[1970] R.C.É, MACDONALD & SONS - v. M.R.N. 231 [TRADUCTION] J. Bert Macdonald & Sons Ltd (Appelante) v. Le Ministre du Revenu national (Intimé) Le Juge Thurlow—Halifax, le 5 novembre 1969; Ottawa, le 15 janvier 1970. Impôt sur le revenu—Bénéfice commercial (calcul du)—Ferme familiale cédée au-des-sous de sa valeur à une compagnie familiale—Vente ultérieure à des promoteurs immobiliers—Comptes commerciaux de la compagnie familiale Montant à indi-quer comme prix de la ferme—La ferme a-t-elle été acquise dans le cadre du commerce? M était propriétaire d'une ferme aux environs d'Halifax; il y vivait et travail-lait, ainsi que ses deux fils. En 1959, M, qui désirait voir ses fils mettre ce terrain en valeur à des fins résidentielles, en céda 6.5 acres à l'appelante, compagnie entièrement possédée par lui-même et ses deux fils, et qui exploitait une entreprise de pose de toitures et un parc de remorques. Après avoir essayé sans succès de mettre le terrain en valeur, les deux fils se sont associés à deux promoteurs immobiliers pour constituer une compagnie de promotion immobilière. En 1964,, M cédait de nouveau à l'appelante lés 6.5 acres cédées antérieurement, ainsi que 19.919 acres (soit 26.419 acres au total); l'appelante inscrivit sur ses livres comptables un prix de $1,000 l'acre. Trois mois plus tard, l'appelante vendait ces 26.419 acres à la compagnie de promotion, à $3,000 l'acre, le prix étant garanti par une hypothèque et payable sans intérêt en cinq ans. Dans son compte d'exploitation, produit en même temps que sa déclaration d'impôt pour 1964, l'appelante a fixé le prix des 19.919 acres à $3,000 l'acre, soit leur valeur au moment de l'acquisition, mais le ministre, en cotisant l'appelante, en a fixé le prix à $1,000 l'acre. La Cour a estimé que la juste valeur marchande de ces 19.919 acres, à l'époque de leur acquisition par l'appelante, était de $2,200 l'acre. Jugé: L'appelante a acquis les 19:919 acres hors du cadre de son entreprise, et leur, coût devrait donc être fixé à $2,200 l'acre, dans les comptes commerciaux de l'appelante pour 1964. Lorsqu'un commerçant acquiert des biens par une transaction qui sort du cadre de son entreprise, les inclut ensuite dans son entreprise et les vend dans le cadre de celle-ci, le prix de ces biens est constitué, pour les fins du calcul du bénéfice tiré de l'entreprise, par leur valeur au moment ot ils sont intégrés au stock de l'entreprise. Lorsqu'une transaction par laquelle une personne acquiert des biens comporte un élément de libéralité, il faut résoudre la question de savoir si cette transaction entre dans le cadre de son entreprise par l'application des mêmes principes que pour savoir si un bénéfice tiré de la vente de biens est un bénéfice tiré de l'entre-prise, au sens que donne au mot «entreprise» l'article 139(1)e) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En l'espèce, l'acquisition par l'appelante du terrain de M n'entrait pas dans le cadre de son entreprise. La transaction par laquelle fut acquis ce fonds ne relevait pas de la même catégorie, et n'a pas été menée de la même façon que les transactions qui caractérisent le commerce immobilier habituel. L'appelante a acquis le terrain hors du cadre de son commerce, en vue d'en répartir la valeur entre M et ses fils. L'espèce est distinguée de: Oxford Motors Ltd v. M.N.R. [1959] S.C.R. 548; Julius Bendit Ltd v. I.R.C., 27 T.C. 44. Sont analysés: Ridge Securities Ltd v. I.R.C. [1964] 1 All E.R. 275; Jacgilden (Weston Hall) Ltd v. Castle [1969] 3 All E.R. 1110; Petrotim Securities Ltd v. Ayers 41 T.C. 389.
[1970] R.C.E. . MACDONALD & SONS v. M.R.N.. 233 APPEL de la Commission d'appel de l'impôt. W. Strug, pour l'appelante. G. W. Ainslie, c.r. et C. D. MacKinnon pour l'intimé. LE JUGE THuRLOw—Il s'agit ici de déterminer le montant qui doit figurer à l'état des transactions de l'appelante, à l'égard du coût de 19.919 acres de terrain, situées à Fairview, dans le comté d'Halifax (Nouvelle-Écosse), qu'elle a vendues en 1964 au cours de ce que l'on a reconnu être une transaction commerciale. Le Ministre a estimé que le prix du terrain en question était pour l'appelante de $19,919, et les cotisations dont il y a appel ont été calcu-lées sur cette base. L'appelante soutient par ailleurs que J. Bert Macdonald lui a fait don d'une partie de la valeur du terrain et qu'elle a convenu avec lui de ne lui en régler que le solde, à $1,000 l'acre; et que dans ces circons-tances, lorsqu'on calcule le profit tiré de la vente du terrain, sa valeur au moment de l'acquisition, que l'appelante prétend avoir été de $3,000 l'acre, est le montant qui devrait apparaître dans l'état des transactions de la com-pagnie, à l'égard du prix de la propriété ainsi vendue. On discute également de la nature de la transaction au cours de laquelle l'appelante a acquis la propriété en cause. Les motifs du jugement rendu par la Commission d'appel de l'impôt indiquent qu'au cours de la procédure enga-gée devant la Commission, on a reconnu que J. Bert Macdonald avait fait don à l'appelante d'une partie de la valeur du terrain. La réponse du ministre à l'avis d'appel devant cette cour, ne reconnaît cependant pas ce point et le conteste. A l'audition de l'appel devant cette Cour, aucune des parties n'a soumis, à titre de preuve, l'exposé conjoint portant sur une partie des faits cités dans les motifs de la Commission. Au cours du plaidoyer, cependant, l'avocat du ministre, alors qu'il soutenait que la transaction était un achat effectué dans le cadre de l'entreprise de l'appelante, a reconnu que la transaction comportait ce qu'il a appelé «un élément de libéralité», d'ailleurs faible et sans conséquence pour le litige à son avis. La compagnie appelante fut constituée en 1952. Aux moments pertinents. pour cet appel, son capital-actions émis appartenait à J. Bert Macdonald et ses deux fils, Gordon Macdonald et Aubrey Macdonald, le père détenant cinquante-sept actions et les deux fils cinquante-sept et quarante-neuf actions respectivement. Ces trois mêmes personnes étaient également les administra-teurs de la compagnie et en dirigeaient les affaires. La compagnie s'occupait d'une entreprise de pose de toitures et exploitait un parc de remorques. J. Bert Macdonald possédait une ferme à Fairview, près de la Cité d'Halifax, où il avait élu résidence pendant plusieurs années et sur laquelle ses fils et lui-même avaient travaillé pour gagner leur vie. En 1959, le déve-loppement de la banlieue rendit possible l'aménagement résidentiel de l'ensemble ou d'une partie de cette ferme, et à deux reprises au moins, des personnes s'étaient adressées à Macdonald pour l'acquérir à cette fin. Il déclina ces offres car il voulait que ses fils entreprennent la mise en valeur du terrain. En 1959, Macdonald cédait, à cette fin, 6.5 acres de la ferme à la compagnie appelante, et par la suite, au cours des cinq années suivantes ou
119701 R.C.A. MACDONALD &: SONS v: M.R.N. 235 environ, les deux fils tentèrent, mais sans succès, de lancer la mise en valeur résidentielle de ce terrain. Leurs efforts échouèrent parce que les installations d'égouts n'étaient pas encore en place. Il semble qu'à l'époque rien n'ait été inscrit dans les livres comptables de l'appelante, pour rendre compte de l'acquisition de ces 6.5 acres de terrain. Il n'y a pas eu non plus d'accord écrit sur la transaction. Par ailleurs, la preuve n'établit pas qu'un accord exprès ait été conclu à cette époque pré-voyant combien l'appelante devait payer le terrain, ou même si elle devait le payer. Cependant, aucune question n'a été soulevée dans cet appel quant au bénéfice tiré de la vente de cette parcelle de terrain en particulier. Après avoir échoué dans leurs tentatives pour aménager la propriété, les deux frères recherchèrent, en 1964, une aide extérieure. Ils s'adres-sèrent à deux promoteurs immobiliers arrivés, qui avaient leur propre entreprise de mise en valeur, connue sous l'appellation Stevens and Fiske, et conclurent un accord pour la mise en valeur de la propriété Macdonald. La participation personnelle de J. Bert Macdonald à la conclusion de cet accord n'est pas très claire. La preuve me donne l'impression qu'il n'était plus activement mêlé aux affaires de l'appelante, que ses deux fils, Gordon et Aubrey, prenaient les décisions, et que J. Bert Macdonald s'y conformait. Il souhaitait que ses deux fils mettent la propriété en valeur et il semble qu'il ait été prêt à seconder leurs projets. A cette fin, il cédait, le 15 février 1964, 26.419 acres de la ferme (composées des 6.5 acres qu'il avait déjà cédées à l'appelante en 1959 et d'une autre pièce de 19.919 acres), dont la vente ultérieure à Randall Park Development Limited, quelque trois mois plus tard, a fait naître le profit dont il est question dans ce procès. Randall Park Development Limited était une compagnie constituée en application de l'accord conclu avec MM. Stevens et Fiske pour mettre en valeur la propriété. Ses actionnaires étaient Stevens, Fiske, Gordon Mac-donald et Aubrey Macdonald, chacun détenant dix actions, et deux avoués détenant chacun une action. Les deux fils de J. Bert Macdonald étaient donc à même de partager les bénéfices nés de la mise en valeur de la pro-priété par Randall Park Development Limited, mais non Macdonald lui-même. II était cependant toujours actionnaire de la compagnie appelante, et donc intéressé à ce que la compagnie recevrait de Randall Park Development Limited, pour le terrain. Dans ce cas également, il n'y a pas eu d'accord écrit relativement à la cession du terrain par J. Bert Macdonald à l'appelante, mais à ce moment-là ou quelque temps après, on a inscrit une écriture dans les livres comptables de l'appelante indiquant une dette de la compagnie, envers J. Bert Mac-donald, de $26,419, pour le terrain qu'il lui avait cédé. Dans son témoignage, Aubrey Macdonald a déclaré au sujet de cette transaction qu'il s'agissait d'<une transaction commerciale» entre l'appelante et J. Bert Macdonald; qu'eux trois, J. Bert Macdonald, Gordon Macdonald et le témoin, avaient discuté en détail de la propriété et de sa valeur pour J. Bert Macdonald, et avaient décidé du chiffre à inscrire sur les livres comptables de la compagnie à titre de dette envers J. Bert Macdonald; qu'ils pensaient que la propriété valait environ $3,000 l'acre mais avaient transcrit une dette de $1,000 l'acre parce qu'il s'agissait d'une exploitation
[1970] R.C.É. MACDÔNALD & SONS v. M.R:N. 237 familiale sur laquelle tous trois avaient travaillé pour la cultiver; qu'ils (je pense qu'ici, il ne désignait que son frère et lui-même) pensaient que le prix de $1,000 l'acre versé par l'appelante à leur père était .nm juste prix» pour le terrain, étant donné que J. Bert Macdonald était toujours président de la compagnie appelante et donc appelé à partager tous les bénéfices que l'appelante pourrait retirer de la propriété. Le prix de vente de la propriété à Randall Park Development Limited, quelques mois plus tard, était de $79,257, ce qui donne effectivement $3,000 l'acre. Dans la transaction, l'appelante n'a cependant reçu aucun acompte; elle a seulement reçu une hypothèque sur la propriété, payable en cinq ans, sans intérêt, sujette au risque que le projet de mise en valeur échoue et que le principal de la dette lui même ne soit jamais entièrement remboursé. Dans ses états financiers de l'année close le 31 décembre 1964, pré-parés en juin 1965 et joints à sa déclaration d'impôt sur le revenu de l'année, l'appelante indiquait un prêt de $79,000 à percevoir de Randall Park Development Limited pour la cession de la propriété à cette compagnie,, une dette de $26,419 à J. Bert Macdonald pour cette propriété qu'il avait cédée à l'appelante, et un poste de revenu différé pour la vente du terrain, d'un montant de $48,844.39. On a déclaré, au cours des témoignages, que la différence entre le total de ces deux dernières sommes et la somme de $79,000, représentait des frais de mise en valeur de $3,736.61, qui avaient été engagés pour la parcelle de 6.5 acres. La mise, en valeur des 26.419 acres s'étant bien poursuivie, J. Bert Macdonald, transférait à l'appelante, le 25 octobre 1965, 36.37 autres acres de sa propriété, que l'appelante a cédées, au début de 1966, à Randall Park Development Limited, au prix de $3,000 l'acre, par une transaction semblable à la précédente. Dans ce cas également, on a inscrit une écriture sur les livres comptables de l'appelante pour indiquer une dette envers J. Bert Macdonald, d'un montant égal à $1,000 l'acre et terrain cédé, et on a déclaré dans une déclaration de valeur sous serment, faite par Aubrey Macdonald, et jointe à l'acte pour déterminer le montant de l'impôt sur la cession, qu'à sa connaissance, le prix de vente de la propriété cédée était de $36,670. Entre-temps, cependant, le ministère du Revenu national avait à la fin de 1965, demandé à J. Bert Macdonald de remplir, ce qu'il avait fait, une déclaration d'impôt sur les donations pour une prétendue donation d'un montant égal à $2,000 l'acre pour les 19.919 acres de la parcelle de terrain. C'est seulement lorsqu'on a exigé la déclaration d'impôt sur les donations que les comptables de l'appelante ont remarqué pour la première fois, qu'il y avait eu en 1959 cession de la parcelle de 6.5 acres à l'appelante. Étant donné que le ministère considérait qu'une telle donation était comprise. dans l'acquisition par l'appelante de la parcelle de 19.919 acres, les comp-tables ont modifié en conséquence, les écritures des livres comptables de l'appelante, et ont préparé un état financier revisé pour l'année 1964, qui a été par la suite envoyé au ministère, et dans lequel la somme de $48,844.39 indiquée dans l'état précédent était réduite à $9,189.39 et une somme de $39,646 indiquant la donation, était créditée à titre de contribution en surplus.
[1970] R.C.L. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 239 A cette date ou aux environs, à la suite sans aucun doute de la décision du ministère de demander une déclaration de revenu sur les donations pour la transaction précédente, l'appelante a fait évaluer la parcelle de 36.37 acres récemment acquise, et après avoir reçu une estimation de $2,500 l'acre, a revisé dans ses livres comptables, les écritures de sa dette envers J. Bert Macdonald, à $72,740 soit l'équivalent de $2,000 l'acre. Dans sa déposi-tion, Aubrey Macdonald a déclaré qu'on avait tenu compte du fait que des travaux avaient été entrepris sur la première parcelle cédée à Randall Park Development Limited alors qu'en l'espèce, l'appelante n'avait guère fait que de céder le terrain à Randall Park Development Limited, et qu'après discussion les trois, c'est-à-dire le père et les deux fils, ont pensé que le prix devait en être de $2,000 l'acre. On a également prouvé que J. Bert Mac-donald a alors rempli une déclaration d'impôt sur les donations pour une donation présumée, d'un montant égal à la différence entre cette somme et les $2,500 l'acre auxquels la propriété avait été évaluée. Le même problème se pose quant à la somme à inscrire sur les livres comptables de l'appelante à l'égard du prix de la parcelle de 36.37 acres, mais puisque l'appelante n'a reçu aucun versement au cours de l'année d'imposition 1966, et qu'on a accepté de considérer comme réserve, un montant égal à la totalité du profit qu'elle allègue avoir tiré de la vente, en vertu de l'article 85B (1)d), aucune partie de l'imposition dont il y a appel ne se rapporte à cette transaction et aucun point litigieux n'a été sou-levé à son sujet dans cet appel. Il est prouvé que la valeur réalisable de la parcelle de 19.919 acres, dont il est question dans cet appel, n'était pas de $3,000 l'acre lorsque l'appelante l'acquise, mais bien, à mon avis, d'environ $2,200 l'acre. C'est ce prix que M. Fiske a cité comme ayant servi de base à ses négociations avec les Mac-donald pour l'achat de la parcelle par la Randall Park Development Limited; ceci donne, à mon avis, une indication aussi précise de la juste valeur marchande que n'importe quel autre élément apporté en preuve. M. Ainslie s'est efforcé de nous convaincre que si quelqu'un prend comme point de départ le chiffre de $3,000 auquel la propriété a été vendue à Randall Park Development Limited et fait les déductions qui s'imposent pour l'absence d'acompte, pour le fait que le paiement était différé pendant cinq ans, sans intérêt ni possibilité de paiements partiels pendant une grande partie de cette période, pour les taux élevés d'intérêt en vigueur, et pour les risques encourus, la valeur qu'on obtient n'est guère supérieure à $1,000 l'acre. Mais je suis cependant porté à considérer le chiffre de $3,000 comme assez bas en lui-même, compte tenu des éléments cités, et comme une bonne affaire négociée par Stevens et Fiske avec les Macdonald, qui ne me semblent pas connaître aussi bien que MM. Stevens et Fiske les complications et les subtilités de la promotion immobilière. J'en conclus donc que la valeur marchande des 19.919 acres était de $2,200 l'acre, lorsque l'appelante les a achetés à J. Bert Macdonald. J'ajouterai ici que, bien que je considère Aubrey Macdonald comme un témoin honnête, j'attribue peu d'importance aux conséquences qui peuvent découler du choix d'expressions telles que «transaction commerciale», «prix» et «donation», qui tendent implicitement à qualifier les événements qu'il 92622-5
[1970] R.C.E. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 241 a essayé de décrire. En ce qui concerne la nature de ces événements, j'ai, pour les fins du litige, tiré mes conclusions de sa description des événements eux-mêmes. Des deux côtés, les parties ont consacré une partie considérable de leur plaidoyer à qualifier la transaction par laquelle ont été acquis les 19.919 acres de terrain. M. Strug a soutenu, au nom de l'appelante, que cette transaction était en partie une vente et en partie une donation, qu'on avait, en réalité, fait à l'appelante donation d'un montant égal à $2,000 l'acre pour les 19.919 acres de terrain, puisque, selon lui, J. Bert Macdonald avait l'intention de faire une telle donation, ce qui, dans les circonstances, suffisait à constituer une donation, et que le Ministre, ayant demandé une déclaration d'impôt sur les donations, et accepté un impôt à l'égard de cette donation, avait admis ce fait, et n'était plus en mesure de prétendre le contraire. M. Ainslie prétendait au contraire qu'il n'y avait pas eu donation. Il pensait que, sauf dans les cas où il n'y a aucune contre-partie et dans les cas où la contre-partie offerte n'est que fictive ou illusoire, une transaction par laquelle on acquiert des biens, en échange de quelque contre-partie, même si elle n'est pas proportionnelle, constitue en droit un achat; et puisqu'en l'espèce, la somme convenue était importante, et même, selon lui, assez proche de la valeur marchande du terrain, il faut considérer la transaction comme un simple achat de terrain par l'appelante contre la somme convenue. Il a cependant, convenu qu'il y avait «un élément de libéralité» dans la transaction. Bien qu'il ne me semble pas, comme on le verra par la suite, que le point important consiste à savoir s'il s'agissait d'une transaction-donation ou d'une transaction en partie achat et en partie donation, et bien qu'il ne soit pas nécessaire de déterminer dans quelle catégorie classer la transaction, il peut être utile que je donne ici mon opinion sur ce qu'elle implique. Dans sa forme, la transaction ne ressemble pas davantage à un achat qu'à une donation. Il n'y avait aucun contrat, ni écrit ni verbal d'achat, mais simplement une cession—dont on n'a pas produit la . preuve—et une discussion, soit avant, soit après la cession, ou même à la fois avant et après, qui a conduit à la conclusion d'un accord sur la somme à inscrire dans les livres de comptabilité de l'appelante, à titre de dette envers J. Bert Macdonald. Les parties à cette discussion, et donc l'appelante, savaient très bien que la somme à payer était bien inférieure à la valeur du terrain, et elles croyaient même que la diffé-rence était plus grande que dans les faits. Elles savaient également que la somme à payer n'était, de ce point de vue, qu'une compensation partielle pour le terrain, et il semble avoir été entendu que, pour le reste, la cession était faite pour des raisons familiales. Je ne pense pas qu'aucune des parties à la transaction ait jamais estimé à ce moment-là faire une donation, au sens juridique du terme, et je suis porté à croire que les parties ont pour la première fois tenté de qualifier la transaction de donation lorsque le ministère a demandé une déclaration d'impôt sur les donations. Néanmoins, je suis convaincu par la preuve que «les raisons familiales» constituaient un élément tout aussi important de la transaction que la cession de la propriété et constituaient pour J. Bert Macdonald un mobile aussi puissant, sinon plus, pour conclure la cession, que la somme que l'appelante a inscrite sur ses livres de comptabilité comme dette et qu'elle lui a versé par la suite. Si je 92622--5h
1970] R.C.E. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 243 croyais que cet élément de la transaction en faisait une donation, au sens juridique du terme, je n'hésiterais pas à lui donner cette qualification, mais je doute qu'il s'agisse d'une donation, et comme il ne semble pas nécessaire, pour les fins de cet appel de donner une étiquette à cet élément ou à l'ensemble de la transaction, je préfère traiter de l'espèce en considérant la transaction telle qu'elle est décrite, plutôt que comme si elle relevait de l'une ou l'autre des catégories bien connues et habituelles. Il nous reste maintenant à déterminer le traitement qu'il convient d'ac-corder à la transaction décrite dans le calcul du revenu aux fins d'imposition. 1 Les articles 3 et 4 de la Loi de l'impôt sur le revenu stipulent que le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition comprend le revenu pro-venant d'entreprises, et que le revenu provenant d'une entreprise est constitué, sous réserve des autres dispositions de la Partie I de la Loi, par le bénéfice en découlant pour l'année. Il me semble donc que la première question que pose l'article 4, chaque fois qu'on étudie le revenu d'un contribuable pro-venant d'une entreprise, soit la suivante: quel était, pour l'année, le bénéfice de l'entreprise?, et on peut répondre à cette question en considérant les résultats obtenus par les transactions commerciales ou d'affaires menées par le contribuable dans le cadre du commerce ou de l'entreprise. Dans ce contexte, il est bien établi qu'on considère que le bénéfice provenant d'une entreprise est la différence entre ce que le contribuable a réalisé par les transactions commerciales et d'affaires de son entreprise et les sommes qu'il a dépensées pour gagner ces revenus, y compris le coût du stock en magasin qu'il a acquis et vendu dans le cadre de l'entreprise. Dans les situations normales, on n'a auccne difficulté importante à déter-miner le montant soit des revenus, soit des coûts du stock dont il faut tenir compte pour établir le bénéfice. On rencontre cependant des difficultés dans la détermination des revenus quand on a disposé du stock en magasin autrement que par transactions dans le cadre du commerce. Les instances suivantes en sont des exemples: Doughty v. Commissioner of Income Taxe, Sharkey v. Werhner3 et Petrotim Securities v. Ayers4. On éprouve également des difficultés à déterminer la somme à inscrire dans les comptes pour le coût du stock en magasin lorsqu'on l'a acquis autrement que par une transaction dans le cadre de l'entreprise. On peut trouver des exemples de ces difficultés dans les instances sui-vantes: J. M. Craig (Kilmarnock) Ltd. v. Inland Revenue5 et Osborne v. Steel Barrel Co. Ltd.6 Un problème un peu différent se pose lorsque la question sur laquelle l'espèce se fonde est de savoir si la transaction par laquelle on a acquis le stock en magasin était une transaction dans le cadre du commerce. D'après ce dont je me suis rendu compte, l'espèce présente appar-tient à cette catégorie. 1 Il serait peut-être bon de dire qu'on n'a pas soulevé, dans cet appel, la question de savoir si J. Bert Macdonald, en qualité de donateur, ou l'appelante, en qualité de donataire, avaient contracté une dette pour impôt sur les donations, et qu'on a apporté aucune preuve quant au fondement de quelque évaluation d'impôt sur les donations qui ait pu être faite. [1927] A.C. 327. 8 [1956] A.C. 58. 4 [1964] 1 All E.R. 269, 41 T.C. 389. 6 [1914] S.C. 338, 13 T.C. 627. e [1942] 1 All E.R. 634.
[1970] R.C.É. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 245 Au nom du ministre, M. Ainslie a présenté son argumentation en trois points. Premièrement, il s'agit de déterminer, à son avis si, dans le calcul du bénéfice, on peut ne pas tenir compte du prix réel des marchandises achetées et vendues et utiliser un autre chiffre dans les cas où il y a un élément de libéralité dans la transaction par laquelle on a acquis le stock. A cela, il a proposé de répondre que a) dans le calcul du bénéfice, il faut toujours compter le stock à son prix ou à sa valeur marchande, selon celui de ces deux montants qui est le moins élevé; b) lorsque le prix réel payé peut être déterminé, il faut le déterminer; et c) la présence d'un élément de libéralité, qui ne suffit pas à permettre de dire que l'acquisition s'est faite à titre gratuit, l'empêche de ne pas tenir compte du prix réel, et par consé-quent, sauf dans le cas où la somme payée peut à juste titre être considérée comme une contre-partie fictive ou illusoire, on doit—sans tenir compte de la faible valeur qu'elle représente—la prendre comme prix de la mar-chandise pour le négociant. Deuxièmement, il prétend que la question de savoir comment on calcule le bénéfice dans les cas où le stock a été acquis par une transaction bénévole et non par un achat, ne se pose pas en l'espèce. Troisièmement, il soutient qu'il ne se pose aucun problème sur le point de savoir comment calculer le bénéfice lorsqu'un actif non commercial, qui a été acquis contre valeur, est inclus ultérieurement dans le stock du commerçant. A mon avis, la règle d'après laquelle on évalue le stock en magasin, à la fin de l'année financière, à son prix ou à sa valeur marchande, selon celui de ces deux montants qui est le moins élevé, ne s'applique pas en l'espèce, puisque le problème ne concerne que la somme à indiquer, dans le calcul du bénéfice, comme prix de ce stock pour le commerçant. En outre, alors qu'il est possible de dire au sujet d'un stock acquis dans le cadre du commerce, que lorsqu'un prix réel payé peut être déterminé, il faut le déterminer et l'inscrire comme prix du stock pour le commerçant, il me semble qu'il ne faille pas nécessairement tirer la même conclusion, quand la transaction, par laquelle sont acquis les biens considérés ulté-rieurement comme éléments du stock, n'est pas intrinsèquement une transaction faite dans le cadre du commerce. Il se peut que, dans certains cas, on considère, à cette fin, une transaction qui n'a pas été conclue dans le cadre habituel du commerce comme équivalant en fait à une transaction conclue dans le cadre du commerce, en particulier lorsque le prix peut être précisé, que son montant est plausible et qu'on l'a calculé en se fondant sur des considérations commerciales normales. Craddock v. Zevo Finance Company Limited 7 et Tuxedo Holdings Limited v. M.N.R.8 me paraissent être des exemples de cette catégorie de situations. Ceci ne résoud pas, cependant, le problème posé dans d'autres situations, où la transaction par laquelle les biens sont acquis n'entre pas dans le cadre du commerce. Enfin, M. Ainslie soutient que la présence d'un élément de libéralité dans la transaction qui ne suffit pas à lui donner le caractère d'une acquisition entièrement à titre gratuit, ne permet pas de négliger le prix réel; on peut accepter cette argumentation comme affirmation d'un principe applicable 7 27 T.C. 267. 8 [1959] Ex. C.R. 390.
[1970] R.C.É. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 247 lorsque le stock commercial est acquis dans le cadre du commerce, mais, à ma connaissance, tete règle générale est inapplicable lorsque les biens sont acquis autrement que dans le cadre du commerce. Il me paraît bien établi (1) que, lorsqu'un commerçant vend un stock qu'il a acquis, pour le revendre, dans le cadre de son commerce, il peut, aux fins du calcul de son bénéfice, déduire du prix de vente, à titre de prix du stock, ce qu'il a payé pour ce stock; et (2) que, lorsqu'un commerçant acquiert quelque chose par quelque moyen ou transaction sans relation avec son entreprise (c'est-à-dire par héritage ou donation, par achat en vue d'un usage personnel ou même par achat de capital fixe pour quelque autre entre-prise), et ensuite, après l'avoir incluse dans son entreprise, la vend dans le cadre de cette entreprise est imposable et, pour évaluer ce bénéfice, ce qu'il faut déduire du prix de vente, à titre de prix du stock, c'est la valeur de la chose vendue au moment où elle a été incluse dans le stock de cette entre-prise (parce que c'est ce que lui a coûté le fait d'inclure cette chose dans l'entreprise) . Il me semble donc que le premier problème à résoudre, dans des affaires où la transaction, par laquelle sont acquises, les marchandises considérées plus tard comme stock, implique un élément de libéralité, est celui de savoir si on peut classer ou considérer la transaction par laquelle le commerçant a pris possesion des biens, comme une transaction menée dans le cadre de son commerce ou de son entreprise. Je crois que pour résoudre cette question, il faut utiliser les mêmes principes que pour déterminer si un bénéfice réalisé dans la vente de biens est un bénéfice découlant d'une entreprise, au sens de la définition d'«entreprise» que donne l'article 139(1) e) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Car, si le gain découle d'une transaction qu'on ne peut consi-dérer comme une transaction menée dans le cadre d'une entreprise, ce gain ne constitue pas, selon moi, un bénéfice dérivant du commerce ou de l'entre-prise et n'est pas imposable à ce titre. Pour savoir si un bien a été acquis dans le cadre d'un commerce, la pré-sence ou l'absence d'un élément de libéralité dans la transaction ne me parait pas en soi le point essentiel. Il me semble plutôt que l'importance de la pré-sence d'un tel élément réside en ce qu'il tend à démontrer, dans une situation donnée, si les biens en cause ont été acquis dans le cadre du commerce du commerçant. Je ne pense pas, par exemple, qu'il puisse avoir une incidence quelconque, dans une situation où un commerçant obtient un stock en magasin à un prix exceptionnellement bas, grâce à la générosité commerciale d'un fournisseur. Je pense qu'on peut considérer que l'instance Oxford Motors Limited v. M.N.R.9 appartient à cette catégorie. Je pense que l'affaire Julius Bendit Ltd. v. Inland Revenue Commissioners 10, citée dans la suite de ces motifs, peut aussi être considérée comme un autre cas de cette catégorie. D'autre part, l'élément de libéralité, dans une transaction par laquelle un père transmet à son fils, moyennant une contre-partie symbolique ou par-tielle, des biens dont le fils dispose ultérieurement dans le cadre de son commerce, pourrait très bien se révéler le fait décisif pour savoir si l'acquisition des biens par le fils était une transaction dans le cadre de son commerce. e [1959] S.C.R. 548. 10 27 T.C. 44.
[1970] R.C.É. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 249 Les instances qui, à mon avis, illustrent le mieux ce qui me semble être le principe applicable dans la présente situation sont l'instance Ridge Securities Ltd. v. Inland Revenue Commissioners 11 et l'instance récente Jacgilden (Wes-ton Hall) Ltd. v. Castle12. Dans la première, le stock avait été inscrit dans les comptes à sa valeur, alors qu'on l'avait payé un prix très inférieur; dans la seconde, le stock avait été inscrit dans les comptes au prix réellement payé, bien que la valeur du stock ait été bien supérieure au moment de son acquisition. Dans l'instance Ridge Securities v. Inland Revenue Commissioners, le con-tribuable avait acquis des titres d'une filiale, qui était sur le point d'être liquidée, à un prix très inférieur à leur valeur marchande, lors d'une transaction qui, bien qu'ostensiblement dans le cadre des activités commerciales des deux sociétés, avait été menée pour provoquer une perte dans les opérations commerciales de la société vendeuse. Lorsque dans l'instance Petrotim Securi- ties Ltd. v. Ayers13, on a examiné le résultat de ces transactions du point de vue de la société vendeuse, la Cour a confirmé qu'il ne s'agissait pas de transactions commerciales. Le juge Ungoed-Thomas a traité ainsi de la question, à la page 398: M. Foster s'est cependant appuyé sur l'exposé de lord Guest, à la page 924, qui précisait que le critère de la transaction commerciale est un critère objectif. En l'espèce, on n'a pas prouvé l'existence d'une intention subjective, et le seul critère que l'on puisse utiliser est objectif, à savoir si la transaction est par nature commerciale. Lord Guest cite, en y donnant son accord, le critère qui ressort des termes employés par le lord président Clyde, dans l'instance Commissioners of Inland Revenue v. Livingston (11 T.C. 538), à la page 542: «savoir si les opérations en cause sont de même nature, et conclues de la même manière, que celles qui caractérisent le commerce normal dans le domaine d'activité de cette entreprise.. Ceci est fort éloigné de l'argumentation que M. Foster a été forcé de présenter en l'espèce afin de pouvoir exclure toute considération sur les circonstances con-comitantes à ces transactions: à savoir, qu'une vente de stock, à un prix inférieur à sa valeur, entre commerçants, entre toujours dans le cadre du commerce. En développant ce point, il a, à juste titre, reconnu qu'une donation de stock en magasin par un commerçant—que ce soit ou non à un autre commerçant— n'entrait pas nécessairement dans le cadre du commerce. Cette concession inévitable amène naturellement la question suivante: «Pourquoi, dans ce cas, une cession moyennant une contrepartie symbolique ou dérisoire, même en admettant que le paiement en soit réellement fait, ne pourrait-elle pas tout aussi bien sortir du cadre du commerce?. M. Foster a admis par la suite qu'une vente de stock en magasin à un prix sous-évalué, par un commerçant à un non-commerçant, n'entre pas nécessairement dans le cadre du commerce. Il s'ensuit que la sous-évaluation n'est pas décisive, quant à la nature de la transaction, mais qu'il faut également tenir compte de la qualité du bénéficiaire. Il faut certes en tenir compte, mais il n'y a aucune raison d'exclure toute considération quant aux autres circonstances pertinentes. Cette conclusion me paraît conforme aux termes employés par le lord président Clyde et cités par lord Guest. Les Commissioners ont déclaré, dans leur décision: «Le mobile de la recherche du profit, qui est ordinairement capital, était absent en l'espèce; il semble qu'il ait été remplacé, pour une raison inexpliquée, par une intention de subir une perte. Il semble donc juste de conclure qu'en ' [1964] 1 All E.R. 275. 12 [1969] 3 All E.R. 1110. 12 41 T.C. 389.
[1970] R.C.É. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 251 ce qui concerne ces transactions, la société ne se comportait plus, au moment des ventes, en commerçant ou en financier; par conséquent, les ventes n'étaient pas conclues dans le cadre du commerce de la société. A fortiori, il en va de même pour les transactions Y, puisque ni l'achat ni la vente ne nous semblent avoir été conclus dans le cadre du commerce de la société.... Les quatre transactions en l'espèce ont été clairement contestées, et un examen des cir-constances qui les ont entourées nous a amené à conclure, en l'absence de preuve contraire, qu'elles n'entraient pas dans le cadre du commerce.» On a prétendu que les Commissioners avaient fondé, en partie du moins, leur conclusion sur le critère subjectif de l'intention, qu'ils ont analysée comme intention de subir une perte, et que ceci était contraire à l'examen objectif dont l'exposé de lord Guest démontrait la nécessité. Néanmoins, il me semble qu'en l'absence de preuve directe de l'intention, celle-ci ne pouvait être déduite que du jugement des Commissioners sur la nature de la transaction; on pçut d'ailleurs en trouver une indication dans les termes qu'ils emploient, notamment: «il semble qu'il ait existé une intention de subir une perte». Dans la mesure où l'on attribue aux personnes la volonté d'accepter les conséquences naturelles de leurs propres actes, cette conclusion était inévitable; et les Commissioners ont dû d'abord conclure quant à la nature de la transaction avant d'en déduire une intention. Leur conclusion finale à l'égard de ces transactions repose sur «un examen des circonstances concomitantes». A la Court of Appeals, le Master of the Rolls Lord Denning a déclaré, à la page 407: Il me semble que, lorsqu'une société associée à une autre vend à cette dernière à un prix très inférieur à la valeur réelle, les Commissioners sont en droit de conclure qu'il ne s'agit pas d'une transaction effectuée dans le cadre du commerce. Qui croirait qu'un commerçant sensé puisse conclure une transaction de cette sorte, qu'il puisse vendre à un prix très inférieur à la valeur réelle, à moins qu'il ne songe à tirer quelque avantage de la perte qu'il ferait? C'est exactement la même situation que si une société donnait son argent. En effet, on pourrait dire qu'en l'espèce, la société a donné £630,000 par les transactions X. Elle aurait pu négo-cier ses titres à £835,000, mais elle a préféré les vendre à £205,000. Une telle transaction sort tellement du cadre habituel de l'entreprise de n'importe quel com-merçant que les Commissioners étaient en droit de conclure qu'elle n'avait pas été menée dans le cadre du commerce. Jusqu'ici, on n'envisageait la transaction que du point de vue du vendeur, mais le Master of the Rolls Lord Denning poursuivait plus loin: Au cours de son plaidoyer, M. Foster a demandé: «Et qu'en est-il de la compagnie acheteuse, Ridge Securities? Si on doit l'imposer, il faut qu'elle inscrive ses titres au prix réel qu'elle a payé—au très bas prix. Il pourrait y avoir un très grand bénéfice.» Je ne dirai rien de la situation de Ridge Securities à l'égard du fisc, puisque seule Petrotim nous concerne ici. A mon avis, cependant s'il n'est pas dans la nature du commerce de l'une de ces sociétés associées de vendre au-dessus de la valeur réelle, il n'est pas non plus dans la nature du commerce de l'autre d'acheter au-dessous de la valeur réelles`. Dans un cas comme dans l'autre, il faudrait inscrire la vente à la valeur marchande réalisable à cette époque. Lord Russell partageait sur ce point l'opinion du Master of the Rolls Lord Denning. Il est, me semble-t-il, intéressant de noter l'importance que le Master of the Rolli Lord Denning attachait au fait que Petrotim et Ridge Securities étaient associées et ne traitaient donc pas à distance, l'une avec l'autre. "Dans le texte publié à 41 T.C., on trouve le mot «over-value» dans celui publié à [1964] 1 All E.R., à la page 273, on trouve le mot •under-value». Ce dernier parait concorder avec le contexte.
[1970] R.C.É. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 253 Plus tard, lorsque l'instance de la Ridge Securities15 elle-même a été en-tendue, le juge Pennycuik a suivi le dictum et a jugé, (à la page 284) bien que ce point en particulier ne semble pas avoir été contesté, que: Pour calculer les bénéfices de la société contribuable, il faudrait, conformément au jugement rendu dans l'instance de la Petrotim, elle-même tenir compte de la valeur marchande des actions et obligations de la Ridge Investments, Limited et de la Petrotim. Le savant juge a également appliqué le même principe à l'acquisition par une société filiale d'un paquet d'obligations, très au-dessous de leur valeur réelle. Il a déclaré, à la page 289: Dans le cadre du droit des sociétés, Blackheath, qui avait acheté des obligations de guerre à Petrotim pour £ 10,000, et les avait vendues pour £ 105,000, avait fait un bénéfice qu'elle pouvait, on l'a reconnu, légitimement distribuer à la société contribuable conformément à la résolution créant des actions privilégiées. Ainsi, selon la thèse soutenue par l'avocat de la société contribuable, ce bénéfice sera en temps utile assujetti à l'impôt, et le dividende peut, en droit, être versé avec le bénéfice d'une déduction d'impôt: voir l'article 184(2) de l'Income Tax Act, 1952. Dans sa réponse, l'avocat de la Couronne signale le jugement rendu dans l'instance Petrotim, et, en particulier, les passages que j'ai extraits des jugements rendus à la Court of Appeal par lord Denning et lord Russell. Dans le calcul des bénéfices de Blackheath, le processus normal consiste, déclarait-il, non pas à inscrire les obligations de guerre à leur prix d'achat de £ 10,000, mais à leur valeur marchande au moment de l'acquisition, soit environ £ 105,000, et à ajuster en conséquence les bénéfices de Blackheath. Après ajustement, on constate qu'à la date du 3 avril 1959, Blackheath n'avait aucun bénéfice imposable justifiant la distribution de £90,000 en dividendes, avec le bénéfice d'une déduction d'impôt. Il me semble que cet argument est bien fondé. Dans l'instance Petrotim, la Court of Appeal, appliquant le principe établi par la Chambre des Lords dans l'instance Sharkey (Inspector of Taxes) v. Wernher a jugé que Petrotim devait inscrire la valeur marchande de titres vendus au-dessous de leur valeur réelle. Le Master of the Rolls Lord Denning et Lord Russell, dans les passages que j'ai cités, ont indiqué—en obiter, je le reconnais— que la société contribuable, acheteuse, devrait également inscrire ces titres à leur va-leur marchande. On m'a cité l'instance Julius Bendit, Ltd v. Inland Revenue Comrs., Julius Bendit, Ltd. v. Dickson (Inspector of Taxes). Il m'a paru difficile de concilier les observations contenues dans cet arrêt et les obiter dicta de l'instance Petrotim; mais je crois qu'il y a lieu de se conformer à ces dicta, qui me paraissent, si je puis me permettre cette remarque, correspondre à des principes valables. Si un commerçant lance une entreprise avec un stock qui lui est fourni gratuitement, il ne serait pas juste de l'imposer en considérant que la valeur de son stock initial était nulle. Bien sûr, l'arrêt Julius Bendit a été rendu avant qu'ait été envisagée la question des cessions d'actions à titre gratuit, dans Sharkey (Inspector of Taxes), v. Wernher. Il ne semble exister aucune autre jurisprudence sur ce point en particulier. L'avocat de la société contribuable a prétendu en outre qu'il y avait lieu de faire à cet égard une distinction entre le cas des titres vendus par la Petrotim et celui des obligations de guerre. Ces dernières, on s'en souviendra, ont été complètement ignorées, d'un commun accord, dans l'instance Petrotim. Il me semble que le même principe soit applicable dans l'un et l'autre cas, pourvu seulement qu'on accepte la validité de l'achat et de la vente des ces obligations de guerre. La seule autre possibilité serait d'écarter entièrement cette transaction, à toutes fins utiles, au motif qu'elle dépasserait la compétence de Petrotim et serait entachée de nullité. Cette hypothèse ne favoriserait aucunement, en l'espèce, la société contribuable. 15 [1964] 1 All E.R. 275.
[1970] R.C.É. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 255 Les faits de l'instance Julius Benditls, citée par le savant juge, ressortent du premier paragraphe du sommaire: La société appelante, société britannique, a été constituée en 1936 par un juif qui exploitait en Allemagne une entreprise d'exportation, afin de se soustraire autant que possible aux contrôles exercés sur lui par le régime nazi. Il possédait toutes les actions de la société. Il fournissait des produits à la société à un prix inférieur à leur valeur marchande normale, minimisant ainsi ses bénéfices et augmentant ceux de la société. La société a prétendu que, pour les fins de l'impôt sur son revenu et sur ses bénéfices excédentaires, il fallait calculer ses bénéfices en rempla-çant les prix figurant dans ses comptes, les montants représentant la valeur mar-chande de ces produits. Les Special Commissioners ont rejeté cette prétention. Voici la conclusion des Commissioners, telle qu'elle apparaît à la page 49 du compte rendu: 14. Nous, Commissioners, qui avons entendu cet appel, avons jugé d'après les preuves que, par le marché véritablement conclu entre les parties, M. Bendit s'enga-geait à vendre, et la société à acheter, les marchandises en question aux prix «facturés», volontairement établis à un niveau inférieur à la valeur marchande de ces produits. Cette opération avait pour but de permettre à la société de réaliser en conséquence un bénéfice plus important en revendant ces produits dans le cadre' de son commerce. Les parties ont donné suite au marché, et la société a payé les prix «facturés et rien de plus; ces prix représentaient le coût réel des produits pour la société; c'est à juste titre qu'on a inscrit ces produits à ces prix dans les livres comptables et les comptes apurés de la société; la demande de la société, visant à remplacer les prix facturés par la valeur marchande, pour indiquer la valeur des produits aux fins d'imposition. L'appel de cette conclusion interjeté par le contribuable a été rejeté par le juge Macnaghten, dont la décision ressort du paragraphe suivant: M. King, pour répondre à la question: Quelle est la question de droit que soulève l'affaire?, M. King a invoqué une question de droit valable, à savoir l'absence de preuves susceptibles de permettre aux Special Commissioners de considérer comme établis les faits sur lesquels ils ont fondé leur jugement. J'ai écouté avec intérêt et plaisir la manière dont M. King a tenté d'élucider les problèmes que soulevait cette allégation; mais à mon avis, non seulement les Commissioners disposaient de preuves largement suffisantes à l'appui de leurs conclusions, mais encore il n'existait aucune preuve qui leur permette de conclure comme M. King leur pro-posait de le faire. Je ne crois pas avoir besoin de m'étendre sur ce point. Il s'ensuit qu'il faut rejeter l'appel, avec les conséquences habituelles quant aux dépens. Je n'éprouve aucune difficulté à distinguer cette situation de la présente, puisque les transactions en cause ne constituaient que de simples ventes et achats conclus dans le cadre du commerce de Julius Bendit ainsi que de sa société et, bien que les prix aient été établis au-dessous de la valeur pour des raisons particulières sans relation avec le commerce, il existait néanmoins une volonté d'établir les prix aux fins du commerce. Dans l'instance Jacgilden (Weston Hall) Ltd.17 un certain Rowe a amené un vendeur, avec qui il avait conclu quelques mois auparavant l'achat d'un immeuble, à le céder à une société récemment constituée, dont Rowe et sa femme étaient les actionnaires, pour £72,000. Cette somme représentait "27 T.C. 44. 17 [1969] 3 All E.R. 1110. 92622-6
[1970] R.C.É. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 257 le montant que Rowe avait accepté de payer pour l'immeuble, mais avant le transfert de ce dernier à la société, sa valeur était passée à £ 150,000. Peu de temps après, la société le vendait à £ 155,000. La société a ensuite cherché à inscrire dans ses livres comptables, aux fins d'imposition, le prix de l'immeuble à £ 150,000, considérant la différence entre cette somme et les £72,000 qu'elle avait convenu de verser et avait effectivement versés. au vendeur, comme une donation. Le juge Plowman a déclaré à la page 1121: Il est impossible de prétendre que le contrat de vente et d'achat de l'hôtel à £72,000 ait été une transaction simulée, spécieuse ou frauduleuse; il s'agissait d'un marché parfaitement direct et honnête entre M. Rowe et le vendeur. Il me paraît donc clair que, le chiffre à débiter à l'égard de l'hôtel est son prix de £72,000. Les Special Commissioners ont conclu que l'acquisition était une acquisition commerciale et, sinon explicitement, du moins implicitement, qu'elle ne constituait pas une donation. La question à trancher se ramène donc simple-ment à ceci: les preuves justifiaient-elles les Special Commissioners d'en arriver à cette conclusion A mon avis, oui. Il m'apparaît qu'ils étaient en droit de conclure, d'après le simple bon sens commercial et sans égard à quelqu'élément de libéralité qu'ait pu comporter la transaction, que celle-ci n'était pas une donation, ni une vente à M. Rowe au-dessous de la valeur réelle, mais bien un achat par la société de marchandises commerciales, à un prix négocié équitablement par M. Rowe et le vendeur. La jurisprudence Sharkey v. Wernher n'a jamais été, à ma connaissance, appliquée dans une affaire où le prix de cession des biens a été négocié à une valeur équitable et convenable; et puisqu'il s'agit là d'une jurisprudence marginale, je crois que la Cour devrait se montrer prudente dans son application. Dans quelle catégorie faut-il ranger la présente espèce? L'appelante a acquis une propriété pour laquelle elle a versé $1,000 l'acre, alors qu'elle en valait $2,200 l'acre, et l'a revendue dans le cadre d'une transaction de caractère commercial, en en retirant un bénéfice reconnu imposable. Il s'agit de trancher la question suivante: le coût qu'il faut sous-traire du prix de vente dans le calcul du profit est-il la somme ainsi versée ou la valeur du terrain? Ceci revient à savoir si l'appelante a acheté les 19.919 acres de terrain à J. Bert Macdonald dans le cadre de son commerce, ou si elle a acquis ce terrain lors d'une transaction qui sortait du cadre de son commerce, avant de l'inclure immédiatement dans son entreprise. Sur ce point, c'était à l'appelante de démontrer, si elle le pouvait, qu'elle n'avait pas acquis le terrain dans le cadre de son commerce. Cette preuve n'était en rien facilitée par le fait que l'appelante, qui contrôlait elle-même ses transactions et sa comptabilité, a effectué la transaction en cause et les écritures comptables de manière à soutenir une présomption prima facie, selon laquelle le terrain aurait été acquis dans le cadre de ses opérations commerciales et qu'à l'époque, elle n'a rien inscrit ou rapporté, indiquant le contraire. L'affaire de l'appelante n'a pas été plus avancée par le choix des termes de Aubrey Macdonald, qui a déclaré qu'il s'agissait d'une transaction «commerciale», et que son père, son frère et lui-même avaient discuté de la propriété et étaient parvenus à un chiffre qu'ils estimaient, pour les raisons qu'il a données, être un juste «prix» pour le terrain qui leur était cédé. 92622-61
[1970] R.C.Ê. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 259 Par ailleurs, malgré les obstacles rencontrés par l'appelante, il faut donner toute son importance, à mon avis, à la preuve (dont j'ai déjà dit reconnaître la valeur) que J. Bert Macdonald et ses deux fils possédaient toutes les actions de la compagnie appelante, que le terrain en cause faisait partie d'un domaine agricole, utilisé comme résidence familiale, sur lequel tous trois avaient travaillé et qu'ils avaient exploité, que le père, pour les raisons données et, je le présume, pour les raisons familiales habituelles, souhaitait remettre le terrain à ses fils pour sa mise en valeur, que c'est dans ce but qu'il a cédé le terrain à l'appelante, et que par accord entre le père et les deux fils, l'appelante a crédité au père ce que tous trois estimaient être un «juste prix», puisque le père, toujours président et important action-naire de la compagnie, était appelé à partager tout bénéfice que l'appelante retirerait de la propriété. Dans ces circonstances, et en particulier si on con-sidère la grande différence entre la somme à créditer et la valeur que les trois ont attribué au terrain, tous ces facteurs nous empêchent de conclure que la cession résultait d'un achat effectué dans le cadre du commerce par l'appelante au père. Ils me paraissent indiquer que la transaction n'appar-tenait pas à la même catégorie, et n'était pas menée de la même manière, que les transactions caractéristiques des opérations ordinaires du commerce immobilier; et qu'au contraire, on devrait la considérer comme une transaction de type inhabituel, par laquelle l'appelante a acquis des biens autre-ment que dans le cadre de son commerce. Bien que le problème ne soit pas facile à résoudre, je suis arrivé à la conclusion qu'il y a de fortes chances, compte tenu des preuves rapportées, que ce soit là l'interprétation correcte de la transaction, et qu'il ne s'agissait pas d'un achat à J. Bert Macdonald, conclu par l'appelante dans le cadre de son commerce, mais d'un arrangement, par lequel J. Bert Macdonald remettait la propriété à une compagnie dirigée par lui-même et ses deux fils, en vue de partager la valeur du fonds entre ses fils et lui-même. D'avoir conclu que l'appelante a acquis la propriété en vertu d'un acte dispositif de la propriété familiale, il découle que, lorsque l'appelante a inclus la propriété dans ses transactions commerciales, elle aurait dû indiquer à titre de prix de stock la valeur de la propriété à cette époque, qui était, comme je l'ai déjà indiqué, de $2,200 l'acre. J'ajouterai que je trouve cette interprétation de la transaction plus sédui-sante que l'autre, si l'on pense que les efforts de l'appelante pour retirer un bénéfice de la propriété ont en fait consisté à la vendre à la Randall Park Development Limited. L'opération d'acquisition, par contre, n'ayant pas été conclue entre des parties traitant à distance et ayant été menée de la manière et d'après les considérations que j'ai exposées, ne laisse guère supposer, et en tout cas ne, saurait nous convaincre, qu'on aurait pu en retirer un bénéfice commercial. Et pourtant, tel serait le résultat que produirait un jugement en faveur de la thèse du ministre, et ordonnant que la propriété soit inscrite dans la comptabilité au prix de $19,919, plutôt qu'à la valeur de sa cession à l'appelante. Par conséquent, je pense que le bénéfice attribuable au commerce de l'appelante ressort plus exactement si l'on indique pour prix la valeur du terrain au moment de son acquisition. Je crois que la justesse de cette conclusion se trouve dans une certaine mesure confirmée par le fait que le terrain en question faisait partie, avant
[1970] R.C.E. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 261 la cession en cause, d'un capital fixe de J. Bert Macdonald, utilisé comme domaine familial et exploité avec l'aide de ses deux fils, de sorte que si la vente à Randall Park Development Limited, qui a créé le bénéfice en cause, avait été conclue par le père (au lieu de l'appelante, dont les actions appar-tenaient au père et aux deux fils), le bénéfice n'aurait pas été imposable et leur père aurait pu en partager à sa guise le produit entre ses fils et lui-même. De même qu'une cour ne qualifiera pas à la légère une transaction ambiguë conclue entre deux compagnies étroitement reliées, de manière à les sous-traire à des impôts qui seraient dus dans le cas contraire, de même, je suis porté à penser que la cour ne serait pas avisée de qualifier une transaction de ce genre de manière à créer une obligation de payer l'impôt qui n'existe-rait pas autrement. Je conclus donc que, dans le calcul du revenu pour fins d'impôt, il faut inscrire comme prix payé par l'appelante pour les 19.919 acres de terrain en question leur valeur au moment de leur acquisition, soit $43,821.80. Dans cette mesure, il sera fait droit à l'appel, avec dépens, et les nouvelles coti-sations seront en conséquence déférées au ministre pour plus ample étude et nouvelle cotisation.
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