'étaient pas destinés à donner lieu à des obligations mutuelles. Il n'existait aucune intention contractuelle.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif; L.R.C. (1985), ch. C-50 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21), art. 8, 31 (mod., idem, art. 31).
Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, art. 7, 9 (mod. par L.R.C. (1985) (1Cr Supp.), ch. 31, art. 95).
Règlement de pêche de l'Atlantique de 1985, DORS/86- 21, art. 28(1)a) (abrogé par DORS/91-296, art. 1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Norsk Pacific Steamship Co., jugement en date du 30-4-92, C.S.C., conf. [1990] 3 C.F. 114; (1990), 65 D.L.R. (4th) 321; 3 C.C.L.T. 229; 104 N.R. 321 (C.A.); Swanson c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 C.F. 408; (1991), 80 D.L.R. (4th) 741; 7 C.C.L.T. (2d) 186 (C.A.); Tuck c. St. John's Metropolitan Area Board, [1989] 2 R.C.S. 1181; (1989), 64 D.L.R. (4th) 620; 104 N.R. 241.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Anns v. Merton London Borough Council, [1978] A.C. 728 (H.L.); Kamloops (Ville de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S. 2; (1984), 10 D.L.R. (4th) 641; [1984] 5 W.W.R. 1; 29 C.C.L.T. 97; Just c. Colombie-Britannique, [1989] 2 R.C.S. 1228; (1989), 64 D.L.R. (4th) 689; [1990] 1 W.W.R. 385; 103 N.R. 1.
DÉCISION CITÉE:
R. du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205; (1983), 143 D.L.R. (3d) 9; [1983] 3 W.W.R. 97; 23 C.C.L.T. 121; 45 N.R. 425.
DOCTRINE
Hogg, Peter W. Case Comments, «Tock v. St. John's Metropolitan Area Board» (1990), 69 Rev. du Bar. can. 589.
ACTION en dommages-intérêts découlant du refus du ministre de délivrer les permis de pêche du homard dont il avait permis l'octroi. Action accueil- lie.
AVOCATS:
L'hon. Stewart McInnes, c.r., pour la demande-
resse.
Michael F. Donovan pour la défenderesse.
PROCUREURS:
McInnes, Cooper & Robertson, Halifax, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE STRAYER:
Redressement demandé
Il s'agit d'une action découlant des dommages que la demanderesse allègue avoir subis par suite de l'omission de la défenderesse, représentée par le ministre des Pêches et des Océans, de lui délivrer quatre permis de pêche du homard après s'être appa- remment engagée à le faire, ou après avoir déclaré qu'elle délivrerait ces permis ou avoir convenu de le faire. La demanderesse allègue avoir engagé des dépenses par suite de la déclaration, de l'engagement ou de l'entente en question.
Par une ordonnance du 7 mai 1991, le juge Martin a ordonné que la question des dommages-intérêts, notamment en ce qui concerne le montant, la reddi- tion de compte et tout autre redressement, soit ren- voyée à un juge désigné par le juge en chef adjoint après que la question de la responsabilité eut été tran- chée par la Cour. En l'espèce, je ne m'occuperai donc que de déterminer la responsabilité.
Les faits
La pêche du homard côtier au large de la côte est, sud et sud-ouest de la Nouvelle-Écosse se fait dans un secteur géographique s'étendant à environ cin- quante milles marins de ces côtes et faisant partie des zones 4X et 4W de la Convention de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord. Il y a 1 601 titulaires de permis de pêche du homard côtier dans ce secteur. La pêche du homard en haute mer se fait dans les par ties des zones 4X et 5Z qui s'étendent au-delà du sec- teur côtier. La limite est de la zone 4X et la limite ouest de la zone 4W forment une ligne commençant à peu près à Halifax et allant franc sud. La zone 5Z est à l'ouest de la zone 4X, et comprend un territoire de pêche situé en partie au Canada et en partie aux États-Unis. Huit titulaires de permis de pêche du homard en haute mer exploitaient leur entreprise dans les zones 4X et 5Z pendant la période pertinente. Dans la partie située en haute mer de la zone 4W de
la Convention de l'OPAN, il n'y avait pas et il n'y a pas de titulaires de permis de pêche du homard en haute mer.
La demanderesse est une entreprise de pêche inté- grée qui est exploitée au large de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. Elle possède une quinzaine de bateaux et pendant la pleine saison, elle emploie jus- qu'à mille personnes. Elle ne possède pas de permis de pêche du homard en haute mer, mais depuis au moins 1984, elle a fait savoir au ministre des Pêches qu'elle voulait obtenir pareils permis.
En 1985, par une décision rendue par des juges de la Cour internationale de justice, la frontière canado- américaine a été fixée dans le golfe du Maine, la Cour ayant rendu une décision favorable au Canada à l'égard de certains secteurs additionnels importants pour la pêche du homard. La demanderesse a donc renouvelé ses efforts pour obtenir deux permis de pêche du homard en haute mer: par une lettre du 21 août 1986, le président de la société demande- resse, Marcel Comeau, a écrit à l'honorable Tho- mas Siddon pour lui demander ces permis et a déclaré que la demanderesse était [TRADUCTION] «prête à com- mencer à pêcher immédiatement», une fois les permis nécessaires obtenus. Par la suite, M. Comeau et son père, qui était président du conseil d'administration de la société demanderesse, ont personnellement fait des démarches auprès du ministre. Ils lui ont parlé au cours d'une rencontre qui a eu lieu à Boston, en mars 1987, et le ministre leur a assuré qu'il étudierait cer- tainement la possibilité de leur délivrer un permis. En septembre 1987, ils ont parlé au ministre, lors d'une rencontre à Québec, et ce dernier a dit à Mar- cel Comeau et à son père que la société obtiendrait certainement un permis de pêche du homard en haute mer.
Il semble qu'en fait, environ treize demandes de nouveaux permis de pêche du homard en haute mer ont été reçues par le ministre en 1987. II semble éga- lement être clairement prouvé qu'un des facteurs militant en faveur de certaines modifications en ce qui concerne l'octroi de permis dans les zones 4X et 5Z était qu'à ce moment-là, sept des huit permis dans ces zones étaient détenus par des sociétés étroitement liées. Un autre facteur était qu'on croyait qu'il pou- vait valoir la peine de pêcher le homard en haute mer
dans la zone 4W et l'on estimait qu'il était préférable de délivrer, à titre expérimental, certains permis dans cette zone. Le ministre semble donc avoir décidé de maintenir le même niveau total de prises dans les zones 4X et 5Z, soit 720 tonnes l'an, de réduire le nombre de permis détenus par les titulaires dans ces zones (les permis retirés étant délivrés aux nouveaux demandeurs comme la demanderesse) et d'octroyer les permis «expérimentaux» dans la zone 4W tant aux nouveaux demandeurs qu'aux anciens titulaires de permis dans les zones 4X et 5Z (ceux-ci étant des- tinés à compenser la perte des permis dans les zones 4X et 5Z). Par conséquent, le 29 décembre 1987, le ministre a envoyé à la demanderesse le télex suivant:
[TRADUCTION] J'ai le plaisir de vous informer que j'ai permis l'octroi à votre société de deux permis de pêche du homard en haute mer, lesquels viseraient les divisions 4X et 5Z de l'OPAN ainsi que de deux permis expérimentaux de pêche du homard et du crabe rouge en haute mer, visant la division 4W de l'OPAN. Un permis de chaque type sera considéré comme une unité et sera apposé à bord de deux des bateaux de la société de plus de 60 pieds de longueur hors tout.
L'AE de votre société, pour une saison de pêche de 12 mois (du 15 octobre au 14 octobre), sera de 60 tonnes par bateau pour la pêche du homard dans la division 4W, aucune limite de capture n'étant prévue pour le crabe rouge. De même, l'AE de votre société pour le homard dans les divisions 4X et 5Z sera de 30 tonnes par bateau.
Ces AE seront partagées proportionnellement comme suit pour chacun de vos bateaux pendant la saison 1987-1988:
Division 4W-48 T Divisions 4X et 5Z-24 T
Les agents régionaux communiqueront avec vous dans peu de temps pour discuter des conditions précises des permis.
Comme nous pouvons le constater, le ministre a con firmé que la demanderesse allait obtenir deux permis pour les divisions 4X et 5Z et, à titre expérimental, deux permis pour la division 4W. Selon la preuve, l'«AE» mentionnée est l' «allocation aux entreprises». Il est à noter que ces allocations étaient indiquées d'une manière fort précise en ce qui concerne la demanderesse. En outre, ces allocations étaient expressément partagées proportionnellement pour la saison 1987-1988, chaque bateau ne devant avoir que 80 % de son allocation annuelle normale pour le reste de cette saison-là, soit du 15 octobre 1987 au 14 octo- bre 1988, puisque 20 % de la saison s'était écoulée au moment ce télex a été envoyé.
Il est également à noter que dans le télex, le minis- tre disait que les agents régionaux discuteraient des conditions précises du permis avec la demanderesse. Le 11 janvier, le ministère des Pêches et des Océans a envoyé à la demanderesse et aux autres un télex pour les informer qu'une [TRADUCTION] «réunion des titulaires de permis de pêche du homard en haute mer» aurait lieu à Hunt's Point (Nouvelle-Écosse) le 14 janvier. Les représentants des titulaires de permis déjà délivrés, ainsi que ceux que le ministre avait informés, le 29 décembre 1987, qu'il leur avait per- mis l'octroi de permis, assistaient à cette réunion. Selon le procès-verbal, les représentants du Ministère ont donné des explications au sujet des nouvelles allocations et des mesures de surveillance qui seraient prises et [TRADUCTION] «les titulaires de permis ne se sont opposés à aucune de ces mesures de surveil lance». Le 27 janvier 1988, le Ministère a envoyé un télex à toutes les entreprises représentées à la réunion qui avait eu lieu à Hunt's Point pour les informer qu'elles devaient déposer un plan de pêche à l'égard de chaque bateau pour le reste de la saison de pêche. Le Ministère leur a également dit qu'il avait besoin du nom et du numéro de chaque bateau visé par per- mis. Le 29 janvier 1988, la demanderesse a fourni, par lettre, les renseignements requis. Dans cette let- tre, elle disait qu'elle utiliserait le Lady Comeau et le Lady Denise. Elle ajoutait ceci:
[TRADUCTION] Ces bateaux sont actuellement équipés pour la pêche du pétoncle, mais des travaux sont sur le point d'être exécutés afin de les convertir pour la pêche du homard en haute mer. Ces bateaux devraient être prêts pour la pêche en avril.
C'était une indication claire que la demanderesse exécutait des travaux de conversion à bord de ces bateaux parce qu'elle croyait que les permis de pêche du homard seraient délivrés en temps utile. M. Neil Bellefontaine, maintenant directeur général régional du ministère des Pêches et des Océans pour la région Scotia -Fundy, a témoigné que par la suite et jusqu'au 8 mars au moins, le Ministère aurait délivré les permis, si la demanderesse l'avait demandé, en se réservant le droit de fixer les conditions précises atta- chées à ces permis ou aux permis de ce secteur en général. Ces conditions n'avaient pas encore été fixées d'une manière définitive. Toutefois, le 8 mars 1988, M. Bellefontaine a reçu d'Ottawa des direc-
tives selon lesquelles il ne devait pas délivrer pareils permis sans autorisation expresse du sous-ministre adjoint à Ottawa.
Dans l'intervalle, après que le ministre eut annoncé, le 29 décembre 1987, que les nouveaux per- mis de pêche en haute mer seraient délivrés, les pêcheurs côtiers s'étaient vigoureusement opposés à la délivrance de tout nouveau permis de pêche en haute mer. Cette opposition découlait apparemment de la conviction qu'une augmentation des activités de pêche du homard en haute mer influerait sur la pêche côtière. (Notons que seuls les permis qui devaient être délivrés dans la division 4W entraînaient de nou- velles prises, étant donné que l'allocation totale pré- vue dans les zones 4X et 5Z demeurait la même, mais avec un changement de titulaires.) Il semble être tout à fait clair que la preuve scientifique dont le ministre disposait à ce moment-là ne laissait pas entendre que l'augmentation de l'activité de pêche en haute mer aurait vraisemblablement un effet préjudiciable sur la pêche côtière; de fait, un rapport du Comité scienti- fique consultatif des pêches canadiennes dans l'At- lantique publié à peu près à ce moment-là indique le contraire. De toute évidence, la position que le minis- tre a initialement prise auprès des pêcheurs côtiers était que rien ne prouvait qu'il y aurait vraisembla- blement un effet préjudiciable.
À une réunion du Comité consultatif du homard de Scotia -Fundy, à laquelle assistaient des représentants de l'industrie, laquelle a eu lieu à Halifax le 30 mars 1988, le ministre a entendu les observations des pêcheurs côtiers. Dans un communiqué de presse publié après la réunion, le ministre a maintenu qu'il n'«annulerait» pas les nouveaux permis de pêche en haute mer, mais il a déclaré être prêt à imposer les conditions nécessaires pour répondre aux préoccupa- tions des pêcheurs côtiers de homard. Toutefois, ces derniers ont continué à exercer des pressions et la chose a engendré un différend politique en Nouvelle- Écosse et à Ottawa. Enfin, le 29 avril 1988, le minis- tre a publié un autre communiqué de presse dans lequel il annonçait que:
[TRADUCTION] Les quatre permis expérimentaux de pêche du homard en haute mer en Nouvelle-Écosse ne seraient pas déli- vrés dans un avenir immédiat ...
Le ministre a annoncé qu'il entamait plutôt une nou- velle étude [TRADUCTION] «de toutes les questions
importantes auxquelles faisait face l'industrie de la pêche du homard dans la région Scotia -Fundy», fai- sant observer qu'aucune étude importante de la pêche du homard n'avait été menée depuis 1975. Cette étude a par la suite été entamée et n'a pris fin qu'en 1990. Elle a alors fait l'objet d'un examen par le ministre et le Ministère et ce n'est que récemment, si je comprends bien, que des décisions ont été prises à ce sujet. Dans l'intervalle, le Ministère a confirmé, dans une lettre envoyée à la demanderesse le 31 mai 1988, que celle-ci ne recevrait pas les quatre permis (non plus que les permis «expérimentaux» dans la zone 4W ou les autres permis dans les zones 4X et 5Z) dont le ministre avait permis l'octroi; au moment de l'instruction, la demanderesse n'avait pas reçu ces permis.
Aucune preuve n'a été présentée pour expliquer le volte-face du ministre entre le 29 décembre 1987 et le 29 avril 1988, à part ce qui est évident, à savoir, les pressions auxquelles il faisait face par suite de l'op- position vigoureuse des pêcheurs côtiers (qui sont beaucoup plus nombreux que les pêcheurs en haute mer) à l'octroi de tout nouveau permis de pêche du homard en haute mer. Le ministre n'a pas témoigné pendant ce procès et le Ministère n'a pas présenté de preuve indiquant l'existence de quelque autre raison. Une preuve abondante a été présentée à l'égard des objections des pêcheurs côtiers.
Étant donné que la question des dommages-intérêts avait été renvoyée, après le procès, en vue d'être tran- chée si jamais il était conclu à la responsabilité, j'ai entendu la preuve présentée à ce sujet à l'instruction uniquement dans la mesure elle montrerait, à ma satisfaction, que la demanderesse avait de fait engagé des dépenses en prévision de l'octroi des permis de pêche du homard qui avait été annoncé par le minis- tre dans le télex du 29 décembre 1987, et qui avait été révoqué dans le communiqué de presse du ministre en date du 29 avril 1988. M. Marcel Comeau, prési- dent de la société demanderesse, a témoigné que pen dant la période qui s'était écoulée entre ces deux dates, la demanderesse avait dépensé environ 500 000 $ pour convertir le Lady Comeau pour la pêche du homard. Aucune demande détaillée n'a été présentée et j'ai clairement fait savoir que je recevais cette preuve uniquement pour voir si une perte quel- conque avait été subie, et non afin d'établir le mon-
tant des dommages-intérêts. Je suis convaincu que la demanderesse a subi une perte suffisante pour étayer une action en dommages-intérêts si jamais les autres éléments de dommage ouvrant droit à une poursuite étaient établis.
Dans l'argumentation, la demanderesse a invoqué quatre motifs de responsabilité de la part de la défen- deresse: la responsabilité délictuelle fondée sur la négligence; la responsabilité découlant de la [TRADUC- TION] «violation d'un engagement pris par le gouver- nement»; la responsabilité découlant de la violation d'un contrat; et un certain genre de responsabilité découlant de l'irrecevabilité fondée sur une pro- messe. Il me semble que seule la violation de contrat a été plaidée dans la déclaration initiale, bien qu'il soit peut-être possible d'interpréter celle-ci comme alléguant une obligation de la part de la défenderesse d'octroyer les permis par suite, notamment, des obli gations plus générales qui incombent au ministre en vertu de la loi. À l'instruction, la demanderesse a pro- posé d'apporter certaines modifications à sa déclara- tion, lesquelles ont été autorisées à condition que la défenderesse puisse invoquer tout moyen de défense contre ces modifications, et ce, sans modifier ses propres plaidoiries, condition que la défenderesse avait demandée. Les modifications sont que:
[TRADUCTION] 12a) Subsidiairement et en tout état de cause, la demanderesse répète les paragraphes 1 à Il de la déclaration et affirme que le refus de la défenderesse de lui délivrer le permis de pêche du homard constitue un excès de la compétence con- férée par la Loi sur les pêches et va à l'encontre de l'obligation d'origine législative qui incombe à la défenderesse, ce qui constitue une négligence qui a directement causé préjudice à la demanderesse.
12b) Subsidiairement encore et en tout état de cause, la deman- deresse répète les paragraphes 1 à I I de la déclaration et affirme que la décision de la défenderesse de lui délivrer le permis de pêche du homard constitue un acte légal irrévocable que celle-ci a illicitement tenté de révoquer, ce qui a directe- ment eu pour effet de lui causer préjudice.
Il est à noter que par ces modifications, la demande- resse allègue la responsabilité fondée sur la négli- gence et affirme que l'annonce selon laquelle le ministre avait permis l'octroi des permis constituait [TRADUCTION] «un acte légal irrévocable» et que la soi-disant révocation a eu pour effet de lui causer illi- citement préjudice. À l'instruction, la défenderesse a soutenu que la demanderesse n'avait pas plaidé l'irre- cevabilité fondée sur une promesse et que si la
demanderesse cherchait à effectuer une modification, de façon à alléguer ce moyen, elle s'y opposerait. La demanderesse a soutenu que si cette modification était requise, elle demandait à la faire. J'ai remis à plus tard ma décision sur ce point puisque des argu ments avaient déjà été présentés sur le moyen lui- même de l'irrecevabilité fondée sur une promesse.
Conclusions
Étendue du pouvoir conféré au ministre par la Loi
Avant d'examiner les motifs précis de responsabi- lité qui ont été allégués, il est opportun d'examiner la nature et l'étendue du pouvoir que possède le minis- tre en vertu des articles 7 et 9 de la Loi sur les pêches [L.R.C. (1985), ch. F-14 (mod. par L.R.C. (1985) (1e r suppl.), ch. 31, art. 95)], sur lesquels la défenderesse se fonde pour affirmer que le ministre est autorisé à faire ce qu'il a fait. Ces dispositions prévoient ceci:
7. (1) En l'absence d'exclusivité du droit de pêche conférée par la loi, le ministre peut, à discrétion, octroyer des baux et permis de pêche ainsi que des licences d'exploitation de pêche- ries ou en permettre l'octroi —, indépendamment du lieu de l'exploitation ou de l'activité de pêche.
(2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'octroi de baux, permis et licences pour un terme supérieur à neuf ans est subordonné à l'autorisation du gouverneur général en conseil.
9. Le ministre peut suspendre ou révoquer tous baux, permis ou licences consentis en vertu de la présente loi si:
(a) d'une part, il constate un manquement à leurs disposi tions;
(b) d'autre part, aucune procédure prévue à la présente loi n'a été engagée à l'égard des opérations qu'ils visent.
La défenderesse soutient qu'en vertu de l'article 7, le ministre peut, à discrétion, octroyer ou refuser un permis de pêche, bien que, une fois le permis con- senti, le pouvoir que possède le ministre de le révo- quer soit limité par l'article 9. Elle affirme qu'en l'es- pèce, puisque les permis n'ont jamais été délivrés, rien n'empêche le ministre de permettre initialement leur octroi, puis de ne pas les délivrer. Je ne souscris pas à cet avis.
Selon le libellé de l'article 7, il est passablement clair que le ministre peut, à discrétion, octroyer des permis ou en permettre l'octroi. Le sens de ce libellé
semble être clair. Si le ministre octroie le permis, per- sonne n'a plus rien à faire. S'il en permet l'octroi, comme il l'a fait en l'espèce, certaines conditions devant être fixées avec le titulaire envisagé, il reste uniquement à quelqu'un d'autre (les représentants du ministre) et au titulaire à élaborer ces conditions. L'état d'un permis dont le ministre a permis l'octroi est peut-être plus ambigu que celui d'un permis qui a été octroyé (ce dernier n'étant révocable que confor- mément à l' article 9), mais le ministre n'a plus aucun rôle en pareil cas. Son pouvoir discrétionnaire con- siste (1) à octroyer le permis, ou (2) à en permettre l'octroi. Selon toute probabilité, si, comme en l'es- pèce, il a permis l'octroi du permis à certaines condi tions, que ses représentants et le titulaire devaient fixer, et que les conditions ne sont pas fixées, le per- mis ne sera pas délivré. Cependant, tel n'est pas le cas en l'espèce. Comme M. Bellefontaine, représen- tant du ministère, l'a déclaré, tout allait bien, en ce qui concerne les conditions, jusqu'à ce que des direc tives selon lesquelles les permis ne devaient pas être octroyés sans autorisation expresse soient données par Ottawa. Lorsque les permis ont en fin de compte été refusés, cela n'avait rien à voir avec l'omission par la demanderesse de satisfaire à quelque condition précise.
Il ressort des faits de l'espèce que le fait que le ministre a permis l'octroi d'un permis est considéré comme définitif. Comme je l'ai ci-dessus mentionné, lorsque l'autorisation a été annoncée le 29 décembre 1987, le ministre a alloué à la demanderesse, pour 1987-1988, une partie de la prise annuelle à peu près proportionnelle au nombre de jours qui restaient après cette date pendant la saison de pêche 1987- 1988. Aux réunions et dans la correspondance avec le Ministère, en janvier 1988, la demanderesse a été traitée comme si elle était déjà «titulaire de permis».
Je conclus donc que lorsque le ministre a permis l'octroi des permis à la demanderesse sous réserve de certaines conditions qui feraient l'objet de discus sions avec ses représentants, il a épuisé le pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 7 de la Loi sur les pêches.
La demanderesse a également soutenu que le refus de délivrer le permis allait à l'encontre de l'ali-
néa 28(1)a) du Règlement de pêche de l'Atlantique de /985 1 , en vigueur à ce moment-là. Ce règlement pré- voit que lorsqu'une personne est reconnue coupable d'une infraction à la Loi sur les pêches ou à ses règle- ments, le ministre peut «suspendre tout document délivré à cette personne ou refuser de lui délivrer un document». (La demanderesse a soutenu que c'était le seul cas dans lequel un refus était expressément prévu, une fois que le ministre avait permis l'octroi du permis). Ce règlement a été abrogé en 1991 2 , et le «Résumé de l'étude d'impact de la réglementation» joint à la modification abrogatoire montre que le paragraphe 28(1) a été abrogé parce qu'il restreignait le pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par l'article 7 de la Loi sur les pêches. Cette interpréta- tion de la loi n'est pas déterminante, mais je suis enclin à convenir que pareil règlement ne pouvait pas limiter l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire réelle- ment conféré par la Loi, à moins que son adoption n'ait elle-même été autorisée par la Loi; or, il ne semble pas que ce soit le cas.
Bien sûr, les restrictions relatives à la suspension ou à la révocation des permis prévues à l'article 9 de la Loi sur les pêches ne s'appliquent pas dans ce cas, étant donné qu'aucun permis n'a réellement été déli- vré.
J'examinerai donc chacun des motifs de responsa- bilité que la demanderesse a invoqués dans l'argu- mentation.
Irrecevabilité fondée sur une promesse
J'ai conclu que ce moyen n'est pas plaidé dans la déclaration et puisque, à l'instruction, la défenderesse s'est opposée à cette modification, je ne vais pas la permettre aussi tardivement. En tirant cette conclu sion, je m'appuie sur le fait que, à mon avis, cette plaidoirie serait de toute façon futile. Il s'agirait ainsi de tenter de fonder une cause d'action, une demande en dommages-intérêts, sur l'irrecevabilité fondée sur une promesse et non simplement d'invoquer pareille promesse afin d'empêcher celui qui l'a faite de ne pas la respecter. Je crois que c'est pousser trop loin la
DORS/86-21.
2 DORS/91-296.
notion d'irrecevabilité fondée sur une promesse et qu'il n'est pas opportun d'appliquer cette notion en l'espèce.
Responsabilité contractuelle
La demanderesse soutient qu'il existe un lien con- tractuel en vertu duquel il était entendu qu'en échange des permis dont l'octroi avait été permis, selon l'annonce faite par le ministre le 29 décembre 1987, elle se préparerait pour la pêche du homard en haute mer et ferait cette pêche. Il est soutenu que ces activités de la demanderesse seraient avantageuses pour le ministre, du moins en ce qui concerne la pêche en haute mer, visée par les permis consentis «à titre expérimental» dans la zone 4W. Aucun permis n'avait jamais été délivré pour la pêche en haute mer dans ce secteur et il est clair que le ministère des Pêches voulait obtenir des données sur l'habitat du homard dans ce secteur grâce aux activités des titu- laires de permis. Il est soutenu que la demanderesse avait commencé à exécuter ce contrat en se préparant pour la pêche et que le ministre était donc contrac- tuellement tenu de délivrer le permis, comme il l'avait promis le 29 décembre 1987. Par suite de l'omission, la défenderesse était donc responsable parce qu'elle avait violé le contrat.
Il m'est énormément difficile de faire correspondre ce cas à un modèle contractuel. Généralement par- lant, les relations entre les hauts fonctionnaires qui délivrent les permis en vertu d'un pouvoir conféré par une loi d'une part, et ceux à qui ils sont délivrés d'autre part, sont régies non par le droit des contrats, mais par les dispositions de cette loi et par les prin- cipes généraux du droit administratif. Bien que l'existence d'un lien contractuel ne soit pas impossi ble, il devrait être clairement établi que les parties voulaient que la demande et l'octroi de permis entraî- nent des droits et obligations contractuels. Je ne crois pas que les circonstances de l'espèce auraient donné lieu à pareilles attentes. Indépendamment du fait qu'on n'a décrit aucun avantage particulier que l'oc- troi à la demanderesse de deux des permis, soit ceux qui se rapportent aux divisions 4X et 5Z, procurerait au ministre, il est difficile d'imaginer, même en ce qui concerne les permis expérimentaux dans la zone 4W, que des obligations mutuelles devaient en découler. Si le ministre avait de fait délivré les per-
mis, aurait-il pu intenter des poursuites contre la demanderesse en vertu du contrat si cette dernière ne pêchait pas dans ce secteur? Ou encore, l'«offre» était-elle la permission donnée le 29 décembre 1987, l'«acceptation» devant se manifester par les sommes que la demanderesse déboursait pour se préparer à pêcher conformément aux permis? Dans l'affirma- tive, cela voudrait dire qu'une fois que la demande- resse avait engagé des dépenses pour se préparer, l'offre était acceptée et le ministre était tenu de déli- vrer les permis. Toutefois, cela pose un problème; en effet, rien ne montre que le ministre comprenait, au moment il a permis l'octroi de permis à la deman- deresse, que cette dernière serait obligée de dépenser de l'argent pour convertir un bateau en vue d'utiliser ces permis. Au contraire, par les lettres du 11 juin et du 5 juillet 1985, la demanderesse avait informé le ministre ou le Ministère que deux de ses bateaux (le Lady Melissa et le Sea Life III) étaient entièrement équipés pour la pêche du homard. Pendant le contre- interrogatoire dont il a fait l'objet à l'instruction, le président de la société demanderesse, Mar- cel Comeau, a convenu que jamais, avant que le ministre eût annoncé, le 29 décembre 1987, qu'il avait permis l'octroi des permis, la demanderesse n'avait informé le ministre ou le Ministère qu'elle allait convertir au moins un bateau utilisé pour la pêche du pétoncle en vue de pêcher le homard.
Je crois donc qu'il ne serait pas réaliste de conclure que les parties avaient quelque intention contractuelle donnant lieu à une obligation de la part du ministre de délivrer les permis, comme il avait promis de le faire.
Responsabilité délictuelle fondée sur la négligence
J'ai ci-dessus conclu qu'en retirant sa permission, le ministre outrepassait ses pouvoirs. Par conséquent, il ne peut invoquer aucun moyen de défense fondé sur l'existence d'un pouvoir conféré par une loi. Je souscris à l'avis de la défenderesse, à savoir que la violation d'une loi n'entraîne pas automatiquement une responsabilité délictuelle 3 . Toutefois, pour les motifs que j'énoncerai ci-dessous, j'ai conclu que les actes qui constituaient une violation par le ministre d'une obligation d'origine législative constituaient
3 R. du chef du Canada c. Saskatchewan Wheat Pool, [1983] 1 R.C.S. 205.
également une négligence ouvrant droit à une pour- suite en l'espèce. De fait, j'estime également que même si la révocation était autorisée par la Loi, un délit de négligence aurait néanmoins été commis en l'occurrence. Toutefois, la demanderesse n'a pas plaidé la chose; dans la nouvelle déclaration, elle s'est contentée d'alléguer que le refus
[TRADUCTION] [constituait] un excès de la compétence conférée par la Loi sur les pêches et [allait] à l'encontre de l'obligation d'origine législative qui incomb[ait] à la défenderesse, ce qui constitu[ait] une négligence ...
Il est clair qu'en l'espèce, les mesures prises pour le compte de la défenderesse constituaient une gestion capricieuse des affaires publiques, laquelle causait un tort sérieux aux entrepreneurs privés. La déposition du président de la demanderesse, Marcel Comeau, me convainc que cette dernière a agi raisonnablement et en toute bonne foi. La preuve présentée pour le compte de la défenderesse, quoique honnête et sin- cère, n'a tout simplement pas établi l'existence d'une justification raisonnable, lorsqu'il s'est agi d'annon- cer initialement qu'il avait été décidé de permettre l'octroi des permis de pêche du homard à la deman- deresse, puis de révoquer la permission. La seule jus tification apparente du changement d'attitude, en ce qui concerne l'octroi des permis, était l'opposition véhémente des pêcheurs côtiers. Cependant, selon la preuve, même avant que le ministre eût fait l'an- nonce, pareille opposition était passablement prévisi- ble, sauf peut-être en ce qui concerne sa force et sa volubilité.
Toutefois, il reste à savoir si ce genre de prise de décision équivaut à une négligence ouvrant droit à une poursuite. J'ai conclu qu'en l'occurrence, elle y ouvrait droit. À mon avis, la négligence découlait de la décision annoncée le 29 avril 1988, à savoir que les permis de pêche du homard dont l'octroi à la deman- deresse avait été permis le 29 décembre 1987 n'al- laient pas être délivrés. Les éléments de la négligence sont établis. Premièrement, le ministre avait une obli gation de diligence envers la demanderesse. Il y avait un lien de proximité entre la défenderesse et la demanderesse, par suite de la déclaration que le ministre avait faite à cette dernière le 29 décembre 1987, à savoir que les permis lui seraient délivrés. À compter de ce jour-là du moins, le ministre aurait se rendre compte que toute autre décision prise par
lui dans cette affaire toucherait directement une partie déterminée, à savoir la demanderesse. Deuxième- ment, le degré requis de diligence n'a pas été res pecté. Depuis au moins le 29 janvier 1988, date à laquelle la demanderesse a informé le ministre des Pêches et des Océans qu'elle effectuait des travaux en vue de convertir ses bateaux pour la pêche du homard en haute mer afin d'utiliser les permis, on pouvait certainement prévoir que toute dérogation à la ligne de conduite (c'est-à-dire l'octroi des permis) anté- rieurement annoncée par le ministre le 29 décembre 1987 causerait préjudice à la demanderesse. Troisiè- mement, comme je l'ai fait savoir, la preuve me con- vainc que la demanderesse a subi une certaine perte financière prévisible par suite du volte-face du minis- tre le 29 avril 1988, bien qu'il reste à établir la nature et le montant exacts de cette perte au moyen d'un renvoi. La perte de la demanderesse semble être pure- ment financière, mais dans l'arrêt Cie des chemins de fer nationaux du Canada c. Norsk Pacific Steamship Co. 4 , la Cour suprême du Canada a jugé que lorsque, comme en l'espèce, le «lien étroit circonstanciel» nécessaire existe, la défenderesse peut être tenue res- ponsable d'une perte purement financière.
Malgré l'existence de circonstances qui entraîne- raient la responsabilité dans le cas d'un simple mor- tel, la défenderesse soutient de fait que Sa Majesté ou le ministre ont le droit d'échapper à la responsabilité. Il me semble que l'argument de la défenderesse est essentiellement fondé sur deux moyens de défense possibles, propres à ce genre de pouvoir public, à savoir qu'il existe des considérations justifiant le refus de conclure à une obligation de diligence de la part de la défenderesse envers la demanderesse, et que ce que le ministre a fait dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire est autorisé par la Loi, de sorte que selon les principes généraux de droit et selon les dispositions expresses de la Loi sur la res- ponsabilité civile de l'État et le contentieux adminis- tratifs, cela ne peut pas entraîner la responsabilité de Sa Majesté.
En premier lieu, en ce qui concerne la violation de l'obligation de diligence, la défenderesse s'appuie sur
4 30 avril 1992, encore inédit, confirmant [1990] 3 C.F. 114 (C.A.).
5 L.R.C. (1985), ch. C-50 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 21).
la jurisprudence établie dans des arrêts comme Anns v. Merton London Borough Council 6 , que la Cour suprême du Canada a approuvé dans l'arrêt Kam- loops (Ville de) c. Nielsen et autres 7 et appliqué dans l'arrêt Just c. Colombie-Britannique 8 . Selon ces arrêts, même s'il existe entre les parties un lien de proximité suffisant, de sorte qu'il peut être conclu à l'existence prima facie d'une obligation de diligence, il reste qu'il faut néanmoins déterminer s'il y a des considérations permettant de réduire ou de limiter l'étendue de l'obligation ou de restreindre la catégo- rie de personnes auxquelles cette obligation est due. Dans le cas des autorités publiques, il existe une bonne raison de ne pas conclure à l'existence d'une obligation de diligence si la décision qui a causé pré- judice est une décision «de politique». Les tribunaux respectent ainsi le droit et l'obligation des organis- mes publics d'établir une politique dans les limites de leurs attributions et ils ne cherchent pas à réviser les décisions de politique à l'égard desquelles les auto- rités publiques sont politiquement responsables. Les décisions concernant l'affectation, ou le défaut d'af- fectation, de fonds à des travaux publics qui pour- raient accroître la sécurité du public sont notamment des décisions de politique. D'autre part, les décisions prises dans le cadre de la «mise en œuvre» des déci- sions de politique sont assujetties à une obligation de diligence. En effet, une fois que la décision de poli- tique nécessaire a été prise, elle devrait être mise en oeuvre d'une façon qui ne causera pas un risque dérai- sonnable de préjudice à ceux qu'elle touchera vrai- semblablement.
Il faut d'abord faire observer que ce raisonnement découle, si je comprends bien, de la supposition selon laquelle la présumée décision «de politique» est auto- risée par la loi. En l'espèce, j'ai déjà décidé que la décision attaquée, soit le refus de délivrer les permis, outrepassait la compétence du ministre.
Cependant, j'ai également conclu que la seule décision de politique pertinente a été prise par le ministre lorsqu'il a annoncé qu'il avait permis l'oc- troi des permis à la demanderesse. Il ne s'agissait pas d'une simple mesure officieuse; c'était une mesure expressément prévue par le paragraphe 7(1) de la Loi
6 [1978] A.C. 728 (H.L.).
7 [1984] 2 R.C.S. 2.
8 [1989] 2 R.C.S. 1228.
sur les pêches, qui permet au ministre à discrétion d'«octroyer des ... permis ... ou [d']en permettre l'octroi». La preuve laisse entendre qu'en l'espèce, il avait été décidé de permettre l'octroi plutôt que d'oc- troyer les permis eux-mêmes, parce qu'il restait encore à fixer certaines conditions précises. En outre, la preuve montre que, par suite des discussions subsé- quentes qui ont eu lieu entre les agents des pêches et les personnes autorisées à recevoir les nouveaux per- mis, l'affaire évoluait sans difficulté en faveur de l'octroi des permis eux-mêmes. Il ne restait aucune question de politique à régler. Les faits objectifs montrent que les deux parties supposaient que la déli- vrance des certificats eux-mêmes était une mesure courante, et non une question de politique. Par consé- quent, rien ne permet de nier l'existence d'une obli gation de diligence en ce qui concerne la révocation.
En second lieu, même si l'on retenait l'argument de la défenderesse, à savoir qu'après avoir permis l'octroi des permis, le ministre pouvait encore, à dis- crétion, refuser de les octroyer, je ne suis pas con- vaincu que cela ferait obstacle à une plaidoirie de simple négligence. Le moyen de défense fondé sur l'autorisation du législateur n'a jamais été absolu. Si un organisme se voyait conférer un pouvoir discré- tionnaire, il ne pourrait pas invoquer l'autorisation du législateur comme moyen de défense dans les actions fondées sur un délit découlant du tort causé par suite de l'exercice de ce pouvoir reconnu par la loi à moins qu'il ne puisse montrer qu'en l'exerçant, on portait inévitablement atteinte à des droits privés 9 . Cette doctrine a dans une certaine mesure été modifiée en faveur des demanderesses par la décision que la Cour suprême du Canada a récemment rendue dans l'af- faire Tock c. St. John's Metropolitan Area Board 10 , les avis étaient partagés en ce qui concerne l'effet à donner au moyen de défense fondé sur l'autorisa- tion du législateur reconnu par la loi. L'avis le plus favorable à ce moyen de défense a été exprimé par le juge Sopinka, mais ce dernier a jugé qu'il incombe au défendeur de prouver que ce qui a été fait en vertu de la soi-disant autorisation du législateur n'a donné lieu à aucune négligence et que le résultat préjudicia- ble était donc inévitable. Les autres membres de la
9 Voir, par exemple, Hogg, Case Comments on Tock v. St. John's Metropolitan Area Board (1990), 69 Rev. du Bar. can. 589.
10 [1989] 2 R.C.S. 1181.
Cour ont exprimé un avis moins favorable en ce qui concerne la portée du moyen de défense fondé sur l'autorisation du législateur. En l'espèce, la défende- resse n'a pas montré que cette façon de gérer les per- mis de pêche du homard était la conséquence inévita- ble de l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré par l'article 7 de la Loi sur les pêches. On n'a pas montré à ma satisfaction que l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par l'article 7 autorise celui-ci à permettre l'octroi d'un permis pen dant l'année l'annonce est faite, puis à refuser d'octroyer le permis après qu'un titulaire éventuel a engagé des dépenses en se fondant sur cette annonce, et ce, à la connaissance du ministre.
Troisièmement, l'autre revendication par la défen- deresse d'une immunité spéciale contre la responsa- bilité délictuelle est fondée sur l'article 8 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif qui prévoit ceci:
8. Les articles 3 à 7 n'ont pas pour effet d'engager la respon- sabilité de l'État pour tout fait—acte ou omission—commis dans l'exercice d'un pouvoir qui, sans ces articles, s'exercerait au titre de la prérogative royale ou d'une disposition législa- tive, et notamment pour les faits commis dans l'exercice d'un pouvoir dévolu à l'État, en temps de paix ou de guerre, pour la défense du Canada, l'instruction des Forces canadiennes ou le maintien de leur efficacité.
La Cour d'appel fédérale a jugé que cette disposition se rapporte uniquement à une conduite non négli- gentet". Or, en l'espèce, il est question de conduite négligente. Si le ministre avait quelque doute légi- time au sujet de l'octroi des permis, il n'aurait pas exercer le pouvoir discrétionnaire reconnu qu'il pos- sède en matière de politique en vertu de l'article 7 pour permettre leur octroi. Cependant, une fois qu'il avait publiquement permis leur octroi, il s'est montré négligent lorsqu'il a empêché l'octroi des permis en sachant qu'il causerait probablement préjudice à l'in- téressé.
11 Swanson c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 C.F. 408, à la p. 426.
Acte légal irrévocable
Ce présumé motif de responsabilité est fondé sur la nouvelle plaidoirie, selon laquelle l'octroi du permis de pêche du homard était
[TRADUCTION] un acte légal irrévocable que la défenderesse a tenté de révoquer, ce qui a directement causé préjudice à la demanderesse.
L'argument à l'appui semblait être en partie fondé sur une fin de non-recevoir (irrecevabilité fondée sur une promesse) et en partie sur la proposition selon laquelle le ministre était dessaisi de l'affaire une fois qu'il avait permis l'octroi du permis en vertu de l'ar- ticle 7. J'ai déjà rejeté la fin de non-recevoir, et je ne suis pas convaincu que l'argument selon lequel le ministre était dessaisi de l'affaire ajoute quoi que ce soit à la conclusion que j'ai tirée, à savoir que le ministre outrepassait sa compétence en révoquant sa décision et en refusant la délivrance alors que le refus n'avait rien à voir avec les conditions auxquelles il avait autorisé l'octroi du permis. Dans la mesure des dommages-intérêts sont réclamés, je crois que la demande doit être fondée sur la responsabilité pour négligence sur laquelle on s'est déjà appuyé.
Dispositif
Je conclus donc que la défenderesse est responsa- ble des pertes financières que la demanderesse a subies du fait que, du 29 décembre 1987 au 29 avril 1988, elle s'attendait légitimement à recevoir les per- mis de pêche du homard en haute mer comme le ministre l'avait annoncé le 29 décembre 1987.
À l'instruction, aucun argument n'a été présenté au sujet de la nature des dommages-intérêts accordés. La déclaration initiale mentionne expressément la perte de profits, mais cela se rapporte à la demande fondée sur la violation de contrat, laquelle j'ai rejetée. Étant donné que l'affaire doit être renvoyée à un juge pour qu'il détermine le montant des dommages-intérêts, je laisserai la question des chefs possibles de dom- mages-intérêts être débattue et tranchée dans le cadre du renvoi, sous réserve des conditions générales énoncées dans le présent jugement.
Dans sa déclaration, la demanderesse réclame l'in- térêt avant jugement. Conformément à l'article 31 de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le con- tentieux administratif 12 , j'ordonne que l'intérêt soit exigible à compter du ler février 1992 (date à laquelle cette disposition est entrée en vigueur) conformément à la loi qui s'applique entre particuliers en Nouvelle- Écosse. Étant donné que les dispositions de pareille loi n'ont pas été mises à ma disposition, toute autre directive au sujet de son application pourra être don- née par le juge qui entendra le renvoi relatif aux dom- mages-intérêts.
12 Mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 31.
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