A-247-91
Anita Lea Glynos et Leonidas Jason Glynos
(appelants)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada (intimée)
RÉPERTORIÉ' GLYNOS C. CANADA (C.A.)
Cour d'appel, juges Heald, Décary et ',étourneau,
J.C.A.—Vancouver, 14 septembre; Ottawa, 24 sep-
tembre 1992.
Citoyenneté — Appel contre le refus de déclarer Jason Gly-
nos admissible à la citoyenneté et de décerner un bref de man-
damus contraignant l'attribution de celle-ci — Glynos est né à
l'étranger en 1967 de parents canadiens — Il a perdu sa
citoyenneté en vertu de l'ancienne Loi sur la citoyenneté lors-
que son père est devenu citoyen américain — Sa demande de
citoyenneté déposée conformément à l'art. 5(2)b) de la nou-
velle Loi a été rejetée pour le motif que cet article est applica
ble aux seules personnes qui n'ont jamais été citoyennes cana-
diennes — Le juge de première instance a conclu au caractère
théorique de la question de l'admissibilité à la citoyenneté en
vertu de l'art. 5(2)b) puisqu'il est admissible à demander la
réintégration dans la citoyenneté en vertu de l'art. 11 — Appel
accueilli — La question n'est pas théorique — L'admissibilité
à la citoyenneté en vertu de l'art. 11 n'a rien à voir avec l'ad-
missibilité en vertu de l'art. 5 — Il s'agit de deux procédures
différentes dont les objectifs, les conditions, les formalités et
les effets sont différents — Le ministre ne peut contraindre le
demandeur à opter pour une voie plus longue, moins sûre et
plus difficile — Glynos était admissible à la citoyenneté de
naissance.
Interprétation des lois — L'art. 5(2)b) de la Loi sur la
citoyenneté prévoit que le ministre attribue la citoyenneté à la
personne qui, née à l'étranger avant le 15 février 1977 d'une
mère canadienne, n'était pas admissible à la citoyenneté —
L'historique de la Loi démontre que le législateur visait à ren-
dre admissible à la citoyenneté, en vertu de l'art. 5(2), toute
personne née d'une mère canadienne avant l'adoption de la
nouvelle Loi, et que les dispositions discriminatoires de l'an-
cienne Loi avait lésée — L'interprétation selon laquelle le mot
«become» de la version anglaise exclut «become again» n'est
pas commandée par la structure de la Loi, contredit l'applica-
tion de la Loi par le ministre, entraîne des situations absurdes
et injustes et néglige le désordre que la Loi avait pour objet de
corriger — La version française a été étudiée afin de détermi-
ner l'intention du Parlement — Toutes les personnes nées à
l'étranger d'un parent canadien avant l'entrée en vigueur de
la nouvelle Loi ont droit à la citoyenneté en vertu de la
Partie I.
Contrôle judiciaire — Recours en equity — Jugements
déclaratoires — Appel contre un refus de déclarer Jason Gly-
nos admissible à la citoyenneté et de décerner un bref de man-
damus contraignant l'attribution de celle-ci — Le juge de pre-
mière instance a commis une erreur de droit quant au
caractère théorique de la question de l'admissibilité conformé-
ment à l'art. 5(2)b) de la Loi sur la citoyenneté et quant à son
interprétation — En vertu de l'art. 5(2)b), Glynos est admissi
ble à la citoyenneté de naissance — Il ne peut être contraint
d'opter pour la voie plus longue, moins sûre et plus difficile de
la réintégration dans la citoyenneté prévue à l'art. 11 — Il ne
s'agit pas d'un redressement subsidiaire adéquat — Il y a lieu
de rendre un jugement déclaratoire, mais non de décerner un
bref de mandamus puisque la demande n'a pas été déposée
dans le délai prescrit à l'art. 5(2)b) — On s'attend à ce que le
ministre respecte son engagement à renoncer à cette condition.
Il s'agit d'un appel contre le refus du juge de première ins
tance de déclarer Jason Glynos admissible à la citoyenneté et
de décerner un bref de mandamus contraignant l'intimée à lui
attribuer celle-ci. Jason Glynos est né aux États-Unis en 1967.
Son père étant citoyen canadien, Jason l'était lui-même. En
1970, lorsque le père de Jason est devenu citoyen des États-
Unis, Jason a automatiquement cessé d'être citoyen canadien
en vertu de l'ancienne Loi sur la citoyenneté canadienne.
L'alinéa 5(2)b) de la nouvelle Loi, qui est entré en vigueur en
1977, prévoit que le ministre attribue la citoyenneté sur
demande qui lui est présentée avant le 15 février 1979 à la per-
sonne qui, née à l'étranger avant le 15 février 1977, d'une mère
ayant à ce moment-là qualité de citoyen, n'était pas admissible
à la citoyenneté aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'an-
cienne Loi. (Le ministre a consenti à ne pas invoquer la condi
tion selon laquelle la demande doit être déposée avant le 15
février 1979.) En 1987, la mère de Jason a déposé au nom de
son fils une demande de citoyenneté qui a été refusée pour le
motif que l'alinéa 5(2)b) est applicable aux seules personnes
qui n'ont jamais été citoyennes canadiennes. Jason Glynos, qui
étudiait à l'étranger, est retourné au Canada en 1989. En 1990,
ayant résidé au Canada pendant un an, il est devenu admissible
à demander la réintégration dans la citoyenneté conformément
au paragraphe 11(1), mais il a refusé de déposer une telle
demande car il croyait être admissible à la citoyenneté en vertu
de l'alinéa 5(2)b). Le juge de première instance a conclu que la
question de l'admissibilité à la citoyenneté en vertu de cet ali-
néa était théorique. Les questions en litige sont les suivantes: la
question de l'admissibilité en vertu de l'alinéa 5(2)b) est-elle
théorique? Jason Glynos est-il admissible à la citoyenneté en
vertu de l'alinéa 5(2)b)? Et y a-t-il lieu de rendre un jugement
déclaratoire?
Arrêt: l'appel doit être accueilli.
La question de savoir si Jason Glynos peut recevoir la
citoyenneté en vertu du paragraphe 11(1) n'a rien à voir avec la
question de savoir s'il est admissible à la citoyenneté cana-
dienne en raison de la citoyenneté canadienne de sa mère en
vertu de l'alinéa 5(2)b). Il s'agit de deux procédures différentes
dont les objectifs, les conditions, les formalités et les effets
sont différents. L'alinéa 5(2)b) attribue, en raison de sa nais-
sance seule, la citoyenneté au demandeur dont la demande est
transmise directement au ministre. En vertu du paragraphe
11(1), le demandeur réintègre sa citoyenneté à certaines condi-
[ions, et sa demande est d'abord traitée par le juge de la
citoyenneté. Le ministre ne peut contraindre le demandeur à
opter pour une voie plus longue, moins sûre et plus difficile ni
ne peut, en refusant une demande déposée en vertu de l'alinéa
5(2)b) et en prétendant ensuite qu'il accueillerait désormais
une demande déposée en vertu de l'article 11, empêcher la
Cour de se prononcer sur la question. En outre, si la citoyen-
neté était accordée en vertu de l'alinéa 5(2)b), cela reviendrait
à reconnaître qu'en fait, Glynos a été citoyen canadien toute sa
vie.
Glynos était admissible à la citoyenneté de naissance. L'his-
torique de la Loi sur la citoyenneté démontre que le législateur
visait à rendre admissible à la citoyenneté, en vertu du para-
graphe 5(2), toute personne née d'une mère canadienne à tout
moment avant l'adoption de la Loi, et que les dispositions dis-
criminatoires de l'ancienne Loi avait lésée. Jason Glynos satis-
fait aux quatre critères établis à l'alinéa 5(2)b).
La proposition de l'intimée selon laquelle le mot «become»
de la version anglaise exclut «become again» de façon à ce que
la Partie I de la Loi, dans laquelle figure l'article 5, ne s'ap-
plique qu'aux personnes qui n'ont jamais eu la citoyenneté
canadienne, va à l'encontre du libellé de la disposition, n'est
pas commandée par la structure de la Loi, contredit l'applica-
tion de la Loi par le ministre même, entraîne des situations
absurdes et injustes et néglige le désordre que la Loi avait pour
objet de corriger. La version française utilise la phrase «n'était
pas admissible à la citoyenneté» pour correspondre à la phrase
«not entitled to become a citizen». On est citoyen ou on ne l'est
pas. On est «admissible» ou on ne l'est pas. De toute évidence,
Jason Glynos n'était pas «admissible» le 14 février 1977; il
n'était pas non plus à ce moment là un citoyen canadien.
Même si la version anglaise ne renferme aucune ambiguïté, la
version française traduit le plus fidèlement l'intention du Parle-
ment. La Partie I n'exclut pas la Partie III. Le jeune frère de
Jason, qui avait cessé d'être citoyen avant le 15 février 1977
pour la même raison que Jason, s'est vu attribuer la citoyenneté
par le ministre en vertu de l'alinéa 5(2)a). Il serait absurde de
soutenir que deux frères nés à l'étranger avant l'entrée en
vigueur de la Loi et ayant le même statut en vertu de l'an-
cienne Loi reçoivent un traitement différent en vertu de la nou-
velle Loi. Tous les enfants nés à l'étranger d'un père canadien
ou d'une mère canadienne avant l'entrée en vigueur de la Loi
de 1976 ont droit à la citoyenneté en vertu de la Partie I de la
Loi.
Il y a lieu de rendre un jugement déclaratoire. Le juge de
première instance a refusé d'exercer son pouvoir discrétion-
naire en se fondant sur une erreur de droit quant au caractère
théorique de la question et quant à la juste interprétation de
l'alinéa 5(2)b). En outre, il a appliqué à tort l'arrêt Terrasses
Zarolega Inc. et autres c. Régie des installations olympiques,
[1981] 1 R.C.S. 94. Cet arrêt ne permet pas d'affirmer que
lorsqu'une loi offre deux voies différentes, le demandeur peut
être contraint de choisir celle que privilégie l'administration.
En l'espèce, il ne s'agit pas de redressement subsidiaire adé-
quat.
Il n'y a cependant pas lieu de décerner un bref de mandamus
puisque la Cour ne peut ordonner au ministre de renoncer à la
condition selon laquelle la demande de citoyenneté doit être
déposée avant le 15 février 1979, bien que l'on compte qu'il
respecte son engagement à renoncer à cette condition.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, no 44].
Loi sur la citoyenneté, S.C. 1974-75-76, ch. 108.
Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, art. 2(1),
3(1)b),c), 5(2)a),b), 11(1).
Loi sur la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, ch. C-19,
art. 5(1)b)(i), 20(1).
Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), ch. O-3,
art. 9(2)d).
Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.),
ch. 31.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Canada (Procureur général) c. Young, [1989] 3 C.F. 647;
(1989), 27 C.C.E.L. 161; 89 CLLC 14,046; 100 N.R. 333
(C.A.); Benner c. Canada (Secrétaire d'État), [1992] 1
C.F. 771; (1991), 43 F.T.R. 180 (Pe inst.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S.
342; (1989), 57 D.L.R. (4th) 231; [1989] 3 W.W.R. 97; 75
Sask. R. 82; 47 C.C.C. (3d) 1; 33 C.P.C. (2d) 105; 38
C.R.R. 232; 92 N.R. 110; Hills c. Canada (Procureur
général), [1988] 1 R.C.S. 513; (1988), 48 D.L.R. (4th)
193; 88 CLLC 14,011; 84 N.R. 86; Terrasses Zarolega
Inc. et autres c. Régie des installations olympiques,
[1981] 1 R.C.S. 94; (1981), 124 D.L.R. (3d) 204; 23
L.C.R. 97; 38 N.R. 411; Barraclough v. Brown, [1897]
A.C. 615 (H.L.).
DÉCISIONS CITÉES:
Benner c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(1988), 93 N.R. 250 (C.A.F.); Lor-Wes Contracting Ltd. c.
La Reine, [1986] 1 C.F. 346; [1985] CTC 79; (1985), 85
DTC 5310; 60 N.R. 321 (C.A.); Thomson c. Canada,
[1988] 3 C.F. 108; (1988), 50 D.L.R. (4th) 454; 31
Admin. L.R. 14; 84 N.R. 169 (C.A.); Vaillancourt c.
Sous-ministre M.R.N., [1991] 3 C.F. 663; [1991] 2 C.T.C.
42; (1991), 91 DTC 5408 (ang.); (1991), 91 DTC 5352
(fr.) (C.A.); Alliance de la fonction publique du Canada et
autres c. Canada (Conseil du Trésor) et autres (1990), 36
F.T.R. 182 (C.F. Pe inst.).
DOCTRINE
Canada, Débats de la Chambre des Communes, vol. VI,
Pe sess., 30e Leg., 1975, à la page 5984.
Canada, Rapport de la Commission royale d'enquête sur
la situation de la femme au Canada, Ottawa, Informa
tion Canada, 1970.
Coté, Pierre-André Interprétation des lois, 2e éd. Cowans-
ville (Qué.): Yvon Blais, 1990.
APPEL contre un refus de déclarer Jason Glynos
admissible à la citoyenneté canadienne et de décerner
un bref de mandamus contraignant l'attribution de la
citoyenneté canadienne à ce dernier (Glynos c.
Canada (1991), 13 Imm. L.R. (2d) 83; 42 F.T.R. 183
(C.F. lre inst.)). Appel accueilli à l'égard du jugement
déclaratoire.
AVOCATS:
Peter A. Gall et Robin M. Elliot pour les appe-
lants.
Harry Wruck, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Heenan, Blaikie, Vancouver, pour les appelants.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timée.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Jason Glynos est né aux
États-Unis en 1967 de parents canadiens, Anita Gly-
nos et Michael Glynos. Son père étant citoyen cana-
dien, Jason l'était lui-même à sa naissance, confor-
mément au sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'ancienne Loi sur
la citoyenneté canadienne, S.R.C. 1970, ch. C-19
(l'ancienne Loi) 1 .
En 1970, le père de Jason est devenu citoyen des
États-Unis et, par conséquent, en vertu de l'ancienne
Loi, il a été contraint de renoncer à sa citoyenneté
canadienne. Par l'application du paragraphe 20(1) de
l'ancienne Loi, Jason Glynos, de même que son jeune
frère Byron, également né aux États-Unis, ont cessé
d'être citoyens canadiens. Leur mère, Anita Glynos,
1 5. (1) Une personne née après le 31 décembre 1946 est un
citoyen canadien de naissance,
b) si elle est née hors du Canada ailleurs que sur un navire
canadien, et si
(i) son père ou, dans le cas d'un enfant né hors du
mariage, sa mère, au moment de la naissance de cette
personne, était un citoyen canadien, et si ..
est demeurée citoyenne canadienne pendant toute la
période en cause.
Le 15 février 1977, la Loi sur la citoyenneté, S.C.
1974-75-76, ch. 108; maintenant L.R.C. (1985),
ch. C-29 (la Loi) est entrée en vigueur. L'alinéa
3(1)b) confere la citoyenneté à une personne née à
l'étranger après le 14 février 1977 d'un père ou d'une
mère ayant qualité de citoyen au moment de la nais-
sance. En ce qui concerne les enfants nés à l'étranger
avant le 15 février 1977, l'alinéa 5(2)b). de la Loi pré-
voit ceci:
5....
(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté:
b) sur demande qui lui est présentée par la personne qui y est
autorisée par règlement et avant le 15 février 1979 ou dans
le délai ultérieur qu'il autorise, à la personne qui, née à
l'étranger avant le 15 février 1977 d'une mère ayant à ce
moment-là qualité de citoyen, n'était pas admissible à la
citoyenneté aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de l'an-
cienne loi.
En 1985, le bureau de la citoyenneté de Vancouver
a avisé Anita Glynos que ses fils Jason et Byron
n'étaient plus citoyens canadiens. Conformément à
l'alinéa 5(2)a) de la Loi 2 , elle a déposé une demande
de citoyenneté au nom de son fils mineur Byron à qui
le ministre a attribué la citoyenneté à compter du 5
janvier 1987. À l'audience, la Cour a été avisée
qu'Anita Glynos n'aurait pu déposer une telle
demande au nom de son fils Jason, ce dernier étant
alors âgé de dix-huit ans et n'étant plus un enfant
«mineur» pour les fins de la Loi (paragraphe 2(1)).
Néanmoins convaincue qu'en vertu de la Loi, elle
avait le droit de transmettre sa citoyenneté cana-
dienne à son fils Jason, Anita Glynos a établi une
correspondance avec le Secrétaire d'État. Le 6 août
2 5....
(2) Le ministre attribue en outre la citoyenneté:
a) sur demande qui lui est présentée par la personne auto-
risée par règlement à représenter celui-ci, à l'enfant
mineur d'un citoyen, légalement admis au Canada à titre
de résident permanent et n'ayant pas depuis perdu ce titre
en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration;
1987, elle a déposé au nom de son fils Jason une
demande de citoyenneté que, le ler décembre 1987, le
Secrétaire d'État a refusée essentiellement pour le
motif que, selon lui, l'alinéa 5(2)b) de la Loi est
applicable aux seules personnes qui n'ont jamais été
citoyennes canadiennes 3 .
Le 12 septembre 1989, Anita et Jason Glynos ont
entamé la présente action visant l'obtention d'un
jugement déclaratoire portant que, en vertu d'une
juste interprétation de l'alinéa 5(2)b), Jason Glynos
est admissible à la citoyenneté canadienne. Ils ont
également demandé à la Cour de décerner un bref de
mandamus contraignant le Secrétaire d'État à attri-
buer la citoyenneté canadienne à Jason Glynos. Bien
que la réparation demandée soit rédigée dans des
termes qui se rapportent à la Charte canadienne des
droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur
le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985),
appendice II, n° 44]] (la Charte), le juge de première
instance [(1991), 13 Imm. L.R. (2d) 83] et les avocats
des parties ont traité la question comme s'il s'agissait
non seulement d'une question d'application de la
Charte, mais aussi d'une question d'interprétation de
la loi. À l'audience tenue devant cette Cour, l'avocat
des appelants n'a pas insisté sur l'argument relatif à
la Charte. Selon le ministre, si la Cour conclut que
l'alinéa 5(2)b) s'applique, il n'invoquera pas la con
dition selon laquelle la demande de citoyenneté
devait être déposée avant le 15 février 1979.
Pendant ce temps, Jason Glynos, qui étudiait à
l'Université de Cambridge, est retourné à Vancouver
en juillet 1989. En 1990, ayant résidé au Canada pen
dant au moins un an, il est devenu admissible à
demander la réintégration dans la citoyenneté confor-
mément au paragraphe 11(1) de la Loi 4 . Le para-
graphe 29 de l'exposé conjoint des faits énonce que
3 Nous ignorons quel motif Anita Glynos pourrait invoquer
pour déposer une demande au nom de son fils. L'article 5 du
Règlement sur la citoyenneté [C.R.C., ch. 400] qui vise les
demandes déposées en vertu de l'alinéa 5(2)b) de la Loi ne
précise pas qui est autorisé à faire la demande. La question
n'ayant pas été soulevée par le ministre, je présume que la
demande a été déposée par une personne autorisée.
4 11. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne
qui a cessé d'être citoyen et qui, à la fois:
a) sollicite une réintégration;
(Suite à la page suivante)
[TRADUCTION] «Jason Glynos n'a déposé aucune
demande de citoyenneté canadienne conformément à
l'art. 11 de la Loi et, de plus, il a refusé de déposer
une telle demande car lui et sa mère croient très fer-
mement que Jason devrait être admissible à la
citoyenneté canadienne en vertu de l'al. 5(2)b) de la
Loi et ne devrait pas avoir à être admissible à la
citoyenneté en vertu de l'art. 11 de la Loi.»
Au début de l'audience devant la Section de pre-
mière instance, l'intimée a affirmé que l'audition ne
devrait pas être tenue puisque la question était théo-
rique, Jason Glynos étant désormais admissible à la
citoyenneté conformément à l'article 11 de la Loi et
le ministre ayant convenu de lui attribuer la citoyen-
neté dès qu'il déposerait une demande en vertu de cet
article; l'intimée a également avancé que la Cour ne
devrait pas rendre un jugement déclaratoire, particu-
lièrement sur la question relative à la Charte, simple-
ment pour trancher une question dont la solution
n'est pas nécessaire en l'espèce. Aux dires de la Cou-
ronne, puisqu'une méthode simple s'offrait à Jason
Glynos pour obtenir sa citoyenneté, soit une demande
fondée sur l'article 11, lui et sa mère ne devraient pas
choisir d'utiliser un article différent de la Loi qui sou-
lève une question relative à la Charte simplement
pour trancher une question relative aux droits de la
femme, à laquelle ils souhaitent recevoir une réponse.
Après s'être penché sur l'interprétation de l'alinéa
5(2)b), le juge de première instance a conclu que
celui-ci ne s'appliquait pas à Jason Glynos. Avant
d'entreprendre l'étude de la question relative à la
Charte, il a examiné celle du caractère théorique de la
question avant de conclure que celle-ci était effecti-
vement théorique. Il a ensuite étudié le pouvoir dis-
crétionnaire de la Cour avant de conclure ceci [aux
pages 92 et 93]:
(Suite de la page précédente)
b) n'est visée ni par un décret pris aux termes de l'article
10 ni par une déclaration faite en application de l'article
20 ni par une ordonnance prise aux termes de l'article 18
de l'ancienne loi;
c) n'est pas sous le coup d'une mesure d'expulsion;
d) a été légalement admise au Canada à titre de résident
permanent, après la perte de sa citoyenneté, n'a pas
depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la
Loi sur l'immigration, et a résidé au Canada depuis l'ad-
mission pendant au moins l'année précédant la date de sa
demande.
Or, en l'espèce, j'estime qu'il n'y a pas lieu d'exercer le
pouvoir discrétionnaire de la Cour pour accorder un jugement
déclaratoire interprétant, dans le sens voulu par les deman-
deurs, l'alinéa 5(2)b) de la Loi, ou invalidant cette disposition,
en tout ou en partie, pour cause de violation de la Charte, car,
justement, il n'est pas nécessaire de trancher cette question qui
revêt en l'espèce, un caractère essentiellement théorique. Les
tribunaux ne peuvent tout de même pas passer leur temps à
trancher des questions hypothétiques qui pourraient, certes,
revêtir une certaine importance à l'avenir dans le cadre
d'autres affaires, mais qu'il n'y a pas lieu de trancher actuelle-
ment.
Le caractère théorique de la question
On reconnaît qu'au moment où il a introduit l'ac-
tion le 12 septembre 1989, Jason Glynos s'était vu
refuser la citoyenneté pour le motif qu'il ne pouvait
la demander en vertu de l'alinéa 5(2)b) de la Loi. On
reconnaît également qu'à ce moment là, il ne répon-
dait pas à l'exigence relative à la résidence, prescrite
à l'alinéa 11(1)d) de la Loi. On reconnaît aussi qu'à
une époque antérieure au procès, il avait satisfait à
cette condition et qu'au procès, il était admissible à
demander la citoyenneté canadienne conformément
au paragraphe 11(1) de la Loi. C'est en s'appuyant
sur ce motif que le juge de première instance a conclu
au caractère théorique de la question.
La doctrine relative au caractère théorique a été
étudiée minutieusement par le juge Sopinka dans
l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général),
[1989] 1 R.C.S. 342. Le juge de première instance a
invoqué particulièrement le passage suivant, à la
page 353:
En conséquence, si, après l'introduction de l'action ou des pro-
cédures, surviennent des événements qui modifient les rapports
des parties entre elles de sorte qu'il ne reste plus de litige
actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est
considérée comme théorique.
et il a conclu [à la page 90] que
Le demandeur Jason n'avait pas encore une année de résidence
au Canada lorsque, le 13 septembre 1989, l'action a été inten-
tée, mais il répond dorénavant à la condition fixée.
Même si j'acceptais, aux fins de la discussion, que
le «caractère théorique éventuel»—la Cour ne peut
ordonner à Jason Glynos de déposer une demande
fondée sur l'article 11 de la Loi, il n'est pas encore
un citoyen canadien et je ne peux présumer qu'il le
sera—puisse correspondre au «caractère théorique
actuel», la question de savoir si Jason Glynos peut
désormais recevoir la citoyenneté en vertu du para-
graphe 11(1) de la Loi n'a rien à voir avec la question
de savoir s'il est admissible à la citoyenneté cana-
dienne, sans autre condition, en raison de la citoyen-
neté canadienne de sa mère en vertu de l'alinéa
5(2)b) de la Loi.
Il s'agit de deux procédures très différentes dont
les objectifs, les conditions, les formalités et, peut-
être, les effets sont différents.
L'alinéa 5(2)b) attribue, en raison de sa naissance
seule, la citoyenneté au demandeur dont la demande
est transmise directement au ministre. En vertu du
paragraphe 11(1), le demandeur réintègre sa citoyen-
neté à certaines conditions, dont celle qu'il ait résidé
un an au Canada avant sa demande, et cette demande
n'est pas transmise directement au ministre, mais est
d'abord traitée par le juge de la citoyenneté qui, con-
formément à l'article 14, «[d]ans les soixante
jours ... statue sur la conformité—avec les disposi
tions applicables en l'espèce de la présente loi et de
ses règlements—des demandes déposées».
De toute évidence, le Parlement a, à mon avis,
fourni aux personnes admissibles à la citoyenneté de
naissance une voie procédurale offrant la citoyenneté
instantanément, que le juge en chef adjoint a appelée
un «traitement préférentiel» (Benner c. Canada
(Secrétaire d'État), [1992] 1 C.F. 771 (lre inst.), à la
page 788) et qui, selon cette Cour, permet de «solu-
tionner [le problème dont Jason Glynos souhaite sai-
sir la Cour] de façon rapide et économique» (Benner
c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1988),
93 N.R. 250 (C.A.F.), à la page 251, les motifs du
juge Mahoney). Le ministre ne peut contraindre le
demandeur à opter pour une voie plus longue, moins
sûre et plus difficile ni ne peut, en refusant une
demande déposée en vertu de l'alinéa 5(2)b) et en
prétendant ensuite qu'il accueillerait désormais une
demande déposée en vertu de l'article 11, empêcher
la Cour de se prononcer sur la question. En outre, si
l'interprétation de Jason Glynos devait l'emporter,
l'attribution de la citoyenneté reviendrait à recon-
naître qu'en fait, bien que non en droit parce que la
Loi ne paraît pas avoir un effet rétroactif, il a été
citoyen canadien toute sa vie.
J'aimerais dire quelques mots concernant la mère
de Jason, Anita Glynos, co-demanderesse dans l'ac-
tion, qualité que l'intimée n' a pas mise en doute. Le
juge de première instance paraît lui avoir reproché
d'avoir cherché à corriger une discrimination de lon-
gue date à l'égard des femmes canadiennes, en raison
de laquelle elle n'a pu transmettre sa citoyenneté
canadienne à son fils Jason. Elle n'a aucun droit,
techniquement parlant, de transmettre sa citoyenneté,
celle-ci étant attribuée par l'État, mais elle a néan-
moins un intérêt, à titre de femme et de mère cana-
dienne, à savoir si son fils peut être déclaré citoyen
de naissance et à prendre part à une procédure visant
l'obtention d'un jugement déclaratoire à cet effet.
La citoyenneté canadienne de naissance est un pri-
vilège hautement estimé, et la recherche d'un juge-
ment déclarant que le ministre avait tort de la refuser
à l'enfant d'une femme canadienne n'est pas dépour-
vue d'intérêt pratique. En effet, Jason Glynos n'est
pas aujourd'hui un citoyen canadien; la question de
savoir s'il peut demander la citoyenneté de naissance
n'est donc pas théorique.
Le droit à la citoyenneté en vertu de l'alinéa 5(2)b)
Comme l'a récemment dit le juge L'Heureux-
Dubé, «Lorsqu'il s'agit d'interpréter correctement
une loi, il est utile de commencer par un examen, si
bref soit-il, de son historique». (Hills c. Canada (Pro-
cureur général), [1988] 1 R.C.S. 513, à la page 528.)
En outre, comme mon collègue le juge Heald, J.C.A.
l'a dit, «La jurisprudence récente a établi clairement
que les tribunaux ont le droit de s'aider des débats de
la Chambre des communes pour vérifier quel "désor-
dre" ou "malaise" une disposition législative particu-
lière avait pour objet de corriger». (Canada (Procu-
reur général) c. Young, [1989] 3 C.F. 647 (C.A.), à la
page 657) 5 . J'examinerai donc brièvement l'histo-
rique de l'alinéa 5(2)b) de la Loi et les débats parle-
mentaires qui ont entouré son adoption.
L'alinéa 5(2)b) a été introduit dans la Loi sur la
citoyenneté de 1976 précisément pour éliminer la
politique discriminatoire à l'égard des femmes
5 Voir également: Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine,
[1986] 1 C.F. 346 (C.A.); Thomson c. Canada, [1988] 3 C.F.
108 (C.A.); Vaillancourt c. Sous-ministre M.R.N., [1991] 3
C.F. 663 (C.A.) et P.A. Côté, Interprétation des lois, 2e éd.
(Cowansville: Yvon Biais, 1990) aux p. 402 à 418.
découlant de l'ancienne Loi et selon laquelle la
femme canadienne mariée ne pouvait transmettre sa
citoyenneté à son enfant né à l'étranger. En proposant
la deuxième lecture du Projet de loi C-20, qui est
finalement devenu la Loi sur la citoyenneté, le Secré-
taire d'État d'alors, l'honorable James Faulkner, a
remarqué que le nouveau Projet de loi visait à corri-
ger «cinq manifestations graves de discrimination à
l'égard des femmes dans l'actuelle Loi sur la citoyen-
neté». Ces manifestations avaient été soulignées dans
le Rapport de la Commission royale d'enquête sur la
situation de la femme au Canada [à la page 410]
(Débats de la Chambre des Communes, le 21 mai
1975, à la page 5984) qui avait, particulièrement,
recommandé la modification des articles 4 et 5 de la
Loi «de façon à ce qu'un enfant né à l'étranger soit
canadien de naissance du moment que l'un des
parents est canadien».
A la suite de la deuxième lecture, le Projet de loi
C-20 a été soumis à l'examen du Comité permanent
de la radiodiffusion, des films et de l'assistance aux
arts. Au cours des délibérations du Comité, le silence
du Projet de loi C-20 sur l'attribution de la citoyen-
neté aux enfants nés à l'étranger de femmes cana-
diennes avant le 15 février 1977 a fait l'objet d'un
long débat et a soulevé de nombreuses inquiétudes.
L'ajout des alinéas 5(2)a) et b) a donc été proposé
afin d'accorder un traitement identique à «ceux qui
sont nés après l'entrée en vigueur de la Loi» et à
«ceux que l'ancienne Loi a défavorisés» (Procès-ver-
baux et témoignages du Comité permanent de la
radiodiffusion, des films et de l'assistance aux arts,
volume 36, 27 février 1976, 39: 6-7).
Le 13 avril 1976, le Projet de loi C-20 renfermant
les modifications recommandées par le Comité per
manent, dont celle au paragraphe 5(2), a passé la troi-
sième lecture à la Chambre des communes. Le Projet
de loi C-20 est ensuite entré en vigueur le 15 février
1977 sous le titre de Loi sur la citoyenneté, S.C.
1974-75-76, ch. 108.
Ce qui précède démontre que le législateur visait à
rendre admissible à la citoyenneté, en vertu du para-
graphe 5(2), toute personne née d'une mère cana-
dienne à tout moment avant l'adoption de la Loi, et
que les dispositions discriminatoires de l'ancienne
Loi avait lésée. Il reste à savoir si cette intention a été
rendue dans le libellé utilisé par le Parlement.
Selon l'alinéa 5(2)b), la personne qui désire obte-
nir la citoyenneté doit être:
(i) née à l'étranger;
(ii) née avant le 15 février 1977;
(iii) née d'une mère ayant au moment de la nais-
sance qualité de citoyenne;
(iv) non admissible, avant le 15 février 1977, à la
citoyenneté aux termes du sous-alinéa 5(1)b)(i) de
l'ancienne Loi.
Il est établi que Jason Glynos satisfait aux trois
premiers critères. Il s'agit donc uniquement de savoir
s'il satisfait au quatrième critère. À mon sens, il res-
sort de la simple lecture de la disposition, version
anglaise ou française, que Jason Glynos satisfait au
quatrième critère. Aux termes du sous-alinéa
5(1)b)(i) de l'ancienne Loi, il n'était pas admissible à
la citoyenneté avant le 15 février 1977. Certes, il
avait déjà été citoyen canadien, mais au moment de
l'entrée en vigueur de la Loi—c'est là le sens des
mots «avant le 15 février 1977», «immediately before
February 15, 1977», l'absence dans la version fran-
çaise du mot «immediately» (immédiatement),
n'étant à mon avis due qu'à une question de style ou
de concision—il avait cessé d'être citoyen et il était
simplement non admissible à la citoyenneté à ce
moment-là.
Selon l'avocat de l'intimée, il faudrait lire le mot
«become» de la version anglaise comme excluant
«become again». Il soutient que la Partie I de la Loi
qui s'intitule «LE DROIT A LA CITOYENNETÉ»,
dans laquelle figure l'article 5, ne s'applique qu'aux
personnes qui n'ont jamais eu la citoyenneté cana-
dienne, et que la Partie III, qui s'intitule «RÉINTÉ-
GRATION DANS LA CITOYENNETÉ», et qui ren-
ferme l'article 11, s'applique aux personnes qui,
ayant auparavant eu la qualité de citoyennes cana-
diennes, ont cessé d'être citoyennes.
Cette proposition est sans fondement. Elle va à
l'encontre du libellé de la disposition; elle n'est pas
commandée par la structure de la Loi; elle contredit
l'application de la Loi par le ministre même; elle
entraîne des situations absurdes et injustes; et elle
néglige le désordre que la Loi avait pour objet de cor-
riger.
La phrase «n'était pas admissible à la citoyenneté»
de la version française de l'alinéa 5(2)b) correspond à
la phrase «not entitled to become a citizen». On est
citoyen ou on ne l'est pas. On est «admissible» ou on
ne l'est pas. De toute évidence, Jason Glynos n'était
pas «admissible» le 14 février 1977; il n'était pas non
plus à ce moment là un citoyen canadien. Même si la
version anglaise avait renfermé une ambiguïté, et à
mon avis, ce n'est pas le cas, je donnerais préférence
à la version française puisqu'elle traduit le plus fidè-
lement l'intention du Parlement 6 .
L'alinéa 3(1)c) qui figure à la Partie I confère le
droit à la citoyenneté à une personne «ayant obtenu la
citoyenneté—par attribution ou acquisition—sous le
régime des articles 5 ou 11». Comme l'article 11
figure à la Partie III, on peut difficilement avancer
que la Partie I exclut la Partie III. En outre, le frère de
Jason, Byron, qui avait cessé d'être citoyen avant le
15 février 1977 pour la même raison que Jason, s'est
néanmoins vu attribuer la citoyenneté par le ministre
en vertu de l'alinéa 5(2)a). Le ministre ne peut tout
simplement pas prétendre aujourd'hui que la Partie I,
qui renferme l'alinéa 5(2)a), ne s'applique qu'aux
personnes qui n'ont jamais été citoyennes. Il serait
absurde, en l'absence d'un texte formel affirmant le
contraire, de soutenir que deux frères nés à l'étranger
avant l'entrée en vigueur de la Loi et ayant le même
statut en vertu de l'ancienne Loi reçoivent un traite-
ment différent en vertu de la nouvelle Loi. Il serait
6 L'art. 9(2)d) de l'ancienne Loi sur les langues officielles,
L.R.C. (1985), ch. O-3, prévoit que dans le cas de divergence
entre les deux versions d'un texte législatif, «la préférence va à
la version qui, selon l'esprit et le sens véritables du texte, ainsi
que l'intention du législateur, assure le mieux la réalisation des
objets visés». La nouvelle Loi sur les langues officielles,
L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31 ne contient aucune disposition
concernant l'interprétation de textes bilingues. Toutefois,
comme l'a souligné Côté, précité, note 5, aux p. 353 et 367,
«[e]n droit fédéral, l'article 8 (9 dans les Lois révisées de
1985) de la Loi sur les langues officielles ... , avant son abro
gation en 1988, énonçait certains principes d'interprétation
applicables aux textes législatifs fédéraux. Comme Reynald
Boult l'a écrit, l'article 8 ne faisait, dans une large mesure, que
consacrer les principes élaborés par les tribunaux canadiens et
québecois, en particulier. Son abrogation aura donc pour prin
cipal effet de restituer au droit non écrit ce que le législateur lui
avait temporairement emprunté ... ».
également absurde de donner à entendre que le pro-
cessus de demande prévu à l'alinéa 5(2)b) s'offre aux
personnes nées à l'étranger d'une mère canadienne et
d'un père non canadien au moment de la naissance
(voir Benner c. Canada (Secrétaire d'État), précité),
mais qu'il est refusé aux personnes nées à l'étranger
d'une mère et d'un père canadiens au moment de la
naissance.
Enfin, pour illustrer la volonté du Parlement d' «en-
glober» tous les enfants nés à l'étranger avant le 15
février 1977, le paragraphe 4(3) prévoit que la per-
sonne qui, le 14 février 1977, est habile à devenir
citoyen parce que son père est citoyen canadien, «le
demeure même si sa naissance est enregistrée après
cette date».
Lues conjointement, ces dispositions portent inévi-
tablement à conclure que tous les enfants nés à
l'étranger d'un père canadien ou d'une mère cana-
dienne avant l'entrée en vigueur de la Loi de 1976
ont droit à la citoyenneté en vertu de la Partie I de la
Loi.
Je suis pleinement d'accord avec la conclusion sui-
vante tirée, bien que dans un contexte différent, par le
juge en chef adjoint dans l'arrêt Benner:
Il est évident que le Parlement a décidé, en adoptant la Loi
sur la citoyenneté de 1977, de faciliter l'obtention de la
citoyenneté canadienne à toutes les personnes nées d'un parent
canadien à compter de son entrée en vigueur, le 14 février
1977. [précité, à la page 793.]
Jason Glynos est admissible à la citoyenneté de
naissance.
Le pouvoir discrétionnaire de la Cour
Je suis convaincu qu'il y a lieu de rendre un juge-
ment déclaratoire. Je réalise que le juge de première
instance avait le pouvoir discrétionnaire de ne pas
rendre le jugement déclaratoire demandé par les
appelants, mais j'estime qu'il a exercé son pouvoir
discrétionnaire en se fondant sur une erreur de droit
quant au caractère théorique de la question et quant à
la juste interprétation de l'alinéa 5(2)a) de la Loi. En
outre, il a appliqué à tort l'arrêt Terrasses Zarolega
Inc. et autres c. Régie des installations olympiques,
[1981] 1 R.C.S. 94, à la page 105, rendu par la Cour
suprême du Canada, dans lequel le juge Chouinard a
repris les propos de la Chambre des lords dans l'arrêt
Barraclough v. Brown, [1897] A.C. 615, à la
page 620:
[TRADUCTION] Je ne crois pas que l'appelant puisse demander
recouvrement en vertu de la loi et en même temps soutenir
qu'il peut le faire par des moyens non prévus par la loi qui
seule confère le droit.
En l'espèce, les moyens utilisés par les appelants
sont précisément ceux offerts par la Loi. L'arrêt Ter-
rasses Zarolega ne permet pas d'affirmer que lors-
qu'une loi offre deux voies différentes, le demandeur
peut être contraint de choisir celle que privilégie l'ad-
ministration. J'estime qu'en l'espèce, il ne s'agit pas
de «redressement subsidiaire adéquat». (Voir Alliance
de la fonction publique du Canada et autres c.
Canada (Conseil du Trésor) et autres (1990), 36
F.T.R. 182 (C.F. ire inst.)).
Il n'y a cependant pas lieu de décerner un bref de
mandamus puisque la Cour ne peut ordonner au
Secrétaire d'État de renoncer à la condition selon
laquelle la demande de citoyenneté doit être déposée
avant le 15 février 1979. J'ai appris, je le répète, que
le Secrétaire d'État a convenu de renoncer à cette
condition et je compte bien qu'il respectera cet enga
gement.
Dispositif
Je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens dans
les deux sections et je déclare que, compte tenu d'une
juste interprétation de l'alinéa 5(2)b) de la Loi sur la
citoyenneté, Jason Glynos est admissible à la citoyen-
neté.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE LÉTOURNEAU, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.