A-919-91
Thomas Fuller Construction Co., (1958) Limited
(demanderesse) (appelante)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada
(défenderesse) (intimée)
RÉPERTORIÉ.' THOMAS FULLER CONSTRUCTION CO., (1958)
LTD. C. CANADA (C.A.) //i�
Cour d'appel, juges Marceau, J.C.A.—Ottawa, le 6
octobre 1992.
Contrats — Un entrepreneur a intenté une action en dom-
mages-intérêts contre la Couronne par suite des retards dans
la réalisation de deux projets de construction — Ententes
devant autoriser l'entrepreneur à intenter des actions au nom
des sous-traitants — Appel interjeté de l'ordonnance par
laquelle la Section de première instance a déclaré inopérantes
les ententes en cas de litige parce qu'elles allaient à l'encontre
des règles du soutien d'une partie ou du pacte de quota litis —
Le juge de première instance n'était pas dûment saisi de la
question, puisque les requêtes de la Couronne ne reposaient
sur aucune règle de la Cour — L'ordonnance était inutile en
ce sens que, même si les ententes étaient déclarées nulles et de
nul effet, l'entrepreneur pourrait toujours prétendre qu'il était
responsable en vertu de son propre contrat avec les sous-trai-
tants — L'autorisation de modifier est également inutile puis-
qu'aucune modification ne s'impose à ce stade — Appel
accueilli.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles
341b), 419(1) et 474(1)a).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
Flexi-Coil Ltd. c. F.P. Bourgault Industries Air Seeder
Division Ltd. (1991), 35 C.P.R. (3d) 154; 123 N.R. 235
(C.A.F.); Berneche c. Canada, [1991] 3 C.F. 383; (1991),
133 N.R. 232 (C.A.).
APPEL de l'ordonnance ([1992] 1 C.F. 512) par
laquelle la Section de première instance a déclaré
inopérantes les ententes en cas de litige conclues
entre un entrepreneur et des sous-traitants puis-
qu'elles allaient à l'encontre des règles du soutien
d'une partie ou du pacte de quota litis. Appel
accueilli.
AVOCATS:
P. Donald Rasmussen et Ernest S. J. Schmidt
pour la demanderesse (appelante).
J. Grant Sinclair, c. r. et Robert P. Hynes pour la
défenderesse (intimée).
PROCUREURS:
Rasmussen, Starr & Ruddy, Ottawa, pour la
demanderesse (appelante).
J. Grant Sinclair, c. r., Toronto, et le sous-procu-
reur général du Canada pour la défenderesse
(intimée).
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement de la cour prononcés à l'audience par
LE JUGE MARCEAU, J.C.A.: Nous sommes tous
d'avis que l'ordonnance de la Section de première
instance [[1992] 1 C.F. 512] attaquée dans le présent
appel ne saurait être confirmée.
L'ordonnance a tranché deux requêtes différentes,
chacune se rapportant à une action distincte. Ces
deux actions intentées par Thomas Fuller Construc
tion contre la Couronne portent sur deux contrats de
construction distincts. Fuller réclame une indemnité
en vertu de chaque contrat pour le préjudice qu'elle a
subi par suite des retards causés par la Couronne. Il
ressort de l'interrogatoire préalable qu'une partie des
dommages-intérêts réclamés dans chaque action se
rapportait à des pertes subies par les sous-traitants de
Fuller en raison des mêmes retards. Il appert que,
avant d'intenter ses actions,-Fuller avait conclu des
ententes avec certains de ses sous-traitants. En vertu
de ces ententes, Fuller reconnaissait la validité des
prétentions des sous-traitants, et elle a convenu d'in-
tenter une action contre la Couronne pour un montant
supérieur à celui de leurs réclamations mentionné
dans les ententes mais qui le comprendrait. Les sous-
traitants se sont engagés à aider Fuller, à lui fournir
des éléments de preuve dans sa poursuite et à payer
leur part des frais et dépens de l'action. En outre, les
sous-traitants ont convenu d'accepter, en règlement
intégral de toute réclamation qu'ils pourraient avoir
contre Fuller, le montant recouvré par cette dernière
relativement à ces dommages-intérêts réclamés dans
l'action intentée par Fuller contre la Couronne. Les
ententes prévoient également le partage des dom-
mages-intérêts advenant que le jugement leur soit
favorable, si celui-ci ne prévoit pas une claire réparti-
tion, et un arrangement au cas où une offre de règle-
ment serait acceptable selon certains réclamants et
rejetée par d'autres.
Dans son action portant le numéro du greffe
T-1416-87, la Couronne a introduit une requête
visant à obtenir une ordonnance qui déclarerait nulles
les prétendues ententes en cas de litige que Fuller
avait conclues avec ses sous-traitants et qui les radie-
rait parce qu'elles contrevenaient aux règles du sou-
tien d'une partie ou du pacte de quota litis. Dans son
action portant le numéro du greffe T-1036-87, la
Couronne a introduit une requête visant à obtenir un
jugement qui rejetterait la partie de la réclamation
présentée par Fuller contre la Couronne relativement
aux pertes subies par les sous-traitants. Dans les deux
requêtes, elle a également demandé l'autorisation de
modifier la défense de manière à plaider la nullité des
ententes au cas où la principale réparation sollicitée
serait refusée.
Par ordonnance du juge en chef adjoint, les deux
requêtes ont été réunies pour faire l'objet d'une
même décision. Une seule ordonnance les a donc
tranchées. C'est là, bien entendu, l'ordonnance dont
appel. Par cette ordonnance, le juge de première ins
tance a tout d'abord statué que Fuller ne pouvait faire
siennes les demandes présentées par ses sous-traitants
contre la Couronne, en l'absence d'un lien ou d'une
obligation entre lesdits sous-traitants et cette der-
nière; il a alors abordé les ententes en cas de litige et
conclu qu'elles équivalaient à des cessions d'un sim
ple droit de poursuivre qui allaient à l'encontre des
règles du soutien d'une partie ou du pacte de quota
litis. Il a donc conclu à l'invalidité de ces ententes.
Nous estimons que le juge de première instance ne
pouvait rendre l'ordonnance qu'il a rendue, tout
d'abord parce qu'il n'était pas dûment saisi de la
question de droit qu'il voulait trancher et, en
deuxième lieu, parce que sa décision était inutile.
Le juge n'était pas dûment saisi de la question
parce que les deux requêtes ne reposaient sur aucune
règle de la Cour. La Règle 474(1)a) [Règles de la
Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] qui permet à la Cour
de statuer sur un point de droit préliminaire qui peut
être pertinent pour trancher la question ne s'appli-
quait pas, puisque la validité des «ententes en cas de
litige», la question de droit vue par le juge, n'a nulle-
ment été soulevée dans les actes de procédure et, en
tout état de cause, ne pouvait être considérée comme
une pure question de droit reposant sur des faits
incontestés et dont le règlement éliminerait la néces-
sité d'un procès ou d'une partie importante de celui-
ci (voir l'arrêt rendu par cette Cour dans l'affaire
Berneche c. Canada, [1991] 3 C.F. 383). À l'évi-
dence, la Règle 419(1) qui autorise la Cour à ordon-
ner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie ne
s'appliquait pas non plus puisqu'aucune allégation de
radiation ne figurait dans la déclaration. Et la Règle
34 lb) qui permet un jugement sur toute question au
sujet de laquelle la seule preuve est constituée par des
documents ne s'appliquait plus, puisque la Cour a
statué à maintes reprises qu'il importe, en vue d'un
jugement sous le régime de cette Règle, qu'aucun fait
pertinent ne soit contesté et que la loi soit si claire
qu'il n'y ait pas lieu à procès (voir Flexi-Coil Ltd. c.
F.P. Bourgault Industries Air Seeder Division Ltd.
(1991), 35 C.P.R. (3d) 154 (C.A.F.)).
Pour ce qui est de l'inutilité de l'ordonnance, il
suffit de dire que même si les «ententes en cas de
litige» sont déclarées nulles et de nul effet, cela n'em-
pêchera pas Fuller de prétendre qu'elle est responsa-
ble, en vertu de son propre contrat, envers les sous-
traitants et que la responsabilité lui cause une certaine
perte. Qu'une telle prétention soit accueillie ou même
recevable dans la situation factuelle de l'espèce n'est
pas une question dont est saisie cette Cour à ce stade.
Nous sommes volontiers d'accord avec l'avocat de
la Couronne pour dire que l'espèce est très complexe,
mais ce n'est pas là une raison pour la trancher point
par point et à un moment des procédures où les points
ne sont même pas relevés et rassemblés.
Il reste à trancher en dernier lieu la question de la
réparation subsidiaire sollicitée dans les deux
requêtes, c'est-à-dire une ordonnance portant autori-
sation de modifier. Nous considérons, et les avocats
en conviennent, que cela est également inutile, puis-
qu'aucune modification ne s'impose à ce stade.
L'appel sera donc accueilli et l'ordonnance de la
Section de première instance sera infirmée. Puisque
le jugement repose sur un point qui n'a pas été sou-
levé dans les mémoires, il n'y aura pas lieu à adjudi
cation des dépens.
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