[1970] R.C.É. UDELL v. M.R.N. 177 [TRADUCTION] Udell (Appelant) v. Ministre du Revenu national (Intimé) Le Juge Cattanach—Saskatoon, le 28 octobre, Ottawa, le 19 décembre 1969. Impôt sur le revenu—Pénalité pour sous-estimation de revenu—Négligence flagrante d'un comptable professionnel préposé du contribuable Faute non attribuable au contribuable—Interprétation d'un texte pénal—Article 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Un comptable agréé, dont les services avaient été retenus pour établir les déclarations d'impôt sur le revenu d'un fermier, a fait, par négligence flagrante, des erreurs et des omissions dont le fermier n'a pas pris conscience; en consé-quence, la déclaration d'impôt du fermier pour 1962 surestimait considérablement la perte qu'il avait subie au cours de l'année, et sa déclaration pour 1965 sous-estimait ses bénéfices. La perte subie par le fermier en 1962 a été compensée avec son revenu pour 1961 et 1963. On a imposé au fermier des pénalités, en vertu de l'article 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour 1961, 1963 et 1965. L'article 56(2) impose une pénalité à ,c toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances qui équivalent à une négligence flagrante ... , a fait quel-que énoncé ou omission, ou y a participé, consenti ou acquiescé, dans une décla-ration ... » qui ait entraîné une cotisation insuffisante. Jugé: Le fermier n'était pas passible de pénalités en vertu de l'article 56(2). La négligence flagrante du comptable n'était pas attribuable à son commettant, le fermier. S'il existe une interprétation raisonnable d'un texte pénal qui permette d'éviter la pénalité, le tribunal doit adopter cette interprétation. R est raisonnable d'interpréter l'article 56(2) comme impliquant la connaissance et la participation du commettant à l'action ou à l'omission de son préposé. Renvoi: Tuck & Sons v. Priester, (1887) 19 Q.B.D. 629. Également jugé: Le ministre était en droit d'imposer une pénalité en vertu de l'article' 56(2) pour les années d'imposition 1961 et 1963 du fermier, qui sup-portaient l'excédent de pertes déclarées en 1962. APPEL en matière d'impôt sur le revenu. H. M. L. Robertson, pour l'appelant. D. G. H. Bowman et G. I. Rip, pour l'intimé. LE JUGE CATTANACH—Il s'agit, d'un appel en l'espèce, des cotisations d'impôt sur le revenu déterminées par le ministre pour les années d'imposition 1961, 1963 et 1965 de l'appelant. L'appelant est un fermier et habite Viscount (Saskatchewan), où il exploite une ferme de cinq sections trois-quarts. Il y cultive des céréales et fait en outre le commerce du bétail, dans un cadre contractuel. Il m'apparaît s'agir là d'un accord par lequel l'appelant s'engage à élever un nombre déterminé de bestiaux, dont Weiller & Williams Ltd. ont l'exclusivité d'achat. Le produit de la vente de la totalité ou d'une partie de ces bestiaux est compensé avec la dette contractée par l'appelant en vertu d'un contrat de vente sous condition. En substance, donc, Weiller & Williams Ltd. finance le commerce de bétail de l'appelant, et ce dernier exploite un terrain de pâturage. L'appelant fait ses comptes selon ses avoirs en caisse, ce qui lui interdit de considérer le prix total de son contrat d'achat de bétail comme une dépense engagée dans l'année, car cette dépense n'apparaît qu'au moment où sont effectués les paiements en vertu du contrat. 92622-1h
[1970] R.C.É. UDELL v. M.R.N. 179 L'appelant inscrivait toutes ses transactions sur un livre comptable pré-imprimé, publié et distribué par The Western Producer, journal bien connu qui se consacre aux intérêts des fermiers de l'Ouest. Ce livre comptable a été établi à l'usage des exploitants agricoles de l Ouest canadien, mais il est plutôt destiné au calcul des dépenses qu'à la détermination de l'impôt sur le revenu. Je considère l'appelant comme un homme intelligent, et je suis convaincu que, s'il s'était occupé de la question, il aurait produit des déclarations d'impôt sur le revenu exactes. Mais il ne s'est pas cru qualifié pour le faire. Dès le début de l'exploitation de sa ferme, il a retenu les services d'un comptable pour effectuer son travail de comptabilité. Pendant les années. d'imposition visées par le présent jugement, il a recouru aux services de MacKinnon, Repski & Co., un bureau de comptables agréés de Saskatoon (Saskatchewan). La préparation de la déclaration d'impôt sur le revenu de l'appelant a été assurée personnellement par M. MacKinnon, qui jusqu'en 1955, avant d'exercer la profession de comptable, avait été pendant huit ans cotiseur au ministère du Revenu national. A la fin de chacune de ses années d'imposition, l'appelant apportait à M. MacKinnon le livre comptable de la ferme, ainsi que toutes les pièces justificatives et les chèques annulés. Étant donné que le livre comptable de la ferme était destiné à l'inscription des dépenses, le comptable devait préparer ses propres feuilles de travail à partir des renseignements fournis par le livre comptable de la ferme, pour donner une ventilation plus détaillée des différents postes de revenus et de dépenses pour les fins de l'impôt sur le revenu. En transposant ainsi sur sa feuille de travail les renseignements fournis par le livre comptable de la ferme pour 1962, afin de préparer la déclaration d'impôt sur le revenu de l'appelant pour cette année-là, le comptable fit un certain nombre d'erreurs inexplicables et substantielles, en dépit du fait que les renseignements requis sur les différentes transactions aient été scrupu-leusement et exactement inscrits par l'appelant sur le livre comptable de sa ferme avant qu'il soit remis au comptable. Le comptable n'a pas transposé sur sa feuille de travail et n'a donc pas inscrit sur la déclaration d'impôt de l'appelant pour 1962, des ventes de bétail s'élevant à $25,577.25, bien qu'il ait coché ces sommes sur le livre comptable de la ferme pour indiquer qu'il les avait transposées. Pour essayer de se justifier en partie, le comptable a expliqué qu'il avait préparé la déclaration d'impôt sur le revenu de l'appelant juste avant le 22 avril 1963, date de la déclaration (la date limite du dépôt des déclarations étant fixée au 30 avril 1963), que c'était la période où il avait le plus de travail et où il était constamment interrompu et que, selon lui, il aurait oublié d'effectuer la transposition automatique du livre comptable de la ferme sur sa feuille de travail, bien qu'il ait indiqué d'un signe avoir transposé le poste en question. De, plus, dans la déclaration de 1962, le comptable a transcrit du livre comptable de la ferme sur ses documents de travail un poste de $20,000, soit la somme versée pour un achat de bétail, sous la forme de $2,000. Il a oublié un zéro, créant ainsi une différence de $18,000.
[1970] R.C.É. UDELL v. M.R.N. 181 En conséquence, premièrement de l'omission par le comptable, du revenu de $25,577.25 provenant des ventes de bétail, et deuxièmement de l'inscription inexacte d'un poste de $2,000 au lieu de $20,000, l'appelant a déclaré une perte de $12,701.02, alors que la perte réelle n'était que de $5,143.77. L'excédent de $7,577.25 représente la différence entre les sommes de $25,577.25 et $18,000. De ce fait, et à la suite d'autres rectifications apportées par le ministre à la déclaration de 1962 et qui ne sont pas con-testées, le ministre a fait une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1961, de l'appelant, en sousrayant la perte reportée à l'année d'imposition 1961 de l'année d'imposition 1962, et a revisé en conséquence le revenu imposable de l'appelant pour l'année d'imposition 1961. De plus, en vertu de l'article 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, le ministre a infligé à l'appelant une pénalité d'un montant de $240.16, pour l'année d'imposition 1961. En 1963, l'appelant a procédé de la même façon que précédemment. Il a remis à M. MacKinnon le livre de comptes de la ferme, auquel il avait joint les pièces justificatives correspondantes ainsi que les chèques annulés, pour que le comptable puisse établir sa déclaration d'impôt pour 1963. M. MacKinnon a de nouveau transcrit ces renseignements sur ses propres documents de travail. Dans la déclaration de l'appelant de 1963, M. MacKinnon a inscrit trois articles correspondant à des achats de bétail conclus par l'appelant avec Weiller & Williams Ltd. et portés cette année-là sur le livre comptable de la ferme, dont le montant s'élevait à $30,306.51; mais en face de ces trois postes l'appelant avait noté «non déductible—par contrat». M. MacKinnon doutait que de tels postes puissent entrer dans les dépenses de l'appelant pour 1963, mais il les a inclus dans la déclaration d'impôt sur le revenu de l'appelant pour 1963, sans aucune note, lettre explicative ou autre indication, car encore une fois il était pressé par le délai qui expirait le 30 avril. Le comptable a également omis d'inclure quatre paiements effectués par l'appelant pour achats de bétail, d'un montant de $10,718.51. M. MacKinnon a agi ainsi pour éviter une pénalité pour dépôt tardif de la déclaration et aussi parce qu'il voulait recevoir de l'appelant une explication sur ces postes. Il a affirmé avoir téléphoné à l'appelant dans le courant de mai 1964 pour lui demander de se rendre à son bureau, au moment qui lui conviendrait le mieux, afin de discuter de l'affaire. Le comptable a écrit une lettre, en date du 29 juin 1964, au Directeur de l'impôt, immeuble London, à Saskatoon (Saskatchewan), dans laquelle il signalait l'erreur qu'il avait faite dans la déclaration de l'appelant pour 1962, où les achats de bétail auraient dû être de $20,000 au lieu de $2,000. Il n'a pas mentionné avoir oublié, la même année, des ventes le bétail d'un montant de $25,577.25, car à cette époque, il ne s'était pas rendu compte de son oubli. Cet oubli fut découvert plus tard, quand les fonctionnaires du ministère ont examiné en détail les livres comptables de l'appelant. Il avait expressément signalé qu'il fallait déduire la somme de $30,306.51 des achats de bétail effectués par l'appelant en 1963, et qu'en fait l'appelant avait effectué des paiements pour un montant de $10,718.51, qu'il aurait fallu inscrire dans la déclaration, mais qui n'y figuraient pas.
[1970] R.C.É. UDELL v. M.R.N. 18~ Ces erreurs ont entraîné un gonflement des dépenses de l'appelant, d'un montant de $19,588. Cependant, aussitôt informé des erreurs qui s'étaient glissées dans la déclaration de revenu de l'appelant pour 1963, le ministère a apporté les corrections nécessaires et révisé la cotisation de l'appelant en conséquence, sans toutefois imposer la pénalité prévue en pareil cas par l'article 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Comme pour la cotisation de 1961, le ministre n'a pas admis que la perte de $12,701.02 reportée sur la déclaration d'impôt de l'appelant pour 1962 soit considérée comme entièrement déductible du calcul du revenu imposable de l'appelant pour 1963, en vertu de l'article 27(1)e), mais a diminué comme il l'avait précédemment indiqué, la perte déductible en 1962 à raison des omissions précitées. Le ministre a imposé, en vertu de l'article 56(2) de la Loi, des pénalités de $1,645.86 et $456.08 à l'égard de l'impôt sur le revenu de l'appelant pour 1963. Pour sa déclaration de 1965, l'appelant a procédé exactement de la même manière que pour les déclarations de 1961, 1962 et 1963. Il a remis son livre de comptes à son comptable, M. MacKinnon, en lui demandant de préparer sa déclaration d'impôt sur le revenu. Une fois encore, le comptable a oublié de transcrire une vente de blé d'un montant de $2,814.04, portée sur le livre comptable de la ferme de l'appelant. En outre, il a réclamé une allocation de coût en capital dépassant de $1,368.66 le montant autorisé. L'omission du montant de la vente de blé et la demande excessive d'allocation de coût en capital ont eu pour conséquence de diminuer de $4,182.70 le revenu net déclaré pour le compte de l'appelant. Pour l'année d'imposition 1965, le ministre a donc cotisé l'appelant d'après le montant rectifié, et infligé des pénaltés de $212.84 et $48.82, conformément à l'article 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En 1961 et 1963, les déclarations d'impôt sur le revenu de l'appelant ont été signées par M. MacKinnon de la façon suivante: «C. C. Udell, par J. C. MacKinnon». Les déclarations de 1962 et 1965 ont été signées par l'appelant lui-même. M. MacKinnon n'avait pas obtenu de son client l'autorisation préalable de signer les déclarations de 1961 et 1963. Dans un cas comme dans l'autre, il voulait ainsi éviter de dépasser les délais prescrits. Le fait que le comptable n'ait pas obtenu l'autorisation de son client pour signer ses déclarations est pour moi sans importance, car par son attitude et ses actes ultérieurs, l'appelant a ratifié l'initiative de son comptable. Immédiatement après le dépôt des déclarations de 1961 et 1963, le comptable en a envoyé copie à l'appelant pour lecture, vérification et classement. Les déclarations de 1962 et 1965 avaient été examinées et signées par l'appelant lui-même avant d'être déposées, et des copies lui en avaient également été fournies. Pour ce qui est des appels relatifs aux cotisations des années d'imposition 1961 et 1963, l'appelant a déclaré que M. MacKinnon ne l'avait pas averti de la lettre du 29 juin 1964 au Directeur de l'impôt à Saskatoon (Saskatchewan), par laquelle le comptable signalait les erreurs qu'il avait commises dans les déclarations de 1962 et 1963.
[1970] R.C.E. UDELL v. M.R.N. 185 Aucune preuve n'a établi cette affirmation; à mon avis, c'est le contraire qui s'est passé. L'appelant ne se souvenait que très vaguement de l'incident, et naturelle-ment n'a pu témoigner avec certitude. D'autre part, M. MacKinnon a déclaré avoir téléphoné à l'appelant entre mai et juin 1964 pour lui demander de se rendre à son bureau afin de discuter et de clarifier avec lui les postes apparaissant au livre comptable de la ferme et relatifs aux achats de bétail de 1963, d'un montant de $30,306.51. Il est logique de supposer que l'appelant s'est bien rendu au bureau de son comptable pendant ce laps de temps, et qu'il a donné les explications qu'on lui demandait. A ce moment-là, on a discuté aussi de l'erreur de $18,000 dans la déclaration de revenu de 1962 et résultant de la transcription par le comptable d'un poste de $2,000 au lieu de $20,000; mais on n'a pas discuté de l'oubli des ventes de bétail, d'un montant de $25,577.25, pour l'année 1962. Il est également logique de supposer, comme en a témoigné M. MacKinnon, que l'appelant lui a demandé de faire les démarches nécessaires pour faire rectifier les erreurs décelées à cette époque dans les déclarations de 1962 et 1963, en avertissant le Directeur de l'impôt à Saskatoon. Bien que l'appelant n'ait pas vu la lettre du comptable en date du 24 juin 1964, il en avait néanmoins été averti et était au courant de son contenu. L'appelant ne conteste pas les cotisations du ministre, dans lesquelles on a augmenté son revenu imposable à raison des erreurs et omissions qui se sont produites dans ses déclarations d'impôt de 1962, 1963 et 1965. On ne conteste ni le fait que ces erreurs aient été commises, ni que le ministre ait correctement déterminé le montant des erreurs et l'augmentation du revenu imposable. On ne prétend pas davantage que le montant des pénalités infligées par le ministre n'ait pas été correctement calculé. Le seul problème est de savoir si, d'après les faits précédemment établis, le ministre a convenablement calculé les pénalités pour les années qui nous intéressent, conformément aux dispositions de l'article 56(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui précise: 56.... (2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances qui équivalent à de la négligence flagrante dans l'exécution de quelque devoir ou obligation imposée par la présente loi ou sous son régime, a fait quelque énoncé ou omission, ou y a participé, consenti ou acquiescé, dans une déclaration, un certificat, un état ou une réponse, produits ou faits aux termes ou sous le régime des exigences de la présente loi ou d'un règlement, d'où il résulte que l'impôt qui aurait été payable par elle pour une année d'imposition si l'impôt avait été cotisé d'après les renseignements fournis dans la déclaration, le certificat, l'état ou la réponse est inférieur à l'impôt qu'elle doit payer pour l'année, encourt une pénalité de 25% du montant par lequel l'impôt qui aurait été ainsi payable est inférieur à l'impôt qu'elle doit payer pour l'année. En déterminant ainsi les pénalités le ministre a supposé que les erreurs et omissions ci-dessus mentionnées équivalaient, compte tenu des circonstances, à une négligence flagrante faite ou acceptée par l'appelant, et ayant pour effet de réduire l'impôt qu'aurait dû payer ce dernier pour les années 1961, 1963 et 1965 (si la cotisation d'impôt avait été établie sur la base des renseignements fournis dans ces déclarations), par rapport à celui payable en fait par l'appelant pour ces mêmes années.
[1970] R.C.É. UDELL v. M.R.N. 187 L'avocat de l'appelant a soutenu que les erreurs qui ont entraîné le gonflement de la perte alléguée par l'appelant pour l'année d'imposition 1962 s'étaient produites dans la déclaration d'impôt établie pour cette année-là, et que, par conséquent, le ministre ne pouvait imposer de pénalités en vertu de l'article 56(2) pour les années d'imposition 1961 et 1963, car l'erreur ne s'était pas produite dans les déclarations d'impôt de ces années-là. Je ne pense pas que les termes de l'article 56(2) justifient cette prétention. En vertu de l'article 27(1)e), tout contribuable peut, dans le calcul de son revenu imposable pour une année d'imposition et sous réserve des limitations prescrites, déduire de son revenu pour l'année les pertes com-merciales subies pendant les cinq années d'imposition précédentes et pendant l'année d'imposition qui suit immédiatement l'année en question. En raison des erreurs introduites dans sa déclaration d'impôt de 1962, l'appelant avait fait valoir une perte supérieure à celle qu'il avait effective-ment subie cette année-là. En vertu de l'article 27(1)e), l'appelant a demandé à déduire l'intégralité de la perte ainsi déclarée dans le calcul de son revenu imposable pour les années d'imposition 1961 et 1963. Le ministre ne l'a pas autorisé à le faire, mais en cotisant l'appelant pour les années d'imposition 1961 et 1963, il a ramené la perte apparaissant dans la déclara-tion de 1962 à la perte effectivement subie par l'appelant cette année-là, et a considéré que ce montant inférieur était déductible pour les années d'imposition 1961 et 1963. L'article 56(2) prévoit en particulier que si l'impôt payable par le con-tribuable «pour une année d'imposition», à la suite d'«un énoncé» dans «une déclaration» produite, et cotisé d'après les renseignements fournis dans «la déclaration», est inférieur à l'impôt qu'il doit payer pour l'année, le con-tribuable est alors passible d'une pénalité si les autres conditions prévues à cet article sont réunies. L'utilisation prudente de l'article indéfini dans les trois premières expressions mises entre guillemets dans le paragraphe précédent, permet de conclure que l'énoncé inexact peut ne pas être limité à une année d'imposition particulière. Pour ces motifs, je ne peux accepter la prétention de l'avocat de l'appe-lant, d'après laquelle, les erreurs et omissions étant survenues dans la déclaration d'impôt de l'appelant de 1962, les pénalités imposées par le ministre ne peuvent être applicables aux années d'imposition 1961 et 1963. L'argument présenté par l'avocat de l'appelant, selon lequel les pénalités imposées par le ministre ne pouvaient être valablement imposées en vertu de l'article 56(2), consistait à dire, si je l'ai bien compris, que les circon-stances dans lesquelles se sont produites les erreurs et omissions des déclara-tions d'impôt de l'appelant ne contituaient pas une «négligence flagrante» de la part de ce dernier. Il a souligné en particulier que toutes les transactions de l'appelant relatives à la ferme étaient soigneusement et scrupu-leusement portées sur le livre comptable de la ferme. Il n'a jamais essayé de nier ou de cacher aucune de ces transactions. L'appelant avait remis à un comptable agréé professionnel la transcription complète et précise de ses transactions, et lui avait demandé de préparer ses déclarations d'impôt
[1970] R.C.A. UDELL v. M.R.N. 189 sur le revenu. L'appelant estimait qu'il n'avait pas les qualifications et les connaissances requises pour ajuster les chiffres portés sur le livre comptable de la ferme à ceux qu'il fallait porter sur les déclarations d'impôt sur le revenu. Il estimait qu'il s'agissait là d'un travail de comptable et non de fermier. C'est pourquoi il a employé un comptable à cet effet. Par ce fait même, l'appelant, a-t-on prétendu, était disculpé de toute négligence flagrante. Les avocats des deux parties ont admis que les erreurs et omissions dans les déclarations d'impôt de l'appelant avaient été commises par le comptable, et qu'en agissant ainsi ce dernier s'était rendu coupable d'une négligence flagrante. Je souscris volontiers à cette admission. L'avocat du ministre n'a pas insinué que l'appelant avait «sciemment» contribué, participé, consenti ou acquiescé à l'introduction des erreurs et omissions dans ses déclarations d'impôt. Il a cependant laissé entendre que l'appelant s'était rendu personnellement coupable de négligence flagrante, dans la mesure où il n'a pas été frappé par la probabilité d'une erreur, étant donné l'importance de la perte indiquée dans sa déclaration de revenu de 1962; et que, vu les circonstances, il aurait dû s'en rendre compte, avoir quelques soupçons et entreprendre des recherches. L'appelant a expliqué qu'il faisait implicitement confiance à son comp-table et qu'il se reposait entièrement sur lui. Il savait que l'année 1962 n'avait pas été prospère pour lui, et qu'il avait subi une perte, qu'il estimait d'après ses réserves et son relevé de compte en banque à environ $4,000 à $5,000. Il a supposé que la perte d'environ $12,000 reportée dans sa déclaration de revenu de 1962 était attribuable aux locations de coût en capital. D, a également déclaré qu'il n'examinait que très rapidement les déclarations d'impôt sur le revenu que son comptable lui présentait pour approbation. Il a affirmé que si le profit ou la perte apparaissant sur ses déclarations correspondait approximativement à son évaluation personnelle, il acceptait la déclaration préparée par son comptable, sans examiner scrupuleusement les calculs qui l'avaient conduit aux résultats inscrits sur les déclarations d'impôt. Comme je l'indiquais précédemment, j'ai pu observer l'appelant lorsqu'il est venu témoigner; il m'a paru intelligent et parfaitement sincère; et j'ai estimé que l'explication qu'il a donnée pour n'avoir pas douté de l'importance de la perte inscrite sur sa déclaration d'impôt de 1962, était raisonnable. Je n'hésiterai donc pas à accepter son explication sur ce point. Cependant, la question qui se pose est de savoir si la négligence flagrante que constituent les agissements du comptable de l'appelant peut en l'espèce, être attribuée à l'appelant lui-même. L'appelant prétend que non, car les termes de l'article 56(2) prévoient que la négligence flagrante doit être le fait personnel de l'appelant ou avoir été commise avec son consentement. Ceci est le point fondamental de son argumentation. Il précise que l'article s'applique uniquement aux actes de l'appelant lui-même, et absolument pas aux faits de l'espèce, car l'appelant n'avait pas du tout contribué à ladite négligence, n'avait pas autorisé les erreurs et omissions commises par son comptable, et ne les avait pas ratifiées a posteriori, car non seulement il n'en avait pas connaissance, mais il n'avait aucune raison d'en soupçonner l'existence.
[1970] R.C.É. UDELL v. M.R.N. 191 J'examinerai la question ainsi posée en me fondant sur les trois données suivantes: (1) les relations existant entre l'appelant et son comptable étaient celles unissant le commettant à son préposé; (2) l'omission et les erreurs du comptable dans l'établissement des déclara-tions d'impôt de l'appelant constituaient une négligence flagrante de la part du comptable; et (3) l'appelant n'avait pas connaissance des erreurs et omissions commises par le comptable. En général, on n'est pas personnellement responsable des infractions de nature pénale commises par son préposé; mais la règle n'est pas absolue. Un commettant peut être tenu pénalement responsable par une loi de l'action ou de l'omission de son préposé. La question de savoir si l'appelant a été soumis à juste titre aux pénalités dépend donc de l'interprétation de l'article 56(2). Cet article envisage-t-il de rendre un contribuable personnellement responsable de la négligence flagrante de son préposé, pour omission ou énoncé d'une donnée dans une déclaration? Il est clair, d'après les termes de l'article, que la pénalité doit être imposée, si les circonstances prévues sont réunies, au contribuable, et non à la personne qui a fait l'énoncé ou l'omission pour le compte du contribuable. La personne passible de pénalité est celle qui doit payer l'impôt. Par conséquent, en l'espèce, la personne passible de pénalité est l'appelant et non son préposé, le comptable. Il est concevable que l'appelant puisse avoir une cause d'action contre le comptable pour toute perte due à la préparation des déclarations, mais cela ne nous concerne pas dans la présente instance. Il ne fait aucun doute que l'article 56(2) ne soit un article pénal. Pour interpréter un texte pénal, il faut se référer à la jurisprudence incontestable établie par lord Esher dans l'affaire Tuck & Sons v. Priesterl, où il précise que si l'on peut donner aux termes d'un article pénal deux interprétations, l'une infligeant la pénalité et l'autre l'écartant, celle-ci doit prévaloir; il déclare en effet, à la page 638: )1 faut interpréter cet article avec précaution, car il inflige une pénalité. S'il existe une interprétation raisonnable qui permette, dans un cas donné, d'éviter la pénalité, il faut l'adopter. Il serait utile de reproduire ici les termes pertinents de l'article 56(2). Il y est déclaré que «toute personne» (ce qui signifie le contribuable) «qui sciemment» (j'ai conclu que l'appelant n'avait pas eu connaissance des erreurs et omissions faites par son comptable) «ou dans des circonstances qui équivalent à de la négligence flagrante . . . a fait quelque énoncé ou omission, ou y a participé, consenti ou acquiescé, ... encourt une pénalité ...». Les circonstances de l'espèce, telles que j'ai pu les constater, ne constituent pas une négligence flagrante et personnelle de la part de l'appelant, pour les motifs que j'ai soulignés précédemment. 1 (1887) 19 Q.B.D. 629. 92622-2
[19701 R.C.É. UDELL v. M.R.N. 193 En conséquence, reste la question de savoir si l'article 56(2) considère que la négligence flagrante du préposé de l'appelant, en l'occurence le comptable professionnel, peut être attribuée à l'appelant lui-même. Chacun des verbes de l'article «a participé, consenti, ou acquiescé» implique un élément de connaissance de la part du commettant, ou avec le consentement tacite de ce dernier. L'autre verbe utilisé dans l'article 56(2) est «a fait». La question est par conséquent de savoir si les principes régissant ordinaire-ment les rapports entre commettants et préposés vont s'appliquer, c'est à dire que ce que l'on fait faire par un préposé revient à ce que l'on fait soi-même, et que le commettant est ainsi responsable des actes de son préposé, lorsque celui-ci prétend agir dans l'exercice de ses fonctions, même en l'absence d'ordre exprès ou de consentement de la part du commettant. A mon avis, l'utilisation du terme «a fait», dans ce contexte, implique aussi une connaissance délibérée et intentionnelle de l'employeur quant à l'acte fait; or, ce n'était pas le cas, d'après les circonstances de l'espèce. L'appelant n'a pas été complice de la négligence flagrante de son comptable. Il s'agit sûrement là d'une interprétation raisonnable. Il est de règle, à mon avis, que lorsqu'il existe, pour l'imposition d'une taxe ou d'un droit, et a fortiori d'une pénalité, un doute raisonnablement fondé, il faut interpréter la loi de façon à donner à la partie visée le bénéfice du doute. En conséquence, il est fait droit à ces appels, avec dépens.
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