[1970] R.C.A. GAGNON v. LA REINE 715 [TRADUCTION] Gagnon (Requérant) v. La Reine (Intimée) Le Juge Noël—Québec, les 2 et 3 juin; Ottawa, le 9 septembre 1970. Couronne Pétition de droit—Accident—Explosion—Déflagration sonique—Avion amé-ricain en séjour ou en transit au Canada—Loi sur les Forces présentes au Canada, S.R.C. 1952, c. 284—Loi de 1954 sur les Forces canadiennes, S. du C. 1953-54, c. 13, art. 17—Présomption—Responsabilité de la Couronne—Fardeau de la preuve—Compétence de la Cour—Arbitrage prévu par l'art. 19 de la Loi sur les Forces présentes au Canada—Règles 92, 93 et 94 de la Cour relatives aux plaidoiries écrites Moyen non soulevé dans défense d l'action. Alors que le requérant se dirigeait en motocyclette sur une route dans la province de Québec, il fut soudainement renversé et projeté à terre à la suite d'une forte explosion. Alléguant que cette explosion était une déflagration sonique produite par un avion, propriété de la Couronne, ou par un avion étranger en survol du territoire canadien, le requérant a poursuivi la Couronne pour les dommages qu'il aurait subis par suite de cet accident dont la Couronne, dit-il, serait responsable par suite de la faute, négligence et incurie du pilote de cet avion. La preuve a cependant révélé qu'à la date de l'accident, deux intercepteurs militaires américains effectuaient des exercices autorisés dans les parages du lieu de l'accident. Bien que ce moyen n'ait pas été soulevé dans sa défense à l'action, la Couronne a, au cours de l'audition de la cause, soutenu qu'en vertu de la Loi sur les Forces présentes au Canada, S.R.C. 1952, c. 284, art. 19, un tribunal saisi d'un litige dirigé contre la Couronne, basé sur l'art. 16 de cette Loi n'a pas la compétence pour décider si le membre d'une Force en séjour ou en transit, auteur de la faute, a commis cette faute dans les limites de ses fonctions ou de son emploi, et que cette question doit obligatoirement être tranchée par un arbitre. Jugé: En matière de causalité, la certitude n'est pas requise et une prépon-dérance de preuve est suffisante. Les circonstances établies dans l'espèce sont suffisantes pour permettre l'inférence raisonnable que c'est seulement l'un ou l'autre de ces deux intercepteurs américains, appartenant aux Forces Armées des États-Unis et circulant en vol autorisé assez près du lieu de l'accident, qui ait causé d'accident. (Cf. Trib. gr. inst. Bressuire, 17 octobre 1967; D.S. 1967, 667). (2) L'article 17 de la Loi de 1954 sur les Forces canadiennes S. du C. 1953-54, c. 13, amendant l'article 16 de la Loi sur les Forces présentes au Canada, S.R.C. 1952, c. 284, ne crée pas une présomption à l'effet qu'un membre d'une Force en séjour ou en transit au Canada, qui y aurait commis un acte préjudiciable a par ce fait, agi dans les limites de ses fonctions car il est toujours possible qu'un membre ne fût pas, en ce moment, en devoir. La présomption n'existe que lorsque l'on établit que le membre d'une Force en séjour a agi dans les limites de ses fonctions et ce n'est qu'à ce moment que son acte pré-judiciable sera réputé avoir été commis par un préposé de la Couronne, agissant lui-même dans ses fonctions. Il s'agit là d'un élément essentiel à la responsabilité de la Couronne que le requérant avait le fardeau de prouver et qu'il a établi. (3) De plus, l'infraction commise par le pilote de l'un des avions en volant, comme il l'a fait, en bas de 30,000 pieds et au-dessus d'une agglomération de maisons à l'encontre des règlements statutaires adoptés dans le but d'assurer la protection et la sécurité des gens et des constructions, crée une présomption de responsabilité qui n'a pas été détruite par la Couronne. (Cf. Sterling Trusts Corp. v. Postma [1965] R.C.S. 324 à la p. 329). (4) L'arbitrage prévu à l'article 19 de la Loi n'est pas restreint qu'à des réclamations entre des États signataires.
119701 R.C.E. GAGNON v. LA REINE 717 (5) Si, d'autre part, la Couronne ne plaide pas selon la manière fixée par les Règles 92, 93 et 94 de la Cour relatives aux plaidoiries écrites, et ne plaide pas qu'elle a en fait procédé de la façon prévue à la Loi pour soumettre la question à un arbitre et a établi qu'elle a obtenu une décision arbitrale, la Cour ne doit-elle pas assumer ou accepter que la question à déterminer en vertu de l'article ne s'est jamais soulevée. PÉTITION de droit. Robert Cliche pour le requérant. Gaspard Côté et Alain Nadon pour l'intimée. LE JUGE NOËL—Le requérant, un journalier, réclame de la Couronne des dommages-intérêts au montant de $46,223.50, qu'il a bien voulu réduire à la somme de $9,500, et que l'intimée a acceptée comme devant lui être allouée pour tous les chefs de dommages réclamés au cas où sa pétition de droit serait déclarée bien fondée. Il prétend avoir subi ces dommages dans les circonstances ci-après relatées. Le 18 août 1961, il se dirigeait sur une motocyclette sur une route allant de Ste-Justine à Ste-Camille, dans le comté de Dorchester, P.Q., lorsque soudainement il se produisit une forte explosion qui le renversa de sa moto, le projeta à terre, lui occasionnant ainsi des blessures graves. L'explosion qui causa l'accident, selon le requérant, était une déflagration sonique produite par un avion, propriété de la Couronne, ou, ajoute-t-il, par un avion étranger en survol du territoire canadien. Le requérant soutient que l'intimée serait responsable de cet accident parce qu'il serait dû à la faute, négligence et incurie du pilote de cet avion qui n'aurait pas suivi les règle-ments et aurait été de plus imprudent dans la conduite de son appareil. L'intimée, d'autre part, nie les allégués de la pétition de droit et allègue qu'aucun aéronef militaire appartenant à Sa Majesté ou piloté par un ou des membres des forces aériennes de Sa Majesté n'a survolé, à la date mentionnée par le requérant, la région où se serait produit l'accident. Elle soutient de plus qu'aucun aéronef militaire appartenant à une force en séjour ou en transit au Canada, aux termes de la Loi sur les forces présentes au Canada ou piloté par un ou des membres d'une telle force, n'a survolé, à la date mentionnée par le requérant, la région où se serait produit l'accident. Aucune déflagration sonique, ajoute-t-elle, en territoire canadien qui puisse être attri-buable soit à un aéronef militaire canadien qui ait été piloté par un ou des membres des forces aériennes canadiennes ou soit par ceux d'une force en séjour ou en transit au Canada, ne s'est produite à la date et dans la région mentionnées par le requérant dans sa pétition de droit. L'intimée allègue de plus que si une déflagration sonique a été perçue dans la région et à la date mentionnées par le requérant, une telle déflagration n'a pas été provoquée en territoire canadien et Sa Majesté ne peut en être tenue responsable. De toute façon, dit-elle, si une telle déflagration sonique s'est produite, elle n'a pas et n'a pu causer l'accident du requérant et que si ce dernier a été réellement
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 719 renversé de sa motocyclette et projeté à terre, cet accident fut causé unique-ment par la faute, imprudence et négligence du requérant notamment parce que a) fi conduisait sa motocyclette à une vitesse à la fois dangereuse et excessive; b) il n'apportait pas toute l'attention et la vigilance requises à la con-duite de sa motocyclette; c) il n'avait pas le contrôle absolu de sa motocyclette; d) il a omis de prendre les précautions appropriées pour sa propre sécurité. Le requérant Gagnon, maintenant domicilié au Connecticut, aux États-Unis, témoigna longuement sur les circonstances qui entourèrent le dérapage de sa motocyclette. En 1961, Gagnon demeurait chez son beau-père à deux milles de Ste-Justine et à deux milles et demi de Ste-Sabine, dans le comté de Dorchester, P.Q. Il était à ce moment propriétaire d'une motocyclette de marque Indian qu'il avait achetée trois jours avant l'accident. Il avait déjà, dit-il, eu deux autres motocyclettes et connaissait bien ces véhicules. En effet, il avait déjà antérieurement parcouru entre 25,000 et 30,000 milles en motocyclette. Il eut de la difficulté ce jour-là à faire partir sa moto et a dû, avec l'aide de son beau-père, la pousser. Avant ce départ, il déclare qu'une forte détonation se fit entendre, qu'il décrit comme plus fort que le tonnerre, ressemblant à l'explosion de dynamite, et qui a fait frémir la terre. Il n'était pas, cependant, monté sur sa moto à ce moment. Il se dirigea ensuite vers Ste-Justine mais avant d'atteindre le village, il est revenu en direction de Ste-Sabine. La route, dit-il, était en asphalte et droite sur une distance de quatre milles. 11 y a, dit-il, des côtes mais pas de courbes. Il circulait au centre du côté droit du chemin à une vitesse de 45 à 50 milles à l'heure, lorsque atteignant le faîte d'une petite côte, il se produisit, dit-il, une explosion terrible. Il déclare qu'il pensa à ce moment que les deux pneus de sa moto avaient éclaté en môme temps. Une vérification de ses pneus par la suite révéla cependant qu'ils étaient en bon état. «J'ai» dit-il «fait un tour sur la moto, la roue d'arrière a tourné vers le fossé du côté gauche. J'ai atterri sur les tubes de mon bicycle qui protègent les jambes. J'ai fait un tour complet en l'air et suis tombé sur le côté gauche, sur l'asphalte. J'ai glissé, j'ai perdu de la vitesse, je suis resté sur l'asphalte, sur le côté, sur mes genoux. J'ai frappé le poteau de la boîte à malle plutôt que d'aller dans la clôture. J'ai dévié et suis allé dans le fossé, la moto a continué à rouler jusque dans la cour de M. Giroux, la bicyclette glissait sur ses tubes.» Il déclare qu'il n'a pas perdu connaissance mais il n'a pu, dit-il, regarder en l'air. Le deuxième bruit, celui qui l'aurait fait tomber de sa moto, ressemblait au premier bruit qu'il avait entendu avant de partir vers Ste-Justine. Il était, cependant, ajoute- -iil, beaucoup plus proche. Madame Giroux vint à son aide et le secourut, car il avait la jambe droite cassée, soit une fracture ouverte, près de la jointure de la hanche. Traîné sur l'asphalte, il fut aussi brûlé 'au troisième degré jusqu'au coude. Gagnon, dans un langage un peu confus, déclare qu'au moment de l'explosion et de l'accident «c'est le bruit et c'est comme si quel-qu'un m'avait poussé qui m'a décontrôlé—cela m'a poussé, les vibrations et chocs ont été si forts, on aurait dit l'engourdissement».
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 721 En contre-examen Gagnon précise qu'au sommet de la côte «il a entendu un deuxième bruit—Il m'a paru très fort comme 10 boîtes de dynamite sous les pieds, ma réaction était de me watcher où j'allais, watcher ma figure. J'ai passé sous mon moto sans toucher à l'asphalte». Une motocyclette, dit-il, est conduite avec tout le corps et «avec une poussée on peut le contrôler». Quant à l'effet de l'explosion sur lui, il le décrit comme suit: «J'ai senti de mon côté droit, cela s'est fait comme une vibration qui a passé presque à la longueur du corps». Il admet que lorsqu'il fut interrogé à Québec quelques jours après l'accident, il a déclaré avoir paralysé sur sa moto mais maintient que l'explosion lui fit subir un frisson. Il répète ensuite, en réponse à une question du procureur de l'intimée «qu'il est resté paralysé du bruit. Je n'ai pas mis les freins même après l'explosion. J'étais parti sur les airs. Je suis resté paralysé les deux mains sur le guidon. J'ai été, ajoute-t-il, effrayé au moment de l'accident, le bruit m'est resté pendant une gnin7aine de jours sans que je puisse dormir, j'avais le choc du bruit». Il déclare enfin que le bruit de l'explosion qu'il a entendu immé-diatement avant l'accident est semblable aux bruits d'avions qu'il a entendus une couple de fois au-dessus du Maine en forêt, où il travaillait. [Ici le Juge analyse sommairement le témoignage de ces témoins qui ont entendu l'explosion et continue:] Si l'on s'en tient à la version du requérant, ainsi qu'au témoignage de ceux qui ont entendu les conflagrations soniques, l'accident du requérant aurait été causé par la détonation qui a suivi le passage de l'un des avions qui sillonnaient le ciel autour des paroisses de Ste-Germaine, Ste-Justine et Ste-Sabine le 18 août 1961. Le requérant prétend qu'il a été comme poussé par le déplacement d'air produit par la détonation sonique et l'intimée soutient qu'il n'est pas possible qu'il en soit ainsi parce que la pression d'air provoquée par un boom sonique sur un cavalier monté sur une moto-cyclette ne serait pas suffisante pour l'affecter. M. A. Laviolette, ingénieur en aéronautique, témoin expert de l'intimée, explique comment se produit le «bang» supersonique. Un avion, dit-il, volant à une vitesse supérieure au son produit deux vagues, l'une venant de l'avant et l'autre de l'arrière. Ces deux vagues de chocs se propagent dans l'atmosphère, atteignent le sol obliquement et rebondissent. Le bang super-sonique doit son origine à un phénomène d'accumulation des perturbations de pression dans le voisinage de l'appareil volant à une vitesse supersonique. Le phénomène d'accumulation des perturbations prend la forme géométrique de deux cônes de révolutions qui ont leur axe parallèle au sol et la source du bruit à leur sommet. Ces deux cônes coupent le sol et tracent une nappe de pression en forme de «C». Par rapport au sol, la nappe de pression se déplace le long de la trajectoire de l'avion et à la même vitesse. Cette nappe de chocs produit une distribution de pression au sol. L'onde de chocs ayant produit une pression plus grande que la pression atmosphérique et celle de l'arrière est plus faible. Cette distribution de pression au sol devient à l'oreille une double explosion mais l'explosion que produit un avion de choc à 1,500 milles à l'heure devient à l'oreille une seule explosion comme celle du tonnerre de près. Laviolette déclare que la surpression et les dimensions de la nappe de chocs produites par un avion supersonique
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 723 sont reliées au poids de l'appareil, à son volume, à sa longueur, à sa vitesse et en particulier à son altitude. La surpression est maximum en dessous de la trajectoire au centre du «C» et s'en va en diminuant vers zéro de chaque côté de la trajectoire. La surpression maximum d'un bombardier à 10,000 pieds d'altitude en dessous, de sa trajectoire est de 5 livres par pied carré. A 30,000 pieds d'altitude, la surpression est d'environ une livre par pied carré. Les mesures de surpression données, cependant, ne tiennent pas compte des effets provoqués par les manoeuvres de l'avion. Il peut, déclare Laviolette, y avoir, durant une manoeuvre, un virage, ou encore durant l'accélération de l'appareil, un phénomène de focalisation des ondes de chocs au sol qui peuvent produire des surpressions supé-rieures. Il y a aussi, ajoute-t-il, les effets de l'atmosphère, de la «météo» et de la topographie du terrain et ces effets peuvent doubler la surpression. Laviolette est d'avis que la surpression créée par les deux avions superso-niques volant à 10,000 pieds d'altitude dépasse de très peu celle que produit le tonnerre de près. A une altitude de 30,000 pieds, la surpression est inférieure à celle du tonnerre de près. Il est d'avis que c'est peu probable que la surpression de 5 livres par pied carré produite par l'avion volant à 10,000 pieds ait projeté Gagnon de sa motocyclette. Une pression de 5 livres, dit-il, est produite par le vent sur une motocyclette roulant à 50 milles à l'heure et d'après la description de l'accident, l'avion se dirigeant dans le même sens que la motocyclette, la surpression créée par l'onde de choc aurait simplement annulé celle du vent de face sur le conducteur. Il admet cependant qu'il n'a pas tenu compte des effets psychologiques et médicaux que le «bang» sonique peut avoir sur une personne. En contre-examen, le procureur du requérant lui demanda s'il pouvait jurer qu'une moto en marche ne serait pas affectée par la pression provoquée par un «bang» sonique et il répondit que cela dépendait de la surpression et qu'il était difficile de répondre à cette question. Il déclara finalement qu'il exclurait la pression comme pouvant affecter le conducteur d'une moto mais qu'il ajouterait l'effet de la surprise que provoque une détonation sonique sur un conducteur d'autant plus qu'on ne s'y attend guère et qu'on ne peut parfois voir ou entendre l'avion qu'après que le boom se soit produit. Paul-André Roy, ingénieur physicien, directeur d'Investigation Technique de Québec Ltée fut aussi entendu comme expert mais cette fois par le requérant. La grandeur de la surpression causée par l'onde de choc, lorsqu'elle touche le sol ou plutôt par les deux ondes de choc (la première étant une zone de surpression et la seconde une zone de dépression, selon Roy) est fonction de différents facteurs, tels que la forme, la vitesse et l'altitude de l'avion et l'état de l'atmosphère. Le facteur principal, selon lui, affectant l'intensité de l'énergie contenue dans l'onde de choc est l'altitude de l'avion. Dans tous les cas, dit-il, la durée de la zone de surpression est d'environ 0.1 seconde et ajoute-t-il, il en est de même pour la durée de la zone de dépres-sion. Il appelle la valeur maximum de surpression le saut de pression. Comme la grandeur du saut de pression au sol est inversement proportion-nelle à l'altitude, plus l'avion est près du sol, plus la surpression est grande. Il expliqua que l'onde de choc est une zone de pression très énergétique et qu'elle peut causer certains effets au sol. Ces effets sont un effet sonore, un effet de vibration et un effet de pression. Il déclare que si l'avion est à 93532-11
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 725 basse altitude, le bruit sonique peut être très intense et être supérieur à 120 décibels, qui est le seuil de la douleur en audition et qu'un bruit intense peut occasionner une douleur telle qu'il y ait momentanément perte d'équi-libre. Cet effet, ajoute-tom, est amplifié par la surprise car l'onde de choc voyageant moins vite que l'avion fait en sorte qu'un observateur voit l'avion passer au-dessus de lui sans entendre de bruit. N'étant pas averti à l'avance, cette onde de chocs produit un effet de bruit qui, combiné avec l'effet de la surprise, peut occasionner un changement brutal dans la nature du mouve-ment d'un individu. Certaines fréquences contenues dans l'onde de chocs occasionnent, selon Roy, une vibration des objets que l'onde frappe et il peut se produire alors un phénomène de résonance, phénomène qui peut, à l'occasion, briser des vitres et détériorer des murs ou des planchers. Il y a, enfin, dit-il, un phénomène possible de pression ou de poussée statique si l'onde de chocs frappe un objet. 11 faut, cependant, que l'objet frappé ait une surface efficace assez grande, telle qu'un mur plein ou un édifice fermé de sorte qu'il y ait une différence de pression entre l'extérieur et l'intérieur de l'édifice. L'onde se déplace très vite (750 m.p.h. environ) et dure peu longtemps (0.1 sec. environ). Il admet que si l'onde de chocs frappe un objet de surface faible, tel qu'un homme, ce dernier étant entouré de sur-pression, cela donne un effet dynamique nul. L'impulsion, explique-t-il, donnée par la première onde est très faible parce que l'air glisse autour de l'objet et la pression est presque uniforme autour de lui, même si elle est un peu plus grande du côté d'où vient l'onde. De plus, la deuxième onde de chocs qui est une zone de dépression, annule presqu'aussitôt l'effet de la première. Il est par conséquent lui aussi d'avis que la pression statique n'a pu avoir d'effet sur une motocyclette, mais déclare qu'on ne doit pas négliger la possibilité qu'un boom sonique puisse dépasser 120 décibels et cela peut être douloureux à l'oreille. De plus, ce phénomène sonore peut être amplifié par un effet de surprise de l'observateur qui ne relie pas immédiatement le bruit entendu à l'avion. Il se peut que dans ces circonstances, le conducteur sursaute et pour un conducteur de motocyclette en mouvement, cela peut entraîner un changement dans sa conduite et une perte d'équilibre qui lui fassent perdre le contrôle de son véhicule. Il ne semble pas y avoir conflit entre les experts sur l'effet que peut avoir un «boom» sonique sur une personne et plus particulièrement sur le con-ducteur d'une motocyclette en marche. L'on s'entend en effet pour dire que la pression statique n'a pu avoir d'effet important sur le requérant au moment de l'accident. Il semble, cependant, d'autre part, qu'il a pu être affecté par l'effet de la surprise ou de la douleur provoquées par le bruit extrêmement fort décrit par ceux qui l'ont entendu et par le requérant lui-même. Si ce bruit causé, comme nous l'avons vu, par un avion volant à basse altitude (car il fallait que cet avion, pour être vu et décrit comme il l'a été par les témoins, vole à une altitude inférieure à 30,000 pieds) et' par conséquent enfreignant les règlements prévus à la pièce D-2 qui défendent le vol à une vitesse super-sonique dans les 25 milles d'une agglomération de bâtiments ou en bas de 30,000 pieds, a été la cause de l'accident du requérant, il me faut déclarer que ce dernier a droit au remède réclamé à condition, bien entendu, qu'il ait établi que cette déflagration sonique ait été provoquée par un avion de l'intimée ou un avion pour lequel cette dernière serait responsable. Le 93532-11h
[1970] R.C.A. GAGNON v. LA REINE 727 requérant le soutient. Il prétend en effet avoir relié l'avion, ou les avions qui ont provoqué le «boom» sonique à deux aviois américains appartenant à un pays étant partie à une convention entre les États parties au Traité de l'Atlantique Nord et contenue au chapitre 284 S.R.C. 1952 intitulé Loi sur les forces présentes au Canada. L'article 16 de cette loi, depuis 1954 rem-placé par l'article 17 de la Loi de 1954 sur les forces canadiennes, chapitre 13 des Statuts du Canada 1953-54, déclare que: a) un acte préjudiciable commis par un membre d'une force en séjour ou en transit, agissant dans les limites de ses fonctions ou de son emploi, est réputé avoir été commis par un préposé de la Couronne pendant qu'il agissait dans les limites de ses fonctions ou de son emploi et c) un véhicule à moteur militaire d'une force en séjour ou en transit est réputé appartenir à la Couronne. Par le jeu de l'article 3(1) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne qui déclare, entre autres, que la Couronne est civilement responsable pour tout acte préjudiciable commis par l'un de ses préposés, le requérant veut rendre responsable l'intimée pour le fait des pilotes des avions militaires américains comme si ces derniers étaient ses employés. C'est en effet par le truchement d'une présomption de droit voulant que l'acte préjudiciable commis par une personne agissant dans les limites de ses fonctions ou de son emploi soit réputé avoir été commis par un préposé de la Couronne agissant dans les limites de ses fonctions ou de son emploi que le requérant veut rejoindre l'intimée. Il faut donc pour ce faire, selon l'intimée, que le requérant établisse non seulement que l'avion ou les avions responsables du dommage réclamé étaient des avions appartenant à un membre du Traité de l'Atlantique Nord et qu'ils étaient en séjour ou en transit au Canada, mais aussi que le ou les pilotes de ces avions étaient, à ce moment, dans l'exécution de leurs fonctions. Le procureur de l'intimée soutient, en effet, et je crois à bon droit, que l'article 17(a) ne crée pas une présomption qu'un membre d'une force en séjour ou en transit qui commet un acte préjudiciable, agit toujours dans les limites de ses fonctions. Ce n'est, en effet, que lorsqu'un membre d'une force en séjour ou en transit a agi dans les limites de ses fonctions que son acte préjudiciable sera réputé avoir été commis par un préposé de la Couronne agissant lui-même dans ses fonctions. Le procureur du requérant, d'autre part, soutient qu'il a établi que (a) l'avion ou les avions responsables de la déflagration sonique appartenaient à un membre d'une force en transit au Canada et que (b) le ou les pilotes agissaient à ce moment dans les limites de leur devoir ou emploi. C'est sur-tout par l'examen au préalable de Robert L. Martin que le requérant prétend avoir établi cette preuve. Martin est un officier des forces armées, il est l'ad-joint au juge-avocat à Québec. Il déclare qu'il a pris connaissance du dossier que le ministère de la Défense nationale a préparé à Ottawa et qui couvre pré-cisément la journée du 18 août 1961, le jour de l'accident. Le Ministère, dit-il, n'avait aucun relevé de vols d'avions canadiens le 18 août 1961 au-dessus du comté de Beauce ou district. Il n'y avait, dit-il, que des avions Sabres canadiens de marque F86 MKW pouvant voler supersonique et ils étaient à Chatham, N.B. en 1961, mais ces avions ne pouvaient voler supersonique
[1970] R.C.A., GAGNON v. LA REINE 729 qu'en volant à une altitude de 30,000 pieds et qu'en descente en piqué. De plus, la distance entre Chatham et Ste-Justine est trop grande pour que ces avions aient pu venir faire, au-dessus du territoire de Ste-Justine, des vols supersoniques et retourner à leur base. Il déclara aussi qu'il n'y a aucune indication émanant de St-Sylvestre qu'il y ait eu, le 18 août 1961, présence d'avions dans le secteur de Ste-Justine. La base de radar de St-Sylvestre pouvait, d'après ce témoin, couvrir un rayon de 80 milles, et Ste-Justine est située à environ 60 milles de St-Sylvestre. Il déclara d'autre part que les stations de radar américaines, Carswell, Charlestown et St. Albans ont un certain contrôle dans ce secteur, et que le vol de deux avions supersoniques fut signalé le jour de l'accident dans une région très voisine du secteur de Ste-Justine. Il y avait, en effet, dans l'avant-midi du 18 août 1961, deux avions américains qui circulaient l'un près de Millinocket, Maine, et un autre dans le secteur de Presqu'isle, Maine. Ces deux endroits sont situés à une distance d'environ 300 milles de Ste-Justine mais les exercices de ces avions les entraînaient parfois assez près de la région de Ste-Justine. Martin déclara qu'à l'époque de l'accident, il existait en effet une zone d'exercices dans cette région pour des avions affectés à la défense nord-américaine en vertu des ententes NORAD. Il confirma que les avions qui volent supersoniques doivent le faire à 30,000 pieds quand c'est au-dessus de la terre et à une distance qui ne doit pas être dans les 25 milles d'une agglomération de bâti-ments et à 10,000 pieds quand c'est au-dessus de l'eau. Le témoin admet qu'il y avait tout près de St-Sylvestre des exercices d'avions à certains intervalles et les avions qui faisaient des exercices dans le secteur de St-Sylvestre pro-venaient de la base américaine de Burlington. Il répondit en effet comme suit aux questions qui lui furent posées: Q. Est-ce que ces avions, à un moment donné ou à un autre, survolaient le territoire canadien, dans le cours de leurs exercices? R. Je pense que la réponse est oui. Q. Est-ce qu'il y avait une entente Canada-États-Unis relativement à ces survols ou si ces survols du territoire canadien étaient faits suivant le plan de défense connu sous le nom de NORAD?' R. C'est ça, c'est le plan de défense global de l'Amérique du Nord. Q. Ces incursions se seraient situées dans quel territoire? R. Vous voulez dire au Québec? Q. Au Québec. R. Nouveau-Brunswick. Q. Au Québec et plus particulièrement est-ce que les incursions de ces avions auraient pu se situer dans la région de Ste-Justine? R. Pendant ces périodes d'entraînement? Q. Oui, pendant ces périodes d'entraînement. R. Oui. Martin déclara ensuite que le dossier indiquait que les américains avaient, en 1961, des F-89, des F-102, des F-101 et qu'ils sont tous des avions pouvant voler à une vitesse supersonique. Il admit que les exercices en vertu des ententes de la défense nord-américaine pouvaient chevaucher tant en territoire canadien qu'en territoire américain. 1 I1 est clair que les parties se réfèrent au Traité de l'Atlantique Nord et non à NORAD puisque le débat de part et d'autre ne s'est fait exclusivement que sur le chapitre 284 des Statuts Revisés du Canada 1952.
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 731 Martin témoigna ensuite à l'enquête et déclara que le département fut informé de la présence, le jour de l'accident, de deux avions susceptibles de vols supersoniques dans la section de Presqu'isle avec limite à l'ouest jusqu'à Eagle Lake et ensuite à Millinocket dans le secteur de Grenville, Maine. Il déclara que la distance entre Eagle Lake et le lieu de l'accident n'est que de 50 milles et de Moosehead Lake à l'endroit de l'accident, il n'y a que 65 à 70 milles. Les quartiers généraux de St-Hubert (MNRHQ) transmirent aux quartiers généraux (Canair Hed) en date du 2 octobre 1962, le message suivant: Your As0533 26 Sep PD ALL Available MNR Records Slash logs for the period have been reviewed PD the only entries that might be remotely associated with incident received from St Sylvestre PD summarizing CLN two flights of USAF interceptors were conducting training exercises under St Sylvestre control during period under Review PD no requests for supersonic flight are entered in Log Also no reported sonic booms PD Paren this info must be logged if they occur PD Paren flight were in vicinity of Presque Isle with west limit as Eagle Lake PD other aircraft in Millinocket Dash Grenville area. (Les italiques sont de moi.) Le témoin admet que le message veut dire qu'il y a eu deux avions qui effectuaient des exercices le matin de l'accident et qu'ils étaient sous le contrôle de St-Sylvestre et qu'il n'y a pas eu de rapport du public ou des aviateurs qu'il y avait eu des «booms» soniques. Ronald Pratt, aviateur navigateur, témoin de l'intimée, dit qu'il était en fonctions à St-Sylvestre en 1961 mais qu'il n'y était pas en août 1961. Il déclare que normalement un intercepteur de combat demande la permission de voler à une vitesse supersonique. Il admet que de temps en temps la station de St-Sylvestre contrôlait des avions américains: Ce témoin dit que le rayon effectif de contrôle par radar de la station de St-Sylvestre était de, 200 milles et que le secteur de Ste-Justine était dans le rayon effectif de la station. Quant à l'information reçue de St-Hubert concernant la présence de deux avions américains dans les parages de Ste-Justine il répond comme suit aux questions qui lui sont posées: Q. On the basis of information on P-3, can you say the two aircrafts were always under control of St. Sylvestre? A. It appears that way. Le témoin admet qu'un avion avait volé à une vitesse supersonique sans permission une fois à sa connaissance et que Ste-Sabine et Ste-Camille étaient des régions habitées. Il admet aussi qu'il est possible qu'un avion ait décollé sans enregistrer de plan de vol au Canada ou aux États-Unis. Cet avion n'aurait pas, dit-il, passé inaperçu par la station de radar mais il ne serait pas enregistré. Il déclara en contre-examen que si le 18 août 1961 deux intercepteurs effectuaient des exercices au-dessus de St-Sylvestre, ils devaient être enre-gistrés dans le livre de bord à St-Sylvestre. Malheureusement, cependant, tel que le déclara un des procureurs de l'intimée, le livre de bord ou les dossiers de St-Sylvestre furent détruits quelques mois après l'accident et on ne peut maintenant vérifier les entrées contenues dans ce livre. Selon ce témoin, si ce livre existait, on pourrait y découvrir le genre d'avions
11970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 733 qui circulaient au-dessus de la région, l'endroit d'où ils venaient, l'heure à laquelle ils ont quitté leur base ainsi que la course qu'ils ont suivie. Lorsque des avions effectuent des exercices comme les deux avions en question, le témoin admet que les limites de ces exercices ne sont pas toujours précises et il est même possible que les avions dépassent les limites fixées pour ces exercices. Ce témoin admet aussi qu'il est fort possible que les deux avions en question aient traversé les frontières Canado-américaines et se soient rendus jusqu'au dessus de l'endroit de l'accident, situé à quelques milles à peine de la frontière. Jean-Louis Lapointe, capitaine et pilote d'avion, fut aussi entendu comme témoin. Il a piloté des avions sub -soniques et supersoniques. Il déclare qu'en 1961 les Américains seuls avaient des supersoniques qui pouvaient voler au-delà de la vitesse du son horizontalement et sans descente en piqué. Le Canada n'avait que des avions qui pouvaient voler au-delà de la vitesse du son qu'en descente en piqué. Il déclare que les vols supersoniques doivent se faire en haut de 30,000 pieds pour ne pas effrayer la population, la choquer et éviter de causer des dommages. Il explique que c'est plus difficile pour un avion en volant en bas de 30,000 pieds de briser le mur du son à cause de la pression et que la résistance de l'air est telle qu'il faut plus de puissance pour percer l'air. Il ajouta cependant, que c'est assez facile de briser le mur du son à des altitudes de 10,000 pieds à 30,000 pieds, mais «que ce n'est pas recom-mandé». Ce témoin déclare qu'un intercepteur américain peut bien avoir dépassé la frontière pour revenir ensuite vers le Maine et qu'à 1,200 milles à l'heure, la course nécessaire pour ramener l'avion peut se poursuivre sur une assez longue distance. A la question qu'on lui pose à savoir s'il arrive que les pilotes dépassent parfois les limites du vol qu'on leur a fixées, il répondit «cela peut arriver mais avec le contrôle, c'est difficile, mais c'est possible». D'habitude, un pilote qui veut voler à une vitesse super-sonique, le demande. Il admet cependant que si un pilote ne le demande pas et devient supersonique, cela ne sera pas enregistré à la station de radar. Il ajouta ensuite «il se pourrait que la tour ne s'en aperçoive pas, ça c'était en 1961, aujourd'hui, ce n'est plus possible parce qu'en pesant sur un bouton, l'on peut obtenir la vitesse instantanée de l'avion». Il déclara ensuite que si l'on voit arriver dans le radar un avion dont l'envolée n'est pas contrôlée, la station de radar ne l'enregistre pas. Ce témoin déclara qu'il n'y avait pas d'avions civils supersoniques en 1961. Le procureur de l'intimée soutient que l'identification de l'avion ou des avions qui ont circulé au-dessus de Ste-Justine le jour de l'accident est de la pure conjecture et que même si le requérant a identifié, comme il en avait le fardeau, l'avion ou les avions concernés, il n'a pas, comme il le devait aussi, établi que le ou les pilotes de ces avions étaient dans l'exécution de leurs fonctions au moment de l'accident. En matière de causalité la certitude n'est pas requise et une prépondé-rance de preuve est suffisante. Il me paraît en effet ressortir de la preuve que les circonstances établies sont suffisantes pour permettre l'inférence raisonnable que c'est sûrement l'un ou l'autre des deux intercepteurs améri-cains, appartenant aux forces armées des États-Unis, qui circulaient en vols
[1970] R.0;É. GAGNON v. LA REINE 735 autorisés dans ces parages, qui a causé l'accident dont se plaint le requérante. Il ne peut s'agir, comme nous l'avons vu, d'avions canadiens puisque d'abord leur base était trop éloignée pour leur permettre le voyage aller et retour et, en second lieu, selon la preuve, ces avions, en 1961, ne pouvaient briser le mur du son qu'en descente en piqué et la preuve, comme nous l'avons vu, révèle que l'avion ou les avions ont volé, le jour de l'accident, en dépassant la vitesse du son horizontalement et à une assez faible altitude. Il n'y avait, selon les témoins, que les avions américains des forces armées qui pouvaient, à la date de l'accident, voler de cette façon car il n'y avait pas, à ce moment, d'avions civils réactés qui pouvaient le faire. Si la situation est envisagée de cette façon, il me paraît clair que l'intimée serait responsable de cet accident puisqu'en vertu de l'article 16 de la Loi sur les forces présentes au Canada (Traité de l'Atlantique Nord) et sa nouvelle version à l'article 17 de la Loi de 1954 sur les forces canadiennes, chapitre 13 des Statuts du Canada 1953-54, aux fins du paragraphe (1) a) de l'article 3 de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, un acte pré-judiciable commis par un membre d'une force en séjour ou en transit, agis-sant dans les limites de ses fonctions ou de son emploi est réputé avoir été commis par un préposé de la Couronne, pendant qu'il agissait dans les limites de ses fonctions ou de son emploi. Cet article, comme nous l'avons vu, ne crée pas une présomption à, l'effet qu'un membre d'une force en séjour ou en transit au Canada, qui y aurait commis un acte préjudiciable a, par ce fait, agi dans les limites de ses fonctions car il est toujours possible que ce membre ne fût pas, en ce moment, en devoir. La présomption n'existe que lorsque l'on établit que le membre d'une force en séjour a agi dans les limites de ses fonctions et ce n'est qu'à ce moment que son acte préjudiciable sera réputé avoir été commis par un préposé de la Couronne, agissant lui-même dans ses fonctions. Il s'agit là, selon l'intimée, d'un élément essentiel à la responsabilité de la Couronne que le requérant avait le fardeau de prouver et qu'il n'a pas établi. Le requérant, d'autre part, prétend que cette preuve a été faite et il me faut bien lui donner raison. Martin, le préposé choisi par l'intimée pour répondre à l'interrogatoire au préalable et la lier, dut admettre que deux intercepteurs militaires américains effectuaient à ce moment des exercices autorisés assez près du lieu de l'accident pour permettre à la Cour de con-clure que l'un des avions vus par les nombreux témoins qui entendirent le boom fut l'auteur de l'accident survenu au requérant. Ces avions étaient, comme nous l'avons vu, sous le contrôle de St-Sylvestre et bien qu'ils aient pu dépasser quelque peu les limites peu rigides d'ailleurs de leurs envolées ou exercices, leurs pilotes étaient quand même à ce moment dans l'exécution de leurs fonctions ou emploi et «en transit» selon la définition contenue à l'article 2 k)3 de la loi et, par conséquent, dans les conditions requises pour 2 Cf. Trib. gr. inst. Bressuire, 17 oct. 1967: D.S. 1967, 667. La Convention doit recevoir application, en cas de dommage causé par un bang super- sonique, même si l'appareil incriminé n'a pu être identifié, dès lors qu'il est établi, par élimina- tions, qu'il ne peut être qu'un avion de l'O.T.A.N. 8 Dans la présente loi, l'expression * * s k) .force en séjour ou transit= signifie l'une quelconque des forces navales, des forces de l'armée ou des forces aériennes d'un État associé présente au Canada pour l'exécution du service; . . .
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 737 engager la responsabilité de l'intimée. Ce point de vue, à mon avis doit aussi être adopté pour la raison que l'intimée n'a pas cru bon de soulever dans ses procédures écrites le fait que le pilote n'était pas en devoir au moment de l'accident, question d'ailleurs que j'aurai l'occasion de traiter davantage plus loin. Il me paraît de plus que l'infraction commise par le pilote de l'avion en volant, comme il l'a fait, en bas de 30,000 pieds et au-dessus d'une agglomé-ration de maisons à l'encontre de règlements statutaires (pièces P-5, D-1 et D-2) passés précisément dans le but d'assurer la protection et la sécurité des gens et des constructions, crée une présomption de responsabilité qui n'a pas été renversée par l'intimée. Cf. Sterling Trusts Corp. v. Postma4 et surtout les notes de Cartwright J. à la page 329: I do not find it necessary in this case to attempt to choose between the two views as to how this cause of action should be described. I think it plain that once it has been found (i) that the respondents committed a breach of the statutory duty to have the tail-light lighted and (ii) that that breach was an effective cause of the appellant's injuries, the respondents are prima facie liable for the damages suffered by the appellants. L'intimée, cependant, va plus loin et soutient qu'en vertu de l'article 19 du chapitre 284 des Statuts Revisés du Canada 1952 6, un tribunal saisi d'un litige dirigé contre la Couronne, basé sur l'article 16 de la loi, n'a pas compétence pour décider si le membre d'une force en séjour ou en transit, auteur de la faute, a commis cette dernière dans les limites de ses fonctions ou de son emploi. Elle soutient, en effet, qu'il est clair que le législateur, pour une raison ou pour une autre, a voulu qu'il en soit ainsi, en édictant que cette question devra obligatoirement être tranchée par un arbitre nommé conformément à l'alinéa b) du paragraphe 2 de l'article VIII de la Convention reproduite en annexe à la loi et que la décision de cet arbitre sera définitive et péremptoire et ce, non seulement pour les fins, des articles 17 et 18, mais également pour les fins de l'article 16 de la loi, lequel constitue précisément celui dont il nous faut tenir compte pour les fins du présent litige. L'intimée soutient que cette exigence de la loi ne se restreint pas à une réclamation entre les États signataires de la Convention. Elle s'appliquerait, selon l'intimée, dans tous les cas où la victime d'un délit ou quasi-délit attribuable à un membre d'une force en séjour ou en transit cherche à obtenir compensation de la Couronne aux droits du Canada. Le recours, par conséquent, à l'arbitre pour décider si le membre d'une force armée était dans l'exécution de ses fonctions serait, selon l'intimée, obligatoire si la Cour concluait que les dommages subis par le requérant 4 [1965] R.C.S. 324. 6 19. Quand surgit la question de savoir, aux termes de l'article seize, dix-sept ou dix-huit, a) si un membre d'une force en séjour ou transit a agi dans les limites de ses fonctions ou de son emploi, ou * * l'affaire doit être portée devant un arbitre nommé conformément à l'alinéa b) du paragraphe deux de l'article VIII de la Convention et, aux fins de ces articles, la décision de l'arbitre est définitive et péremptoire.
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 739 avaient été causés par la faute d'un membre d'une force en séjour ou en transit relevant de l'un ou l'autre des pays auxquels s'applique la Loi sur les forces présentes au Canada et que la Couronne aux droits du Canada ne doit répondre de ses dommages qu'en autant que son auteur a agi dans les limites de ses fonctions. Le chapitre 284 des Statuts Revisés du Canada 1952 et plus particulière-ment les articles 16 et 19 de cette loi et le sous-paragraphe 5a) de l'article VII6 de la Convention entre les États parties du Traité de l'Atlantique Nord, reproduite comme annexe à la loi et confirmée par l'article 3 de cette dernière prévoient deux situations. En effet, les sous-paragraphes 1 et 2 de l'article VIII de la Convention traitent de réclamations entre les États associés et le sous-paragraphe 5a) de l'article VIII de la Convention traite des dommages causés à un tiers par la négligence d'un membre d'une force en séjour. Le procureur du requérant soutient que l'arbitrage n'est obligatoire que dans le cas d'une réclamation entre les États signataires et qu'il ne s'appli-querait pas à une réclamation faite par un tiers comme dans le présent cas. Le paragraphe 5a) de l'article VIII de la Convention qui est annexée à la loi déclare, en effet, que: a) Les demandes d'indemnités (par des tiers) sont introduites, instruites et les décisions prises, conformément aux lois et règlements de l'État de séjour applicables en la matière à ses propres forces armées (les mots entre parenthèses ont été ajoutés par moi). Or, les recours exercés contre la Couronne par suite de négligence ou d'actes préjudiciables de membres des forces armées canadiennes sont assujettis à la loi générale et les réclamations contre eux doivent être exercées devant les tribunaux de droit commun du Canada et, entre autres, devant la Cour de l'Échiquier. Bien que la proposition du procureur du requérant soit séduisante et qu'elle aurait aussi pour effet de maintenir la juridiction de cette Cour en la matière, il ne m'est pas possible de décider que l'arbitrage prévu à l'article 19 de la loi ne doive s'appliquer qu'à des réclamations entre États signataires. Un examen de la Loi sur les forces présentes au Canada (Traité de l'Atlantique Nord) ainsi que du Traité qui en forme l'annexe, et plus par-ticulièrement des réclamations que l'on y prévoit, permet de mieux com-prendre l'économie de cette législation et le but que l'on veut atteindre bien ' 5. Les demandes d'indemnité (autres que celles résultant de l'application d'un contrat et que celles auxquelles les paragraphes 6 ou 7 du présent article sont applicables) du chef d'actes ou de négligence dont un membre d'une force ou un élément civil est responsable dans l'exécution du service ou du chef de tout autre acte, négligence ou incident dont une force ou un élément civil est légalement responsable et qui ont causé sur le territoire de l'État de séjour des dommages à un tiers autre que l'une des Parties Contractantes, seront réglées par l'État de séjour conformément aux dispositions suivantes: a) Les demandes d'indemnités sont introduites, instruites et les décisions prises, con-formément aux lois et règlements de l'État de séjour applicables en la matière à ses propres forces armées; 93532-12
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 741 qu'il faille noter en passant que la loi aurait pu être plus claire sur la procédure de l'arbitrage et qu'elle est muette quant aux personnes qui peuvent s'en prévaloir et sur la façon d'y recourir. L'article VIII du Traité traite de réclamations pour dommages causés par un membre des forces armées d'un État visiteur sur le territoire de l'État de séjour. Il prévoit des règles différentes pour de telles réclamations selon qu'il s'agisse de: a) réclamations pour dommages causés aux biens d'une partie contrac-tante et utilisés par ses forces armées si ces dommages sont causés par un membre des forces années d'une autre partie contractante «dans l'exercice de ses fonctions dans le cadre du Traité de l'Atlantique Nord» (Article VIII, paragraphe (1) (i) ; b) réclamations telles que prévues au paragraphe (a) pour dommages causés aux biens d'une partie contractante mais autres que ceux prévus au paragraphe (a). (Il s'agirait ici de biens autres que des biens appartenant aux forces armées). (Article VIII, paragraphe 2(a); c) réclamations «du chef d'actes ou de négligence dont un membre d'une force ou un élément civil est responsable dans l'exécution du service ou du chef de tout autre acte, négligence ou incident dont une force ou un élément civil est légalement responsable» et causant des dommages sur le territoire de l'État de séjour à des «tiers» (article VIII, para-graphe 5), ou d) réclamations contre les membres d'une «force armée» fondées sur des actes dommageables ou des négligences commises dans l'État de séjour qui n'ont pas été accomplis dans l'exécution du service (article VIII, paragraphe 6) . Pour les réclamations de la catégorie (a) les États contractants renon-cent à toute demande d'indemnité. Pour celles de la catégorie (b) , elles seront réglées soit par un accord ou par un arbitre unique. Pour celles de la catégorie (c), les réclamations de tiers seront réglées par l'État de séjour conformément «aux lois et règlements de l'État de séjour applicable en la matière à ses propres forces armées» et l'État de séjour doit être remboursé par l'État visiteur. Quant aux réclamations de la catégorie (d) (soit pour des actes dommageables qui n'ont pas été accomplis dans l'exécution du service), l'État de séjour doit poursuivre la demande d'indem-nité de sorte que l'État d'origine ou visiteur puisse décider si une offre d'indemnité à titre gracieux doit être offerte sans préjudice au droit du réclamant d'intenter une action «contre un membre d'une force ou d'un élément civil». C'est dans ce contexte, lorsqu'il est nécessaire à l'État de séjour de dé-cider s'il doit accepter la réclamation d'un tiers basée sur une responsabilité légale (article VIII, paragraphe 5) ou simplement suivre la procédure fixée pour les paiements à titre gracieux (article VIII, paragraphe 6), que l'on trouve les dispositions qui règlementent ces deux genres de réclamations, soit le paragraphe 8 de l'article VIII qui prévoit entre autres que «s'il y a 93532-121
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 743 contestation sur le point de savoir si l'acte dommageable ou la négligence d'un membre d'une force . . . ont été accomplis dans l'exécution du service ... l'affaire doit être portée devant un arbitre ...». Revenant maintenant au cas qui nous préoccupe et appliquant les termes du Traité à une réclamation pour dommages causés par un acte commis par un membre des forces armées des États-Unis, au Canada, il en résulte que le Canada s'est engagé envers les États-Unis que a) si l'acte dont on se plaint a été commis dans «l'exécution du service», il sera réglé conformément aux lois et règlements du Canada «appli-cables en la matière à ses propres forces armées»; b) si l'acte dont on se plaint ne fut pas accompli «dans l'exécution du service» de faire en sorte qu'il soit présenté pour l'obtention d'un paiement à titre gracieux sans préjudice au droit du réclamant de poursuivre la personne responsable et si une contestation surgit sur le point de savoir si l'acte dommageable ou la négligence ont été accomplis dans l'exécution du service, de la soumettre à l'arbitrage. (Il s'agit ici d'une contestation entre le Canada et les États-Unis) . De tout ceci, il ressort que la Loi sur les forces présentes au Canada (Traité de l'Atlantique Nord) n'a fait aux lois de notre pays que les change-ments rendus nécessaires par le Traité de l'Atlantique Nord signé le 19 juin 1951 et que le Traité subsiste simplement comme entente internationale. Il n'a pas, par conséquent, force de loi et il n'est pas possible alors de tirer de la présence dans le Traité du paragraphe 5a) de l'article VIII la conclusion que les réclamations par des tiers ne sont pas assujetties à l'arbitrage 7. En effet, l'article 3 de la loi ne déclare pas que le Traité fasse loi ou fasse partie de la loi mais dit tout simplement dans son texte français qu'il est confirmé et dans son texte anglais qu'il est approuvé (approved). Nonobs-tant le sous-Paragraphe a) du paragraphe 5 de l'article VIII du Traité, l'on ne peut donner à l'article 19 une interprétation autre que celle clairement indiquée par son texte, soit que «quand surgit la question de savoir, aux termes de l'article 16 ... si un membre d'une force en séjour ou transit a agi dans les limites de ses fonctions ou de son emploi ... l'affaire doit être portée devant un arbitre nommé conformément aux dispositions contenues au Traité». Le législateur semble avoir voulu par là s'assurer que la responsabilité du Canada en vertu de l'article VIII 5a) du Traité soit gouvernée dans le cas de réclamations qui doivent être déterminées par la Cour, strictement selon le Traité et par l'article VIII 8 du Traité il a prévu que dans le cas d'une contestation sur le point de savoir si l'acte dommageable ou la négligence d'un membre d'une force ont été accomplis dans l'exécution du service, l'affaire doit être portée devant un arbitre. ' Cf. Dean v. Green (1883) 8 P.D. 79 aux pages 89 et 90: .A schedule in a statute is as much part of the statute and as much an enactment as any other part. If the enacting part and the schedule cannot be made to correspond, the latter must yield to the former..
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 745 Il en va de même aussi pour une procédure prévue à l'article 16 lorsqu'il s'agit de décider si un membre d'une force en séjour ou transit a agi dans les limites de ses fonctions ou de son emploi. Cette question doit aussi, il me semble, être soumise au même arbitre. Ceci ne dispose pas, cependant, de la demande car il faut maintenant se demander comment réconcilier les exigences de l'article 19 avec les circons-tances de la présente réclamation telles que révélées par les allégués des procédures. Il appert de ces procédures que le requérant allégua entre autres que le «boom» sonique fut produit par «un avion étranger en survol du territoire canadien» et que l'intimée serait responsable pour l'acte dont on se plaint parce qu'il aurait été causé par la faute, négligence ou incurie du pilote de l'avion. L'intimée, après avoir nié toutes les allégations de la pétition de droit ne fit que les allégations suivantes: a) aucun aéronef militaire appartenant à une force en séjour ou en transit au Canada n'a survolé, le jour de l'accident, la région en question; b) aucune déflagration sonique n'a été provoquée au moment de l'accident et à l'endroit de l'accident attribuable à un aéronef militaire appartenant à une force en séjour ou en transit au Canada; c) s'il y a eu une déflagration sonique perçue le jour de l'accident dans la région, ce ne fut pas en territoire canadien; d) s'il y a eu une déflagration sonique, elle n'a pas et n'a pu causer l'accident subi par le requérant, lequel fut causé uniquement par sa propre négligence. Bien que durant le procès, certains témoins furent questionnés sur la possi-bilité du survol d'avions canadiens sur le territoire où eut lieu l'accident, les deux points en litige durant le procès qui découlent des plaidoiries écrites furent surtout la question de savoir si a) en fait il y eut une déflagration par un aéronef aniéricain volant à basse altitude au-dessus de la région où se trouvait le requérant, et b) si une telle déflagration sonique eut lieu, fut-elle la cause des blessures subies par le requérant. Il ne fut, en effet, aucunement allégué par l'intimée dans ses plaidoiries écrites que même si un avion américain avait produit une telle déflagration, le pilote de cet avion, s'étant lancé dans une aventure non autorisée, n'était pas dans l'exécution de ses fonctions. De plus, l'intimée ne s'est pas plainte du fait que le requérant n'ait pas allégué que ce pilote, au moment pertinent, agissait dans l'exécution de ses fonctions ou emploi, omission d'ailleurs que la Cour, sur motion, aurait au besoin permis au requérant de suppléer. L'intimée n'a, non plus, allégué par écrit qu'en vertu de l'article 19 la Cour n'avait pas juridiction pour décider si ce pilote était ou non dans l'exécution de ses fonctions.
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 747 La façon de rédiger les plaidoiries écrites devant cette Cour est pourtant clairement indiquée aux règles 92 8, 939 et 94 10 de cette Cour et il ne semble pas qu'on les ait suivies dans la présente cause. En effet, une défense basée sur un avancé ou allégué que l'avion amé-ricain qui a causé la déflagration sonique était piloté par une personne qui s'était engagée dans un vol non autorisé aurait dû être spécifiquement plaidée. Une fois qu'il est établi que c'est bien un avion américain militaire qui a causé la déflagration sonique le jour et à l'endroit de l'accident, l'on doit, il me semble présumer que cet avion volait alors dans le cours normal d'un exercice militaire. Cette conclusion, d'ailleurs, s'impose dans le présent cas si l'on se réfère à la pièce P-3 et plus particulièrement à l'information que « ... the only log entries that might be remotely associated with incident received from St. Sylvestre P.Q. Summarizing CLN two flights of USAF interceptors were conducting training exercises under St. Sylvestre control during period under review» (les italiques sont de moi). De plus, il ne me paraît pas injuste pour l'intimée d'adopter ce point de vue. Elle connais-sait, depuis au moins l'examen au préalable, la présence des avions améri-cains dans les parages du lieu de l'accident le jour en question, présence révélée lors de l'interrogatoire de Robert L. Martin, adjoint du juge-avocat à Québec, choisi par l'intimée pour répondre à l'interrogatoire en son nom et la lier. Elle crut, cependant, que cette preuve était insuffisante pour établir que l'un des deux avions américains dont il s'agit était responsable de l'accident. Il me semble que s'il avait existé des faits pour justifier la prétention que le vol de ces deux avions n'était pas autorisé ou que les deux pilotes s'étaient engagés dans ces vols pour leurs fins personnelles ou par fredaine dans un écart de conduite, ces faits auraient été sûrement plaidés. N'ayant pas été plaidés, ne doit-on pas déduire qu'il n'y a pas de contestation entre le Canada et les États-Unis sur le point de savoir si les pilotes en question étaient dans l'exécution de leurs fonctions et que, par conséquent, l'article 19 ne doit pas, dans ces circonstances, s'appliquer. Si, d'autre part, il existe un doute sur le bien-fondé de cette proposition et que cette façon d'envisager le problème est fautive, l'on peut se demander comment une défense basée sur l'article 19, si elle avait été régulièrement plaidée, doit être considérée dans une procédure intentée en vertu de l'ar- e Article 92 Quand est réputée admise une allégation de fait dans une plaidoirie Toute allégation de fait que renferme une plaidoirie dans une action, lorsqu'elle n'est pas niée spécifiquement ou par implication nécessaire, ou déclarée non admise dans la plaidoirie de la partie adverse, est censée admise, sauf contre un mineur, un aliéné, une personne faible d'esprit qui n'a pas été ainsi jugée par enquête, ou toute autre personne frappée d'incapacité judiciaire. 9 Article 93 Allégations de fait et motifs de défense Chaque partie dans une plaidoirie qui n'est pas une information, une pétition de droit ou un exposé de demande doit alléguer tous les faits, n'apparaissant pas dans les plaidoiries antérieures, sur lesquels elle a l'intention de s'appuyer et doit présenter tous les motifs de défense ou de réplique selon le cas, qui, s'ils n'étaient pas présentés dans les plaidoiries, auraient pour effet de surprendre la partie adverse ou soulèveraient de nouvelles questions de fait ne découlant pas des plaidoiries. 10 Article 94 Les plaidoiries ne doivent pas être incompatibles Les plaidoiries ne doivent, sauf par voie d'amendement, soulever aucun nouveau motif de réclamation ni renfermer une allégation de fait incompatible avec les plaidoiries antérieures de la partie qui les présente.
[1970] R.C.É. GAGNON v. LA REINE 749 ticle 16. En effet, lorsque sur production d'une réclamation l'État visiteur sou-met que son pilote n'était pas dans l'exécution de ses fonctions, l'État de séjour doit prendre position sur cette question dès le début des procédures. Pressuré par le réclamant, ou de sa propre initiative, l'État de séjour prendra alors ensuite les moyens nécessaires pour provoquer l'arbitrage. Et, en passant, il me faut déclarer qu'il est loin d'être sûr que le réclamant privé ait un status quelconque dans ces procédures. Si le tiers qui réclame produit sa pétition de droit pendant l'arbitrage, il y aurait sans doute une demande pour suspension de l'instance jusqu'à la décision de l'arbitre. Une fois la décision rendue, si l'arbitre décide que le pilote n'était pas en devoir, l'in-timée demandera alors le rejet de la pétition parce qu'on ne peut fonder une cause d'action sur l'article 16 que pour un délit ou quasi-délit commis par un pilote dans l'exécution de ses fonctions et la décision de l'arbitre que ce délit ou quasi-délit n'a pas été commis dans ces circonstances est définitive et péremptoire. D'une façon alternative, l'intimée pourrait aussi, au lieu de demander le rejet de la pétition, simplement plaider dans son plaidoyer de défense que l'article 19 s'applique à la réclamation et que la question ayant été soumise à un arbitre qui a décidé que l'inculpé n'était pas dans l'exécution de ses fonctions, cela constitue une bonne défense à l'action. Mais qu'arrive-t-il quand il n'y a pas un tel plaidoyer de défense comme dans le présent cas? Le requérant ne peut instituer de procédures en vertu du Traité international. La Cour non plus. Il faut donc que l'exigence prévue à l'article 19 que «l'affaire doit être portée devant un arbitre nommé conformément à ... l'article VIII» soit remplie par la Cou-ronne. Si la Couronne ne plaide pas selon la manière fixée par les règles de la Cour, et ne déclare pas qu'elle a en fait procédé de la façon prévue à la loi pour soumettre la question à un arbitre et établi qu'elle a obtenu une décision arbitrale, la Cour ne doit-elle pas assumer ou accepter que la question à déterminer en vertu de l'article 19 ne s'est jamais soulevée. Si, en effet, l'article 19 n'est pas interprété de la façon ci-haut décrite, l'article 16 de la loi est tronqué ou réduit au point où il ne pourra être utilisé pour donner une cause d'action à une personne subissant des dommages, que si la Couronne décide soit d'admettre que le préposé était dans l'exé-cution de ses fonctions ou prend l'initiative de provoquer un arbitrage en vertu du Traité. Il me paraît contraire à cette tendance moderne de la législation fédérale de donner un remède approprié aux citoyens contre l'État en semblable matière que d'interpréter l'article 16 de façon à donner à la Couronne une discrétion si arbitraire qu'elle conduirait à un véritable déni de justice. Le requérant aura donc droit de recevoir paiement du montant de $9,500 ainsi que ses dépens taxés. Après l'émission du jugement formel rendu dans la présente cause, j'ai pris connaissance d'un jugement rendu par la Cour de Cassation, en date du 10 juillet 1961 qui porte précisément sur cette question de savoir si l'arbitrage est obligatoire dans un litige privé entre un particulier et un membre des forces armées étrangères de l'OTAN et qui décide cette question dans l'affirmative tout en décrétant, cependant, de surseoir à statuer jusqu'à la décision arbitrale. Cet arrêt est rapporté dans Recueil Dalloz de 1961 aux pages 601 et suivantes (Soc. X ... C. C.... et autres).
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