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626 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. La Reine (Demanderesse) v. Fidelity Insurance Co. of Canada (Défenderesse) Le Juge DumoulinMontréal les 15, 16 et 17 juin 1969; Ottawa le 18 mars 1970. CouronneAction en recouvrement de dommagesContratConstruction d'aéroport Contrat de cautionnementContrat avec clause pénaleRéduction du montant de la peineConditions exigéesArts. 1131, 1134, 1135, 1931, 1933 C.C. La défenderesse s'était engagée, par un contrat de cautionnement d'exécution (performance bond) à indemniser la demanderesse jusqu'à concurrence d'une somme de $230,991.75 dans le cas du défaut de P. de remplir toutes les obligations stipulées à un contrat que celle-ci lui avait accordé à la suite de soumissions pour la construction d'un aéroport. Par suite de l'incapacité de P. d'exécuter le travail de façon acceptable, et après une mise-en-demeure régulière, la demanderesse annula le contrat et confia le parachèvement de l'entreprise à un autre soumis-sionnaire. Par décision judiciaire, la résiliation du contrat de construction fut confirmée et les dommages encourus par la demanderesse fixés à la somme de $160,786.82. Alléguant que l'engagement de la défenderesse est une obligation avec clause pénale au sens de l'art. 1131 du Code civil, la demanderesse, par les conclusions de l'action, requiert son entière application, soit, au paiement par la défenderesse de la somme de $230,991.75. La défense soutient qu'il s'agit d'un cautionnement pur et simple et, par surcroît, que la demanderesse devait tenir la défenderesse au courant des changements dans le contrat de construction et des difficultés flans son exécution, ce à quoi elle a failli. Jugé (accueillant l'action jusqu'à concurrence de la somme de $160,786.82), (1) le contrat comporte une clause pénale garantissant la fidèle exécution de l'obligation principale de construire l'aéroport. (2) Quant aux obligations de la Couronne, stipulées au contrat, le tribunal, en face des faits mis en preuve, est justifié de réduire le montant de la peine si l'obligation principale a été exécutée en partie, à l'avantage du créancier, et que le temps fixé pour l'exécution complète soit de peu d'importance, conditions exigées par l'art. 1135 C.C. et réalisées dans l'espèce. ACTION en recouvrement de dommages-intérêts. L. M. Bloomfield, c.r., Paul 011ivier, c.r., pour la demanderesse. L. P. De Grandpré, c.r., pour la défenderesse. LE JUGE DumouLINDans cette instance, les faits sont moins complexes que le droit. Il est allégué dans l'informatiôn que, le 21 juillet 1960, la défenderesse s'engageait formellement à payer à la Reine, aux droits du Canada, une somme de $230,991.75, pour parer à l'éventualité du défaut de E. J. Persons de bien et exactement remplir toutes les obligations stipulées au contrat que la demanderesse lui avait accordé pour la construction de l'aéroport à Trois-Rivières. L'acte qui fait l'objet du litige est la pièce P-1; le contrat d'entreprise, la pièce P-2. Persons, dont la soumission pour l'adjudication de cet ouvrage fut de $100,000 inférieure à celle qui venait en second lieu, ne put exécuter le travail de façon acceptable comme il est expliqué au paragraphe 4 de l'information.
628 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. Aussi, le ministère concerné, celui des Transports et Communications, après mise-en-demeure régulière, le ler juin 1961, sommation demeurée sans effet, dut-il annuler le contrat le 14 juin, même année. Selon la pratique en pareil cas,'le parachèvement de l'entreprise passa aux mains du second plus bas soumissionnaire. Le 25 janvier 1963, le département susdit, sous le truchement nominal de rigueur, réclamait, par demande reconventionnelle, les dommages-intérêts occasionnés par la défaillance dudit E. J. Persons. Par jugement daté le 26 juin 1967, la Cour suprême du Canada, con-firmant la résiliation du contrat, déférait à notre Cour le soin de liquider les dommages-intérêts encourus par l'État, fixés, le 2 novembre 1967, par un arrêt de l'honorable juge Noël, au montant en capital de $130,191.27, plus les frais de $30,595.55. Après ces précisions préliminaires, il importe de minutieusement examiner la pièce P-1, qui constitue l'élément essentiel du litige. Émis par la compagnie Fidelity Insurance of Canada, le 21 juillet 1960, cet engagement prend l'appellation de «Performance Bond» et déclare que:, Know All Men By These Presents, that: E. J. Persons, 67 Main Street, Sweetsburg, Que., as Principal, hereinafter called the Principal, and Fidelity Insurance Company of Canada, as Surety, here-inafter called the Surety, are held and firmly bound unto Her Majesty the Queen in Right of Canada, represented by the Minister of Transport as Obligee, herein-after called the Obligee, in the full and just sum of Two hundred and Thirty Thousand, Nine Hundred and Ninety-One 75/100 Dollars ($230,991.75) lawful money of Canada, for the payment of which sum, well and truly to be made, the Principal and the Surety bind themselves, their heirs, executors, administrators, successors and assigns, jointly 'and severally, firmly by these presents. Signed, Sealed And Delivered this 21st day of July, A.D. 1960. Whereas, the Principal has entered into a certain written agreement represented by Principal's tender dated May 3rd, 1960, which was subsequently accepted by the Obligee and which will be reduced to a formal contract in writing for the development of Three Rivers Airport, at Three Rivers, Province of Quebec, in accordance with the plans and specifications submitted therefor which are made part and parcel of this obligation. Voici, maintenant, la condition contractuelle de cette obligation suspensive puis éteinte si l'événement préjudiciable n'arrive pas, ou pleinement exécu-toire s'il se produit: Now, Therefore, the condition of this obligation is such that if the Principal shall well and faithfully observe and perform all of the obligations of the said Contract on the part of the Principal to be observed and performed, then this obligation shall be void, otherwise to remain in full force and effect. Provided, However, that the Surety shall not be liable for a greater sum than the specified penalty of this bond. Sur la foi de cet engagement qu'elle dit être une obligation avec clause pénale au sens de l'article 1131 du Code civil, la demanderesse conclut à son entière application, la conjoncture dommageable étant survenue, soit, au paiement par la compagnie Fidelity Insurance of Canada d'une somme de $230,991.75, avec intérêts et dépens. A cette prétention de la Couronne, la défenderesse oppose une dénéga- tion en faits et en droit, suggérée initialement à :l'article 5 de son plaidoyer, puis avouée dans son Mémoire à la page 17 entre autres.
630 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. Citons d'abord cet article 5 qui répond à l'allégation de clause pénale formulée au paragraphe 6 de l'information: 5. Paragraph 6 of the Information is denied, defendant adding that its obligation, if it ever came into being, was limited to the performance of the original contract of construction entered into between E. J. Persons Construction and plaintiff and filed as Exhibit P-II. Au Mémoire, page 17, paragraphe I, «Nature du contrat», la défende-resse prend position en ces termes: Devant le débat ainsi engagé, deux questions se posent: (1) Quelle est la nature du cautionnement d'exécution (performance bond) pièce P-I? (2) Quelles étaient les obligations de la Couronne aux termes de ce caution-nement? A la première question, la réponse, sous l'intitulé «Nature du contrat», est que: II s'agit clairement d'un contrat de cautionnement soumis aux règles que l'on retrouve au titre XV du Code Civil, aux articles 1929 et suivants .. . Il est répondu à la seconde, page 23, sous l'entête «Les obligations de la Couronne): II est évident que, bénéficiaire du cautionnement d'exécution, la Couronne a nécessairement accepté certaines obligations. Ces obligations de la Couronne existent d'abord pendant toute la durée du contrat d'entreprise; pendant cette période, la Couronne doit, en gros, tenir la caution au courant des changements dans le contrat d'entreprise et des difficultés dans son exécution; ensuite au moment de la résiliation du contrat d'entreprise alors que la Couronne doit permettre à la caution soit de continuer elle-même l'exécution du contrat, soit de la confier à un autre entrepreneur. Il s'agit clairement d'obligations de bon sens et d'équité. Cette interprétation du problème permet à la compagnie intimée de conclure que: 22. Defendant had the right to be consulted in these matters and plaintiff's failure to do so entails the nullity of the bond, Exhibit P-I. 23. Even if the bond, Exhibit P-I, was not rendered null and void by plaintiff's conduct, which is denied by defendant, the cost of the work has been considerably increased thereby and cannot be recovered from defendant; 24. The Information is ill-founded in fact and in law; Wherefore Defendant Prays: 1. For a declaration that the bond, exhibit P-I, was rendered null and void by plaintiff's conduct; 2. For a declaration that, in any event, the damages claimed in the Information are the result of plaintiff's conduct and not of the delays attributed to Persons; 3. For the maintenance of its plea; 4. For the dismissal of the Information. The Whole With Costs. Poursuivant la contestation, la demanderesse, par sa réponse, nie les reproches exprimés à l'article 22 du plaidoyer de la compagnie et les consé-quences inférées aux articles 23 et 24 cités précédemment, affirmant, au contraire, que la défenderesse reçut toutes les informations pertinentes en l'occurrence. De façon encore plus significative, dans cette même procédure, la Cou-ronne prend la position requise par les exigences du chapitre VII, section VI
632 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. du Code civil: «Des obligations avec clause pénale» en spécifiant le montant global des dommages pécuniaires qu'elle subit à la suite de la carence de l'entrepreneur Persons; il importe de citer ces passages de plaidoirie: 27. THAT by judgment of the Exchequer Court of Canada on November 2, 1967 damages were allowed to Plaintiff against Persons in the sum of one hundred and thirty thousand, one hundred and ninety-one dollars and twenty-seven cents ($130,191.27) with interest and costs, taxed in the sum of Eleven thousand three hundred and eighty-six dollars and thirty-five cents ($11,386.35); the whole as appears from a copy of the said judgment, forming part of the records of this Court under No. A-731. 28. THAT as a direct result of Persons' failure to well and faithfully observe and perform all of the obligations of the said Persons in virtue of his contract, with Plaintiff, Plaintiff suffered liquidated damages totalling one hundred and thirty thousand, one hundred and ninety-one dollars and twenty-seven cents ($130,191.27) with interest and costs totalling the sum of Thirty thousand five hundred and ninety-five dollars and fifty-five cents ($30,595.55); Ainsi les dommages-intérêts et frais liquidés par décision judiciaire passée en force de chose jugée, et demeurés impayés, sont allégués afin de donner ouverture à la compensation postulée. Ils s'élèvent à la somme de $160,786.82, mais le plein montant de la clause pénale et forfaitaire est réclamé. Cette longue mais inévitable relation des faits, cet exposé des points de droit soulevés par les parties, conduisent au stade de l'examen critique des deux thèses contradictoires: s'agit-il, en l'espèce, au dire de la demanderesse, d'une obligation garantie par une clause pénale, ou d'un contrat de cautionne- ment pur et simple, comme le voudrait la compagnie défenderesse? Telle est l'énigme dont il faut trouver le mot. Que dit l'écrit contractuel, le «Performance Bond», pièce P-1? Quelle désignation les contractants assument-ils? Quelle est l'obligation conclue, et comment y est-elle qualifiée? Leur qualité respective, nous l'avons vu, est celle de «Principal» pour l'entrepreneur Persons, et de «Surety» pour la compagnie. Dans le contrat d'assurance proprement dit, nul ne l'ignore, l'assuré s'intitule«the insured», l'assureur «the insurer». Ici, l'obligation conjointe et solidaire des parties ainsi exprimée «The Principal and the Surety bind themselves ... jointly and severally, firmly by these presents», est conditionnée, quant à sa réalisation indemnitaire, par l'accomplissement intégral des engagements souscrits par le maître d'entre-prise Persons qui doit «well and faithfully observe and perform all the obligations of the said Contract on the part of the Principal to be observed and performed». Dans le cas d'inexécution même partielle de la tâche confiée par l'État au mandant (principal), la garante (surety) paiera la compensation forfaitaire (penalty) à la créancière garantie (obligee), Sa Majesté la Reine aux droits du Canada. C'est bien , semble-t-il l'énoncé formel d'une stipulation de clause pénale ayant pour but d'assurer l'exécution d'une convention principale. S'il en est ainsi, et j'ose le penser, il faut recourir à l'enseignement doctrinal afin de correctement déduire les suites pratiques du droit, le nôtre et celui de sa source d'inspiration, le Code Napoléon. Comparons, d'abord, notre article 1131 à l'article 1226 du code français. 1131. La clause pénale est une obligation secondaire par laquelle une per-sonne, pour assurer l'exécution de l'obligation principale, se soumet à une peine en cas d'inexécution.
634 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE 11970] Ex.C.R. C.N. art. 1226: La clause pénale est celle par laquelle une personne, pour assurer l'exécution d'une convention, s'engage à quelque chose en cas d'inexécution. Comparons, ensuite, nos propres articles 1134 et 1135 aux prescriptions correspondantes des numéros 1230 et 1231 de la loi française. 1134. La peine n'est encourue que lorsque le débiteur est en demeure d'exé-cuter l'obligation principale, ou lorsqu'il fait ce qu'il s'était obligé de ne pas faire. 1135. Le montant de la peine ne peut être réduit par le tribunal. Mais, si l'obligation principale a été exécutée en partie à l'avantage du créan-cier, et que le temps fixé pour l'exécution complète soit de peu d'importance, la peine peut être réduite, à moins qu'il n'y ait une convention spéciale au contraire. C.N. 1230. Soit que l'obligation primitive contienne, soit qu'elle ne contienne pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n'est encourue que lorsque celui qui s'est obligé, soit à livrer, soit à prendre, soit à faire, est en demeure. C.N. 1231. La peine peut être modifiée par le juge lorsque-l'exécution prin-cipale a été exécutée en partie. L'assimilation étroite des textes se reflète et chez les auteurs français, j'en citerai deux des plus réputés, F. Laurent, Beaudry-Lacantinerie, et dans le traité classique de feu le juge P. B. Mignault. Laurent' enseigne donc que: N° 426 (page 426) L'article 1226 dit que la clause pénale a pour but d'assu-rer l'exécution d'une convention, ce qui se fait en s'engageant à quelque chose en cas d'inexécution; la peine, comme le répète l'article 1229, tient lieu des dommages et intérêts que le créancier souffre de l'inexécution de l'obligation principale. Par inexécution on entend non-seulement l'inexécution proprement dite, quand le débi-teur ne veut ou ne peut remplir l'obligation qu'il a contractée, mais aussi le retard qu'il met à l'exécuter; ce retard est une inexécution partielle et donne lieu, au profit du créancier, à des dommages-intérêts que l'on appelle moratoires pour les distinguer des dommages-intérêts dits compensatoires, lesquels sont dus au créancier en cas d'inexécution totale. (Les italiques apparaissent dans le texte.) Sous la rubrique «Dommages-intérêtsLe Juge peut-il modifier la peine?», Laurent écrit, citant l'article 1152 du Code Napoléon: N° 451 (p. 449) «Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une son}me plus forte ni moindre Il est vrai que cette disposition n'est pas reproduite dans la section qui traite de la clause pénale; mais cela était tout à fait inutile, car la peine n'est pas autre chose que l'évalua-tion des dommages-intérêts par convention: la clause pénale et les dommages-intérêts conventionnels sont une seule et même clause sous des noms différents. Il faut donc dire de la peine ce que l'article 1152 dit des dommages-intérêts conven-tionnels: le juge ne peut la modifier ni en faveur du créancier ni en faveur du débiteur. Or, en flagrante dérogation à cette arbitraire prescription, nous avons vu aussi bien à notre article 1135 qu'à celui, 1231, du code français, un tempérament d'équité et de sens commun; c'est cet adoucissement que Laurent reproduit avec les explications qui vont suivre: N° 454 (p. 451) L'article 1231 porte que «la peine peut être modifiée par le juge lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie.' Il faut combiner 1 Principes de droit civil, 3° édition (1878) tome XVII, n°' 426, 451, 454 (partira).
636 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. cette disposition avec celle de l'article 1244, d'après laquelle le débiteur ne peut point forcer le créancier à recevoir en partie le payement d'une dette même divisible ... A vrai dire, cette rigueur serait excessive; le créancier a renoncé à l'exécution pour le total en recevant un payement divisé; il ne peut donc plus se prévaloir contre le débiteur de l'inexécution de l'obligation. II faut prendre l'obligation telle qu'elle est, divisée par le consentement du créancier; il a reçu une partie de ce qu'il a stipulé; or, la peine tenait lieu de dommages-intérêts pour l'inexécution totale. C'est dire que le créancier ne peut plus demander toute la peine, car ce serait profiter de l'exécution partielle tout ensemble et des dommages-intérêts pour l'inexécution de la partie de l'obligation qui a été exécutée; or, d'après l'article 1229, le créancier ne peut demander en même temps le principal et la peine. Lors donc que le créancier a été payé pour une partie de l'obligation principale, il ne peut plus recevoir la peine pour cette partie. A ce commentaire on ne manquera pas d'objecter qu'en la présente instance, le créancier, à savoir l'État, aura renoncé à l'exécution de l'obligation de l'entrepreneur non point volontairement mais sous une pression assimilable à un cas de force majeure, l'impéritie de Persons. A cela près, il reste ceci que la demanderesse a mis fin au lien contractuel qui la reliait à l'autre partie; qu'elle a évalué les dommages-intérêts subis, dont elle a obtenu la liquidation par décision judiciaire, prononcée le 2 novembre 1967. Ne serait-ce point jouer, sinon sur les mots, à tout le moins sur les textes et donner à la lettre de la loi une préséance que son esprit et l'équité ne sauraient admettre. L'immixtion d'une garante commerciale, la défenderesse, qui assume, contre paiement d'une prime, le risque d'inexécution même partielle du con-trat concédé à son client, Persons, n'influe guère sur la qualité intrinsèque de l'affaire. Outre l'obligation de la bénéficiaire (obligee) de tenir la caution «en gros ... au courant des changements dans le contrat d'entreprise et des difficultés dans son exécution» (page 23 du mémoire de la défenderesse), la compagnie-garante demeure, sous tous autres rapports, «aux droits et devoirs» de son assuré, le «Principal». Il est, en conséquence, opportun d'ajouter ces lignes à la citation du jurisconsulte Laurent:. (Dernier paragraphe du n° 454, page 452): Est-ce à dire que nécessairement la peine devra être réduite et qu'elle devra l'être proportionnellement à l'exécution partielle que le contrat a reçue? Non, l'article 1229 ne dit pas que la peine doit être modifiée (les italiques sont dans le texte), il dit que le juge peut la modifier. C'est une question de fait. Il se peut que, malgré le payement partiel, le créancier éprouve le même dommage que si l'obligation n'avait pas été exécutée; il se peut, du moins, que la diminution du dommage ne soit pas en proportion de l'exécution partielle. C'est au juge à appré-cier le dommage que souffre le créancier et à évaluer en conséquence les dom-mages et intérêts auxquels il a droit. Au grand Traité théorique et pratique de Droit civil de Beaudry-Lacantinerie2 , l'auteur opine au même sens que Laurent quant aux modalités distinctives de la clause pénale, mais se rapproche davantage de l'article ° Troisième édition (1907) tome XIII, n°' 1349, p. 469, et 1350, p. 470 partim.
638 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE 119701 Ex.C.R. 1135 du Code de Québec, en mentionnant, comme condition d'une réduction juridique de la pénalité convenue une exécution partielle à l'avantage du créancier. A la page 469, nous lisons que: La clause pénale est une loi que les parties se sont imposée et qu'elles doivent subir. Et à la page suivante, 470, cette atténuation de sévérité: N° 1350. Il existe toutefois quelques exceptions à notre principe. Et d'abord il en est une qu'indique l'article 1231 (C.N.) «La peine peut être modifiée par le juge lorsque l'obligation principale a été exécutée en partie» (italiques dans le texte) .. L'article 1231 suppose, bien entendu, que le créancier a accepté l'exé-cution partielle, car aux termes de l'art. 1244, 1" al. (C.N.), le débiteur n'aurait pas pu la lui imposer. L'art. 1231 suppose encore que l'exécution partielle a procuré quelque utilité au créancier. Suit un exemple confirmatif quelque peu démodé d'inspiration, aujourd'hui, mais d'une exactitude objective aussi simpliste que vraie, tirée des conjonc-tures du terroir vinicole de France; le voici: Ainsi un vigneron s'est engagé envers moi à façonner deux hectares de vignes à peine de 2,000 francs de dommages-intérêts; s'il a façonné un hectare, il est juste que la peine soit diminuée proportionnellement, par conséquent de moitié, puisqu'il y a inexécution pour moitié seulement, l'exécution partielle m'ayant été profitable. Après un recours exhaustif à ces deux maîtres de la doctrine française, il paraît superflu de répéter ce que dit Mignault qui, sur ce point de droit, est en quelque sorte l'écho de ses précurseurs doctrinaux, de Frédéric Mour- lon, plus précisément, n'était-ce que notre article 1135, ajoute une échappa-toire dont le Code Napoléon ne fait pas mention: le peu d'importance du temps fixé pour l'exécution complète. Pour ce motif, et à titre corroboratif, j'inclus ces quelques lignes l'auteur se contente de citer l'article 1135 et d'y adjoindre un bref commentaire 3. 5. Que le créancier qui a reçu une portion du bénéfice qu'il a stipulé n'a pas le droit d'exiger toute la peine (italiques dans le texte). C'est ce que le code nous apprend en ces termes par l'article 1135 qui est de droit nouveau: 1135. Le montant de la peine ne peut être réduit par le tribunal. Mais si l'obligation principale a été exécutée en partie à l'avantage du créancier et que le temps fixé pour l'exécution complète soit de peu d'importance, la peine peut être réduite à moins qu'il n'y ait une convention spéciale au contraire. Et maintenant, cette comparaison: Vous m'avez promis, avec clause pénale, de labourer mon champ; vous en avez labouré la moitié seulement, vous ne me devez que la moitié de la somme qui a été stipulée à titre de peine. Il est possible de disposer dès à présent de l'un des moyens invoqués à la page 18 du mémoire de la défenderesse à l'effet que: L'article 1933 du Code Civil affirme: Le cautionnement ne peut excéder ce qui est par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses. En l'espèce, le contrat d'entreprise (pièce S-1, volume 8, page 1488) ne contient aucune clause pénale et il serait donc illégal que le cautionnement garan-tissant ce contrat d'entreprise comporte une telle clause qui, il va de soi, est plus onéreuse que le paiement pur et simple des dommages-intérêts. 'Droit civil canadien (1901) voL 5, p. 523.
640 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. La réplique ressort des stipulations de la pièce capitale (P-1) il est convenu que les engagements assumés dans l'acte contractuel à intervenir entre Persons et la demanderesse feront intégralement partie du "Performance Bond": Whereas the Principal has entered into a certain written agreement ... which was subsequently accepted by the Obligee (l'État) and which will be reduced to a formal contract in writing ... in accordance with the plans and specifications submitted therefor which are made part and parcel of this obligation. Ce langage ne prête à aucune équivoque et incorpore la clause pénale dans le contrat d'entreprise. Enfin, si décevante qu'ait pu être la conduite des travaux, il n'y a point d'allégation, outre les dommages-intérêts réclamés, que l'obligation principale n'ait pas été exécutée, au moins partiellement, à l'avantage du créancier. Quant au temps fixé pour l'achèvement complet de la tâche, l'action reste plutôt silencieuse à ce sujet. Supposé même qu'il y aurait eu un mois de retard, il ne semble pas outrancier de croire que pareil délai ait été de peu d'importance eu égard au genre d'entreprise, la construction de l'aéroport à Trois-Rivières. La Cour, à la première question posée, page 17 du mémoire de la com-pagnie Fidelity Insurance, répond que le "Performance Bond" comporte une clause pénale garantissant la fidèle exécution de l'obligation principale de construire tel ouvrage public. - Reste à résoudre ce que pouvaient être les obligations de la Couronne aux termes de cette garantie. Le savant procureur de la demanderesse a produit un factum d'un mérite égal à celui de son distingué confrère. A la page 14 de ses "Notes and Authorities", il s'autorise de l'opinion d'un auteur fort accrédité en la ma-tière Rowlatt on Principal and Surety 4; il y est dit que: The subject-matter of a contract by way of suretyship is always a debt either already incurred or intended to be incurred ... (and) is therefore narrower than that of insurance by which indemnity may be secured against losses by the acts or omissions of strangers, considered as perils analogous to the risk of accident, and without regard to any legal responsibility of the persons guilty of them. (However) the risk of default by a debtor can be insured against as effectually as the debt can be guaranteed. But the two securities are not identical either in the form of the obligation imposed or in respect of the basis upon which the parties are taken to contract. A surety becomes bound, it may be, unconditionally and without previous notice or demand, to pay the debt or make good the default which the principal is or shall be liable to pay or make good, and the surety must see he does it. Les lignes suivantes serrent de plus près le thème de la discussion; le degré d'information auquel peut prétendre la caution commerciale, "compensated surety", par opposition à une garante bénévole, "accommodation surety"; obligation, nous l'avons vu, dont la défenderesse traite en ces termes: La Couronne doit, en gros, (je souligne) tenir la caution au courant des changements dans le contrat d'entreprise et des difficultés dans son exécution. (Mémoire de la défenderesse, page 23). * (1936) 3rd ed., pp. 9-10.
642 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE 11970] Ex.C.R. Le commentateur, Rowlatt, reprend ainsi: An insurer only engages to pay the loss, measured in a certain way, upon the happening of a defined contingency, against the happening of which, however, he is not considered as capable of exercising any influence. An insurer is entitled to a disclosure of all facts material to the risk within the knowledge of the assured. But a surety can only complain of positive deception, by representations express or implied. Autre citation extraite de l'ouvrage de Keith on Performance Bonds5 et reproduite à la page 20 des "Notes and Authorities" de M8 Bloomfield, c.r.: The second point which the principal and the obligee should be careful to observe is the obligation to ensure that all material facts are disclosed to the surety before the contract is entered into. It is beyond argument that performance bonds, unlike contracts of insurance, are not subject to the ultimate standard uberrimæ fidei and if 'authority is needed, reference may be made to: (une liste de 7 déci-sions corroboratives apparaît à la page 21). Après la théorie, passons aux faits. Le premier des deux témoins entendus à l'enquête, le seul dont la déposi-tion relate les incidents concrets de l'affaire, fut, précisément, le directeur du service de garantie de la compagnie Fidelity Insurance, Gérard Brunet, âgé de 46 ans. Je me réfère à mes propres notes, assez fidèles, j'ose le croire. Gérard Brunet rapporte que ce fut lui qui, le 21 juillet 1960, vit à l'émis-sion du Performance Bond. Dès avant que Persons eut soumissionné au minis-tère des Transports, son agent d'assurances, Gauthier, s'était enquis de la possibilité d'obtenir ce cautionnement d'exécution, auprès de Brunet. Subsé-quemment à l'envoi de la soumission, une seconde entrevue eut lieu entre Persons, son ingénieur Léonard, et Brunet. A cette occasion, l'entrepreneur-soumissionnaire révéla l'écart de $100,000 entre son prix et l'offre suivante, expliquant cette différence par la proximité, deux milles au lieu de quinze, d'un banc de sable auquel il aurait accès à cette faible distance de l'aéroport. Le témoin précise que «sa compagnie n'avait reçu aucune plainte de la part de la Couronne durant les mois d'août, septembre et octobre 1960, et aucune information de l'entrevue: ministère et Persons, le 20 septembre même année». Brunet ajoute «qu'il eût été important pour la défenderesse d'être mise au courant de toutes ces difficultés» et réitère cette assertion. Contre-interrogé, il savait, redit-il, antérieurement à l'émission du cau-tionnement, que la soumission produite par Persons «était de $100,000 inférieure à celle qui venait après». Brunet convient qu'au mois de mai 1960, à l'agent d'assurances Gauthier, qui s'enquérait de l'obtention possible d'un cautionnement d'exécution, «advenant que Persons serait le plus bas soumissionnaire pour un contrat de l'ordre de $400,000 à $500,-000, il avait répondu que toutes choses étant égales, ce Performance Bond serait consenti». Réponse assez vague que l'expression conditionnelle «toutes choses étant égales», lorsque, sans désemparer, ce directeur du service de garantie convient qu'aussitôt après la concession de l'entreprise à Persons cet écart de prix de $100,000 lui causa de l'inquiétude. A sa demande de précisions, 6 Je cite sous réserve, car Me Bloomfield n'a indiqué ni l'édition, ni la page de cette référence.
644 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. Persons fit valoir, selon Brunet, la double explication, l'une déjà.' connue, de la proximité du banc de gravier et, l'autre, un «charabia» (textuel) «au sujet de l'obligation de creuser le sol à trois pieds de profondeur Or, qui se contente d'explications du genre «charabia» a mauvaise grâce de s'en prendre à autrui avant d'avoir réglé son propre cas. Le témoin dit, en outre, que «le 9 décembre 1960, le représentant du ministère des Transports à Montréal, R. L. Davies, lui téléphona qu'il y avait quatre comptes en souffrance impayés par Persons à Trois-Rivières, et donnant les noms des créanciers et les montants dus. Le 21 décembre, l'ingénieur Léonard et «un autre» apprirent à Brunet que ces factures étaient acquittées «lui demandant s'il désirait voir les reçus». Mais il y a plus et c'est encore ce même témoin qui nous en informe. Brunet ne tenta point, par la suite, d'obtenir du ministère des renseignements relativement à l'exécution de ce contrat, «malgré que la compagnie exige habituellement des «progress reports» de ses assurés lorsque l'ouvrage est à demi-exécuté». Il prit pour acquit, dit-il, «l'expérience passée qu'il était inutile d'exiger que le département accède à pareille demande». Il termine sa déposition en déclarant qu'il «s'était fié aux renseigne-ments satisfaisants que lui transmettait Persons de l'exécution des travaux au mois de décembre 1960». Le second témoin, Richard L. Davies, est l'ingénieur régional du ministère des Transports à Montréal. L'ingénieur Davies ne partage pas l'impression de Gérard Brunet; il insiste tout au contraire que «I don't know of any instance where the Department of Transport has ever refused to give information of this nature. We are only too glad to do so. I never refused to extend such information when so requested by bonding companies or, other interested parties. Information concerning the progress and execution of contracts has always been forthcoming Il n'est pas de l'essence de cette cause de passer en revue la longue preuve faite dans une autre, l'affaire Edwin J. Persons v. La Reine. Il suffit de savoir que jusqu'au moment de l'interruption hivernale des tra-vaux à l'aéroport, vers la fin de décembre 1960, les difficultés provenaient des tentatives de l'entrepreneur de réduire le coût d'exploitation en utilisant un gravier de qualité inacceptable. Le ministre ne résilia le contrat que le 14 juin 1961, l'évidence étant acquise de l'inefficacité de Persons. De tout ce qui précède, l'obligation de la demanderesse de tenir «en gros» la caution (selon la défenderesse) «au courant des changements dans le contrat d'entreprise» a-t-elle été respectée? La dernière procédure au dossier en est une intitulée «Aveux»; elle avoue ceci que: La défenderesse admet: (1) avoir reçu, le 5 juin 1961, l'Avis en date du 1e' juin 1961 (la mise-en-demeure du ministère à l'entrepreneur de reprendre l'ouvrage au plus tard le 12 juin alors courant) produit comme pièce S-9 dans l'affaire Persons v. La Reine. (2) avoir accusé réception de l'Avis précité par lettre en date du 5 juin à M. H. J. Connolly du ministère des Transports, suivant copie ci-attachée.
646 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. (3) que la lettre du 5 juin ci-attachée a été suivie par une lettre en date du 7 juin adressée à M. Connolly et qui a été produite dans l'affaire PERSONS comme pièce R-3. Daté à Montréal, ce 24' jour d'avril 1969. En souscription la signature des procureurs de la défenderesse. Une juste appréciation de cette correspondance par le savant avocat-conseil de la Couronne se lit aux pages 33 et 34 des «Notes and Authori-fies» produites: On June 1, 1961 a copy of the mise-en -demeure sent to Persons was forwarded to Defendant. On June 5th receipt thereof was admitted (see «Aveux» forming part of the -records of this case) and on the same date receipt was acknowledged by letter from Defendant to H. J. Connolly, Director Construction Branch, Department of Transport. It is interesting to note the contents of this acknowledgement: "We are contacting our Principal to obtain full particulars about the status of this contract and we will then be pleased to discuss this matter with you". On June 7, 1961 Defendant wrote once again to Plaintiff which communication was produced as Exhibit R-3 in the Persons case and reference to which was made by the Supreme Court of Canada on page 6 of the judgment of that Court. Une double inférence, ci-après incluse, semble effectivement se dégager de la preuve: (cf. page 33) The significance of this correspondence cannot be overlooked. On being advised of the status of the contract the Bonding Company elected to continue the status quo and indicated that its contractor would resume the work. (An assumption thus worded: "and we have been assured he (Persons) will be on this site to resume work on Monday, June 12") (cf. pièce P-4, p. 6). Page 33, seconde ligne du bas, puis à la page 34 des «Notes and Authorities»: Defendant now takes the position it should have been advised earlier. We question how the situation would have been improved thereby, when in the face of the most drastic action possible on the part of the Crown (soit la résiliation du contrat d'entreprise, le 14 juin 1961), the Defendant elected to allow the continuation of its principal without qualification. In short, we submit that this final paint advanced on the part of the Defendant is not borne out by the facts as' proven. The Bonding Company was kept fully informed at all times crucial to the proceedings and knew full well the implication of the notice of June 1st and the proceedings which followed. Yet on the basis of such knowledge it pursued the course of merely allowing its contractor to continue with the work. Joignons que la défenderesse, après le choix d'une telle ligne de con-duite, serait assez mal venue de prétendre qu'on lui aurait indûment refusé la faculté de terminer, de son chef, la construction de l'aéroport. Son attitude abstentionniste ne laissait point présager une semblable intention de sa part. Du chef de l'État, la compagnie Fidelity n'a certes pas été l'objet d'au-cune déception; quand se produisit la phase critique et que les tractations entre le ministère des Transports et Persons tournèrent définitivement à l'aigre, elle fut mise au courant de la situation mieux «qu'en gros», sans, pour autant, mettre fin à son inertie.
648 THE QUEEN v. FIDELITY INSURANCE [1970] Ex.C.R. Toutefois, de à réclamer le plein montant de la clause pénale, c'est peut-être prendre les bouchées doubles. Sur ce point, laissons parler le très habile procureur de la défenderesse, Me de Grandpré, c.r., à la page 20 de son mémoire: Nous soumettons aussi que le bon sens a encore certains droits. En l'espèce, le défaut de l'entrepreneur a entraîné des dommages d'environ $130,000 et la Couronne voudrait tout de même recevoir $230,000. La différence est d'importance, mais elle n'est pas aussi brutale que si le défaut n'avait entraîné que des dommages de $10,000. Dans ce dernier cas, la Couronne prétendrait-elle encore que, pour avoir subi des dommages de $10,000, elle a le droit de recevoir le plein montant du cautionnement, soit $230,000. A cette différence près qu'à mon humble avis nous avons, en l'occurrence, non pas un cautionnement au sens de l'article 1931, mais bien une obligation avec clause pénale de garantie prévue aux articles 1131 et autres de notre Code, pourrait-on concevoir une plus convaincante justification de l'équitable faculté reconnue au tribunal, dans des conditions réali-sées en cette cause, de réduire le montant de la peine «si l'obligation prin-cipale a été exécutée en partie à l'avantage du créancier et que le temps fixé pour l'exécution complète soit de peu d'importance ... » (1135 C.C.) . Par ces motifs, la Cour maintient l'information de Sa Majesté la Reine aux droits du Canada à concurrence du chiffre des dommages-intérêts et frais afférents judiciairement liquidés, soit, pour les premiers, $130,191.27, et pour les seconds, $30,595.55, formant une somme totale de $160,786.82, et ordonne à la compagnie défenderesse de payer à la demanderesse ce montant de $160,786.82, le tout avec les dépens de cette action.
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