A-550-92
Labatt Brewing Company Limited (appelante)
(défenderesse)
c.
Molson Breweries, société en nom collectif, et
Miller Brewing Company (intimées)
(demanderesses)
RÉPERTORIE' MOLSON BREWERIES C. LABATT BREWING CO.
(CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et MacGuigan,
J.C.A.—Ottawa, 22 mai et 3 juin 1992.
Pratique — Communication de documents et interrogatoire
préalable — Production de documents — Renseignements con-
f identiels ou secrets — Dans une affaire portant sur le passing
off et la violation d'une marque de commerce, la Cour a
accordé ex parte une ordonnance interlocutoire préventive per-
mettant aux intimées de désigner des renseignements convner-
ciaux confidentiels (sur la fabrication, la commercialisation, la
publicité, les ventes, la tenue des livres et la vérification)
comme étant secrets et ne devant être dévoilés qu'à la Cour—
L'appelante soutient que l'ordonnance est contraire aux prin-
cipes de justice naturelle et qu'elle est susceptible de déconsi-
dérer l'administration de la justice — L'appel à l'encontre de
l'ordonnance préventive est accueilli — Règle générale, les
parties et leurs avocats ne devraient pas se voir refuser la
communication des documents pertinents à la décision de la
Cour — Cependant, dans des cas exceptionnels, on restreint la
règle de la transparence pour protéger le caractère confiden-
tiel de certains documents en les communiquant aux avocats
des parties à condition que ces derniers s'engagent à en pré-
server le caractère confidentiel même à l'égard de leurs clients
— Une ordonnance générale de non-divulgation et de confi-
dentialité, rendue ex parte, est loin de l'empiétement minimum
sur le principe de la transparence exigé par la loi — L'ordon-
nance n'est pas justifiée — En outre, le juge des requêtes a
créé en réalité une nouvelle et plus subtile catégorie de docu
ments secrets, par opposition aux documents simplement confi-
dentiels, auxquels des considérations particulières s'appli-
quent — Absence de jurisprudence à l'égard d'une nouvelle
catégorie de documents «secrets» et aucune nécessité d'en éta-
blir une.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663,
Règle 337(5).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Scott v. Scott, [1913] A.C. 417 (H.L.); Procureur général
de la Nouvelle-Écosse et autre c. Maclntyre, [1982] 1
R.C.S. 175; (1985), 49 N.S.R. (2d) 609; 132 D.L.R. (3d)
385; 96 A.P.R. 609; 65 C.C.C. (2d) 129; 26 C.R. (3d)
193; 40 N.R. 181; C.D. c. M.R.N., [1991] 2 C.F. 412;
(1991), 91 DTC 5210 (C.A.); Hunter c. Canada (Minis-
tère des Consommateurs et des Sociétés), [1991] 3 C.F.
186; (1991), 29 C.P.E. (3d) 321; 35 F.T.R. 75 (C.A.);
Official Solicitor v. K., [1963] 3 All E.R. 191 (H.L.);
Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989]
2 R.C.S. 1326; (1989), 103 A.R. 321; 64 D.L.R. (4th)
577; [1990] 1 W.W.R. 577; 71 Alta. L.R. (2d); 45
C.R.R.1; 102 N.R. 321; Pacific Press Ltd. c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 C.F.
327; (1991), 127 N.R. 325 (C.A.); Deprenyl Research Ltd.
c. Canguard Health Technologies Inc., T-3003-91, juge
Strayer, ordonnance en date du 17-2-92, C.F. Ire inst.,
encore inédite.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Kimberly-Clark Corp. c. Proctor & Gamble Inc. (1990),
31 C.P.R. (3d) 207 (C.F. Ire inst.).
APPEL interjeté contre une ordonnance interlocu-
toire (T-724-92, juge Cullen, ordonnance en date du
22-4-92, C.F. ire inst., non publiée) par laquelle le
juge des requêtes permettait aux intimées de désigner
des documents comme étant «secrets» et ne devant
être divulgués qu'à la Cour. Appel accueilli.
AVOCATS:
James D. Kokonis, c. r., et Thomas R. Kelly pour
l'appelante (défenderesse).
John S. Macera et Elizabeth G. Elliott pour l'in-
timée (demanderesse) Molson Breweries,
société en nom collectif.
Gordon F. Henderson, c.r., pour l'intimée
(demanderesse) Miller Brewing Company.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante
(défenderesse).
Macera & Jarzyna, Ottawa, pour l'intimée
(demanderesse) Molson Breweries, société en
nom collectif.
Cowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour
l'intimée (demanderesse) Miller Brewing Com
pany.
Ce gui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Il s'agit d'un appel à
l'encontre d'une partie d'une ordonnance interlocu-
toire rendue le 22 avril 1992.
L'action en passing off et en contrefaçon d'une
marque de commerce a été intentée par les intimées à
titre de demanderesses, le 30 mars 1992. Dans l'ac-
tion, les intimées demandaient des injonctions et une
réparation pécuniaire contre l'appelante à la suite de
l'introduction de sa «Labatt Genuine Draft», une
bière dont l'emballage et l'étiquetage seraient sem-
blables à ceux de la bière «Genuine Draft» produite
par les intimées.
Sur ordonnance rendue le 14 avril [T-724-92, le
juge Cullen], toutes les procédures ont été suspen-
dues jusqu'à ce que les intimées aient déposé certains
titres sur lesquels sont fondés certains moyens
énoncés dans leur déclaration. Sur avis de requête
daté du 22 avril, les intimées ont présenté une
demande d'ordonnance préventive, qui a été instruite
et réglée le même jour au motif que les contrats écrits
conclus entre les deux intimées contenaient des ren-
seignements confidentiels qui n'ont rien à voir avec
la question en l'espèce. On a dit que ces renseigne-
ments confidentiels consistaient en des recettes de
bière, des techniques de protection, des stratégies et
des dépenses de marketing et de publicité, des objec-
tifs et des prévisions de rendement des ventes, des
dispositions relatives à la tenue des livres et à la véri-
fication et des questions liées à l'étude des produits.
L'appelante interjette appel à l'encontre du para-
graphe 1 de l'ordonnance du 22 avril 1992 rendue par
le juge des requêtes, dont voici le libellé (dossier
d'appel, aux pages 74 et 75):
[TRADUCTION] 1 a) Dans la présente ordonnance, le terme
«renseignements secrets» ou «document secret» désigne
tout renseignement ou tout document, dans son ensemble
ou partiellement, qu'une partie désigne comme secret.
b) Les documents secrets ne seront communiqués qu'à la
Cour sauf directive différente de cette dernière, et les par
ties des documents désignées comme étant secrètes seront
radiées par celui qui les a désignées telles de tous les docu-
ments produits ou offerts en preuve. Aucun document ne
doit être reconnu secret tant qu'il n'a pas été désigné
comme tel par ordonnance de la Cour, la demande devant
être faite ex parte.
L'appelante en appelle également du paragraphe
12, mais seulement dans la mesure où il fait référence
aux «documents secrets» («document secrets et docu
ments confidentiels»).
Le 23 avril [T-724-92, le juge Cullen], une
demande a été présentée devant le même juge des
requêtes pour modifier l'ordonnance du 22 avril
1992, en application de la Règle 337(5) [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., ch. 663]. Cette demande a été
rejetée.
Le juge des requêtes n'a pas prononcé de motifs à
l'égard de son ordonnance du 22 avril, mais ses
motifs de l'ordonnance du 23 avril, portant sur la
révision de la première ordonnance présentée par
l'appelante, expliquent quelque peu sa méthode (dos-
sier d'appel, aux pages 85 et 86) [aux pages 2 et 3 des
motifs]:
À mon avis, la défenderesse ne répond pas aux dispositions de
la Règle 337(5) en ce sens que l'alinéa a) ne s'applique pas
puisque nuls motifs ont été donnés et que l'alinéa b) exigerait
que l'on ait négligé ou accidentellement omis de traiter d'une
question dont on aurait dû traiter. Tel n'est pas le cas. Étant
donné que je permettais que certains documents soient
désignés comme étant «secrets» et classés dans un dossier por-
tant cette étiquette, il semblait que la décision ne devrait pas
être prise simplement par l'avocat qui déclarerait les docu
ments secrets et les placerait dans le dossier; cet avocat devrait
plutôt être tenu d'établir de façon jugée satisfaisante par la
Cour que ce ou ces documents devraient être désignés comme
étant «secrets». Les avocats des demanderesses ont soutenu
très énergiquement à l'audience du 22 avril 1992 que leurs
clientes ne devraient pas être tenues de produire des documents
qui n'étaient clairement pas pertinents et ils ont invoqué, par
exemple, que la recette du produit fabriqué par leurs clientes
n'était clairement pas pertinente aux questions en litige. Toute-
fois, on m'a convaincu que l'on pouvait invoquer d'autres
motifs pour lesquels un document devrait être placé dans un
dossier secret et je ne tiens pas à entraver mes collègues qui
pourraient être appelés à rendre ces décisions.
Pour les motifs précités, je n'estime pas que la défenderesse
répond aux exigences de la Règle 337(5)b). À mon sens, la
radiation de la phrase traitant des demandes ex parte modifie-
rait l'ordonnance à laquelle je suis arrivé après une audition
plutôt longue et mûre réflexion par la suite. De plus, l'insertion
de la phrase demandée par l'avocat de la défenderesse aurait
modifié l'intention, et oui, le sens de l'ordonnance.
L'avocat de la défenderesse a soutenu que les avocats des
demanderesses n'ont pas plaidé en faveur d'une demande ex
parte, mais il m'était évident qu'assurément l'avocat de Miller
Brewing Company a souligné ce point particulier, à savoir que
ses clientes ne voudraient pas que les documents non perti-
nents tels que la recette soient communiqués même à l'avocat
de la partie adverse.
Le 28 avril [T-724-92, le juge Cullen], les intimées
ont obtenu une ordonnance ex parte désignant cer-
tains documents ou certaines parties de documents
comme étant secrets. Le 29 avril, en conformité avec
les ordonnances du juge des requêtes, l'appelante a
reçu des copies de tous les titres mentionnés aux
paragraphes 5, 6 et 16 de la déclaration, dont les par
ties désignées comme secrètes avaient été radiées. La
suspension des procédures a donc été levée le 29
avril.
L'appelante a allégué devant nous que la procédure
ex parte, prévue dans l'ordonnance du 22 avril, va à
l'encontre des règles de la justice naturelle et décon-
sidérerait l'administration de la justice. Elle a égale-
ment prétendu que la preuve était insuffisante pour
justifier l'octroi de l'ordonnance.
I
La principale source anglaise en matière de confiden-
tialité en common law est l'arrêt Scott v. Scott, [1913]
A.C. 417 (H.L.), dans laquelle le vicomte Haldane,
L.C., énonce le principe général selon lequel les tri-
bunaux doivent administrer publiquement la justice.
Il a restreint ce principe général par des exceptions
définies de façon stricte fondées sur [TRADUCTION] «le
principe encore plus fondamental que l'objectif prin
cipal des tribunaux judiciaires doit être de garantir
que justice soit faite» (à la page 437). Les priorités
relatives des deux principes ont été énoncées de
façon quelque peu différente au Canada, où le juge
Dickson (tel était alors son titre) a déclaré dans Pro-
cureur général de la Nouvelle-Écosse et autre c.
Maclntyre, [1982] 1 R.C.S. 175, à la page 186:
À mon avis, restreindre l'accès du public ne peut se justifier
que s'il est nécessaire de protéger des valeurs sociales qui ont
préséance.
Voilà pourquoi le juge Décary, J.C.A., a déclaré dans
l'arrêt C.D. c. M.R.N., [1991] 2 C.F. 412, à la page
417, que l'arrêt Scott ne représentait l'état du droit au
Canada que dans la mesure de son adoption dans l'ar-
rêt Maclntyre.
Le juge Décary, J.C.A., en faisant un examen de la
confidentialité en common law pour la majorité de
cette Cour dans l'arrêt Hunter c. Canada (Ministère
des Consommateurs et des Sociétés), [19911 3 C.F.
186, aux pages 202 et 203, a exposé les principes per-
tinents comme suit:
La confidentialité en common law
On peut affirmer sans crainte de se tromper que les trois
principes suivants sont fondamentaux dans notre système judi-
ciaire: I) la publicité des débats, 2) la nature contradictoire des
procédures et 3) l'application des règles de justice naturelle,
dont le droit de chaque partie de prendre connaissance de tout
élément pertinent aux fins de la décision du tribunal.
C'est la combinaison de ces trois principes qui est à l'ori-
gine de la règle voulant que l'audience ne se déroule pas à huis
clos, encore moins en secret, que les arguments ne soient pas
présentés en l'absence d'une partie et que les parties et leur
avocat ne se voient pas refuser l'accès à des documents perti-
nents aux fins de la décision du tribunal.
Comme la plupart des règles, celle-ci n'est pas absolue. En
dépit de leurs réticences, les tribunaux l'ont en effet adoucie
«dans les affaires exceptionnelles où la présence du public [ou,
pourrait-on ajouter dans certains cas, celle de toutes les parties]
rendrait l'administration de la justice impossible» [le juge
Dickson, dans l'arrêt Mac/ntyre, à la page 188]. L'un de ces
cas exceptionnels est certainement celui où le litige porte pré-
cisément sur la confidentialité d'un document. Permettre au
public et aux parties d'en prendre connaissance avant que ne
soit tranchée la question de sa divulgation risquerait fort de
rendre le processus totalement inutile et de compromettre le
résultat recherché.
La pratique suivie en matière de protection de la confidentialité
Dans les instances où il importe d'assurer la protection de
renseignements confidentiels, l'un des moyens auxquels les tri-
bunaux ont recours pour préserver le plus possible la transpa-
rence ainsi que la nature contradictoire du système judiciaire,
tout en permettant aux parties de présenter convenablement
leurs arguments, consiste à donner aux avocats des parties
accès à ces renseignements sous réserve de diverses conditions
dont l'engagement d'en préserver la confidentialité même à
l'égard de leurs clients.
Je pourrais ajouter que si cette pratique a de façon générale
trouvé sa justification eu égard aux principes de justice natu-
relle et à l'intérêt des parties, elle s'est également avérée des
plus utiles pour les juges. Les litiges où des documents à carac-
tère confidentiel sont en cause sont souvent complexes, que ce
soit sur le plan technique comme en matière commerciale, ou
sur le plan juridique comme dans les affaires soulevant des
questions d'intérêt public. 11 est parfois injuste d'obliger le tri
bunal à prendre d'importantes décisions en n'ayant entendu
qu'une seule version.
Il ressort clairement de cet exposé du droit que
celui-ci tend à s'opposer à toute entrave à la transpa-
rence des procédures et que la manière normale de
concilier les exigences en matière de transparence et
de confidentialité, lorsque les documents l'imposent,
est de divulguer aux avocats des parties l'information
confidentielle, sur engagement de ces derniers de pré-
server la confidentialité même à l'égard de leurs
clients.
Il est d'importance capitale que la divulgation soit
aussi peu restreinte que possible. Lord Devlin a
insisté sur ce point dans l'arrêt Official Solicitor v.
K., [1963] 3 All E.R. 191 (H.L.), à la page 210, dans
lequel il a déclaré, en citant le juge de première ins
tance, que [TRADUCTION] «lorsqu'il n'y a pas divulga-
tion complète, elle ne devrait être limitée que dans la
mesure essentielle ... et pas plus». Le juge Cory a
fait une remarque semblable dans l'arrêt Edmonton
Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2
R.C.S. 1326, à la page 1347:
La liberté d'expression et l'accès du public aux tribunaux
par l'intermédiaire des comptes rendus de la presse sur la
preuve, les arguments et la conduite des juges et des officiers
de justice sont d'une telle importance prépondérante que toute
atteinte doit être minimale.
Ce même principe a été appliqué par cette Cour dans
l'affaire Pacific Press Ltd. c. Canada (Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration, [1991] 2 C.F. 327
(C.A.).
Dans une cause quelque peu analogue à celle en
l'espèce, Deprenyl Research Ltd. c. Canguard Health
Technologies Inc., T-3003-91, C.F. ire inst., dont la
décision a été rendue le 17 février 1992, et dans
laquelle les défenderesses demandaient que certaines
informations soient déclarées confidentielles (à n'être
divulguées qu'aux avocats de la demanderesse et à
deux experts externes indépendants), le juge Strayer a
déclaré, à la page 2, en rejetant l'ordonnance:
Une ordonnance empêchant un avocat de montrer des éléments
de preuve pertinents à son client en vue d'obtenir des instruc
tions, quoique possible, ne devrait être accordée que dans des
circonstances exceptionnelles. Les défenderesses ont la charge
de prouver qu'il est nécessaire de frapper de restriction sembla-
ble la divulgation normale de renseignements qui peuvent se
rapporter aux questions en litige, et la preuve jusqu'à mainte-
nant n'est pas péremptoire.
Le juge Strayer a jugé qu'une telle ordonnance était
tout au moins prématurée, étant donné que les défen-
deresses n'avaient pas encore (ce qui s'applique éga-
lement en l'espèce) déposé leur défense.
L'ordonnance rendue par le juge des requêtes en
l'espèce était non seulement une ordonnance de non-
divulgation et de confidentialité, mais elle était ex
parte, et elle visait non seulement les documents
tenus d'être produits par l'ordonnance du 14 avril,
mais, semble-t-il, également tous les documents en
cause ultérieurement dans les procédures. On est loin
de l'empiétement minimum sur le principe de la
transparence exigé par la loi.
La seule décision qui peut rassurer quelque peu les
intimées est l'arrêt Kimberly-Clark Corp. c. Proctor
& Gamble Inc. (1990), 31 C.P.R. (3d) 207 (C.F. ire
inst.), dans laquelle la Cour saisie d'une action en
matière de brevet a permis aux demanderesses de
produire des contrats de licence mentionnés dans la
déclaration dont certains paragraphes avaient été
radiés. Après avoir examiné des copies intégrales de
ces contrats de licence, le juge Joyal a déclaré que,
pour la plupart, les suppressions étaient justifiées car
les parties radiées ne traitaient pas de sujets perti-
nents aux questions en litige. Toutefois, outre le fait
que la revendication de brevet constituait un type
d'action mieux défini que l'action intentée par les
intimées en l'espèce, la question dans cette affaire ne
découlait pas d'une requête ex parte.
Selon moi, les intimées ne répondent pas aux argu
ments de l'appelante en faisant remarquer qu'il est
possible pour celle-ci de contester l'ordonnance ex
parte une fois qu'elle a été rendue. L'appelante a déjà
été placée inutilement dans une position désavanta-
geuse du fait que l'ordonnance soit ex parte', ce qui
l'oblige à présenter une requête globale sans rensei-
gnements sur les documents protégés ni sur les motifs
pour lesquels le juge des requêtes a rendu une telle
1 Bien qu'il soit vrai que la requête dans Kimberly - Clark a
dû être présentée après le fait, parce que les demanderesses ont
simplement produit les versions expurgées des contrats de
licence, les deux parties étaient sur un pied d'égalité en ce qui
concerne la requête du fait qu'aucune ordonnance préventive
n'avait été rendue.
ordonnance. En outre, le juge des requêtes a, en réa-
lité, créé une nouvelle et plus subtile catégorie de
documents secrets, par opposition aux documents
simplement confidentiels, auxquels des considéra-
tions particulières s'appliquent. On ne nous a montré
aucune jurisprudence à l'égard de cette catégorie, et
rien dans les faits présents ne démontre la nécessité
d'en établir une.
II
Le simple fait de radier le paragraphe 1 et de modi
fier le paragraphe 12 de l'ordonnance du 22 avril,
comme le demandent les appelantes, laisserait peut-
être l'ordonnance quelque peu en déséquilibre, sur-
tout à la lumière des préoccupations exprimées par
l'intimée, Miller Brewing Company, à l'égard de sa
formule secrète. Néanmoins, étant donné que nous ne
sommes pas saisis d'un appel incident, il n'y a aucun
moyen de corriger cette situation dans le cadre du
présent appel. Comme elle est interlocutoire, l'ordon-
nance est parfaitement susceptible de révision par la
Section de première instance. Il serait peut-être sage,
avant la clôture de la procédure écrite et avant que les
questions aient été précisées, de ne pas tenter de trai-
ter des situations qui ne peuvent se produire que pen
dant la communication préalable.
L'appel doit être accueilli avec dépens. Le para-
graphe 1 de l'ordonnance du 22 avril 1992 devrait
être radié, ainsi que le renvoi aux «documents
secrets» au paragraphe 12.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.