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2022 CAF 14

A-182-18

Commissaire aux langues officielles (appelant)

c.

Ministère de l’Emploi et du Développement social et la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimés)

et

Le procureur général de la Colombie-Britannique et l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick et le Quebec Community Groups Network (intervenants)

A-186-18

La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (appelante)

c.

Ministère de l’Emploi et du Développement social et la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimés)

et

Le procureur général de la Colombie-Britannique et l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick et le Quebec Community Groups Network (intervenants)

Répertorié : Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Emploi et Développement social)

Cour d’appel fédérale, juge en chef Noël, juges de Montigny et Rivoalen, J.C.A.—Vancouver, 27 et 28 octobre 2021; Ottawa, 28 janvier 2022.

Langues officielles — Appels interjetés à l'encontre d’une décision de la Cour fédérale refusant de donner suite au recours par l’appelante la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (la FFCB) suite à des plaintes alléguant que les intimés ont manqué aux obligations linguistiques qui leur incombent en vertu des parties IV et VII de la Loi sur les Langues Officielles (la LLO) et du paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés lors de la conclusion et de la mise en œuvre de l’Entente Canada – Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail, signée en 2008 (l’Entente) — Une réforme majeure des programmes sociaux a été annoncée en 1993 par le gouvernement fédéral — Différents modes de partenariat ont été envisagés dans le cadre de la réforme, y compris un accord de dévolution complète — La Cour fédérale, Section de première instance (ci-après la Cour fédérale) a établi dans la décision Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 1365, [2002] 2 C.F. 164 (Lavigne C.F.), conf. par 2003 CAF 203 (Lavigne C.A.F.), que la LLO ne s’appliquait pas aux services d’aide à l’emploi rendus par les provinces en vertu de ce type d’accord — Le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique ont initialement signé un accord de cogestion lequel garantissait l’application continue de la LLO dans le cadre de l’offre de services d’aide à l’emploi dans cette province — Des organismes membres de la FFCB ont reçu du financement pour leur participation dans l’offre de services d’aide à l’emploi — Malgré l’accord de cogestion et la participation continue des organismes francophones dans l’offre des services d’aide à l’emploi, la possibilité d’une pleine dévolution en faveur de la C.-B. demeurait une source de préoccupation — La dévolution complète des services d’aide à l’emploi a eu lieu avec la signature de l’Entente en 2008 — L’Entente comporte une clause linguistique par laquelle la Colombie-Britannique s’engage à faire en sorte que les services offerts soient accessibles dans l’une ou l’autre des langues officielles là où la demande le justifie — La clause linguistique n’obligeait en rien la Colombie-Britannique à préserver la participation des organismes francophones — Le commissaire aux langues officielles (le Commissaire) a conclu que les plaintes étaient bien fondées tant au titre de la partie IV que de la partie VII de la LLO — La Cour fédérale a déterminé que la partie IV ne s’appliquait pas à la Colombie-Britannique — Elle a conclu que des mesures positives suffisantes ont été prises par les institutions fédérales et que l’obligation prévue à la partie VII a été respectée — La FFCB a soutenu, entre autres choses, que la Cour fédérale s’est appuyé à tort sur la décision Lavigne C.F. pour établir que la Colombie-Britannique agissait dans son propre champ de compétences — Il s’agissait de savoir principalement si la Cour fédérale a erré en déterminant que la partie IV ne s’appliquait pas à la Colombie-Britannique, et en concluant que les intimés ont pris des mesures positives suffisantes pour satisfaire à l’obligation prévue à la partie VII de la LLO — La question de savoir si les plaintes étaient bien fondées a également été abordée — La Cour fédérale ne s’est pas mal dirigée en se déclarant liée par les décisions Lavigne — La décision Lavigne C.F. répond à la question de savoir si la LLO s’applique aux prestations et aux mesures offertes par une province dans le cadre d’une entente sur le développement du marché du travail entre le gouvernement fédéral et une province — Les tentatives de désavouer les décisions Lavigne C.F. et Lavigne C.A.F. ont été peu convaincantes — La question de savoir si une institution fédérale peut échapper à ses obligations constitutionnelles en confiant l’exercice de ses pouvoirs à des provinces ne se posait pas ici puisque la Colombie-Britannique exerce ses propres pouvoirs en vertu de l’Entente — Appel portant sur la partie IV de la LLO rejeté — Concernant la partie VII de la LLO, elle doit être interprétée avec la même ouverture que les parties énoncées au paragraphe 82(1) de la LLO — La protection constitutionnelle accordée par l’article 23 de la Charte n’est pas la même que celle de la partie VII et il faut se garder de les confondre — Il n’en demeure pas moins que la LLO a un statut privilégié et une portée considérable — La Cour fédérale a fait une interprétation de la partie VII qui l’a vidé de tout son sens — C’est justement dans le contexte d’une situation factuelle précise que les questions entourant le respect de l’obligation de favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles sont susceptibles de se poser — L’interprétation de la Cour fédérale s’est heurtée aussi de plein fouet au paragraphe 58(1) de la LLO, qui exige que toute plainte alléguant un manquement à la LLO fasse état du « cas précis » qui sous-tend le manquement allégué — L’interprétation qu’il fallait plutôt donner à l’obligation prévue à la partie VII exige que les institutions fédérales soient à l’écoute et attentives aux besoins des minorités de langues officielles et s’interrogent sur l’impact que leurs décisions peuvent avoir sur ces minorités — L’obligation prévue à la partie VII se prête à une analyse en deux temps — Les institutions fédérales doivent d’abord être sensibles à la situation particulière des diverses minorités de langues officielles et déterminer l’impact de leurs décisions et des initiatives — Ensuite, elles doivent, dans la mise en œuvre de ces décisions et initiatives, agir afin de favoriser l’épanouissement de ces minorités; ou agir afin de pallier ou atténuer les répercussions négatives — Les plaintes étaient bien fondées — La Cour fédérale n’a pas tenu compte du fondement réel des plaintes — Rien n’a été prévu à l’Entente afin de préserver la capacité d’intervention des institutions fédérales dans l’éventualité où elle était mise en œuvre par la Colombie-Britannique sans tenir compte de l’objectif de ne pas nuire à la minorité de langue française — Une telle clause aurait pu être insérée dans l’Entente sans excéder les compétences du gouvernement fédéral — Les institutions fédérales se devaient de garder un droit d’intervenir — Elles ne pouvaient signer l’Entente sans à tout le moins faire état de l’obligation de favoriser l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la Colombie-Britannique en vertu de la partie VII, et sans se donner les moyens de la faire respecter — Les institutions fédérales ont été ordonnées de mettre fin à l’Entente — Appels portant sur le manquement à l’obligation prévue à la partie VII de la LLO accueillis.

Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — La Cour fédérale a refusé de donner suite au recours par l’appelante la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (la FFCB) suite à des plaintes alléguant que les intimés ont manqué aux obligations linguistiques qui leur incombent en vertu des  parties IV et VII de la Loi sur les Langues Officielles (la LLO) et du paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés lors de la conclusion et de la mise en œuvre de l’Entente Canada – Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail, signée en 2008 (l’Entente) — Une réforme majeure des programmes sociaux a été annoncée en 1993 par le gouvernement fédéral — Différents modes de partenariat ont été envisagés dans le cadre de la réforme, y compris un accord de dévolution complète — La dévolution complète des services d’aide à l’emploi a eu lieu avec la signature de l’Entente en 2008 — L’Entente comporte une clause linguistique par laquelle la Colombie-Britannique s’engage à faire en sorte que les services offerts soient accessibles dans l’une ou l’autre des langues officielles là où la demande le justifie — La clause linguistique n’obligeait en rien la Colombie-Britannique à préserver la participation des organismes francophones  — Le commissaire aux langues officielles (le Commissaire) a conclu, entre autres choses, que les plaintes étaient bien fondées au titre de la partie IV — La Cour fédérale a déterminé que la partie IV ne s’appliquait pas à la Colombie-Britannique — La FFCB a soutenu que la Cour fédérale s’est appuyé à tort sur la décision Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 1365, [2002] 2 C.F. 164 pour établir que la Colombie-Britannique agissait dans son propre champ de compétences — La question de savoir si une institution fédérale peut échapper à ses obligations constitutionnelles en confiant l’exercice de ses pouvoirs à des provinces ne se posait pas ici puisque la Colombie-Britannique exerce ses propres pouvoirs en vertu de l’Entente — La Colombie-Britannique occupe de façon exclusive un champ d’activité qui était auparavant partagé avec le fédéral — Elle n’agit pour personne d’autre et les fonctions qu’elle assume relèvent de ses propres compétences.

Il s’agissait d’appels interjetés à l'encontre d’une décision rendue par la Cour fédérale refusant de donner suite au recours par l’appelante la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique (la FFCB) suite à des plaintes alléguant que les intimés ont manqué aux obligations linguistiques qui leur incombent en vertu des parties IV[1] et VII[2] de la Loi sur les langues officielles (la LLO) et du paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés lors de la conclusion et de la mise en œuvre de l’Entente Canada – Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail, signée en 2008 (l’Entente).

En 1993, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’effectuer une réforme majeure des programmes sociaux afin d’instaurer une approche nouvelle en matière de services d’aide à l’emploi qui serait mieux coordonnée, gérée localement et qui répondrait mieux aux besoins des communautés locales. Différents modes de partenariat ont été envisagés dans le cadre de cette réforme, incluant un accord de dévolution complète en vertu duquel les provinces devaient concevoir et administrer leurs propres prestations et mesures, avec l’aide financière du fédéral. Dans la décision Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 1365, [2002] 2 C.F. 164 (Lavigne C.F.), conf. par 2003 CAF 203 (Lavigne C.A.F.), la Cour fédérale, Section de première instance (ci-après la Cour fédérale) a établi que la LLO ne s’appliquait pas aux services d’aide à l’emploi rendus par les provinces en vertu de ce type d’accord. La FFCB a remis en question ces décisions dans le cadre des présents appels. Les minorités de langues officielles ont fait part de leurs inquiétudes quant au sort qui leur serait réservé si l’option de dévolution était choisie. En 1997, le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique ont initialement signé un accord de cogestion lequel garantissait l’application continue de la LLO dans le cadre de l’offre de services d’aide à l’emploi dans cette province. En vertu d’une clause linguistique dans l’accord de cogestion, les clients dans certaines régions faisant l’objet d’une demande importante pouvaient être servis dans les deux langues officielles. Par suite de l’entrée en vigueur de l’accord de cogestion, la participation des organismes francophones a progressé substantiellement et est devenue un important outil de promotion de la dualité linguistique dans la province. Cinq organismes membres de la FFCB ont reçu du financement de l’intimée la Commission de l’assurance-emploi du Canada pour leur participation dans l’offre de services d’aide à l’emploi. Malgré l’accord de cogestion et la participation continue des organismes francophones dans l’offre des services d’aide à l’emploi, la possibilité d’une pleine dévolution en faveur de la C.-B. demeurait une source de préoccupation. La dévolution complète des services d’aide à l’emploi a effectivement finalement eu lieu avec la signature de l’Entente en 2008. L’Entente comporte une clause linguistique par laquelle la Colombie-Britannique s’engage à faire en sorte que les services offerts soient accessibles dans l’une ou l’autre des langues officielles là où la demande le justifie. Pendant la transition entre la signature et l’entrée en vigueur de l’Entente, la Colombie-Britannique a maintenu la participation des organismes francophones dans l’offre des services d’aide à l’emploi et a prolongé leur financement. Le nouveau modèle de la Colombie-Britannique proposait de séparer la province en plusieurs régions géographiques et de lancer un appel d’offres afin de désigner des prestataires uniques qui seraient responsables d’offrir la gamme complète de services en matière d’emploi dans chacune de ces régions. Pour être retenu, les prestataires uniques devaient être en mesure de desservir une variété de clientèles spécialisées, dont les francophones. Les organismes francophones ont proposé de former un consortium pour offrir un service selon un modèle distinct conçu « par et pour » la communauté francophone, qui serait financé par une enveloppe séparée. Selon la Colombie-Britannique, le consortium n’était pas nécessaire pour assurer des services en français. La province a plutôt suggéré aux organismes francophones de tenter d’offrir leurs services en tant que sous-traitants des prestataires uniques. En 2010, la Colombie-Britannique a informé cinq des centres que desservaient les organismes francophones qu’ils cesseraient de recevoir leur financement. Il était devenu évident que seul le bon vouloir de la Colombie-Britannique aurait pu permettre aux organismes francophones de conserver le rôle qu’ils avaient dans la prestation des services d’aide à l’emploi dans la province. En effet, la clause linguistique de l’Entente n’obligeait en rien la Colombie-Britannique à préserver leur participation. Les plaintes visaient la coupure du financement des organismes francophones et leur désengagement conséquent au détriment de la minorité linguistique francophone. L’appelant le commissaire aux langues officielles (le Commissaire) en est venu à la conclusion que les plaintes étaient bien fondées tant au titre de la partie IV que de la partie VII de la LLO. Selon le rapport final du Commissaire, les intimés n’ont pas veillé, comme l’exige la partie IV de la LLO, à ce que les services d’aide à l’emploi soient effectivement offerts par la Colombie-Britannique dans les deux langues officielles dans les régions faisant l’objet d’une demande importante. En ce qui a trait à la partie VII, le Commissaire a conclu que les institutions fédérales étaient au courant des préoccupations de la minorité linguistique de la Colombie-Britannique mais n’ont pas pris la peine d’évaluer l’impact qu’aurait le nouveau modèle envisagé par la province sur la vitalité de la communauté francophone suite à la signature de l’Entente.

La Cour fédérale a conclu, entre autres choses, que les mesures visées par l’Entente relèvent à la fois de la compétence du fédéral en matière d’assurance-chômage en vertu du paragraphe 91(2A) et des compétences des provinces en vertu des paragraphes 92(13) et (16) et de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. La Cour fédérale a aussi conclu que les dispositions de l’Entente et la façon dont les prestations et mesures sont administrées par la Colombie-Britannique ne permettaient pas de conclure que la province agit sous le contrôle des institutions fédérales. Par conséquent, la Cour fédérale a déterminé que la partie IV ne s’appliquait pas à la Colombie-Britannique. La Cour fédérale s’est penché sur le libellé des paragraphes 41(1) et (2) de la LLO. Elle a déterminé, entre autres choses, que l’obligation de prendre « des mesures positives » (souligné dans l’original) est indéfinie et emporte une certaine déférence quant aux choix des mesures, que la mise en œuvre de la partie VII doit se faire dans le respect du champ de compétence des provinces, et qu’il y a eu rejet dans Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada c. Canada (Procureur général) de l’approche selon laquelle les institutions fédérales, afin d’être en mesure de respecter l’obligation prévue à la partie VII, doivent être à l’écoute des minorités de langues officielles et mesurer l’impact que leurs décisions sont susceptibles d’avoir sur elles. La Cour fédérale a aussi déterminé que le fait qu’aucun règlement n’ait été édicté à ce jour en vertu du paragraphe 41(3) de la LLO fait en sorte que l’obligation prévue à la partie VII n’a pas la spécificité requise pour obliger les institutions fédérales à prendre des mesures précises. La Cour fédérale en est venu à la conclusion que des mesures positives suffisantes ont été prises par les institutions fédérales et que ces mesures, ainsi que la clause linguistique, ont contribué favorablement à l’épanouissement et au développement de la communauté francophone en Colombie-Britannique de telle sorte que l’obligation prévue à la partie VII a été respectée.

Selon la FFCB, les arrêts de la Cour suprême Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général) et DesRochers c. Canada (Industrie) établissent la règle selon laquelle les institutions fédérales ne peuvent se soustraire à leur obligation constitutionnelle en confiant la mise en œuvre d’un programme fédéral déterminé à une province. La FFCB a soutenu que la partie IV s’applique à la Colombie-Britannique même si elle détient compétence constitutionnelle concurrente pour légiférer en matière de prestations d’emploi, et que la Cour fédérale se serait appuyé à tort sur la décision Lavigne C.F. pour établir que la Colombie-Britannique agissait dans son propre champ de compétences. En ce qui a trait à la partie VII, la FFCB a maintenu que l’article 41 de la LLO impose aux institutions fédérales des obligations concrètes et établit des paramètres suffisamment clairs pour être assujettis au contrôle des tribunaux. Elle a aussi maintenu que le fait que la Charte ne « constitutionnalise » pas les avancées réalisées afin de faire progresser l’égalité des deux langues officielles n’empêche pas le législateur fédéral de légiférer à cette fin, et c’est précisément ce que l’article 41 vise à accomplir en obligeant les institutions fédérales à favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques de langues officielles.

Il s’agissait de savoir principalement si la Cour fédérale a erré en déterminant que la partie IV de la LLO ne s’appliquait pas à la Colombie-Britannique, et en concluant que les intimés ont pris des mesures positives suffisantes pour satisfaire à l’obligation prévue à la partie VII de la LLO. La question de savoir si les plaintes étaient bien fondées a également été abordée.

Arrêt : l’appel portant sur la partie IV de la LLO doit être rejeté; l’appel portant sur la partie VII de la LLO doit être accueilli.

La jurisprudence de la Cour suprême ne permettait pas de conclure que les décisions Lavigne C.F. et Lavigne C.A.F. ont été mal décidées ou que la Cour fédérale s’est mal dirigée en se déclarant liée par ces décisions. Les décisions Lavigne C.F. et Lavigne C.A.F. font obstacle à l’application de la partie IV,et les Cours fédérales sont liées par leurs propres décisions à moins qu’il soit démontré qu’elles sont « manifestement erronée[s] ». La décision Lavigne C.F. répond à la question de savoir si la LLO s’applique aux prestations et aux mesures offertes par une province dans le cadre d’une entente sur le développement du marché du travail entre le gouvernement fédéral et une province. Les tentatives de désavouer les décisions Lavigne C.F. et Lavigne C.A.F. ont été peu convaincantes. La pertinence de l’arrêt Eldridge n’est pas plus apparente aujourd’hui qu’elle ne l’était lorsque les décisions Lavigne C.F. et Lavigne C.A.F. ont été rendues. Même s’il est accepté qu’une institution fédérale ne peut échapper à ses obligations constitutionnelles en confiant l’exercice de ses pouvoirs à des provinces, cette question ne se posait pas ici puisque la Colombie-Britannique exerce ses propres pouvoirs en vertu de l’Entente. De même, la Colombie-Britannique n’est pas appelée à mettre en œuvre un « programme déterminé » du gouvernement fédéral. Elle occupe plutôt de façon exclusive un champ d’activité qui était auparavant partagé avec le fédéral. La Colombie-Britannique n’agit pour personne d’autre et les fonctions qu’elle assume relèvent de ses propres compétences. L’appel portant sur la partie IV de la LLO devait donc être rejeté.

Concernant la partie VII de la LLO, qui traduit l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones au Canada et énonce l’obligation de prendre des mesures positives pour la satisfaire, il s’agissait de cerner le sens à donner à cet engagement. La partie VII n’a pas été ajoutée aux parties énoncées au paragraphe 82(1) de la LLO dont les dispositions l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi. Il demeure que la partie VII doit être interprétée avec la même ouverture puisqu’elle partage le même objectif, soit appuyer le développement des minorités de langues officielles et favoriser la promotion vers l’égalité des deux langues. La protection constitutionnelle accordée par l’article 23 de la Charte n’est pas la même que celle de la partie VII et il faut se garder de les confondre. Il n’en demeure pas moins que la LLO a un statut privilégié et une portée considérable. La Cour fédérale a fait une interprétation de la partie VII qui l’a vidé de tout son sens. Notamment, la thèse selon laquelle l’obligation prévue à la partie VII ne pourrait cibler « un programme, un processus décisionnel ou une initiative particulière d’une institution fédérale, ou [même] une situation factuelle précise qui aura pu faire l’objet d’une plainte » était indéfendable. En effet, c’est surtout sinon toujours dans le contexte d’une situation factuelle précise que les questions entourant le respect de l’obligation de favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles sont susceptibles de se poser. L’interprétation de la Cour fédérale s’est heurtée aussi de plein fouet au paragraphe 58(1) de la LLO, qui exige que toute plainte alléguant un manquement à la LLO, notamment à sa partie VII, fasse état du « cas précis » qui sous-tend le manquement allégué. Les tribunaux habilités à entendre un recours découlant d’une plainte doivent pouvoir trancher le litige à la lumière de violations précises de la partie VII, puisque c’est le bien-fondé de la plainte qui fait l’objet du recours judiciaire prévu au paragraphe 77(1). Il est difficile de concevoir comment les tribunaux pourraient se prononcer sur une plainte en vertu de la partie VII autrement qu’en vertu de la violation précise qu’elle allègue. L’interprétation qu’il fallait plutôt donner à l’obligation prévue à la partie VII exige que les institutions fédérales soient à l’écoute et attentives aux besoins des minorités de langues officielles aux quatre coins du pays et s’interrogent sur l’impact que les décisions qu’elles sont appelées à prendre peuvent avoir sur ces minorités. Les institutions fédérales ne pourraient autrement être en mesure d’agir de façon à favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles. Cette interprétation coïncide avec celle que fait Patrimoine Canada de l’obligation prévue à la partie VII dans le guide publié à l’intention des institutions fédérales. La Cour fédérale a écarté ce guide. Il s’agissait d’une opinion dont elle aurait eu intérêt à prendre connaissance. L’opinion de l’entité gouvernementale responsable de l’application de la loi qui donne lieu à controverse quant à son interprétation est fréquemment consultée par les tribunaux comme outil d’interprétation. Les mesures énoncées à la partie VII sont élaborées en fonction du but recherché, soit l’épanouissement des minorités de langues officielles. L’interprétation de la partie VII qui a amené Patrimoine Canada à adopter ces mesures est aussi conforme au sens ordinaire et grammatical des mots en plus de tenir compte du contexte législatif. L’obligation prévue à la partie VII ainsi comprise se prête à une analyse en deux temps. Les institutions fédérales doivent d’abord être sensibles à la situation particulière des diverses minorités de langues officielles du pays et déterminer l’impact des décisions et des initiatives qu’elles sont appelées à prendre les concernant. Dans un deuxième temps, les institutions fédérales doivent, dans la mise en œuvre de leurs décisions et initiatives, agir, dans la mesure du possible, afin de favoriser l’épanouissement de ces minorités; ou dans le cas où ces décisions et initiatives sont susceptibles d’avoir un impact négatif, agir, dans la mesure du possible, afin de pallier ou atténuer ces répercussions négatives.

Compte tenu de la preuve au dossier, les plaintes étaient bien fondées. La Cour fédérale n’a pas tenu compte du fondement réel des plaintes et elle a effectué son analyse en fonction d’un mauvais principe juridique. La preuve a révélé que c’est bel et bien l’Entente qui a permis à la Colombie-Britannique de mettre fin à la participation des organismes francophones dans l’offre des services en matière d’aide à l’emploi. Il y avait lieu de se pencher sur le comportement des institutions fédérales avant et après la signature de l’Entente. Ni la clause linguistique ni l’engagement de consulter la communauté francophone n’obligeait la Colombie-Britannique à préserver sous une forme ou une autre le rôle des organismes francophones ou à faire en sorte que la mise en œuvre de l’Entente s’effectue de façon à ne pas nuire à la minorité de langue française. Étonnamment, rien n’a été prévu à l’Entente afin de préserver la capacité d’intervention des institutions fédérales dans l’éventualité où elle était mise en œuvre par la Colombie-Britannique sans tenir compte de cet objectif. Une telle clause aurait pu être insérée dans l’Entente sans excéder les compétences du gouvernement fédéral. Les institutions fédérales se devaient de garder un droit d’intervenir dans l’éventualité où la Colombie-Britannique se montrerait intransigeante. S’il est vrai que la partie VII n’empêche pas la prise de mesures négatives, elle n’exige pas moins qu’elles soient accompagnées de mesures positives afin de pallier les effets négatifs, ou à tout le moins, les atténuer. Rien n’a été fait à cet égard. Les institutions fédérales ne pouvaient signer l’Entente sans à tout le moins faire état de l’obligation qu’elles avaient et ont toujours de favoriser l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la Colombie-Britannique en vertu de la partie VII, et sans se donner les moyens de la faire respecter dans l’éventualité où la mise en œuvre de l’Entente par la Colombie-Britannique s’effectuerait au détriment de cette minorité. Les appels portant sur le manquement à l’obligation prévue à la partie VII de la LLO devaient être accueillis. Les institutions fédérales ont été ordonnées de faire parvenir à la Colombie-Britannique le préavis prévu à l’article 24.0 de l’Entente indiquant leur intention d’y mettre fin dans sa forme actuelle à compter du 1er avril 2024.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 16, 20(1), 23, 24(1).

Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5], art. 91(1A),(2A),(3), 92(13),(16), 93, 102, 106.

Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l’anglais), L.C. 2005, ch. 41.

Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, art. 57(1)d.1),(2),(3), 62, 63.

Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 52b)(i).

Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, préambule, art. 2(b), 25, 41, 42, 43, 58(1), 77, 79, 82(1).

TRAITÉS ET AUTRES INSTRUMENTS CITÉS

Entente Canada‒Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail, signée le 25 avril 1997, art. 7.2, 17.3.

Entente Canada‒Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail, signée le 20 février 2008, art. 1.2, 5.2, 5.3, 5.4, 23.0. 24.0, 25.0.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS SUIVIES :

Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 1365, [2002] 2 C.F. 164, conf. par 2003 CAF 203, [2003] A.C.F. no 741(QL), [2003] 4 C.F. F-81

Décisions appliquées :

Picard c. Canada (Commissaire aux brevets), 2010 CF 86, [2011] 2 R.C.F. 192; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

décisions différenciées :

Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, 1997 CanLII 327; Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick Inc. c. Canada, 2008 CSC 15, [2008] 1 R.C.S. 383.

décisions examinées :

Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada c. Canada (Procureur général), 2010 CF 999, [2012] 2 R.C.F. 23; Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé) (2001), 56 O.R. (3d) 577, 2001 CanLII 21164, [2001] O.J. no 4768 (C.A.) (QL); R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, 1999 CanLII 684; Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, [2002] A.C.F. no 1375 (QL), [2003] 3 C.F. F-16; Agence canadienne de l’inspection des aliments c. Forum des maires de la péninsule acadienne, 2004 CAF 263, [2004] 4 R.C.F. 276; Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201; Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, 1990 CanLII 133; Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, [2020] A.C.S. no 13 (QL); Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3.

Décisions mentionnées :

Renvoi relatif à la Loi sur l’assuranceemploi (Can.), art. 22 et 23, 2005 CSC 56, [2005] 2 R.C.S. 669; Confédération des syndicats nationaux c. Canada (Procureur général), 2008 CSC 68, [2008] 3 R.C.S. 511; Desrochers c. Canada (Industrie), 2006 CAF 374, [2007] 3 R.C.F. 3; Desrochers c. Canada (Industrie), 2009 CSC 8, [2009] 1 R.C.S. 194; R. v. MacKenzie, 2004 NSCA 10, 221 N.S.R. (2d) 51; Caron c. Alberta, 2015 CSC 56, [2015] 3 R.C.S. 511; Thibodeau c. Air Canada, 2014 CSC 67, [2014] 3 R.C.S. 340; Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773; Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289; Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837; Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, 1998 CanLII 793; Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493, 1998 CanLII 816; Canada (Langues officielles) c. CBC/Radio-Canada, 2014 CF 849, [2015] 3 R.C.F. 481, inf. pour d’autres motifs par 2015 CAF 251, [2016] 3 R.C.F. 55; F.N. (Re), 2000 CSC 35, [2000] 1 R.C.S. 880, 2000 CanLII 35; Nowegijick c. la Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, 1983 CanLII 18; Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, 1996 CanLII 217; Canada (Procureur général) c. Viola (1990) , [1991] 1 C.F. 373, [1990] A.C.F. no 1052 (QL) (C.A.); Hollis c. Dow Corning Corp., [1995] 4 R.C.S. 634, 1995 CanLII 55; Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1993] 1 R.C.S. 1080, 1993 CanLII 129; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, 1991 CanLII 74.

DOCTRINE CITÉE

Canada. Patrimoine canadien. Guide à l’intention des institutions fédérales. Loi sur les langues officielles, Partie VII : Promotion du français et de l’anglais. Ottawa : Patrimoine canadien, 2007.

Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 4e éd. Scarborough, Ont. : Carswell, 1997.

APPELS à l'encontre d’une décision rendue par la Cour fédérale (2018 CF 530, [2019] 1 R.C.F. 243) refusant de donner suite au recours par l’appelante la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique, suite à des plaintes alléguant que les intimés ont manqué aux obligations linguistiques qui leur incombent en vertu parties IV et VII de la Loi sur les langues officielle (LLO) et du paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés lors de la mise en œuvre de l’Entente Canada – Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail, signée en février 2008. Appel portant sur la partie IV de la LLO rejeté; appel portant sur la partie VII de la LLO accueilli.

ONT COMPARU :

Nicolas Rouleau et Isabelle Bousquet pour l’appelant le commissaire aux langues officielles.

Giacomo Zucchi et Maxime Chambers-Dumont pour l’appelante la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique.

Ian Demers et Lisa Morency pour les intimés le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

Érik Labelle Eastaugh pour l’intervenant l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick.

Audrey Mayrand pour l’intervenant Quebec Community Groups Network.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Commissariat aux langues officielles, Gatineau, pour l’appelant le commissaire aux langues officielles.

Juristes Power, Ottawa, pour l’appelante la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique.

Le sous-procureur général du Canada pour les intimés le ministère de l’Emploi et du Développement social et la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

Procureur général de la Colombie-Britannique pour l’intervenant le procureur général de la Colombie-Britannique.

Caza Saikaley s.r.l., Ottawa, pour l’intervenant l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick.

Juristes Power, Montréal, pour l’intervenant Quebec Community Groups Network.

Voici les motifs du jugement rendus en français par

La Cour :

Table des matières

Introduction

Les faits

Décision faisant l’objet de l’appel

Position des parties

A.    Les appelants et les intervenants qui les soutiennent

  La FFCB

  Le Commissaire

  L’AJEFNB

  Le QCGN

B.    Les intimés et le procureur général de la C.-B.

  EDSC et la Commission

  Le procureur général de la C.-B.

Analyse et Décision

A.    Norme de contrôle

B.    Interprétation des droits linguistiques

C.   Partie IV de la LLO

D.   Partie VII de la LLO

  Le contexte entourant la partie VII

  L’objet des paragraphes 41(1) et (2)

  Le libellé des dispositions de la partie VII

  L’interprétation du juge de première instance

E.    L’obligation prévue à la partie VII a-t-elle été respectée?

  Les plaintes

  Le rapport du Commissaire

  Les plaintes sont-elles fondées?

  Quelle réparation serait convenable et juste eu égard aux circonstances?

Dispositif

Annexe

INTRODUCTION   [table des matières]

[1]        La Fédération des francophones de la Colombie-Britannique et le commissaire aux langues officielles (les appelants et respectivement la FFCB et le Commissaire) se portent chacun en appel d’une décision (2018 CF 530) rendue par le juge Gascon de la Cour fédérale (le juge de première instance) refusant de donner suite au recours formé par la FFCB en vertu du paragraphe 77(1) de la Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31 (la LLO).

[2]        Le recours fait suite à quatre plaintes entérinées par le Commissaire alléguant que les intimés, Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), depuis renommé Emploi et Développement social Canada (EDSC), et la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) (collectivement les intimés ou les institutions fédérales) ont manqué aux obligations linguistiques qui leur incombent en vertu des parties IV et VII de la LLO et du paragraphe 20(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44] (la Charte), lors de la conclusion et de la mise en œuvre de l’Entente Canada – Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail signée en février 2008 (l’Entente). L’Entente a été conclue en vertu de l’article 63 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la LAE).

[3]        Le juge de première instance a refusé de donner suite au recours de la FFCB jugeant qu’en vertu de l’Entente, la Colombie-Britannique (la C.-B. ou la province) n’agit pas « pour [le] compte » d’EDSC et de la Commission comme l’exige la partie IV de la LLO à son article 25, et que ces dernières avaient pris des mesures positives suffisantes pour s’acquitter de l’obligation qui découle de la partie VII, et plus précisément de son article 41.

[4]        Au soutien de son appel, la FFCB maintient que le juge de première instance se devait de conclure, selon le droit applicable et la preuve, que l’Entente ainsi que les prestations d’emploi et les mesures de soutien qu’elle autorise vont à l’encontre du paragraphe 20(1) de la Charte, et des parties IV et VII de la LLO.

[5]        Le Commissaire pour sa part s’attaque au volet de la décision qui porte sur la partie VII. Il maintient que, bien que le juge de première instance ait correctement énoncé les principes applicables à l’interprétation des droits linguistiques, il n’a pas tenu compte de l’intention du législateur de responsabiliser les institutions fédérales au cas par cas quant aux obligations qui leur incombent en vertu de la partie VII.

[6]        Les intimés nous demandent de rejeter les appels au motif que la partie IV ne s’applique pas à la C.-B. et que la preuve permettait au juge de première instance de conclure qu’ils ont pris des mesures positives suffisantes pour satisfaire à l’obligation prévue à la partie VII de la LLO.

[7]        Le procureur général de la Colombie-Britannique, en sa qualité d’intervenant, nous demande de confirmer la décision du juge de première instance alors que le Quebec Community Groups Network (QCGN) et l’Association des juristes d’expression française du Nouveau-Brunswick (AJEFNB) nous demandent de l’infirmer, chacun souscrivant pour l’essentiel à la position des parties qu’il soutient.

[8]        Pour les motifs exposés ci-après, nous sommes d’avis que le juge de première instance a conclu à bon droit que la partie IV de la LLO et le paragraphe 20(1) de la Charte ne s’appliquent pas à la C.-B. dans sa mise en œuvre de l’Entente. Par contre, il a mal interprété l’obligation qui incombe aux institutions fédérales sous le régime de la partie VII de la LLO.

[9]        Après avoir effectué nous-mêmes l’analyse selon le critère légal applicable, nous en venons à la conclusion que les institutions fédérales n’ont pas respecté l’obligation qu’elles ont envers la minorité linguistique francophone de la C.-B. sous le régime de la partie VII de la LLO et que les plaintes sont à cet égard bien fondées. Il s’ensuit que les appels ayant trait au bris de l’obligation prévue à la partie VII de la LLO doivent être accueillis.

[10]      Les dispositions pertinentes de la LAE, de la LLO et de la Charte telles qu’elles se lisaient au moment du dépôt des plaintes sont reproduites en annexe des présents motifs.

LES FAITS  [table des matières]

[11]      La bataille que livre la minorité linguistique francophone de la C.-B. en matière de droits linguistiques reliés aux services d’aide à l’emploi en C.-B. date des années 1990. Il y a lieu de remonter à ses origines et de retracer son histoire jusqu’au dépôt des plaintes en 2011 afin de bien saisir les enjeux qu’elles soulèvent.

[12]      En 1993, le gouvernement fédéral a annoncé son intention d’effectuer une réforme majeure des programmes sociaux d’un bout à l’autre du pays. L’un des buts envisagés était d’instaurer une approche nouvelle en matière de services d’aide à l’emploi qui serait mieux coordonnée, gérée localement et qui répondrait mieux aux besoins des communautés locales. L’objectif ultime était pour le gouvernement fédéral de se retirer de ce champ d’activité au profit des provinces tout en fournissant le financement nécessaire pour leur permettre d’assumer ce rôle. Cette initiative a mené à l’adoption de la LAE, le 30 juin 1996.

[13]      La partie II de la LAE énonçait les différents modes de partenariat envisagés dans le cadre de la réforme. Son paragraphe 57(3) autorisait la Commission à établir des prestations d’emploi et mesures de soutien (prestations et mesures) selon trois types d’accord intergouvernementaux :

  un accord de cogestion assurant une coopération accrue entre les deux ordres de gouvernement. Selon ce type d’accord, la Commission conservait la responsabilité d’établir et d’assurer l’offre des prestations et mesures. Il n’y avait donc aucun transfert de fonds, mais la province participe à la conception et à la gestion des prestations et mesures, généralement par le truchement d’un comité de gestion conjoint (paragraphe 57(2) de la LAE);

  un accord permettant à la Commission de confier aux provinces le mandat d’administrer elles-mêmes les prestations et mesures « pour [le] compte » de la Commission (article 62 de la LAE);

  un accord de dévolution complète en vertu duquel les provinces devaient concevoir et administrer leurs propres prestations et mesures, avec l’aide financière du fédéral, dès lors que les mesures instaurées par les provinces étaient « similaires » à celles offertes par la Commission et qu’elles correspondaient à l’objet et aux lignes directrices prévues à la partie II de la LAE (article 63 de la LAE).

[14]      Au moment de l’adoption de la LAE, il était clair que la LLO allait s’appliquer à la prestation des services d’aide à l’emploi dans les provinces selon le premier type d’accord puisque la Commission continuait à assumer cette responsabilité elle-même, ainsi que selon le deuxième, puisque les provinces devaient agir dans ce contexte « pour [le] compte » de la Commission au sens de l’article 25 de la LLO (voir aussi l’affidavit de Mark Goldenberg, aux paragraphes 79 à 81 : dossier d’appel, à la page 6292). Comme nous le verrons, l’application de la LLO au troisième type d’accord était beaucoup moins certaine et ce sont les tribunaux, quelques années plus tard, qui ont établi que la LLO ne s’appliquait pas aux services d’aide à l’emploi rendus par les provinces en vertu de ce type d’accord (Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2001 CFPI 1365, [2002] 2 C.F. 164 (Lavigne CF), tel que confirmé par Lavigne c. Canada (Développement des ressources humaines), 2003 CAF 203, [2003] A.C.F. no 741 (QL), [2003] 4 C.F. F-81 (Lavigne CAF)). Comme nous le verrons, la FFCB remet en question ces décisions dans le cadre des présents appels.

[15]      Par suite de la publication du projet de loi qui a mené à l’adoption de la LAE, les minorités de langues officielles, avec l’appui du Commissaire, ont fait part de leurs inquiétudes quant au sort qui leur serait réservé si cette troisième option était choisie. Peu de temps avant l’adoption du projet de loi, le Commissaire a écrit au ministre de RHDCC pour lui reprocher le fait que le projet de loi ne reflétait pas et ne tenait pas compte de l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser l’épanouissement et le développement des minorités de langues officielles conformément à la partie VII de la LLO (affidavit de Mark Goldenberg, pièce MG-7 : dossier d’appel, aux pages 7174 et 7175).

[16]      C’est en réponse à ces préoccupations que la ligne directrice maintenant prévue à l’alinéa 57(1)d.1) de la LAE a été ajoutée au projet de loi afin d’obliger les provinces participantes à donner aux bénéficiaires des services « la possibilité de recevoir de l’aide dans le cadre de prestations ou de mesures dans l’une ou l’autre des langues officielles là où l’importance de la demande le justifie ». Les clauses qui ont été insérées, afin de donner effet à cette ligne directrice dans les ententes de dévolution qui ont par la suite été conclues avec les provinces et territoires, ont été baptisées « clauses linguistiques ».

[17]      Malgré l’ajout de cette ligne directrice, la minorité linguistique francophone de la C.-B. est demeurée craintive quant aux effets qu’une entente de pleine dévolution pourrait avoir sur elle. Quelques mois après l’adoption de la LAE, la présidente de la FFCB, Diane Côté, a écrit au ministre de RHDCC, à l’époque Pierre Pettigrew, pour lui faire part du tort qui pourrait être causé à cette minorité :

En Colombie-Britannique, les expériences passées quant à la capacité, voir[e] même la volonté, des autorités gouvernementales de la Colombie-Britannique de se doter de mécanismes adéquats pour répondre aux aspirations de la communauté francophone, nous donnent raison de croire que le niveau de service offert à notre communauté ne pourra que se détériorer si les programmes de développement du marché du travail sont confiés à la province. À titre d’exemple, l’article 530 du Code criminel du Canada permet aux prévenus d’obtenir un procès dans la langue officielle de son choix. Toutefois, l’administration des tribunaux est de la responsabilité du ministère provincial du Procureur général et ce dernier n’est toujours pas en mesure, sept ans après l’entrée en vigueur des dispositions législatives le prévoyant, de répondre adéquatement à ce droit linguistique. Vous comprendrez donc que sans une entente administrative qui définisse et garantisse clairement les droits linguistiques des francophones de la Colombie-Britannique, nous sommes tout à fait justifiés d’avoir des inquiétudes face à l’engagement de la province sur cette question.

(Affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9804 et 9805.)

[18]      L’une des sources de préoccupation était que, selon la troisième option, rien n’obligeait les provinces à favoriser l’épanouissement et le développement des minorités de langues officielles comme l’exige l’article 41 de la LLO, et aucun recours auprès du Commissaire n’était prévu à cet égard. La lettre de la FFCB se termine ainsi :

[…] Nous craignons que la situation sera des plus difficiles pour les francophones de la Colombie-Britannique si l’entente présentement en négociation ne comporte pas un langage précis quant aux responsabilités des parties en matière linguistique. Nous vous demandons d’intervenir immédiatement auprès de vos négociateurs afin de leur donner des instructions précises quant aux éléments nécessaires, en ce qui a trait aux droits linguistiques, qui devraient constituer une condition essentielle à la signature d’une entente avec la Colombie-Britannique.

Je crois que le gouvernement se doit d’agir sur cette question et réitérer son engagement envers la dualité linguistique du Canada en s’assurant que de telles ententes administratives ne laissent aucune place à l’interprétation de la part des provinces quant aux services auxquels nous sommes en droit de s’attendre et ce, dans notre langue officielle.

(Affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9804 et 9805.)

[19]      Ces craintes se sont amenuisées quelque peu deux mois plus tard lorsque le gouvernement fédéral et la C.-B. ont initialement décidé de signer un accord de cogestion (Entente Canada – Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail (1997)) lequel, tel qu’il est dit plus haut, garantissait l’application continue de la LLO dans le cadre de l’offre de services d’aide à l’emploi en C.-B.

[20]      Cet accord de cogestion a été conclu le 25 avril 1997 et a été en vigueur pendant un peu plus de dix ans. Selon ses modalités, le gouvernement fédéral demeurait responsable de l’établissement des prestations et mesures tandis que la C.-B. participait à leur conception et gestion. La C.-B. contribuait également à établir les objectifs et les priorités (rapport final d’enquête du Commissariat aux langues officielles daté d’avril 2013, à la page 3; affidavit d’Hovan Baghdassarian, aux paragraphes 45 à 59 : dossier d’appel, aux pages 2298 et 2699 à 2702).

[21]      Les services offerts par la Commission dans le cadre de l’accord de cogestion étaient complémentaires à certains programmes d’emploi déjà offerts par la C.-B. (affidavit d’Hovan Baghdassarian, aux paragraphes 8 à 21 : dossier d’appel, aux pages 2687 à 2692). Pour éviter un dédoublement de l’aide financière, les clients admissibles aux deux étaient renvoyés à RHDCC par la province (affidavit de Duncan Shaw, aux paragraphes 96 et 104 : dossier d’appel, aux pages 8644 et 8646).

[22]      En vertu de la clause linguistique (article 7.2 de l’accord de cogestion), les clients dans certaines régions faisant l’objet d’une demande importante (i.e. Vancouver (incluant New Westminster), Victoria, Abbotsford, Chilliwack, Penticton, Prince George, Kelowna, Kamloops et Nanaimo) pouvaient être servis dans les deux langues officielles (affidavit de Viviane Beaudoin, au paragraphe 10 : dossier d’appel, aux pages 4391 et 4392).

[23]      La prestation des « services d’aide à l’emploi » s’effectuait quant à elle principalement par l’entremise d’organisations particulières desservant la communauté avec le soutien financier de la Commission. Afin de s’assurer que ces services soient offerts aux membres de la minorité linguistique francophone dans leur langue, la Commission finançait des organismes francophones (affidavit d’Hovan Baghdassarian, au paragraphe 60; affidavit de Duncan Shaw, aux paragraphes 62, 67 et 70 à 72 : dossier d’appel, aux pages 2702 et 8636 à 8638).

[24]      Par suite de l’entrée en vigueur de l’accord de cogestion, la participation des organismes francophones a progressé substantiellement et est devenue un important outil de promotion de la dualité linguistique dans la province. Les organismes francophones ont développé avec une certaine fierté une large gamme de services assistés et non-assistés qu’ils offraient aux membres de la communauté francophone à la recherche d’emplois (affidavit de Réal Roy, au paragraphe 10; affidavit de Duncan Shaw, aux paragraphes 73 à 75 : dossier d’appel, aux pages 1825, 8638 et 8639).

[25]      En ce qui a trait aux services non-assistés ou aux activités dites « libre-service », les organismes francophones fournissaient des outils aux chercheurs d’emploi, tels que des ressources informatiques donnant accès à des bases de données pour la recherche d’emploi et la préparation de dossiers de candidature, une bibliothèque d’ouvrages de référence et des banques d’emplois personnalisées pour les francophones (affidavit de Christian Francey aux paragraphes 35, 36 et 44; affidavit d’Yvon Laberge, aux paragraphes 27 à 31; affidavit de Tanniar Leba, au paragraphe 13; affidavit de Lise Morin, aux paragraphes 6 à 8 : dossier d’appel, aux pages 415, 418, 778, 779, 1559, 1697 et 1698).

[26]      Les clients des organismes francophones avaient également accès à de multiples activités et services dits « assistés », en ce qu’ils étaient offerts sous la supervision de conseillers à l’emploi, notamment :

  La gestion de cas : un conseiller ou coach à l’emploi rencontrait le client afin de cerner ses besoins en emploi. Avec le client, le conseiller élaborait un plan d’action pour le retour au travail et assurait les suivis auprès du client. L’aide pouvait porter, par exemple, sur la préparation de C.V. ou la planification de carrière, mais aussi sur la présentation d’une demande de prestations d’assurance-emploi. Les suivis comprenaient des rencontres en personne et par téléphone ainsi que la communication de nouvelles occasions d’emploi.

  Les ateliers de groupe : des ateliers de groupe sur la recherche d’emploi et la planification de carrière étaient organisés, sur des sujets tels que le perfectionnement des compétences, la préparation d’une lettre de présentation ou de son C.V., le réseautage et les techniques d’entrevue.

  Les services en ligne : la possibilité était offerte de communiquer par voie électronique avec un conseiller à l’emploi.

  Les foires à l’emploi : une à deux fois par année, des foires à l’emploi étaient organisées à Vancouver pour permettre le contact entre des employés capables de s’exprimer en français et des employeurs potentiels qui offraient un milieu de travail bilingue.

  Les cafés emploi : comme activité de réseautage, on pouvait inviter un employeur à faire un exposé aux personnes intéressées par le domaine.

  Les interventions régionales : un conseiller à l’emploi basé dans les grands centres pouvait se rendre dans des régions plus éloignées, au besoin, afin d’y offrir des services d’aide à l’emploi en français dans la communauté.

  Les conseillers d’orientation : un conseiller d’orientation était chargé de répondre aux questions portant sur la situation d’emploi ou le choix de carrière, et d’aider à comprendre et surmonter les obstacles nuisant à la recherche d’emploi.

(Affidavit de Christian Francey, aux paragraphes 37 à 44; affidavit d’Yvon Laberge, aux paragraphes 32 à 43; affidavit de Tanniar Leba, aux paragraphes 14 et 15; affidavit de Lise Morin, aux paragraphes 9 à 15 : dossier d’appel, aux pages 416 à 418, 779 à 781, 1559, 1698 et 1699.)

[27]      La FFCB, en tant qu’organisme qui représente les intérêts de la minorité linguistique francophone de la province, y était pour beaucoup. Cinq organismes, tous étant membres de la FFCB, recevaient du financement de la Commission pour leur participation dans l’offre de services d’aide à l’emploi, soit le Collège Éducacentre (Éducacentre); la Société francophone de Victoria (SFV); La Boussole — Centre communautaire francophone (La Boussole); le Centre francophone de services à l’emploi de l’Okanagan (CFSEO); le Centre d’intégration pour immigrants africains (CIIA). Ces organismes desservaient différentes régions, soit Vancouver, Victoria, Prince George, Kelowna, Penticton et New Westminster. Tout en étant distincts les uns des autres, ils avaient comme point commun leur tissu foncièrement francophone.

[28]      À l’aube de l’entrée en vigueur de la LAE, le rôle de ces organismes en C.-B. était encore embryonnaire. C’est grâce au partenariat avec RHDCC par suite de la signature de l’accord de cogestion que certains de ces organismes ont été en mesure d’ouvrir leurs portes ou d’élargir la portée de leurs services. À cette fin, les organismes renouvelaient annuellement des ententes conclues avec RHDCC lesquelles décrivaient avec précision les services d’aide à l’emploi qu’ils s’engageaient à offrir à la minorité linguistique francophone et prévoyaient le financement nécessaire (affidavit de Christian Francey, aux paragraphes 7 à 9; affidavit d’Yvon Laberge, aux paragraphes 18, 19 et 23; affidavit de Tanniar Leba, aux paragraphes 8 à 10; affidavit de Lise Morin, aux paragraphes 2 à 5; rapport final d’enquête du Commissariat aux langues officielles daté d’avril 2013, aux pages 1 et 3; affidavit de Duncan Shaw, au paragraphe 75, pièces DS-9 et DS-14 : dossier d’appel, aux pages 407, 408, 776, 777, 1558, 1559, 1697, 2296, 2298, 8639, 9266 à 9394 et 9558).

[29]      Malgré l’accord de cogestion et la participation continue des organismes francophones dans l’offre des services d’aide à l’emploi, la possibilité d’une pleine dévolution en faveur de la C.-B. demeurait une source de préoccupation. L’accord de cogestion prévoyait en effet que la C.-B. pouvait en effectuer la demande en tout temps si elle le jugeait opportun (article 17.3 de l’accord de cogestion).

[30]      Le 12 janvier 1998, la FFCB a fait parvenir à RHDCC une lettre faisant part des garanties auxquelles elle s’attendait dans l’éventualité d’une pleine dévolution et demandait au ministre de « [s’]engager à ne pas signer d’[accord] avec la [C.-B.] qui ne prévoirait pas de mesures pour répondre [aux exigences de] la Partie VII de la Loi sur les langues officielles, particulièrement l’article 41 » (affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9806 et 9807). On peut y lire que la « préoccupation immédiate de la communauté francophone tient au fait que le gouvernement provincial ne semble pas vouloir mettre en place un mécanisme de coopération qui aurait pour effet de mieux cerner les besoins de notre communauté et de proposer des initiatives pour y répondre ».

[31]      Le 11 juin 1998, après avoir appris que la C.-B. avait officiellement demandé la pleine dévolution des mesures visant le développement du marché du travail, la FFCB a de nouveau soulevé ses inquiétudes auprès du ministre Pettigrew en ces termes :

[L]es actions passées et présentes de la part des dirigeants gouvernementaux de notre province, avec en tête le premier ministre Glen Clark, ne peuvent que susciter une grande inquiétude quant au niveau de services dans notre langue officielle qu’offrirait le gouvernement provincial. Le moyen d’atténuer nos inquiétudes reste l’inclusion, dans une éventuelle entente de transfert des responsabilités, de clauses précises quant à la question de l’application de la Loi sur les langues officielles.

(Affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9812 et 9813.)

[32]      La lettre rappelle que des garanties spécifiques sont requises « en raison du risque élevé qu’une fois responsable de la livraison des mesures […], le gouvernement provincial ne respecte pas les services auxquels nous devrions avoir accès dans notre langue ». La FFCB conclut en insistant sur le fait qu’en l’absence de garanties suffisantes, il serait préférable que le gouvernement fédéral demeure responsable de sa part des services en matière d’aide à l’emploi en C.-B. :

Advenant l’impossibilité de convaincre le gouvernement provincial d’accepter un niveau de responsabilité maximal à l’égard de l’application de la Loi sur les langues officielles, j’aimerais savoir s’il serait possible que le gouvernement fédéral demeure responsable des mesures inhérentes au développement des marchés du travail pour la communauté francophone […]

Je crois que vous avez eu l’occasion de bien saisir le contexte politique défavorable dans lequel se trouve la francophonie britanno-colombienne et de constater l’absence de considération, sous quelque forme que ce soit, que nous recevons des autorités politiques provinciales. Sans un leadership ferme de votre part, le Canada ne pourra s’enorgueillir du bilinguisme officiel d’un océan à l’autre.

(Affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9812 et 9813.)

[33]      Le ministre répondra à cette lettre le 26 août 1998 en indiquant qu’à l’égard de chaque province qui opte pour une pleine dévolution, les ententes contiennent des « engagements fermes au niveau des langues officielles », et qu’il s’agit là d’une « priorité » dans les négociations. Il explique notamment que les clauses linguistiques exigeront que les programmes et services soient offerts en anglais sur demande au Québec et qu’ils le seront dans les deux langues officielles au Nouveau-Brunswick pour refléter la situation particulière de chaque province (affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9810 et 9811).

[34]      Cette réponse a semé beaucoup d’inquiétudes, la FFCB étant d’avis que la teneur des clauses linguistiques devait plutôt être fonction de la fragilité de la minorité linguistique concernée dans la province bénéficiaire de la dévolution. Dans sa réponse du 16 octobre 1998, la FFCB écrit :

Nul n’est besoin de vous dire que si l’entente devait se contenter de clauses linguistiques conformes à la réalité linguistique qui prévaut au gouvernement provincial, le contenu sera mince pour la communauté francophone de notre province. Ce qui est important pour nous, c’est que le public francophone ait accès à des services de qualité dans leur langue. Que ces derniers puissent compter sur des recours auprès du Commissaire aux langues officielles dans les cas où le service ne serait pas disponible.

De plus, j’aimerais que vous me confirmiez que des initiatives spéciales à notre développement comme le projet de formation d’Éducacentre, le centre d’entrepreneuriat de la Chambre de commerce franco-colombienne ou encore les projets d’emplois des associations francophones seront toujours accessibles conformément à l’esprit de l’article 41 de la Loi sur les langues officielles […]

(Affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9814 et 9815.)

[35]      Dans sa réponse du 18 février 1999, le ministre de RHDCC se rabat sur la clause linguistique pour expliquer que la minorité de langue officielle de la C.-B. n’a rien à craindre :

[…] Je ne saurais que vous réitérer ma ferme intention de faire en sorte qu’une nouvelle entente Canada-Colombie-Britannique sur le développement du marché du travail permette d’assurer la disponibilité des programmes et des services en français là où la demande le justifie.

[…] Comme je vous en ai moi-même assurée, votre communauté sera bien au courant des clauses linguistiques d’une future entente Canada-Colombie Britannique, et ce, avant que cette entente ne soit signée.

(Affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-18 : dossier d’appel, aux pages 9816 et 9817.)

[36]      Peu de temps avant, soit en avril 1998, un Groupe de travail sur les transformations gouvernementales et les langues officielles avait été mis sur pied dans la foulée d’une recommandation faite par le Commissaire. Ce groupe, en effectuant sa revue des enjeux, a pu constater la situation particulière de la minorité linguistique francophone de la C.-B. et en fait part au ministre Pettigrew en ces termes :

Lors de ces consultations, presque toutes les associations rencontrées ont identifié les ententes sur le développement du marché du travail comme étant l’une des plus importantes transformations survenues dans l’appareil gouvernemental au cours des dernières années ayant un effet significatif sur les communautés de langue officielle vivant en situation minoritaire. J’aimerais porter à votre attention, plus particulièrement les représentations faites par la [FFCB] à l’égard des pourparlers entre votre Ministère et la Colombie-Britannique, afin de permettre à la province d’assumer plus de responsabilités en ce qui a trait aux mesures actives d’emploi financées par les fonds d’assurance-emploi.

En effet, les représentants de [la FFCB] ont exprimé, devant les membres du Groupe de travail, leur profonde inquiétude quant à l’accès, en français, aux services et programmes visés, une fois que la responsabilité de les livrer aura été transférée à la province. La [FFCB] évoque le contexte politique de la Colombie-Britannique et le peu de considération du gouvernement provincial à l’endroit de la communauté francophone. Elle souhaiterait un engagement ferme de votre part d’exiger de la province qu’elle s’engage à respecter la Loi sur les langues officielles. Il n’appartient pas cependant au Groupe de travail de s’immiscer dans les négociations qui ont cours présentement avec la province de la Colombie-Britannique. Il nous semble toutefois approprié que votre Ministère exige de la province un engagement ferme quant à la prestation de programmes et services en français.

Le Groupe de travail ne pouvait demeurer sourd à cette requête et vous la transmet, sachant pouvoir compter sur votre bienveillante attention, quant à la suite à lui donner.

(Affidavit de Mark Goldenberg, pièce MG-16 : dossier d’appel, aux pages 7519 et 7520.)

[37]      Le ministre de RHDCC a répondu au Groupe de travail en réitérant son engagement « d’assurer la protection des droits des communautés de langue officielle dans toute entente » et, que si une entente devait être signée avec la C.-B., elle comprendrait « des engagements clairs qui permettront l’accès à des programmes et services dans les deux langues officielles là où l’importance de la demande le justifie » (affidavit de Mark Goldenberg, pièce MG-16 : dossier d’appel, aux pages 7521 et 7522).

[38]      Les échanges se sont par la suite amenuisés avant de reprendre de plus belle huit ans plus tard suite au dépôt à la Chambre du budget du 19 mars 2007. À cette occasion, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il offrait le transfert intégral des programmes d’aide à l’emploi à toutes les provinces qui n’avaient pas encore signé une entente de dévolution complète.

[39]      Le 27 avril 2007, la FFCB envoyait un courriel à la Direction générale des compétences et de l’emploi de RHDCC faisant part des inquiétudes que suscitent dans la province le début des négociations fédérales-provinciales devant aboutir à la pleine dévolution des programmes d’aide à l’emploi en faveur de la C.-B. Le courriel explique l’importance de la participation continue des organismes francophones pour répondre aux besoins de la communauté francophone :

Grâce à l’appui du gouvernement fédéral pour les communautés de langues officielles, grâce à l’appui de votre ministère en fait, un certain nombre d’organisations francophones offrent un large […] éventail de services dans le domaine de l’emploi, certains, comme au Collège Éducacentre et à la Boussole depuis des années, d’autres récemment négociés comme au Centre d’intégration des immigrants africains. Ces programmes d’appui sont pour notre communauté d’une importance primordiale, leur efficacité n’est plus à démontrer, les chiffres sont faciles à consulter, vous le savez.

Nous croyons que les relations que la communauté francophone entretient avec le gouvernement provincial sont bonnes, le Secrétariat des affaires inter-gouvernementales par l’intermédiaire du Bureau des affaires francophones et de son ministre nous a ouvert bien des portes, mais il ne fait aucun doute que cette dévolution de pouvoir pourrait s’avérer catastrophique et remettre toute cette programmation en question. Nous savons que le gouvernement fédéral peut imposer, lors des négociations, une c[l]ause linguistique destinée à tordre le bras du gouvernement provincial et du ou des ministères provinciaux qui seront responsables de la gestion de ces programmes. Il faudrait encore que cette clause ait force exécutoire et que le gouvernement provincial ne puisse pas l’ignorer. Nous savons aussi qu’en Colombie-Britannique contrairement au Nouveau-Brunswick, notre communauté n’a aucun statut officielle [sic], tout est laissé à la discrétion et à la bonne volonté du gouvernement provincial.

Nous savons de plus, par expérience, que même des fonds fédéraux destinés à offrir des services aux francophones ne sont pas toujours alloués aux organisations francophones pour cette prestation de services. Le dossier de l’immigration francophone dans notre province en est l’exemple le plus flagrant. J’aimerais entamer le dialogue et partager avec vous ces inquiétudes. Je sais qu’en Colombie-Britannique, certains employés de votre ministère sont déjà conscients que la communauté francophone est prête à faire tout en son pouvoir pour s’assurer que les programmes que nous offrons avec succès ne seront en aucun cas menacés ou remis en question. J’ai reçu quelques appels, ce qui m’a permis de faire part de la détermination de l’ensemble de la communauté francophone.

(Affidavit de Réal Roy, pièce B : dossier d’appel, aux pages 1889 et 1890.)

[40]      Le 14 mai 2007, la présidente de la FFCB envoie de nouveau une lettre, cette fois directement au ministre de RHDCC, à l’époque Monte Solberg. La lettre rappelle, une fois de plus, l’importance de la participation continue des organismes francophones dans l’offre des services d’aide à l’emploi en C.-B. :

[traduction]

L’une des réussites de notre communauté tient au partenariat que nous avons noué au fil des ans avec le gouvernement fédéral et le ministre dont vous avez maintenant la gouverne, Ressources humaines et Développement social. Les programmes liés à l’emploi conçus par votre ministère ont été offerts par des employés francophones au sein d’institutions francophones pendant les quinze dernières années. Le nombre de fournisseurs de services francophones a augmenté chaque année, et le nombre de clients francophones qui bénéficiaient des services à un moment crucial de leur vie a aussi augmenté de façon constante.

[...]

Nous aimerions croire qu’au cours des négociations qui auront lieu, vous inclurez une clause linguistique et que la province aura l’obligation, voire le devoir, de la respecter, soit une clause exécutoire à laquelle elle ne pourra déroger. Le ministère provincial qui gère ces programmes serait investi des mêmes responsabilités que son homologue fédéral auparavant.

Certes, la communauté francophone en Colombie-Britannique est soutenue par le gouvernement provincial et par le ministre responsable des Affaires intergouvernementales, l’honorable John van Dongen.

Or, nous savons que la dévolution de pouvoirs amène des répercussions négatives. Le financement des services d’immigration francophones demeure un enjeu pour notre communauté, comme vous le savez. En Colombie-Britannique, les services de réinstallation offerts aux immigrants francophones relèvent encore exclusivement des fournisseurs de service de la communauté en général.

(Affidavit de Réal Roy, pièce C : dossier d’appel, aux pages 1892 et 1893.)

[41]      Trois mois plus tard, le ministre Solberg a réitéré la position prise par le gouvernement fédéral au cours des années, selon laquelle une clause linguistique correspondant au texte de l’alinéa 57(1)d.1) de la LAE assurerait la protection de la minorité linguistique francophone de la C.-B. (affidavit de Réal Roy, pièce D : dossier d’appel, à la page 1895).

[42]      Le dernier échange digne de mention à l’étape qui a précédé la dévolution complète a eu lieu lors d’une rencontre en septembre 2007 pendant laquelle la FFCB a tenté d’éveiller les fonctionnaires fédéraux chargés des négociations finales à la réalité particulièrement critique de la minorité linguistique francophone en C.-B. et à l’importance d’incorporer à l’éventuelle entente une clause linguistique « hermétique » (affidavit de Réal Roy, pièce E : dossier d’appel, à la page 1899).

[43]      La dévolution complète des services d’aide à l’emploi a finalement eu lieu quelques mois plus tard. L’Entente a été signée par les parties (la C.-B. étant représentée par son ministre responsable et le Canada étant représenté par la Commission et RHDCC) le 20 février 2008. L’Entente prévoit qu’elle entrerait en vigueur le 2 février 2009, date qui coïncide avec la date de la révocation de l’accord de cogestion (articles. 2.4 et 3.1 de l’Entente). La C.-B. était l’avant-dernier ressort au pays à assumer la responsabilité complète et exclusive des services d’aide à l’emploi, le Yukon étant le dernier (affidavit de Mark Goldenberg, aux paragraphes 119 et 120 : dossier d’appel, à la page 6300).

[44]      L’Entente ne précise pas sa durée et est toujours en vigueur. Elle peut être résiliée à tout moment avec un préavis de deux ans, auquel cas les parties s’engagent à collaborer afin d’éviter que les services aux clients soient indûment amoindris ou interrompus (articles 23.0 et 24.0 de l’Entente). L’Entente peut aussi être modifiée en tout temps avec l’accord des parties (article 25.0 de l’Entente).

[45]      En ce qui a trait à l’utilisation des langues officielles dans la fourniture des services, l’Entente comporte une clause linguistique par laquelle la C.-B. s’engage à faire en sorte que les services offerts soient accessibles dans l’une ou l’autre des langues officielles là où la demande le justifie (articles 5.2 et 5.3 de l’Entente). La C.-B. s’engage aussi à consulter la minorité linguistique francophone « relativement à la fourniture des prestations et mesures » dont elle assume la gérance (article 5.4 de l’Entente).

[46]      La transition entre la signature et l’entrée en vigueur de l’Entente s’est de fait prolongée jusqu’à l’instauration par la C.-B. de son Employment Program of British Columbia (EPBC) et de son modèle à « guichet unique » en avril 2012. Durant cette période, la C.-B. a maintenu la participation des organismes francophones dans l’offre des services d’aide à l’emploi et a prolongé leur financement qui se chiffrait alors à environ 2.4 millions de dollars par année (affidavit de Christian Francey, aux paragraphes 13 et 14; affidavit d’Yvon Laberge, aux paragraphes 20, 21 et 23; affidavit de Tanniar Leba, au paragraphe 11; affidavit de Réal Roy, pièce M; affidavit d’Hovan Baghdassarian, aux paragraphes 88 à 90, 95 et pièce HB-13 : dossier d’appel, aux pages 409, 777, 1559, 2193, 2709, 2710, 3392 et 3393).

[47]      Cette période de transition prolongée a été utilisée par la C.-B. pour lancer une série de consultations à plusieurs niveaux en vue de bonifier la transformation qu’elle envisageait (Business Transformation Project ou projet de transformation des activités). Cette initiative a donné lieu à des consultations avec les représentants de la minorité linguistique francophone, comme l’exige l’article 5.4 de l’Entente (affidavit d’Hovan Baghdassarian, aux paragraphes 64 à 73; affidavit de Duncan Shaw, aux paragraphes 170 à 173 : dossier d’appel, aux pages 2703 à 2706, 8663 et 8664).

[48]      Le nouveau modèle de la C.-B. proposait de séparer la province en 73 régions géographiques et de lancer un appel d’offres afin de désigner des prestataires uniques qui seraient responsables d’offrir la gamme complète de services en matière d’emploi dans chacune de ces régions. Pour être retenu, les prestataires uniques devaient être en mesure de desservir une variété de clientèles spécialisées, dont les francophones, les immigrants, les personnes handicapées, les autochtones et les jeunes (affidavit de Christian Francey, aux paragraphes 19 et 24 à 27; affidavit d’Yvon Laberge, aux paragraphes 45, 51 à 57 et pièce H; affidavit de Tanniar Leba, aux paragraphes 25 et 26 : dossier d’appel, aux pages 411 à 413, 782 à 784, 1486 à 1551, 1561 et 1562).

[49]      Afin de préserver le rôle qu’ils jouaient auprès de la minorité linguistique de la C.-B. dans l’offre des services d’aide à l’emploi, les cinq organismes francophones ont proposé de former un consortium pour offrir un service selon un modèle distinct conçu « par et pour » la communauté francophone, qui serait financé par une enveloppe séparée. Cette proposition a été présentée au mois de septembre 2010 et rejetée promptement par la C.-B. dans le mois qui a suivi (affidavit de Christian Francey, aux paragraphes 18 et 20 à 23; affidavit d’Yvon Laberge, aux paragraphes 46 à 50; affidavit de Tanniar Leba, aux paragraphes 27 à 30; affidavit de Réal Roy, aux paragraphes 52 à 55 et pièce P : dossier d’appel, aux pages 410 à 412, 782, 783, 1562, 1563, 1839, 1840 et 2206 à 2213).

[50]      Selon la C.-B., le consortium n’était pas nécessaire pour assurer des services en français, puisque les prestataires uniques devaient assumer cette obligation dans chacune des régions où cette exigence était tenante. La C.-B. a plutôt suggéré aux organismes francophones de tenter d’offrir leurs services en tant que sous-traitants des prestataires uniques (affidavit de Tanniar Leba, aux paragraphes 31 et 32; affidavit de Réal Roy, aux paragraphes 57 à 62 et 75; affidavit d’Hovan Baghdassarian, aux paragraphes 76 à 81 et pièce HB-10 : dossier d’appel, aux pages 1563, 1840 à 1842, 1846, 2706, 2707 et 3326 à 3338).

[51]      À l’automne 2010, la C.-B., invoquant une série de raisons axées sur l’efficacité, a informé cinq des centres que desservaient les organismes francophones qu’ils cesseraient de recevoir leur financement (affidavit d’Yvon Laberge, au paragraphe 24; affidavit de Taniar Leba, au paragraphe 33; affidavit de Lise Morin, au paragraphe 17; affidavit de Réal Roy, au paragraphe 56, pièce Q; rapport final d’enquête du Commissariat aux langues officielles, aux pages 1 et 4, affidavit d’Hovan Baghdassarian, pièce HB-15 : dossier d’appel, aux pages 778, 1563, 1700, 1840, 2215, 2296, 2299 et 3421 à 3468). La FFCB a encore demandé l’intervention du gouvernement fédéral.

[52]      Dans une lettre envoyée en janvier 2011 à la ministre de RHDCC, à l’époque Diane Finley, la FFCB s’indignait des conséquences dévastatrices qu’allait avoir la fermeture des cinq centres sur la minorité linguistique francophone. La ministre a répondu cinq mois plus tard en évitant complètement la question entourant la participation continue des organismes francophones. La ministre Finley indique que la clause linguistique sera respectée et, quant au mode de livraison des services d’aide à l’emploi, elle invite la FFCB à s’adresser à la C.-B. :

[traduction]

Le gouvernement du Canada s’attend à ce que le gouvernement de la Colombie-Britannique respecte les engagements en matière de langues officielles qui lui incombent sous le régime de l’EDMT. Le gouvernement provincial a assuré Ressources humaines et Développement des compétences à plusieurs reprises qu’il continuera à offrir des services de recherche d’emploi en français là où la demande le justifie.

Si vous avez toujours des préoccupations au sujet de la prestation de services d’aide à l’emploi en Colombie-Britannique, je vous invite à communiquer avec le ministre responsable, l’honorable Harry Bloy, ministre responsable du développement social et du multiculturalisme dans la province.

(Affidavit de Réal Roy, pièce U : dossier d’appel, aux pages 2237 et 2238.)

[53]      C’est à la suite de cette dernière réponse qu’il est devenu évident pour tous que seul le bon vouloir de la C.-B. aurait pu permettre aux organismes francophones de conserver le rôle qu’ils avaient dans la prestation des services d’aide à l’emploi dans la province. En effet, la clause linguistique, qui a été vantée par le gouvernement fédéral au cours des années comme réponse ultime aux craintes des organismes francophones, n’obligeait en rien la C.-B. à préserver leur participation. La seule obligation imposée à la C.-B. par cette clause était de faire en sorte que les services seraient disponibles dans les deux langues officielles au point de contact avec le public, là où la demande le justifie (articles 5.2 et 5.3 de l’Entente).

[54]      Quelques jours après avoir reçu la réponse de la ministre Finley, la FFCB a déposé sa plainte auprès du Commissaire. Il y a lieu de reproduire l’essentiel de la plainte de façon intégrale :

Veuillez accepter cette lettre comme une plainte déposée par la FFCB auprès du Commissariat aux langues officielles suite à la suppression, dans 5 centres de la C.-B. , des services en emploi autrefois offerts aux francophones grâce à des ententes signées avec le ministère des ressources humaines et du développements des compétences. Il s’agit de la Boussole à Vancouver, de Kelowna, de Penticton, de Prince George et du Centre d’intégration des immigrants africains à New Westminster.

Suite à la dévolution de pouvoirs du gouvernement fédéral au gouvernement provincial, dans le cadre d’une entente bilatérale, le Ministère du Développement social en Colombie-Britannique a notifié ces organisations que leur financement leur sera retiré en 2011 et qu’elles ne pourront plus offrir des services en emplois pour la clientèle francophone.

L’entente signée contenait pourtant une clause linguistique dont le ministère fédéral se devait d’assurer le respect en garantissant le maintien de prestations de services dont l’importance n’est plus à démontrer. La demande de ces services reste pressante même si aucun organisme ne peut maintenant y répondre.

Le ministère fédéral des ressources humaines et du développement des compétences a décliné toute responsabilité et a montré un manque d’assiduité. Cette décision provinciale qu’Ottawa ne peut pas ignorer, est une atteinte grave aux droits des francophones de Colombie-Britannique. Cette décision aura des conséquences dévastatrices pour ces francophones et sur la communauté dans laquelle ces personnes évoluent et nuira au développement et l’épanouissement de notre communauté.

(Affidavit de Réal Roy, pièce CC : dossier d’appel, aux pages 2271 et 2272.)

[55]      Trois autres plaintes avaient été déposées dans les mois précédents. Comme celle de la FFCB, chacune vise la coupure du financement des organismes francophones et leur désengagement conséquent au détriment de la minorité linguistique francophone (affidavit de Serge Dancoste, pièce A; affidavit de Tanniar Leba, pièce B; affidavit de Duncan Shaw, pièces DS-38 et DS-39 : dossier d’appel, aux pages 337 à 339, 1576, 10281 à 10288).

[56]      Il est utile d’ajouter que les efforts déployés par les organismes francophones après le dépôt des plaintes, afin de poursuivre leurs activités à l’intérieur du modèle instauré par la C.-B. en avril 2012, ont essuyé un cuisant échec. Certains ont obtenu des contrats de sous-traitance ici et là, mais le financement accordé s’est avéré bien maigre et a entraîné la mise à pied de la quasi-totalité de leurs employés. Même la SFV, le seul des cinq organismes francophones à avoir obtenu une sous-traitance pour exploiter son propre centre, a été contrainte de mettre à pied la moitié de ses employés et de sous-louer une partie de ses locaux.

[57]      Après avoir mené son enquête, le Commissaire en est venu à la conclusion que les plaintes étaient bien fondées tant au titre de la partie IV que de la partie VII de la LLO. Selon son rapport final, publié en avril 2013, RHDCC n’a pas veillé, comme l’exige la partie IV de la LLO, à ce que les services d’aide à l’emploi soient effectivement offerts par la C.-B. dans les deux langues officielles dans les régions faisant l’objet d’une demande importante. En ce qui a trait à la partie VII, le Commissaire a conclu que les institutions fédérales étaient au courant des préoccupations de la minorité linguistique de la C.-B. mais n’ont pas pris la peine d’évaluer l’impact qu’aurait le nouveau modèle envisagé par la province sur la vitalité de la communauté francophone suite à la signature de l’Entente. De plus, aucune mesure n’a été prise afin de permettre aux institutions fédérales de contrecarrer l’impact négatif de la mise en œuvre de l’Entente dans l’éventualité où elle avait pour effet de nuire à l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la C.-B. (rapport final d’enquête du Commissariat aux langues officielles daté d’avril 2013, aux pages 17 à 19 : dossier d’appel, aux pages 2312 à 2314).

[58]      Le recours devant la Cour fédérale a été déposé en août 2013, mais a été mis en suspens afin de permettre aux parties d’explorer la possibilité de régler à l’amiable. L’affaire a finalement été entendue en mai 2017, et la décision rejetant le recours a été rendue le 23 mai 2018. Les appels ont été fixés pour être entendus en mai 2020 d’un commun accord, mais la crise sanitaire est intervenue avant qu’ils puissent être entendus. Les parties ayant par la suite insisté pour que les appels soient plaidés en personne, les appels n’ont pu être entendus avant octobre dernier.

DÉCISION FAISANT L’OBJET DE L’APPEL  [table des matières]

[59]      Les motifs du juge de première instance s’étendent sur 168 pages et 300 paragraphes. Le sommaire qui suit se limite à l’essentiel.

[60]      Le juge de première instance signale en début d’analyse que deux ententes ont été signées par le gouvernement du Canada et la C.-B. en février 2008 – l’autre étant l’Entente Canada–Colombie-Britannique sur le marché du travail mais que seule celle portant sur le développement du marché du travail (l’Entente) fait l’objet du débat devant lui (motifs, au paragraphe 14). Il explique qu’à l’époque, un financement avoisinant les 300 millions de dollars était versé annuellement par les institutions fédérales à la C.-B. en vertu de l’Entente.

[61]      Selon la lecture des plaintes faite par le juge de première instance, elles visaient le nouveau programme de services d’aide à l’emploi (l’EPBC) et le modèle à « guichet unique » instauré par la C.-B. en avril 2012 (motifs, aux paragraphes 22 à 25). Après avoir identifié ces deux initiatives comme étant à la source des plaintes, il revoit le rapport final du Commissaire qui a conclu à leur bien-fondé (motifs, aux paragraphes 29 et 30).

[62]      Le juge de première instance aborde ensuite le recours engagé par la FFCB et décrit le régime juridique applicable ainsi que les principes qui guident l’interprétation des droits linguistiques (motifs, aux paragraphes 31 à 53). Il enchaîne en expliquant que pour évaluer le bien-fondé de la plainte de la FFCB, il doit s’en tenir aux faits qui existaient au moment de son dépôt (motifs, aux paragraphes 66 à 82). Il conclut ces propos en reprochant à la FFCB d’avoir déposé sa plainte de façon hâtive, puisque l’EPBC et le modèle à « guichet unique » ont été introduits après son dépôt (motifs, au paragraphe 83).

[63]      Le juge aborde ensuite les plaintes sous l’angle de la partie IV de la LLO, et il se demande si, en vertu de l’Entente, la C.-B. agit « pour [le] compte » des institutions fédérales au sens de l’article 25. Il rejette d’abord l’argument de la FFCB selon lequel le domaine de l’assurance-chômage serait de compétence fédérale exclusive. Il se fonde à cet égard sur Lavigne CF, tel que confirmé par Lavigne CAF et explique pourquoi, selon lui, les arrêts subséquents de la Cour suprême dans Renvoi relatif à la Loi sur l’assurance-emploi (Can.), art. 22 et 23, 2005 CSC 56, [2005] 2 R.C.S. 669 (Renvoi LAE), et Confédération des syndicats nationaux c. Canada (Procureur général), 2008 CSC 68, [2008] 3 R.C.S. 511 (CSN) n’ont pas pour effet d’écarter ces décisions (motifs, aux paragraphes. 87 à 89 et 101 à 118).

[64]      Le juge de première instance conclut plutôt que les mesures visées par l’Entente s’inscrivent à l’intérieur de compétences concurrentes. Elles relèvent à la fois de la compétence du fédéral en matière d’assurance-chômage en vertu du paragraphe 91(2A) et des compétences des provinces en vertu des paragraphes 92(13) et (16) et de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5] (la Loi constitutionnelle de 1867). Ainsi, tant le fédéral que les provinces, incluant la C.-B., peuvent légitimement agir à l’intérieur du champ d’activité couvert par l’Entente en vertu de leurs compétences respectives (motifs, aux paragraphes 146 à 151).

[65]      Le fait que les prestations et mesures visées par l’Entente ne sont pas offertes en vertu d’une loi de la C.-B., contrairement à la situation qui avait cours dans l’affaire Lavigne CF, ne change rien au fait que les services d’aide à l’emploi fournis en vertu de l’Entente relèvent de la compétence de la C.-B., compte tenu du mandat donné par la province au ministre qui a signé l’Entente en son nom (motifs, au paragraphe 151).

[66]      Le juge de première instance rejette aussi l’argument du Commissaire selon lequel même s’il y a compétence concurrente, l’analyse du « degré de contrôle » qu’exercent les institutions fédérales sur la C.-B. en vertu de l’Entente — à l’instar de celle à laquelle procède notre Cour dans l’affaire Desrochers c. Canada (Industrie), 2006 CAF 374, [2007] 3 R.C.F. 3 (Desrochers CAF) — mène à la conclusion qu’elles exercent un contrôle suffisant pour conclure que la C.-B. agit « pour leur compte ». Selon lui, si contrôle il y a, il est essentiellement financier (motifs, aux paragraphes 90 à 94). Les dispositions de l’Entente et la façon dont les prestations et mesures sont administrées par la C.-B. ne permettent pas de conclure que la C.-B. agit sous le contrôle des institutions fédérales (motifs, aux paragraphes 158 à 178).

[67]      Le juge de première instance aborde ensuite la question de savoir si la C.-B., en créant et en offrant ses propres prestations d’emploi et mesures de soutien au titre de l’Entente, exerce ses propres compétences législatives. Il conclut que c’est le cas (motifs, aux paragraphes 119 à 134) puisque « [l]a Commission ne fait que financer ces mesures : elle ne les détermine pas, ne les délivre pas, ne les administre pas » (motifs, au paragraphe 135; voir aussi le paragraphe 138).

[68]      Somme toute, l’Entente est un accord de financement prévoyant des paiements de transfert pour le développement du marché du travail dans la province et par lequel la gestion des services d’aide à l’emploi est laissée sous le contrôle exclusif de la province qui les fournit dans le cadre d’un exercice valide de ses propres compétences. Il s’ensuit que la C.-B. n’agit ni « pour [le] compte » des institutions fédérales et ni sous leur contrôle. Par conséquent, la partie IV de la LLO ne s’applique pas à elle (motifs, aux paragraphes 180 à 182).

[69]      Le juge de première instance aborde ensuite les plaintes sous l’angle de la partie VII. Selon lui, il ne fait nul doute que les institutions fédérales étaient assujetties à l’obligation prévue à la partie VII et qu’elles le demeurent à ce jour même dans le contexte de l’Entente. Il conclut cependant, selon son interprétation du paragraphe 41(2) de la LLO et son appréciation de la preuve, que les institutions fédérales ont pris des mesures positives suffisantes pour s’acquitter de cette obligation (motifs, aux paragraphes 183 à 185).

[70]      Après avoir refusé l’invitation du Commissaire d’utiliser la politique énoncée par Patrimoine Canada (Guide à l’intention des institutions fédérales sur la Partie VII (Promotion du français et de l’anglais) de la Loi sur les langues officielles, 2007 (le Guide)) comme outil d’interprétation statutaire (motifs, aux paragraphes 186 et 187), il résume les prétentions des parties (motifs, aux paragraphes 188 à 201). Le juge de première instance débute son analyse en insistant sur la distinction entre les parties IV et VII de la LLO. Selon lui, la partie VII, contrairement à la partie IV, prévoit des obligations mais ne crée pas de droits correspondants (motifs, au paragraphe 204). D’ailleurs, le paragraphe 82(1) n’attribue pas à la partie VII la primauté sur toute autre loi, contrairement à d’autres parties de la LLO, notamment la partie IV (motifs, au paragraphe 205).

[71]      Le juge de première instance se penche par la suite sur le libellé des paragraphes 41(1) et (2) de la LLO. Selon lui, l’obligation de prendre « des mesures positives » (souligné dans l’original) est indéfinie et emporte une certaine déférence quant aux choix des mesures (motifs, aux paragraphes 207 et 208). Par ailleurs, les mesures doivent être « positives », c’est-à-dire qu’elles sont censées avoir un effet favorable. Ceci étant dit, « [i]l n’y a pas de seuil au paragraphe 41(2), explicite ou implicite; ce que fait le paragraphe, c’est simplement d’imposer l’obligation générale de prendre “des mesures positives” » (motifs, au paragraphe 210). En outre, « le qualificatif “positives” [est employé] sans offrir davantage de précisions ou de caractère contraignant » (motifs, au paragraphe 213).

[72]      Le juge de première instance poursuit son analyse textuelle en insistant sur la deuxième phrase du paragraphe 41(2) qui précise que la mise en œuvre de la partie VII doit se faire dans le respect du champ de compétence des provinces (motifs, au paragraphe 218). Il rejette l’argument du Commissaire selon lequel les institutions fédérales, afin d’être en mesure de respecter l’obligation prévue à la partie VII, doivent être à l’écoute des minorités de langues officielles et mesurer l’impact que leurs décisions sont susceptibles d’avoir sur elles. Selon le juge de première instance, la Cour fédérale a rejeté cette approche dans Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada c. Canada (Procureur général), 2010 CF 999, [2012] 2 R.C.F. 23 (FCFA) (motifs, aux paragraphes 216, 217 et 242).

[73]      Le juge de première instance aborde ensuite le paragraphe 41(3) de la LLO, qui autorise le gouverneur en conseil à « fixer » par règlement, « les modalités d’exécution des obligations que la présente partie impose » (motifs, au paragraphe 219). Selon lui, le fait qu’aucun règlement n’a été édicté à ce jour fait en sorte que l’obligation prévue à la partie VII n’a pas la spécificité requise pour obliger les institutions fédérales à prendre des mesures précises (motifs, aux paragraphes 220 et 221). C’est, selon lui, ce qui se dégage des propos tenus à l’époque par le sénateur Jean-Robert Gauthier, parrain du projet qui a mené à l’adoption de la Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l’anglais), L.C. 2005, ch. 41 (Loi modifiant la LLO, 2005) (motifs, aux paragraphes 222, 230 à 232 et 293).

[74]      Selon le juge de première instance, l’obligation générale d’agir n’exige pas que soient prises « des mesures qui mèneraient directement à l’épanouissement des communautés francophones et anglophones minoritaires ou à la promotion des deux langues officielles » (motifs, au paragraphe 226). L’obligation serait alors trop précise. Même l’obligation corollaire « d’agir de façon à ne pas nuire » demeure vague et imprécise : « sans règlement précisant sa portée et son étendue, le paragraphe 41(2) ne saurait emporter l’exigence de spécificité accrue ou de lien avec des programmes ou des situations factuelles particulières » (motifs, aux paragraphes 227 et 235; voir aussi paragraphes 249 à 253). En outre, l’obligation prévue à la partie VII ne pourrait être reliée « directement au cadre factuel précis de la plainte logée au Commissaire » (motifs, au paragraphe 244).

[75]      Le juge de première instance se demande enfin si, ayant égard à l’obligation générale prévue à la partie VII, la plainte de la FFCB était bien fondée au moment de son dépôt, soit au 15 juin 2011 (motifs, au paragraphe 259). Selon sa lecture des plaintes, les mesures négatives visées seraient celles prises par la C.-B., et non pas par les institutions fédérales. Plus précisément, l’impact défavorable sur la communauté linguistique francophone serait attribuable à l’instauration par la province de l’EPBC et de son modèle à « guichet unique » (motifs, au paragraphe 281), lesquels n’avaient pas encore vu le jour en date du 15 juin 2011; motifs, aux paragraphes 282 à 288).

[76]      Quoi qu’il en soit, le juge de première instance en vient à la conclusion que des mesures positives suffisantes ont été prises par les institutions fédérales, avant le 15 juin 2011. Parmi elles, il y a l’insertion de la clause de consultation à l’article 5.4 de l’Entente, les consultations qui ont eu lieu par la suite, les directives fournies par Patrimoine Canada et les différentes initiatives prises par EDSC dans le cadre de son mandat institutionnel. Pour mettre en relief l’importance qu’il attribue à ces mesures, il écrit (motifs, au paragraphe 276) :

[…] Le bassin de mesures est vaste : il se décline en cascade à plusieurs niveaux, partant plus en amont de directives de principes et d’encadrement au niveau de Patrimoine Canada et d’EDSC pour irriguer par la suite une panoplie d’initiatives plus locales […]

[77]      Selon le juge de première instance, ces mesures, ainsi que la clause linguistique, ont contribué « de façon favorable à l’épanouissement et au développement de la communauté francophone en [C.-B.] » de telle sorte que l’obligation prévue à la partie VII a été respectée (motifs, au paragraphe 260; voir aussi paragraphes 261 à 279).

[78]      Le juge de première instance reconnaît en fin d’analyse que ces mesures ne remédient pas au problème précis du désengagement des organismes francophones par la C.-B. Il reconnaît aussi que des mesures positives pour contrer cet effet négatif aurait contribué encore davantage à l’essor et à la vitalité de la minorité linguistique francophone de la C.-B. Cependant, en l’absence d’un règlement précisant les obligations que leur impose la partie VII, les institutions fédérales ne pourraient être sanctionnées pour cette omission (motifs, au paragraphe 268).

[79]      Le juge de première instance rejette donc le recours de la FFCB fondé sur la partie VII. Il retient comme constat final « qu’il n’y avait pas de défaut de se conformer […] au moment du dépôt de la plainte » (motifs, au paragraphe 299).

POSITION DES PARTIES  [table des matières]

A.    Les appelants et les intervenants qui les soutiennent  [table des matières]

  La FFCB  [table des matières]

[80]      Selon la FFCB, le juge de première instance s’est mépris en droit dans son application de la partie IV autant que de la partie VII. S’il avait adopté la bonne interprétation de l’une ou l’autre de ces parties, il aurait nécessairement conclu que les plaintes étaient bien fondées au moment de leur dépôt (mémoire de la FFCB, aux paragraphes 66 à 88).

[81]      En ce qui a trait à la partie IV, la FFCB maintient que le juge de première instance a fait erreur en ne cadrant son analyse que sur l’article 25 de la LLO et sur la question de savoir si la C.-B. agissait sous le contrôle des institutions fédérales. Il devait aussi se pencher sur le paragraphe 20(1) de la Charte, puisque la partie IV a pour objet de le mettre en œuvre (mémoire de la FFCB, aux paragraphes 13 et 14).

[82]      La FFCB se fonde sur les arrêts Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, 1997 CanLII 327 (Eldridge) et DesRochers c. Canada (Industrie), 2009 CSC 8, [2009] 1 R.C.S. 194 (DesRochers CSC) qui, selon elle, établissent la règle selon laquelle les institutions fédérales ne peuvent se soustraire à leur obligation constitutionnelle en confiant la mise en œuvre d’un programme fédéral déterminé à une province. La FFCB maintient qu’il s’agit là du rôle que s’est vu confier la C.-B. en vertu de l’Entente, puisqu’elle doit offrir des services et mesures de façon conforme aux lignes directrices de la LAE (mémoire de la FFCB, aux paragraphes 15 à 24).

[83]      Subsidiairement, la FFCB, citant le paragraphe 51 de Desrochers CAF à l’appui, soutient que même sans tenir compte d’Eldridge, le juge de première instance aurait dû conclure que la C.-B. agissait sous le contrôle des institutions fédérales étant donné le pouvoir de surveillance considérable qu’elles exerçaient (mémoire de la FFCB, au paragraphe 25).

[84]      Ainsi, la partie IV s’applique à la C.-B. même si elle détient compétence constitutionnelle concurrente pour légiférer en matière de prestations d’emploi. Le juge de première instance se serait appuyé à tort sur l’affaire Lavigne CF pour établir que la C.-B. agissait dans son propre champ de compétences. Selon la FFCB, bien que Lavigne CF fasse jurisprudence pour établir qu’un accord conclu sous le régime de l’article 63 ne donne pas lieu à une délégation de pouvoir en faveur des provinces, il ne s’ensuit pas que « la LLO ne s’applique pas aux prestations et mesures » offertes par la C.-B. dans le cadre de l’Entente (mémoire de la FFCB, aux paragraphes 26 à 29; citant les motifs, au paragraphe 95).

[85]      En ce qui a trait à la partie VII, la FFCB maintient que l’article 41 de la LLO impose aux institutions fédérales des obligations concrètes et établit des paramètres suffisamment clairs pour être assujettis au contrôle des tribunaux (mémoire de la FFCB, au paragraphe 31).

[86]      À cet égard, le juge de première instance s’est mal dirigé en concluant que l’obligation des institutions fédérales de prendre des mesures positives n’impose pas une obligation précise. Il s’est aussi mépris en accordant un poids démesuré à l’absence de réglementation. Cette approche vide la partie VII de son sens puisqu’elle signifie que toute mesure prise par les institutions fédérales suffirait, peu importe sa relation avec l’enjeu soulevé par une plainte (mémoire de la FFCB, aux paragraphes 30 et 36 à 69).

[87]      D’après la FFCB, l’obligation consistant à favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques requiert davantage que de simples consultations; elle exige, au minimum, que soient pris en compte leurs besoins et préoccupations. Pour ce faire, l’obligation prévue à l’article 41 impose aux institutions fédérales d’adopter des mécanismes pour vérifier l’impact des mesures prises. Les institutions fédérales ont le choix de ces mécanismes, mais elles ne peuvent décider de ne pas en adopter (mémoire de la FFCB, aux paragraphes 40 à 42 et 50 à 54).

[88]      Enfin, le juge de première instance n’aurait pas dû limiter la portée de la partie VII en fonction de son rejet du principe de l’encliquetage, et ce, malgré la décision de la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Lalonde c. Ontario (Commission de restructuration des services de santé) (2001), 56 O.R. (3d) 577, 2001 CanLII 21164, [2001] O.J. no 4768 (QL) (Lalonde). Le fait que la Charte ne « constitutionnalise » pas les avancées réalisées afin de faire progresser l’égalité des deux langues officielles (Lalonde, au paragraphe 92) n’empêche pas le législateur fédéral de légiférer à cette fin, et c’est précisément ce que l’article 41 vise à accomplir en obligeant les institutions fédérales à favoriser l’épanouissement des minorités linguistiques de langues officielles et de ne pas leur nuire (mémoire de la FFCB, aux paragraphes 43 à 49).

[89]      Quant à la réparation recherchée, la FFCB nous demande essentiellement de remédier au défaut des institutions fédérales d’acquitter les obligations que leur imposent les parties IV et VII de la LLO. Notamment, elle propose de confier la responsabilité de l’offre de services en français à des organismes francophones qui ont comme mandat de desservir la communauté francophone en C.-B. et qui tiendrait compte des besoins de cette dernière (mémoire de la FFCB, au paragraphe 91).

  Le Commissaire  [table des matières]

[90]      Le Commissaire ne remet pas en question les conclusions du juge de première instance en ce qui a trait à la partie IV. À propos de la partie VII, le Commissaire met l’accent sur le fait que l’interprétation du juge de première instance a pour effet de rendre l’obligation prévue à la partie VII trop générale pour qu’elle soit justiciable. S’appuyant sur la politique administrative adoptée par Patrimoine Canada et les débats parlementaires, le Commissaire maintient que cette obligation s’applique dans le contexte de chaque décision ou initiative prise par une institution fédérale. Ainsi, le paragraphe 41(2) impose l’obligation de vérifier l’incidence que ces décisions ou initiatives sont susceptibles d’avoir sur les communautés minoritaires de langues officielles et de remédier aux répercussions négatives par la prise de mesures positives, si nécessaire (mémoire du Commissaire, aux paragraphes 12 à 48).

[91]      Le Commissaire renvoie également au paragraphe 58(1) de la LLO et à la décision Picard c. Canada (Commissaire aux brevets), 2010 CF 86, [2011] 2 R.C.F. 192 (Picard) pour affirmer que seule une analyse en fonction de la situation factuelle précise qui sous-tend une plainte serait conforme au mandat statutaire conféré aux tribunaux en vertu du paragraphe 77(1) de la LLO et cadrerait avec une interprétation large et libérale des droits linguistiques (mémoire du Commissaire, aux paragraphes 49 à 58; citant Picard, au paragraphe 68).

[92]      Enfin, le Commissaire est d’avis que la mesure gouvernementale ciblée par la plainte est l’Entente de 2008 et son impact négatif sur la communauté francophone. C’est donc que les faits qui démontrent cet impact négatif sont pertinents, qu’ils aient eu lieu avant ou après le dépôt de la plainte (mémoire du Commissaire, aux paragraphes 76 à 81; citant l’article 77 de la LLO).

  L’AJEFNB  [table des matières]

[93]      L’intervenante l’AJEFNB adopte de façon générale les arguments soulevés par les appelants. En ce qui a trait à la partie IV, elle remet en cause Lavigne CF. Selon elle, cette décision doit être écartée puisqu’elle permet à des questions portant sur le partage de compétence de faire échec à des obligations constitutionnelles en matière de droits linguistiques (mémoire de l’AJEFNB, aux paragraphes 65 à 71).

[94]      Au surplus, Lavigne CF serait incompatible avec l’arrêt Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick Inc. c. Canada, 2008 CSC 15, [2008] 1 R.C.S. 383 (SANB). Selon l’AJEFNB, cet arrêt établit que dès qu’un ordre de gouvernement coopère avec un autre ordre de gouvernement en agissant volontairement dans les champs de compétence de son partenaire, il est assujetti aux obligations linguistiques de ce dernier. Selon l’AJEFNB, c’est ce que fait la C.-B. en vertu de l’Entente (mémoire de l’AJEFNB, aux paragraphes 59 à 64).

  Le QCGN  [table des matières]

[95]      L’intervenant le QCGN soutient la vision et la compréhension qu’ont les appelants de l’obligation prévue à la partie VII et insiste qu’il s’agirait de la seule interprétation conforme au principe de progression vers l’égalité réelle et à l’objectif énoncé à l’alinéa 2b) de la LLO de donner effet à l’article 16 de la Charte (mémoire du QCGN, aux paragraphes 6 à 47).

[96]      D’après le QCGN, le juge de première instance a conclu à tort qu’on ne peut faire renaître les obligations de la partie IV sous le couvert de la partie VII. Bien au contraire, lorsqu’une telle démarche est nécessaire pour ne pas nuire aux communautés linguistiques minoritaires et pour respecter le principe de l’égalité réelle, la partie VII envisage d’aller au-delà des obligations de la partie IV (mémoire du QCGN, aux paragraphes 48 à 58; citant les motifs, au paragraphe 206).

B.    Les intimés et le procureur général de la C.-B. [table des matières]

   EDSC et la Commission  [table des matières]

[97]      Selon les intimés, c’est à bon droit que le juge de première instance a conclu que la plainte de la FFCB était prématurée. Ils maintiennent que la plainte ne ciblait pas l’Entente, mais visait plutôt la réduction anticipée du financement des organismes francophones et la crainte que les services en français ne soient plus offerts après l’entrée en vigueur de l’EPBC (mémoire des intimés, aux paragraphes 35 à 41).

[98]      Les intimés ajoutent que l’on ne peut assujettir la C.-B. aux obligations imposées aux institutions fédérales par la partie IV de la LLO, puisque la C.-B. agit dans son propre champ de compétence. En effet, bien que les prestations et mesures soient financées par les institutions fédérales, elles sont conçues par la C.-B. et ne sont créées ni par l’Entente, ni par l’article 63 de la LAE (mémoire des intimés, aux paragraphes 46 à 49).

[99]      L’absence de législation provinciale autorisant la mise en œuvre de l’Entente ne change rien à la situation, puisque les prestations et mesures sont néanmoins offertes en vertu du mandat explicite donné par la C.-B. à son ministre du Développement économique en tant que signataire de l’Entente. La compétence du Parlement fédéral en matière de langues officielles étant accessoire à ses domaines de compétences législatives, on ne peut assujettir la C.-B. ni aux obligations de la LLO ni à celle du paragraphe 20(1) de la Charte (mémoire des intimés, aux paragraphes 50 à 59; citant l’arrêt R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, 1999 CanLII 684 (Beaulac), au paragraphe 14).

[100]   Les intimées soutiennent que le juge de première instance a eu raison de suivre le raisonnement énoncé dans Lavigne CF, puisque cette décision a été confirmée en appel (Lavigne CAF) et que les faits étaient essentiellement les mêmes (mémoire des intimés, au paragraphe 69).

[101]   Comme celle qui était en cause dans Lavigne CF, l’Entente n’est qu’un cadre financier général qui ne dicte pas à la C.-B. quoi faire. Dans la mesure où des conditions existent, elles découlent du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral et la C.-B. n’est liée par ces conditions que si elle accepte de s’y conformer. Dans un tel contexte, conclure que la C.-B. agit pour le compte des intimés ferait fi du partage des compétences et aurait pour effet d’imposer aux provinces des obligations linguistiques qu’elles n’ont pas (mémoire des intimés, au paragraphe 68; mémoire en réplique des intimés, aux paragraphes 33 à 37).

[102]   En ce qui a trait à la partie VII de la LLO et plus précisément au paragraphe 41(2), les intimés soutiennent qu’en exigeant des institutions fédérales qu’elles prennent « des » mesures positives, le législateur n’a pas voulu leur dicter celles qu’elles devraient prendre ni de méthodologie précise pour la mise en œuvre de l’engagement à favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles (mémoire des intimés, aux paragraphes 70 à 74). On ne pourrait pas non plus recourir à l’objet éminemment important de la LLO pour transformer une obligation de moyens en une obligation de résultat (mémoire en réplique des intimés, aux paragraphes 20 à 26).

[103]   En l’absence d’un règlement adopté en vertu du paragraphe 41(3) de la LLO, l’obligation des institutions fédérales de prendre des mesures positives n’est subordonnée à aucune condition ou modalité précise. Selon les intimés, le rôle important que le juge de première instance attribue au règlement respecte la hiérarchie des normes, et ce sont plutôt les tribunaux qui outrepasseraient leur rôle et usurperaient celui de l’exécutif s’ils imposaient des modalités précises (mémoire des intimés, aux paragraphes 75 à 78; mémoire en réplique des intimés, aux paragraphes 40 et 41).

[104]   D’après les intimés, le juge de première instance a eu raison de rejeter le principe de l’encliquetage puisqu’il est incompatible avec le large pouvoir discrétionnaire accordé aux institutions fédérales quant au choix des mesures positives à prendre dans chaque cas. L’objectif de favoriser l’égalité réelle n’a pas pour effet de cristalliser les mesures prises au point où on ne pourrait pas les modifier ou les remplacer (mémoire des intimés, aux paragraphes 79 et 80; mémoire en réplique des intimés, aux paragraphes 12 à 14; citant les décisions Lalonde et R. v. MacKenzie, 2004 NSCA 10, 221 N.S.R. (2d) 51 (MacKenzie)).

[105]   C’est aussi à bon droit que le juge de première instance a conclu que des mesures positives suffisantes ont été prises par les institutions fédérales. D’abord, EDSC avait consulté les membres de la communauté francophone de la C.-B. en prévision de l’Entente ainsi qu’après sa signature. De plus, on avait obtenu l’engagement de la C.-B. d’effectuer ses propres consultations, lesquelles ont eu lieu, sans compter la panoplie d’autres mesures prises à l’extérieur du cadre de l’Entente (mémoire des intimés, aux paragraphes 82 à 85 et 88; citant les motifs, aux paragraphes 260 à 279 et l’article 5.4 de l’Entente).

[106]   Pour conclure, les intimés soutiennent que même si la Cour jugeait qu’une violation de la LLO existait au moment du dépôt de la plainte, aucune réparation ne devrait être accordée puisque les services en français sont aujourd’hui offerts par la C.-B. conformément à l’Entente, remédiant ainsi au défaut qui fait l’objet de la plainte (mémoire des intimés, aux paragraphes. 87 à 91).

   Le procureur général de la C.-B.  [table des matières]

[107]   L’intervenant le procureur général de la C.-B. a choisi de ne pas comparaître lors de l’audition de l’appel à Vancouver, mais a produit un mémoire. Ses arguments se limitent à la partie IV et à la question de savoir si la C.-B. agissait dans le cadre de ses pouvoirs constitutionnels lorsqu’elle a conclu l’Entente et lors de sa mise en œuvre.

[108]   En outre, le procureur général de la C.-B. soutient que la FFCB a tort d’affirmer que, par le truchement de l’Entente, la C.-B. donne effet à un programme fédéral déterminé ou encore qu’elle agit pour le compte des institutions fédérales. D’une part, le critère développé dans l’arrêt Eldridge sert à déterminer si la Charte s’applique à une entité privée et non si elle s’applique à une province. D’autre part, l’objet de l’article 63 de la LAE n’est pas d’imposer un régime fédéral aux provinces, mais plutôt de leur octroyer le plein contrôle sur la création et la mise en œuvre des prestations et mesures en matière d’aide à l’emploi (mémoire du procureur général de la C.-B., aux paragraphes 12 à 25; citant Eldridge, au paragraphe 44).

ANALYSE ET DÉCISION  [table des matières]

A.    Norme de contrôle  [table des matières]

[109]   S’agissant de deux appels, les règles établies par la Cour suprême dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 sont applicables. Il s’ensuit que les questions de droit, y compris la détermination des principes juridiques applicables, sont assujetties à la norme de la décision « correcte » alors que l’application de ces principes aux faits en cause est assujettie à la norme de l’erreur manifeste et dominante en l’absence d’un principe juridique facilement isolable. Si le juge de première instance a mal déterminé le principe juridique qui doit guider son analyse, aucune déférence ne lui est due.

B.    Interprétation des droits linguistiques  [table des matières]

[110]   Le juge de première instance a rappelé en début d’analyse les principes d’interprétation applicables en matière de droits linguistiques (motifs, aux paragraphes 46 à 53). Il a précisé que la LLO est une loi fondamentale étroitement liée aux valeurs et droits prévus par la Constitution et notamment par la Charte à ses paragraphes 20(1) et 16(1), qui traitent de la langue de service et de la langue de travail.

[111]   Il s’agit donc « dans tous les cas » d’interpréter les droits linguistiques « en fonction de leur objet, de façon compatible avec le maintien et l’épanouissement des collectivités de langue officielle » (motifs, au paragraphe 48; citant Beaulac, au paragraphe 25). Cela dit, l’approche moderne d’interprétation des lois, selon laquelle il faut lire les termes de la loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical des mots de façon harmonieuse avec l’économie de la loi, son objet et l’intention du législateur demeure applicable en matière de droits linguistiques (motifs, au paragraphe 52; citant à l’appui les arrêts Caron c. Alberta, 2015 CSC 56, [2015] 3 R.C.S. 511, au paragraphe 38; Thibodeau c. Air Canada, 2014 CSC 67, [2014] 3 R.C.S. 340, au paragraphe 112; Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773 (Lavigne CSC), au paragraphe 25; Tran c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CSC 50, [2017] 2 R.C.S. 289 et Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837, au paragraphe 21).

[112]   Les appelants ne remettent pas en question cette description des principes d’interprétation applicables en matière de droits linguistiques. Seule l’application qu’en fait le juge de première instance aux dispositions législatives en cause est remise en question.

C.   Partie IV de la LLO  [table des matières]

[113]   La partie IV de la LLO et les obligations qu’elle comporte, dont celle d’offrir des services au public dans l’une ou l’autre des deux langues officielles lorsque le nombre le justifie, s’appliquent aux provinces lorsqu’elles agissent au nom ou plus précisément « pour [le] compte » du gouvernement fédéral (article 25 de la LLO).

[114]   Devant le juge de première instance, la FFCB a invoqué le Renvoi LAE et l’arrêt CSN pour faire valoir que la C.-B. agissait « pour [le] compte » des institutions fédérales parce que les mesures mises en œuvre en vertu de l’Entente relèvent de la compétence exclusive du législateur fédéral en matière d’assurance-emploi (motifs, au paragraphe 89). Le juge de première instance a plutôt conclu que le législateur provincial détient une compétence concurrente en la matière et s’en est remis ultimement à la décision de la Cour fédérale dans Lavigne CF telle que confirmée par notre Cour dans Lavigne CAF (motifs, aux paragraphes 87 à 118).

[115]   De son côté, le Commissaire a tenté de convaincre le juge de première instance, en renvoyant à Desrochers CAF, que le « degré de contrôle » exercé par les institutions fédérales sur la C.-B. en vertu de l’Entente était suffisant pour conclure qu’elle agissait « pour [le] compte » de celles-ci toujours pour l’application de l’article 25 de la LLO (motifs, au paragraphe 90). Le juge de première instance a rejeté cet argument indiquant pour l’essentiel que les institutions fédérales ne faisaient que fournir le financement et que les prestations et mesures étaient offertes par la C.-B. de son propre chef et en vertu de ses propres pouvoirs constitutionnels. C’est en effet la C.-B. qui les détermine, les délivre et les administre (motifs, au paragraphe 135). Les conditions énoncées à l’Entente sont respectées par la C.-B. parce qu’elle accepte de s’y assujettir dans l’exercice de sa propre compétence législative en vertu des paragraphes 92(13) et (16) ou de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867. Encore une fois, le juge de première instance s’en est ultimement remis à Lavigne CF et Lavigne CAF ainsi qu’au paragraphe 54 de Desrochers CAF pour conclure que le simple fait que le gouvernement fédéral fournit le financement ne fait pas en sorte que la C.-B. agit « pour [le] compte » des institutions fédérales (motifs, aux paragraphes 158 à 178).

[116]   Comme le juge de première instance, nous sommes d’avis que Lavigne CF et Lavigne CAF font obstacle à l’application de la partie IV. Toutefois, la FFCB et l’AJEFNB nous demandent de désavouer ces décisions au motif qu’elles sont mal fondées ou de les écarter au motif qu’elles sont incompatibles avec les arrêts Eldridge et SANB.

[117]   Tout comme la Cour fédérale, nous sommes liés par nos propres décisions, à moins qu’il soit démontré qu’elles sont « manifestement erronée[s] » (Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, [2002] A.C.F. no 1375 (QL), [2003] 3 C.F. F-16, au paragraphe 10). La décision Lavigne CF, confirmée par notre Cour dans Lavigne CAF, a été tranchée dans un contexte quasi-identique et fait autorité depuis plus de 20 ans. Contrairement à ce qu’affirme la FFCB, Lavigne CF — à ses paragraphes 55 et 80 à 83 — répond à la question de savoir si la LLO s’applique aux prestations et aux mesures offertes par une province dans le cadre d’une entente sur le développement du marché du travail entre le gouvernement fédéral et une province (mémoire de la FFCB, au paragraphe 29).

[118]   L’AJEFNB prétend en outre que ces décisions ne devraient pas être suivies au motif que M. Lavigne, le plaignant dans Lavigne CF, a agi sans l’aide d’un avocat. On laisse ainsi entendre que l’affaire a mal été plaidée. L’AJEFNB précise que l’arrêt Eldridge n’a pas été invoqué non plus que le paragraphe 20(1) de la Charte et ajoute que le Commissaire n’a pas comparu dans cette instance.

[119]   Ces tentatives de désavouer Lavigne CF et Lavigne CAF sont peu convaincantes. D’une part, même s’il est vrai que le Commissaire n’a pas comparu, son rapport d’enquête faisait partie du dossier dont disposait la Cour fédérale et la recommandation qu’il comporte a été suivie (Lavigne CF, aux paragraphes 12, 13 et 68). Quant au paragraphe 20(1) de la Charte, il a bel et bien été invoqué et son application rejetée au motif que, comme la C.-B. dans la présente affaire, le Québec agissait en son propre nom en vertu de l’entente conclue (Lavigne CF, aux paragraphes 52, 95 et 105).

[120]   Quant à l’arrêt Eldridge, sa pertinence n’est pas plus apparente aujourd’hui qu’elle ne l’était lorsque Lavigne CF et Lavigne CAF ont été rendues. Ainsi, même si nous acceptions que selon cet arrêt, une institution fédérale ne peut échapper à ses obligations constitutionnelles en confiant l’exercice de ses pouvoirs à des provinces (Eldridge, au paragraphe 42), cette question ne se pose pas ici puisque la C.-B. exerce ses propres pouvoirs en vertu de l’Entente (Lavigne CF, aux paragraphes 71 à 87; Lavigne CAF, au paragraphe 2). De même, la C.-B. n’est pas appelée à mettre en œuvre un « programme déterminé » du gouvernement fédéral (Eldridge, au paragraphe 42). Elle occupe plutôt de façon exclusive un champ d’activité qui était auparavant partagé avec le fédéral.

[121]   Quant à l’arrêt SANB, il se présente aussi dans un contexte complètement différent de celui qui entoure la présente affaire puisque l’institution fédérale en cause — la GRC — avait accepté par contrat la responsabilité d’agir comme corps policier pour la province du Nouveau-Brunswick. C’est dans ce contexte qu’il fut jugé que la GRC devait respecter les obligations linguistiques imposées par la province pour laquelle elle agissait. En revanche, la C.-B. n’agit pour personne d’autre et les fonctions qu’elle assume relèvent de ses propres compétences.

[122]   Il s’ensuit que l’incompatibilité alléguée avec les arrêts de la Cour suprême n’existe pas. Sans d’aucune façon présumer de la portée que la Cour suprême pourrait donner à ses propres décisions si elle était appelée à se prononcer, ces décisions ne nous permettent pas de conclure que Lavigne CF et Lavigne CAF ont été mal décidées ou que le juge de première instance s’est mal dirigé en se déclarant lié par ces décisions.

[123]   L’appel portant sur la partie IV de la LLO doit donc être rejeté.

D.   Partie VII de la LLO  [table des matières]

[124]   C’est la première fois que notre Cour est appelée à se prononcer sur l’interprétation à donner à la partie VII dans sa forme actuelle.

[125]   Cette partie traduit l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones au Canada et énonce l’obligation qu’ont les institutions fédérales de prendre des mesures positives à cette fin. Selon les appelants, l’interprétation qu’a donnée le juge de première instance à cette obligation est restrictive au point d’empêcher qu’effet soit donné à l’engagement du gouvernement fédéral.

[126]   Il s’agit donc de cerner le sens à donner à cet engagement et à l’obligation de prendre des mesures positives pour la satisfaire. À cette fin, nous devons lire les dispositions que comportent la partie VII dans leur contexte global, selon le sens ordinaire et grammatical des mots et de façon harmonieuse avec l’économie de la LLO, son objet et l’intention du législateur.

   Le contexte entourant la partie VII  [table des matières]

[127]   L’obligation prévue à la partie VII s’inscrit dans le cadre de l’engagement formel du gouvernement canadien à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langues officielles du pays, et à appuyer leur développement ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne (préambule de la LLO). Cet engagement s’inspire du principe de la protection des minorités et de la progression vers l’égalité de statut et de l’usage des deux langues prévue au paragraphe 16(3) de la Charte (Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 R.C.S. 217, 1998 CanLII 793, aux paragraphes 79 à 82; Vriend c. Alberta, [1998] 1 R.C.S. 493, 1998 CanLII 816, au paragraphe 176).

[128]   La Cour suprême dans l’arrêt Beaulac a consacré la notion d’égalité réelle dans notre conception des droits linguistiques protégés par la LLO, mais cette notion d’égalité ne pouvait à l’époque se transposer à la partie VII de cette loi, puisque la promesse qu’elle comportait était politique et non pas juridique. Comme l’a expliqué notre Cour dans l’affaire Agence canadienne de l’inspection des aliments c. Forum des maires de la péninsule acadienne, 2004 CAF 263, [2004] 4 R.C.F. 276 (Forum des maires), cinq ans après l’arrêt Beaulac (Forum des maires, au paragraphe 39) :

Il est vrai que la protection des droits linguistiques constitue un objectif constitutionnel fondamental et requiert une vigilance particulière de la part des tribunaux et que ces derniers doivent interpréter avec générosité les textes qui confèrent ces droits, mais encore faut-il qu’il s’agisse de droits à protéger et non de politiques à définir. [Non souligné dans l’original.]

Ce constat a mené la Cour à conclure qu’à l’époque, la partie VII n’avait pas force exécutoire (Forum des maires, au paragraphe 44).

[129]   C’est dans la foulée de cette décision que les paragraphes 41(2) et (3) ont été incorporés à la LLO en novembre 2005 (Loi modifiant la LLO, 2005), et que la partie VII a été ajoutée aux dispositions de la LLO qui sont susceptibles de donner lieu à un recours judiciaire. Ces modifications comblent la lacune mentionnée dans Forum des maires et rendent la partie VII justiciable, transformant ainsi des « politiques à définir » en « droits à protéger ».

   L’objet des paragraphes 41(1) et (2)  [table des matières]

[130]   Ce sont les paragraphes 41(1) et (2) qui énoncent l’obligation créée par la partie VII. Nul besoin d’aller très loin pour connaître leur objet. Ils évoquent de façon fidèle l’objet quasi constitutionnel énoncé à l’alinéa 2b) de la LLO, soit appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et favoriser la progression vers l’égalité des deux langues. C’est avec cet objectif à l’esprit que nous devons interpréter les paragraphes 41(1) et (2).

[131]   Nous notons que bien que justiciable depuis 2005, la partie VII n’a pas été ajoutée aux parties énoncées au paragraphe 82(1) dont les dispositions l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi. Ceci s’explique par le fait que contrairement à ces autres parties — soit la partie I (débats et travaux parlementaires); la partie II (actes législatifs et autres); la partie III (administration de la justice); la partie IV (communication avec le public et prestations de services); et la partie V (langue de travail) — lesquelles visent toutes des obligations précises que le législateur est en mesure d’identifier et de prioriser, la partie VII peut trouver application dans un nombre illimité de situations qui ne se prêtent pas à ce genre d’exercice.

[132]   C’est l’impossibilité de prévoir les situations dans lesquelles l’obligation prévue à la partie VII est susceptible de trouver application qui explique pourquoi le législateur a laissé aux tribunaux le soin de régler tout conflit avec une autre loi. Il demeure qu’à l’instar des parties de la LLO qui sont énumérées au paragraphe 82(1), la partie VII doit être interprétée avec la même ouverture puisqu’elle partage le même objectif, soit appuyer le développement des minorités de langues officielles et favoriser la promotion vers l’égalité des deux langues (alinéa 2b) de la LLO).

[133]   Il est utile de considérer l’objet de la partie VII selon l’éclairage que nous donne la Cour suprême dans sa riche jurisprudence en matière de droits linguistiques. Dans l’arrêt Solski (Tuteur de) c. Québec (Procureur général), 2005 CSC 14, [2005] 1 R.C.S. 201 (Solski), la Cour suprême nous enseigne que l’analyse des droits linguistiques « ne saurait s’effectuer dans l’abstrait, sans égard au contexte qui a conduit à la reconnaissance de ces droits ou aux préoccupations auxquelles leurs modalités d’application actuelles sont censées répondre » (Solski, au paragraphe 5).

[134]   Dans cette perspective, les préoccupations auxquelles la partie VII est censée répondre ne sont pas sans rappeler la protection qu’offre la Constitution en matière d’instruction dans la langue de la minorité (article 23 de la Charte). Dans Mahe c. Alberta, [1990] 1 R.C.S. 342, 1990 CanLII 133 (Mahe), la Cour suprême revient sur l’article 23 de la Charte et explique que celui-ci vise « à maintenir les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu’elles représentent et à favoriser l’épanouissement de chacune de ces langues, dans la mesure du possible, dans les provinces où elle n’est pas parlée par la majorité » (Mahe, à la page 362).

[135]   Plus récemment, dans l’arrêt Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, [2020] 1 R.C.S. 678, [2020] A.C.S. no 13 (QL) (Conseil scolaire francophone de la C.-B.), la Cour suprême revient sur l’objectif de cet article et précise qu’il « a non seulement pour objet de prévenir l’érosion des communautés linguistiques officielles, mais aussi de remédier aux injustices passées et de favoriser leur épanouissement » (Conseil scolaire francophone de la C.-B., au paragraphe 15).

[136]   Bien entendu, la protection constitutionnelle accordée par l’article 23 de la Charte n’est pas la même que celle de la partie VII de la LLO et il faut se garder de les confondre. Il n’en demeure pas moins que la LLO a un statut privilégié et une portée considérable, en ce qu’elle encadre des situations qui mettent en jeu « la vie des communautés linguistiques et la perception que celles-ci ont de leur avenir » (Solski, au paragraphe 4). Vu le rôle primordial que joue la partie VII dans la promotion du bilinguisme (Lavigne CSC, au paragraphe 23), contrer l’érosion des communautés linguistiques fait aussi partie des objectifs qui doivent orienter les « mesures positives » prises en vertu du paragraphe 41(2).

[137]   De plus, depuis la modification de 2005 et à la différence de la situation qui avait cours à l’époque de Forum des maires, ces mesures doivent également être guidées par la norme de l’égalité réelle (DesRochers CSC, au paragraphe 31). Comme le reconnaît la Cour suprême, l’égalité réelle exige parfois que les services que les minorités de langues officielles reçoivent soient différents de ceux reçus par la majorité. Ce traitement différent repose sur l’idée que l’on doive prendre en compte « leur situation et leurs besoins particuliers » (Arsenault-Cameron c. Île-du-Prince-Édouard, 2000 CSC 1, [2000] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 31).

   Le libellé des dispositions de la partie VII  [table des matières]

[138]   Une interprétation de la partie VII qui donne effet au sens usuel et grammatical des mots permet, selon nous, la réalisation de l’objet recherché.

[139]   Selon le libellé du paragraphe 41(2), « [i]l incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en œuvre » l’engagement énoncé au paragraphe 41(1), soit « favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones […] et […] appuyer leur développement, ainsi qu[e] promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais ».

[140]   Les mots « [i]l incombe », — « has the duty » dans le texte anglais — sont non équivoques. Ils obligent les institutions fédérales à agir pour atteindre l’objectif énoncé à l’alinéa 2b) et reproduit au paragraphe 41(1). L’allusion à « des mesures » laisse aux institutions fédérales le choix des mesures qui seront mises de l’avant, mais l’obligation de mettre des mesures de l’avant n’est pas amoindrie pour autant.

[141]   Le mot « veiller » évoque une obligation qui est continue. L’obligation de prendre des mesures positives s’applique tant et aussi longtemps qu’une institution fédérale peut agir afin d’atteindre l’objectif envisagé.

[142]   C’est par la prise de « mesures positives » que les institutions fédérales sont invitées à agir. L’intention est de mobiliser l’administration fédérale et de l’utiliser afin de favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles dans le cadre des décisions et initiatives qu’elle est appelée à prendre. L’obligation de « favoriser » emporte nécessairement celle de ne pas nuire, comme le reconnaît le juge de première instance (motifs, aux paragraphes 227 à 229; voir au même effet la décision Canada (Langues officielles) c. CBC/Radio-Canada, 2014 CF 849, [2015] 3 R.C.F. 481 (Radio-Canada CF), au paragraphe 33, inf. pour d’autres motifs par 2015 CAF 251, [2016] 3 R.C.F. 55.

[143]   La dernière phrase du paragraphe 41(2) précise, par souci de certitude accrue, que la mise en œuvre des mesures positives doit se faire dans le respect des champs de compétence des provinces. Il va de soi que le gouvernement fédéral ne peut réglementer les langues officielles qu’à l’intérieur de ses champs de compétence. Nous précisons qu’en l’occurrence, toute obligation énoncée dans l’Entente afin de favoriser l’épanouissement de la minorité linguistique francophone — par exemple, l’obligation qu’a la C.-B. de consulter quant aux mesures qu’elle met de l’avant — s’impose à la province seulement dans la mesure où elle a accepté de s’y assujettir.

[144]   Enfin, le paragraphe 41(3) permet au gouverneur en conseil de fixer par règlement « les modalités d’exécution des obligations [que la partie VII] impose [aux institutions fédérales] ». Le libellé envisage la prise de règlement afin de circonscrire la mise en œuvre de l’obligation prévue à la partie VII, si l’exécutif croit utile de le faire. En outre, il est clair selon le libellé du paragraphe 41(2) que l’obligation émane de cette disposition et que son existence ne dépend pas de l’adoption d’un règlement.

   L’interprétation du juge de première instance  [table des matières]

[145]   Le juge de première instance fait une interprétation de la partie VII qui la vide de tout son sens. Selon lui, « l’article 41 n’impose pas d’obligations précises et particulières » (motifs, au paragraphe 216) et en l’absence d’un règlement précisant « l’obligation générale » de prendre des mesures positives, cette obligation n’a pas la spécificité qu’elle pourrait et devrait avoir (motifs, au paragraphe 221). Il s’ensuit que la mise en œuvre « de mesures positives quelconques » suffit pour satisfaire à l’obligation prévue à la partie VII (motifs, au paragraphe 240) et qu’il n’y a pas « de seuil minimal » à respecter (motifs, au paragraphe 250). De façon plus particulière, des mesures positives ne pourraient avoir comme but de contrer l’effet négatif d’un programme gouvernemental précis ou d’une initiative particulière, car une telle démarche emporte un degré de spécificité qui va au-delà de la portée générale de l’obligation. En outre, ceci retirerait aux institutions fédérales la marge de manœuvre que leur donne le paragraphe 41(2) de mettre de l’avant des mesures positives de leur choix (motifs, au paragraphe 244). Encore une fois, seul un règlement pourrait permettre qu’un programme particulier ou une situation précise soit ciblé par une plainte (motifs, au paragraphe 248).

[146]   Sauf le respect que nous devons au juge de première instance, l’interprétation qu’il fait de la partie VII s’éloigne de son libellé, ne tient pas compte de l’objet recherché et donne au règlement une vocation que le législateur n’entendait pas lui donner.

[147]   Le législateur peut déléguer au gouverneur en conseil (l’exécutif) le pouvoir d’imposer une obligation par règlement, mais ce n’est pas l’approche retenue à la partie VII. Comme le libellé l’indique, l’obligation de prendre des mesures positives est issue de la LLO elle-même et ce sont les modalités d’exécution de l’obligation ainsi créée que le gouverneur en conseil « peut » fixer par règlement. L’obligation de favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles fait appel à des gestes concrets, reconnaissables en fonction de l’objet recherché, sans qu’il soit nécessaire de les préciser de façon plus ample par règlement.

[148]   Le juge de première instance interprète les propos tenus par le sénateur Jean-Robert Gauthier devant le comité sénatorial permanent des langues officielles le 11 mars 2004 comme allant dans le sens contraire. Il cite en particulier le passage suivant (motifs, au paragraphe 232, citant Forum des maires, au paragraphe 44) :

Présentement, aucun règlement ne régit la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Par conséquent, il n’y en a aucun pour l’article 41. Une loi sans règlement est un chien de garde qui n’a pas de dents ou un chien de poche, comme on disait autrefois. Il faut donner à la loi un pouvoir exécutoire accompagné, bien sûr, de règlements. [Soulignement ajouté par le juge de première instance.]

[149]   Le sens à donner à la partie VII ne dépend pas de l’opinion qu’a pu exprimer le sénateur Gauthier sur le sujet, mais son opinion est d’intérêt considérant le rôle de premier plan qu’il a joué pour faire adopter la modification de 2005 (voir à cet égard Forum des maires, au paragraphe 44). Nous abondons dans le sens du Commissaire lorsqu’il affirme qu’on ne peut faire dire au sénateur Gauthier, selon les propos qu’il a tenus, qu’un règlement était nécessaire afin de donner effet à l’obligation prévue à la partie VII. Nous soulignons en particulier le passage subséquent auquel le Commissaire fait référence au paragraphe 61 de son mémoire :

Je crois qu’il pourrait être utile de préciser que cet amendement vise seulement à clarifier le pouvoir du gouvernement d’adopter un règlement. La partie VII est la seule partie de la loi qui ne confère pas au gouvernement le pouvoir explicite d’adopter un règlement. Même la partie VI porte sur la participation équitable et parle d’un engagement du gouvernement, comme à la partie VII. Mon amendement vise à combler une lacune de la loi. […] Il s’agit bien d’un pouvoir discrétionnaire. Le gouvernement n’est pas obligé d’adopter un règlement. [Soulignement ajouté par le Commissaire.]

[150]   Selon nous, une lecture intégrale des propos du sénateur Gauthier ne soutient pas celle qu’en fait le juge de première instance.

[151]   De façon plus significative, la thèse selon laquelle un règlement serait nécessaire pour permettre que des mesures précises soient prises aurait pour effet de paralyser l’obligation prévue à la partie VII et de contrecarrer son objet plutôt que de favoriser sa réalisation. Le libellé du paragraphe 41(3) donne ouverture à une lecture qui permet la réalisation de l’objet recherché.

[152]   La thèse selon laquelle cette obligation ne pourrait cibler « un programme, un processus décisionnel ou une initiative particulière d’une institution fédérale, ou [même] une situation factuelle précise qui aura pu faire l’objet d’une plainte » (motifs, au paragraphe 250), est également indéfendable. En effet, c’est surtout sinon toujours dans le contexte d’une situation factuelle précise que les questions entourant le respect de l’obligation de favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles sont susceptibles de se poser. Encore une fois, l’interprétation que fait le juge de première instance de la partie VII la priverait de ses effets.

[153]   Cette interprétation se heurte aussi de plein fouet au paragraphe 58(1) de la LLO, qui exige que toute plainte alléguant un manquement à la LLO, notamment à sa partie VII, fasse état du « cas précis » qui sous-tend le manquement allégué. Les tribunaux habilités à entendre un recours découlant d’une plainte doivent pouvoir trancher le litige à la lumière de violations précises de la partie VII, puisque c’est le bien-fondé de la plainte qui fait l’objet du recours judiciaire prévu au paragraphe 77(1). Il est difficile de concevoir comment les tribunaux pourraient se prononcer sur une plainte en vertu de la partie VII autrement qu’en vertu de la violation précise qu’elle allègue. Seule une interprétation qui ne tient pas compte de l’objet de la partie VII pourrait permettre que l’obligation qu’elle comporte soit évaluée sans égard aux faits particuliers évoqués au soutien d’une plainte.

[154]   Au-delà de l’incohérence qu’elle génère, l’interprétation proposée par le juge de première instance va à l’encontre de Picard, l’une de deux autres décisions rendues par la Cour fédérale portant sur l’obligation prévue à la partie VII (mis à part Radio-Canada CF). Dans cette affaire, la juge Tremblay-Lamer explique pourquoi le bien-fondé d’une plainte déposée en vertu de la partie VII doit être déterminé en fonction d’une décision particulière plutôt qu’en fonction de la politique générale de l’institution fédérale en cause (Picard, au paragraphe 68) :

J’estime cependant que les tribunaux doivent se limiter aux circonstances factuelles relatives à une décision particulière plutôt qu’examiner l’ensemble de la politique linguistique du gouvernement à chaque fois qu’ils sont saisis d’un recours fondé sur la partie VII. Les tribunaux ne sont tout simplement pas équipés pour évaluer l’ensemble de la politique linguistique gouvernementale : une telle évaluation est de nature politique. Le Parlement est mieux situé que les tribunaux pour l’émettre. Par contre, les tribunaux ont l’habitude de se prononcer sur les circonstances factuelles relatives à une décision particulière, et il est logique de supposer qu’en créant un recours juridique pour des atteintes à la partie VII, le Parlement voulait justement faire appel à leur expertise en la matière.

[155]   Le juge de première instance a tenté de distinguer cette décision au motif que, contrairement à l’affaire devant lui, l’institution fédérale en cause dans Picard (le Bureau des brevets) n’avait pris aucune mesure positive et rien fait pour satisfaire à l’obligation prévue à la partie VII (motifs, au paragraphe 247; voir aussi le paragraphe 226). Pourtant, non seulement la juge Tremblay-Lamer ne fait pas allusion à une absence de mesure positive, elle analyse celle que l’institution fédérale se proposait de prendre — la production d’un abrégé des demandes de brevet dans l’autre langue officielle — et conclut que cette mesure était insuffisante pour satisfaire à l’obligation prévue à la partie VII (Picard, aux paragraphes 12, 62, 63 et 69). Il s’ensuit que la distinction retenue par le juge de première instance ne lui permettait pas d’outrepasser Picard. Cette décision se situe à la croisée de son chemin et donne à l’obligation prévue à la partie VII un sens qui est diamétralement opposé au sien.

[156]   Le juge de première instance se fonde sur l’autre décision de la Cour fédérale portant sur la partie VII dans sa forme actuelle — FCFA — pour affirmer que l’article 41 n’oblige pas les institutions fédérales à considérer l’impact que leurs décisions sont susceptibles d’avoir sur les minorités de langues officielles (motifs, aux paragraphes 216, 217 et 242). FCFA va plutôt dans le sens contraire.

[157]   FCFA porte sur la question de savoir si la partie VII, plus particulièrement le paragraphe 41(2), imposait à Statistique Canada l’obligation d’utiliser, dans le cadre du recensement de 2011, le questionnaire long, qui comportait cinq questions relatives à la langue, plutôt que le court, qui n’en comportait que trois. La prémisse du recours engagé dans cette affaire était que seul le questionnaire long dans sa forme obligatoire pouvait procurer aux institutions fédérales les données fiables nécessaires pour leur permettre de prendre des mesures positives conformément à l’obligation que leur impose la partie VII (FCFA, aux paragraphes 28 et 29).

[158]   Le juge Boivin, alors membre de la Cour fédérale, a rejeté la prémisse selon laquelle les données issues du questionnaire court ne « seront pas fiables au point qu’elles seront inutilisables » (FCFA, au paragraphe 35). C’est après avoir tiré cette conclusion qu’il a jugé que la partie VII n’obligeait pas Statistique Canada à avoir recours au questionnaire long afin de se conformer à l’obligation prévue à la partie VII. Il est clair, selon le raisonnement avancé, que si le juge Boivin avait conclu que le questionnaire court n’informait pas suffisamment l’administration fédérale pour permettre la prise de mesures positives, il aurait exigé que le questionnaire long soit utilisé.

[159]   L’interprétation que nous donnons à l’obligation prévue à la partie VII exige en effet que les institutions fédérales soient à l’écoute et attentives aux besoins des minorités de langues officielles aux quatre coins du pays et s’interrogent sur l’impact que les décisions qu’elles sont appelées à prendre peuvent avoir sur ces minorités. Les institutions fédérales ne pourraient autrement être en mesure d’agir de façon à favoriser l’épanouissement des minorités de langues officielles. Cette interprétation coïncide avec celle que fait Patrimoine Canada de l’obligation prévue à la partie VII dans le Guide publié à l’intention des institutions fédérales. Selon la version du Guide qui était en vigueur en 2008 lors de la signature de l’Entente, les institutions fédérales devaient notamment :

    sensibiliser les employés aux besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire (page 11);

    déterminer si les politiques et les programmes ont une incidence sur ces communautés, y compris lors de la dévolution des services (page 11);

    se questionner sur les incidences que pourrait avoir l’abolition d’un programme, ou l’élimination d’un point de service sur ces communautés (page 12);

    s’il est déterminé que l’initiative pourrait avoir une incidence négative sur ces communautés et la décision de prendre l’initiative est maintenue, identifier les mesures aptes à remédier aux inconvénients (page 13);

    si l’initiative fait appel à d’autres ordres de gouvernement, identifier les actions qui peuvent être prises pour obtenir de ces tiers l’engagement qui favorisera ces communautés (page 13).

[160]   La nouvelle version du Guide publiée le 30 mai 2019 invite les institutions fédérales à se conformer essentiellement aux mêmes exigences. Elle comporte cependant un avis au lecteur, inséré afin de reconnaître l’effet contraignant du jugement du juge de première instance et précisant que les mesures indiquées vont au-delà de ce qui est prescrit par l’article 41 de la LLO.

[161]   Le juge de première instance a écarté le Guide, jugeant qu’il s’agissait d’un élément de preuve que le Commissaire ne pouvait produire en sa qualité d’intervenant. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une opinion dont il aurait eu intérêt à prendre connaissance. Sans d’aucune façon être déterminante, l’opinion de l’entité gouvernementale responsable de l’application de la loi qui donne lieu à controverse quant à son interprétation est fréquemment consultée par les tribunaux comme outil d’interprétation (F.N. (Re), 2000 CSC 35, [2000] 1 R.C.S. 880, 2000 CanLII 35, aux paragraphes 25 et 26; Nowegijick c. la Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la page 37, 1983 CanLII 18; Schwartz c. Canada, [1996] 1 R.C.S. 254, 1996 CanLII 217, aux paragraphes 23, 25 et 27). En l’occurrence, la compréhension qu’a Patrimoine Canada de l’obligation prévue à la partie VII et les mesures énoncées pour s’y conformer reflète le point de vue de l’entité responsable de son application (articles 42 et 43 de la LLO).

[162]   Ces mesures sont élaborées en fonction du but recherché, soit l’épanouissement des minorités de langues officielles. Elles cadrent aussi avec l’objet de la LLO — appuyer le développement de ces minorités — une considération qui prend une importance particulière lorsqu’il s’agit d’interpréter des dispositions de nature quasi constitutionnelle (Canada (Procureur général) c. Viola (1990), [1991] 1 C.F. 373, à la page 386, [1990] A.C.F. no 1052 (C.A.); Lavigne CSC, au paragraphe 23). L’interprétation de la partie VII qui a amené Patrimoine Canada à adopter ces mesures est aussi conforme au sens ordinaire et grammatical des mots en plus de tenir compte du contexte législatif.

[163]   Comme le suggère le Commissaire, l’obligation prévue à la partie VII ainsi comprise se prête à une analyse en deux temps. Les institutions fédérales doivent d’abord être sensibles à la situation particulière des diverses minorités de langues officielles du pays et déterminer l’impact des décisions et des initiatives qu’elles sont appelées à prendre les concernant. Dans un deuxième temps, les institutions fédérales doivent, dans la mise en œuvre de leurs décisions et initiatives, agir, dans la mesure du possible, afin de favoriser l’épanouissement de ces minorités; ou dans le cas où ces décisions et initiatives sont susceptibles d’avoir un impact négatif, agir, dans la mesure du possible, afin de pallier ou atténuer ces répercussions négatives.

[164]   C’est avec cette approche à l’esprit que le comportement des institutions fédérales doit être évalué afin de déterminer si les plaintes sont bien fondées.

E.    L’obligation prévue à la partie VII a-t-elle été respectée?  [table des matières]

   Les plaintes  [table des matières]

[165]   Quatre plaintes ont été logées. Seule celle de la FFCB a fait l’objet du recours devant le juge de première instance, mais elles peuvent toutes informer le débat (article 79 de la LLO). Les plaintes doivent être examinées dans le contexte historique qui a mené à leur dépôt, et à la lumière de l’obligation prévue à la partie VII de la LLO plutôt que de celles prévues à la partie IV. Chacune allègue essentiellement la même chose, soit que les institutions fédérales ont agi au détriment de la minorité linguistique francophone en permettant que la C.-B. coupe le financement des organismes francophones et les écarte du rôle qu’ils jouaient dans la livraison des services d’aide à l’emploi.

[166]   La plainte déposée par la FFCB fait état des services d’aide à l’emploi qui étaient préalablement offerts par les organismes francophones dans cinq centres à Vancouver, Kelowna, Penticton, Prince George et New Westminster. Elle précise que ces organismes ont été avisés que leur financement était retiré de sorte qu’ils ne participeront plus à la livraison de ces services.

[167]   Selon la plainte de la FFCB, le désengagement des organismes francophones a eu lieu suite à la dévolution en faveur de la C.-B. dans le cadre de l’Entente. La plainte reproche aux institutions fédérales — seul le prédécesseur d’EDSC est mentionné, mais la Commission porte tout aussi bien le chapeau — de n’avoir rien fait pour empêcher que les organismes francophones soient exclus du rôle qu’ils jouaient dans la prestation de services au bénéfice des membres de la communauté minoritaire francophone de la C.-B. La plainte précise que l’Entente contenait pourtant une clause linguistique, ce qui évoque l’espoir depuis dissipé que cette clause allait forcer la C.-B. à maintenir la participation des organismes francophones dans la livraison des services d’aide à l’emploi. C’est cette participation continue que visait la plainte par suite du défaut d’agir des institutions fédérales pour l’assurer. La plainte conclut en soulignant l’effet « dévastateur » que ce désengagement allait avoir sur la minorité linguistique francophone de la C.-B.

   Le rapport du Commissaire  [table des matières]

[168]   Par suite de l’enquête qu’il a menée, le Commissaire en est venu à la conclusion que RHDCC n’a pas respecté l’obligation qui lui incombe en vertu de la partie VII et que les plaintes étaient à cet égard bien fondées. Plus précisément, RHDCC n’aurait pas évalué l’impact du nouveau modèle de prestations de services mis en œuvre par la C.-B. sur la vitalité de la minorité linguistique francophone dans cette province et sur sa construction identitaire. Selon le rapport du Commissaire, RHDCC n’aurait même pas envisagé la possibilité de prendre des mesures afin de pallier l’impact négatif probable découlant de la mise en œuvre de l’Entente (rapport final d’enquête du Commissariat aux langues officielles daté d’avril 2013, à la page 20 : dossier d’appel, à la page 2315). Le Commissaire a aussi reproché à RHDCC de n’avoir pas mis en place les mécanismes nécessaires afin d’assurer le respect par la C.-B. de la clause linguistique.

[169]   En ce qui a trait à la conclusion du Commissaire portant sur la clause linguistique, nous notons que c’est de façon incidente au désengagement des organismes francophones que la plainte de la FFCB fait référence à cette clause. Comme le démontre l’analyse qui suit, le respect imposé de la clause linguistique n’aurait réglé d’aucune façon le problème soulevé par les plaintes. Rappelons à cet égard que le rapport du Commissaire est utile comme élément de preuve, mais que le but du recours prévu à l’article 77 de la LLO est de vérifier le bien-fondé des plaintes et non pas le bien-fondé du rapport du Commissaire (DesRochers CSC, aux paragraphes 36 et 64; Forum des maires, aux paragraphes 17 et 20).

   Les plaintes sont-elles fondées?  [table des matières]

[170]   Le juge de première instance n’a pas considéré les plaintes telles qu’elles sont rédigées parce que, selon lui, l’obligation prévue à la partie VII ne pouvait cibler une mesure particulière ou une situation précise qui fait l’objet d’une plainte. Il n’a donc pas tenu compte du fondement réel des plaintes en plus d’effectuer son analyse en fonction d’un mauvais principe juridique. Nous pourrions lui retourner l’affaire pour qu’il se prononce à nouveau selon le critère légal applicable, mais les plaintes étant maintenant vieilles de dix ans et la preuve étant essentiellement documentaire et non-contentieuse, l’intérêt de la justice nous incite à effectuer notre propre analyse et tirer nos propres conclusions quant au bien-fondé des plaintes (Hollis c. Dow Corning Corp., [1995] 4 R.C.S. 634, 1995 CanLII 55, au paragraphe 33; Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, sous-alinéa 52b)(i)).

[171]   Les plaintes doivent être examinées globalement en fonction du manquement reproché, soit l’inaction des institutions fédérales face à la décision de la C.-B. de mettre fin à la participation des organismes francophones dans la livraison des services d’aide à l’emploi après la signature de l’Entente.

[172]   La preuve révèle que c’est bel et bien l’Entente qui a permis à la C.-B., trois ans après sa signature, de mettre fin à la participation des organismes francophones dans l’offre des services en matière d’aide à l’emploi. En effet, l’Entente donnait à la C.-B. la responsabilité de concevoir et d’offrir ces services en fonction de ses besoins particuliers et l’invitait à établir son propre modèle, ce qui s’est soldé à son point culminant, par la coupure du financement des organismes francophones et la mise sur pied du modèle à « guichet unique ». Il y a lieu de se pencher sur le comportement des institutions fédérales avant et après la signature de l’Entente.

[173]   La dévolution qu’elle opère en faveur de la C.-B. est complète. L’Entente confère à la C.-B. le contrôle exclusif du mode de prestation des services en matière d’aide à l’emploi.

[174]   À la demande des institutions fédérales, une clause linguistique a été insérée, laquelle assure la possibilité d’utiliser la langue officielle de la minorité concernée là où la demande le justifie (article 5.2 de l’Entente). Elle contient aussi une clause qui oblige la C.-B. à consulter la communauté francophone relativement aux mesures qu’elle envisageait pour donner effet à l’Entente (article 5.4 de l’Entente), obligation qui a été respectée.

[175]   Comme nous l’avons vu, l’impact négatif qu’une dévolution complète était susceptible d’avoir sur la minorité linguistique francophone de la C.-B. a été le sujet de multiples échanges entre la FFCB et le gouvernement fédéral dès 1997. Il suffit de rappeler que lorsque le gouvernement fédéral a finalement invité la C.-B. à assumer l’entière responsabilité en matière d’aide à l’emploi dix ans plus tard, la FFCB, dans un dernier cri du cœur, a encore une fois demandé que soit préservée la participation des organismes francophones. Dans le courriel envoyé à la Direction générale des compétences et de l’emploi de RHDCC en avril 2007, la FFCB faisait état de l’« importance primordiale » des programmes d’appui offerts par les organismes francophones et de l’impact « catastrophique » que l’Entente pourrait avoir sur la minorité linguistique francophone en l’absence d’une protection adéquate (affidavit de Réal Roy, pièce B : dossier d’appel, aux pages 1889 et 1890).

[176]   Il n’est pas difficile de comprendre et d’apprécier l’importance du rôle que jouaient les organismes francophones dans la prestation des services d’aide à l’emploi pour la fragile minorité de langue française de la C.-B. Ce passage obligatoire pour les membres de cette minorité à la recherche d’un emploi et l’interaction régulière et continue qu’engendrait l’implication des organismes francophones — soit dans le cadre de la gestion de cas, de la fourniture de services assistés ou non-assistés, de l’offre de services en ligne ou lors de la tenue d’ateliers de groupe et de foires à l’emploi, etc. — étaient au cœur de la construction identitaire de la minorité linguistique francophone. Il est utile de rappeler que les institutions fédérales connaissaient dans tous ses détails l’implication profonde des organismes francophones dans l’offre des services d’aide à l’emploi et l’importance de cette implication pour la minorité desservie puisque ce sont elles et leurs prédécesseures qui ont autorisé ces programmes et les ont financés au cours des années (affidavit de Duncan Shaw, pièce DS-9 : dossier d’appel, aux pages 9266 à 9394).

[177]   Mis à part le rôle primordial que joue l’école française pour la minorité linguistique francophone de la C.-B. en tant que « milieu de socialisation » (Conseil scolaire francophone de la C.-B., au paragraphe 1), il est difficile d’imaginer un outil de socialisation plus utile et efficace que ce réseau de services d’aide à l’emploi pour tisser des liens à même les membres de la communauté francophone et en assurer la survie.

[178]   Dans la lettre envoyée au ministre de RHDCC le 14 mai 2007, la présidente de la FFCB indiquait que la communauté d’expression française s’attendait à ce que la C.-B. assume les obligations linguistiques qu’avait le fédéral avant la signature de l’Entente (affidavit de Réal Roy, pièce C : dossier d’appel, aux pages 1892 et 1893). La réponse du ministre, comme celles qui ont été reçues avant et par la suite, se rabat sur la clause linguistique. On peut y lire que l’Entente, comme toutes celles signées à ce jour avec les autres provinces ou territoires, comprendra un engagement de la part de la C.-B. d’offrir les services dans les deux langues officielles lorsque la demande le justifie (affidavit de Réal Roy, pièce D : dossier d’appel, à la page 1895).

[179]   Pourtant, comme les évènements l’ont démontré, cette clause n’envisage qu’une chose, soit que l’interaction avec le public se fasse en français là où la demande le justifie. Elle ne répond aucunement aux craintes exprimées par les organismes francophones au cours des années. Ni la clause linguistique ni l’engagement de consulter la communauté francophone n’obligeait la C.-B. à préserver sous une forme ou une autre le rôle des organismes francophones ou à faire en sorte que la mise en œuvre de l’Entente s’effectue de façon à ne pas nuire à la minorité de langue française. Étonnamment, rien n’a été prévu à l’Entente afin de préserver la capacité d’intervention des institutions fédérales dans l’éventualité où elle était mise en œuvre par la C.-B. sans tenir compte de cet objectif.

[180]   Une telle clause aurait pu être insérée. Le financement offert à la C.-B. en vertu de l’Entente relève du pouvoir de dépenser qui se dégage des paragraphes 91(1A) et (3) et des articles 102 et 106 de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel permet au gouvernement fédéral d’assortir l’aide financière qu’il offre aux provinces de certains critères sans pour autant s’ingérer dans les domaines de compétence des provinces (Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1993] 1 R.C.S. 1080, 1993 CanLII 129; Renvoi relatif au Régime d’assistance publique du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525, 1991 CanLII 74; voir aussi Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 4e éd., Scarborough, Ont. : Carswell, 1997, aux pages 160 et 161). Les institutions fédérales reconnaissent qu’elles auraient pu insérer ce type de clause dans l’Entente sans excéder les compétences du gouvernement fédéral (mémoire en réplique des intimés, aux paragraphes 32 à 34), mais elles ne l’ont pas fait.

[181]   Ceci, malgré le fait qu’il était clair au moment de la signature de l’Entente que la LLO ne s’appliquait pas à la C.-B. Également, il ne faisait pas de doute qu’en l’absence d’une clause contractuelle, la C.-B. ne serait aucunement obligée de se montrer sensible à la survie de sa minorité linguistique francophone ou à l’importance pour cet enjeu de la participation continue des organismes francophones. Nous notons à cet égard que la C.-B. était au moment de la signature de l’Entente l’une de deux, parmi toutes les provinces et territoires, à n’avoir adopté aucune loi, règlement ou politique formelle ayant pour but la protection de sa minorité linguistique officielle, et qu’elle est aujourd’hui la seule (voir la lettre envoyée au greffe par le procureur des intimés en date du 5 novembre 2021 faisant état des mesures adoptées par les provinces et territoires en matière de droits linguistiques au cours des années).

[182]   En même temps, l’Entente invitait la C.-B. à instaurer une gamme intégrée de services axés sur l’efficacité, ce qui était difficilement conciliable avec le programme « taillé sur mesure » dont bénéficiait la minorité linguistique francophone avant la signature de l’Entente. Il y avait donc une tension évidente entre l’objectif d’efficacité envisagé par l’Entente et l’obligation qu’avaient et ont toujours les institutions fédérales de favoriser l’épanouissement de cette minorité, et de ne pas y nuire. Nul besoin d’ajouter que les institutions fédérales ne pouvaient faire fi de cette obligation pour des enjeux d’efficacité.

[183]   Les institutions fédérales font valoir — citant MacKenzie, aux paragraphes 55 à 57 et Lalonde, au paragraphe 95 — qu’aucun impératif constitutionnel ne les obligeait à garder en place les mesures d’aide à l’emploi telles qu’elles étaient dispensées avant l’Entente (mémoire en réplique des intimés, aux paragraphes 12 à 14). Elles pouvaient en effet les modifier ou les remplacer, mais à la différence de la situation qui avait cours dans ces deux affaires, elles devaient le faire en respectant l’obligation qui leur incombe en vertu de la partie VII à favoriser l’épanouissement de la minorité et de ne pas y nuire.

[184]   Compte tenu de l’objectif d’efficacité et de l’absence d’une disposition contractuelle obligeant la C.-B. à se montrer sensible à la situation précaire de sa minorité linguistique officielle, on ne peut être surpris que la province, après avoir assumé la gestion des mesures d’aide à l’emploi en vertu de l’Entente, ait rapidement opté pour le modèle à « guichet unique » et ait mis fin à l’offre de service particularisée dont bénéficiait la minorité linguistique francophone. Il n’est pas non plus surprenant que les organismes francophones n’aient pu la convaincre de tenir compte des conséquences négatives de leur désengagement pour cette minorité, compte tenu du fait que la C.-B. ne s’est assujettie à aucune obligation d’agir afin de la protéger ou d’en assurer la survie.

[185]   C’est ce constat d’impuissance face à la décision de la C.-B. que fait la ministre de RHDCC, Diane Finley, dans sa lettre du 2 juin 2011 en réponse à une dernière tentative de la FFCB d’obtenir l’intervention du fédéral. Après avoir précisé à deux reprises que la C.-B. était maintenant seule responsable à ce chapitre, la ministre a avisé la FFCB qu’elle devait dorénavant faire parvenir ses doléances au gouvernement de la C.-B. (affidavit de Réal Roy, pièce U : dossier d’appel, aux pages 2237 et 2238).

[186]   Comme l’a conclu le Commissaire suite à son enquête, les institutions fédérales n’ont même pas tenté d’évaluer l’impact qu’allait avoir l’Entente sur la minorité linguistique francophone de la C.-B. (rapport final d’enquête du Commissariat aux langues officielles daté d’avril 2013, à la page 19 : dossier d’appel, à la page 2314). Même s’il est loisible de croire que les institutions fédérales entretenaient l’espoir que la C.-B. se montre plus réceptive au plaidoyer de la minorité en faveur de la participation continue des organismes francophones lorsqu’ils ont signé l’Entente, elles se devaient de garder un droit d’intervenir dans l’éventualité où la C.-B. se montrerait intransigeante. S’il est vrai que la partie VII n’empêche pas la prise de mesures négatives, elle n’exige pas moins qu’elles soient accompagnées de mesures positives afin de pallier les effets négatifs, ou à tout le moins, les atténuer. Rien n’a été fait à cet égard.

[187]   Compte tenu des circonstances entourant la signature de l’Entente avec la C.-B. en 2008 — notamment la situation très précaire de la minorité linguistique francophone de la C.-B.; l’importance qu’avait pour elle le rôle des organismes francophones dans l’offre de services en matière d’aide à l’emploi; le fait que les institutions fédérales avaient une connaissance intime de ce rôle et de son importance pour la minorité linguistique francophone; le fait que la LLO ne s’appliquerait pas à la C.-B. selon une jurisprudence bien établie; l’absence de lois, règlements ou politiques formelles de la C.-B. ayant pour but de protéger cette minorité — les institutions fédérales ne pouvaient signer l’Entente sans à tout le moins faire état de l’obligation qu’elles avaient et ont toujours de favoriser l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la C.-B. en vertu de la partie VII, et sans se donner les moyens de la faire respecter dans l’éventualité où la mise en œuvre de l’Entente par la C.-B. s’effectuerait au détriment de cette minorité.

[188]   C’est ce défaut d’agir qui fait l’objet des plaintes et compte tenu de la preuve au dossier, force est de constater qu’elles sont bien fondées.

   Quelle réparation serait convenable et juste eu égard aux circonstances?  [table des matières]

[189]   L’impact négatif de l’Entente se fait ressentir sur la minorité linguistique francophone de la C.-B. depuis maintenant dix ans. Il est impossible de retourner en arrière, mais il demeure possible d’agir sur une base prospective. Nous rappelons à cet égard que l’obligation prévue à la partie VII est de nature continue de sorte que les institutions fédérales demeurent jusqu’à ce jour dans l’obligation d’agir pour contrer l’impact négatif de l’Entente qu’elles ont signée sur cette minorité.

[190]   Le fait que la minorité linguistique francophone de la C.-B. soit aujourd’hui fragile au point d’être au seuil de l’extinction ne justifie pas qu’on l’abandonne à son sort. Tout récemment, la Cour suprême dans Conseil scolaire francophone de la C.-B., nous a rappelé avec force et véhémence que la vulnérabilité particulière de la minorité linguistique francophone de la C.-B. invite plutôt à redoubler de prudence face à la violation de ses droits linguistiques avec une préoccupation axée sur le présent. Tant les juges majoritaires que dissidents sont d’accord sur ce point (Conseil scolaire francophone de la C.-B., aux paragraphes 144, 156 à 159 pour la majorité et aux paragraphes 261 à 264 pour la dissidence). Il s’agissait dans cette affaire de droits protégés par l’article 23 de la Charte, mais l’objectif de prévention de l’érosion des communautés linguistiques officielles qui guide l’analyse de la Cour suprême dans cette affaire doit guider de façon analogue la nôtre. Il n’est pas étonnant que, dans les deux cas, les tribunaux bénéficient d’un large pouvoir discrétionnaire pour remédier à la situation puisqu’ils peuvent accorder la réparation qu’ils « estime[nt] convenable et juste eu égard aux circonstances » (au paragraphe 24(1) de la Charte et au paragraphe 77(4) de la LLO).

[191]   Le pouvoir d’octroyer la réparation qui est convenable et juste dans les circonstances est très vaste, mais seules les institutions fédérales peuvent y être assujetties. À l’heure actuelle, les institutions fédérales ne sont pas en mesure de faire quoi que ce soit pour favoriser l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la C.-B. ou la protéger parce que l’Entente qu’elles ont signée ne reconnaît pas l’obligation qu’elles ont en vertu de la partie VII de la LLO et ne prévoit aucun moyen pour exiger qu’elle soit respectée dans la mise en œuvre de l’Entente. Elle ne permet pas non plus aux institutions fédérales d’intervenir directement dans l’offre de services d’aide à l’emploi, puisque selon ses termes, ces matières relèvent du contrôle exclusif de la C.-B.

[192]   Les institutions fédérales ne peuvent demeurer parties à une entente qui les empêche d’honorer l’obligation continue qu’elles ont envers la minorité linguistique francophone de la C.-B. Il s’ensuit que l’Entente doit, dans un premier temps, être résiliée à moins qu’elle puisse être renégociée afin de permettre aux institutions fédérales d’agir en conformité avec l’obligation qui leur incombe en vertu de la partie VII.

[193]   Dans un deuxième temps, le geste réparateur doit être déterminé. À cette étape, il ne s’agit pas de se demander ce que les institutions fédérales auraient pu faire, mais bien de déterminer comment remédier au tort qui a été causé. Comme nous l’avons vu, l’impact négatif qui a découlé de l’Entente et du défaut d’agir des institutions fédérales est le démantèlement du réseau de services d’aide à l’emploi qu’elles avaient mis sur pied avec la participation des organismes francophones. Ce réseau était unique dans sa conception et constituait un outil de socialisation irremplaçable. S’agissant ici de réparer, dans la mesure du possible, l’impact négatif de l’Entente sur l’épanouissement de la minorité linguistique francophone de la C.-B. avec un regard axé sur sa survie, la restauration de ce réseau s’impose comme réparation convenable et juste dans les circonstances.

[194]   L’Entente comporte des contraintes temporelles qui nous empêchent de donner à cette réparation un effet immédiat. Bien qu’elle puisse être modifiée en tout temps, les parties ont convenu qu’un préavis de deux ans, calculé à compter du 1er avril de chaque année, était nécessaire pour y mettre fin (articles 1.2, 24.0 et 25.0 de l’Entente). L’ampleur de l’Entente et l’importance d’y mettre fin en évitant que les services aux clients soient indûment amoindris ou interrompus justifient la durée de ce préavis.

[195]   Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’ordonner que la réparation s’effectue comme suit : les institutions fédérales devront faire parvenir à la C.-B. dans les 60 jours suivant la date du présent jugement, le préavis prévu à l’article 24.0 de l’Entente indiquant leur intention d’y mettre fin dans sa forme actuelle à compter du 1er avril 2024. D’ici là, rien n’empêchera les institutions fédérales de tenter de modifier l’Entente d’un commun accord afin d’y insérer les modalités leur donnant le droit d’exiger que l’Entente soit mise en œuvre dans le respect de l’obligation qu’elles ont envers la minorité linguistique francophone de la C.-B. en vertu de la partie VII de la LLO. Les institutions fédérales devront, dès qu’elles seront en mesure d’agir, soit dans le cadre d’une Entente modifiée ou suite à son annulation, voir à ce que soit reconstitué, dans la mesure du possible, le réseau de services d’aide à l’emploi avec la participation des organismes francophones selon le modèle qui existait avant la signature de l’Entente, en tenant compte des besoins actuels de la minorité linguistique francophone de la C.-B.

DISPOSITIF  [table des matières]

[196]   Pour les motifs qui précèdent, les appels portant sur le manquement à l’obligation prévue à la partie VII de la LLO sont accueillis avec dépens en faveur de la FFCB, et rendant le jugement que la Cour fédérale aurait dû rendre, le recours de la FFCB en vertu de la partie VII est accueilli et la réparation décrite au paragraphe 195 est octroyée en vertu du paragraphe 77(4) de la LLO.

[197]   La Cour fédérale, constituée du juge de première instance ou de tout autre juge que le juge en chef pourra désigner, demeure saisie du recours afin de trancher toute question entourant l’exécution de la réparation octroyée.

Annexe  [table des matières]

Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23

PARTIE II

Prestations d’emploi et service national de placement

Objet

56 La présente partie a pour objet d’aider à maintenir un régime d’assurance-emploi durable par la mise sur pied de prestations d’emploi pour les participants et par le maintien d’un service national de placement.

Lignes directrices

57 (1) Les prestations d’emploi et les mesures de soutien prévues par la présente partie doivent être mises sur pied conformément aux lignes directrices suivantes :

a) l’harmonisation des prestations d’emploi et des mesures de soutien avec les projets d’emploi provinciaux en vue d’éviter tout double emploi et tout chevauchement;

b) la réduction de la dépendance aux prestations de chômage au moyen de l’aide fournie pour obtenir ou conserver un emploi;

c) la coopération et le partenariat avec d’autres gouvernements, des employeurs, des organismes communautaires et tout autre organisme intéressé;

d) la flexibilité pour permettre que des décisions importantes relatives à la mise en œuvre soient prises par les agents locaux;

d.1) la possibilité de recevoir de l’aide dans le cadre de prestations ou de mesures dans l’une ou l’autre des langues officielles là où l’importance de la demande le justifie;

e) l’engagement des personnes bénéficiant d’une aide au titre d’une prestation d’emploi ou d’une mesure de soutien :

(i) à s’attacher à la réalisation des objectifs visés par l’aide fournie,

(ii) à assumer la responsabilité première de déterminer leurs besoins en matière d’emploi et de trouver les services nécessaires pour les combler,

(iii) s’il y a lieu, à partager les coûts de l’aide;

f) la mise en œuvre des prestations et des mesures selon une structure permettant d’évaluer la pertinence de l’aide fournie pour obtenir ou conserver un emploi.

Concertation avec les gouvernements provinciaux

(2) Pour mettre en œuvre l’objet et les lignes directrices de la présente partie, la Commission doit travailler de concert avec le gouvernement de chaque province dans laquelle une prestation d’emploi ou une mesure de soutien doit être mise en œuvre à mettre sur pied la prestation ou la mesure, à fixer les modalités de sa mise en œuvre et à concevoir le cadre permettant d’évaluer la pertinence de l’aide qu’elle fournit aux participants.

Accords avec les provinces

(3) La Commission doit inviter le gouvernement de chaque province à conclure avec elle un accord pour l’application du paragraphe (2) ou tout autre accord prévu par la présente partie.

[…]

Prestations d’emploi pour participants

59 La Commission peut mettre sur pied des prestations d’emploi en vue d’aider les participants à obtenir un emploi, notamment des prestations visant à :

a) inciter les employeurs à les engager;

b) les encourager, au moyen d’incitatifs tels que les suppléments temporaires de revenu, à accepter un emploi;

c) les aider à créer leur entreprise ou à devenir travailleurs indépendants;

d) leur fournir des occasions d’emploi qui leur permettent d’acquérir une expérience de travail en vue d’améliorer leurs possibilités de trouver un emploi durable;

e) les aider à acquérir des compétences — de nature générale ou spécialisée — liées à l’emploi.

[…]

60 [...]

Mesures de soutien

(4) À l’appui du service national de placement, la Commission peut mettre sur pied des mesures de soutien ayant pour but d’aider ou de soutenir :

a) les organismes qui offrent des services d’aide à l’emploi aux chômeurs;

b) les employeurs, les associations d’employés ou d’employeurs, les organismes communautaires et les collectivités à développer et à mettre en application des stratégies permettant de faire face aux changements au sein de la population active et de satisfaire aux exigences en matière de ressources humaines;

c) la recherche et l’innovation afin de trouver de meilleures façons d’aider les personnes à devenir ou rester aptes à occuper ou à reprendre un emploi et à être des membres productifs du marché du travail.

[…]

Soutien financier

61 (1) Afin de soutenir la mise en œuvre d’une prestation d’emploi ou d’une mesure de soutien, la Commission peut, conformément aux modalités approuvées par le Conseil du Trésor :

a) fournir des subventions et des contributions;

b) consentir des prêts ou se rendre caution de prêts;

c) payer toute personne pour les services fournis à sa demande;

d) émettre des bons échangeables contre des services et honorer ces bons.

[…]

Accord d’administration des prestations d’emploi et des mesures de soutien

62 La Commission peut, avec l’approbation du ministre, conclure un accord ou un arrangement avec un ministère ou organisme du gouvernement du Canada, un gouvernement ou un organisme public canadien ou tout autre organisme pour qu’il administre une prestation d’emploi ou une mesure de soutien pour son compte.

Accords de contribution relatifs à des prestations ou des mesures similaires

63 (1) La Commission peut, avec l’approbation du ministre, conclure avec un gouvernement ou un organisme public canadien, ou tout autre organisme, un accord prévoyant le versement à celui-ci d’une contribution relative à tout ou partie :

a) des frais liés à des prestations ou mesures similaires à celles prévues par la présente partie et qui correspondent à l’objet et aux lignes directrices qui y sont prévus;

b) des frais liés à l’administration de ces prestations ou mesures par ce gouvernement ou organisme.

[…]

Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31

Préambule

Attendu :

que la Constitution dispose que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et qu’ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada;

qu’elle prévoit l’universalité d’accès dans ces deux langues en ce qui a trait au Parlement et à ses lois ainsi qu’aux tribunaux établis par celui-ci;

qu’elle prévoit en outre des garanties quant au droit du public à l’emploi de l’une ou l’autre de ces langues pour communiquer avec les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services;

qu’il convient que les agents des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada aient l’égale possibilité d’utiliser la langue officielle de leur choix dans la mise en œuvre commune des objectifs de celles-ci;

qu’il convient que les Canadiens d’expression française et d’expression anglaise, sans distinction d’origine ethnique ni égard à la première langue apprise, aient des chances égales d’emploi dans les institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada;

que le gouvernement fédéral s’est engagé à réaliser, dans le strict respect du principe du mérite en matière de sélection, la pleine participation des Canadiens d’expression française et d’expression anglaise à ses institutions;

qu’il s’est engagé à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones, au titre de leur appartenance aux deux collectivités de langue officielle, et à appuyer leur développement et à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne;

qu’il s’est engagé à collaborer avec les institutions et gouvernements provinciaux en vue d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones, d’offrir des services en français et en anglais, de respecter les garanties constitutionnelles sur les droits à l’instruction dans la langue de la minorité et de faciliter pour tous l’apprentissage du français et de l’anglais;

qu’il s’est engagé à promouvoir le caractère bilingue de la région de la capitale nationale et à encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, ainsi que les organismes bénévoles canadiens à promouvoir la reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais;

qu’il reconnaît l’importance, parallèlement à l’affirmation du statut des langues officielles et à l’élargissement de leur usage, de maintenir et de valoriser l’usage des autres langues,

[…]

Objet

Objet

2 La présente loi a pour objet :

a) d’assurer le respect du français et de l’anglais à titre de langues officielles du Canada, leur égalité de statut et l’égalité de droits et privilèges quant à leur usage dans les institutions fédérales, notamment en ce qui touche les débats et travaux du Parlement, les actes législatifs et autres, l’administration de la justice, les communications avec le public et la prestation des services, ainsi que la mise en œuvre des objectifs de ces institutions;

b) d’appuyer le développement des minorités francophones et anglophones et, d’une façon générale, de favoriser, au sein de la société canadienne, la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais;

c) de préciser les pouvoirs et les obligations des institutions fédérales en matière de langues officielles.

[…]

PARTIE IV

Communications avec le public et prestation des services

Communications et services

Droits en matière de communication

21 Le public a, au Canada, le droit de communiquer avec les institutions fédérales et d’en recevoir les services conformément à la présente partie.

Langues des communications et services

22 Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leur siège ou leur administration centrale, et en recevoir les services, dans l’une ou l’autre des langues officielles. Cette obligation vaut également pour leurs bureaux — auxquels sont assimilés, pour l’application de la présente partie, tous autres lieux où ces institutions offrent des services — situés soit dans la région de la capitale nationale, soit là où, au Canada comme à l’étranger, l’emploi de cette langue fait l’objet d’une demande importante.

[…]

Services fournis par des tiers

Fourniture dans les deux langues

25 Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que, tant au Canada qu’à l’étranger, les services offerts au public par des tiers pour leur compte le soient, et à ce qu’il puisse communiquer avec ceux-ci, dans l’une ou l’autre des langues officielles dans le cas où, offrant elles-mêmes les services, elles seraient tenues, au titre de la présente partie, à une telle obligation.

[…]

Dispositions générales

Obligation : communications et services

27 L’obligation que la présente partie impose en matière de communications et services dans les deux langues officielles à cet égard vaut également, tant sur le plan de l’écrit que de l’oral, pour tout ce qui s’y rattache.

Offre active

28 Lorsqu’elles sont tenues, sous le régime de la présente partie, de veiller à ce que le public puisse communiquer avec leurs bureaux ou recevoir les services de ceux-ci ou de tiers pour leur compte, dans l’une ou l’autre langue officielle, il incombe aux institutions fédérales de veiller également à ce que les mesures voulues soient prises pour informer le public, notamment par entrée en communication avec lui ou encore par signalisation, avis ou documentation sur les services, que ceux-ci lui sont offerts dans l’une ou l’autre langue officielle, au choix.

[…]

PARTIE VII

Promotion du français et de l’anglais

Engagement

41 (1) Le gouvernement fédéral s’engage à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement, ainsi qu’à promouvoir la pleine reconnaissance et l’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne.

Obligations des institutions fédérales

(2) Il incombe aux institutions fédérales de veiller à ce que soient prises des mesures positives pour mettre en œuvre cet engagement. Il demeure entendu que cette mise en œuvre se fait dans le respect des champs de compétence et des pouvoirs des provinces.

Règlements

(3) Le gouverneur en conseil peut, par règlement visant les institutions fédérales autres que le Sénat, la Chambre des communes, la bibliothèque du Parlement, le bureau du conseiller sénatorial en éthique et le bureau du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, fixer les modalités d’exécution des obligations que la présente partie leur impose.

Coordination

42 Le ministre du Patrimoine canadien, en consultation avec les autres ministres fédéraux, suscite et encourage la coordination de la mise en œuvre par les institutions fédérales de cet engagement.

Mise en œuvre

43 (1) Le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures qu’il estime indiquées pour favoriser la progression vers l’égalité de statut et d’usage du français et de l’anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure :

a) de nature à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada et à appuyer leur développement;

b) pour encourager et appuyer l’apprentissage du français et de l’anglais;

c) pour encourager le public à mieux accepter et apprécier le français et l’anglais;

d) pour encourager et aider les gouvernements provinciaux à favoriser le développement des minorités francophones et anglophones, et notamment à leur offrir des services provinciaux et municipaux en français et en anglais et à leur permettre de recevoir leur instruction dans leur propre langue;

e) pour encourager et aider ces gouvernements à donner à tous la possibilité d’apprendre le français et l’anglais;

f) pour encourager les entreprises, les organisations patronales et syndicales, les organismes bénévoles et autres à fournir leurs services en français et en anglais et à favoriser la reconnaissance et l’usage de ces deux langues, et pour collaborer avec eux à ces fins;

g) pour encourager et aider les organisations, associations ou autres organismes à refléter et promouvoir, au Canada et à l’étranger, le caractère bilingue du Canada;

h) sous réserve de l’aval du gouverneur en conseil, pour conclure avec des gouvernements étrangers des accords ou arrangements reconnaissant et renforçant l’identité bilingue du Canada.

[…]

PARTIE IX

Plaintes et enquêtes

Plaintes

58 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le commissaire instruit toute plainte reçue — sur un acte ou une omission — et faisant état, dans l’administration d’une institution fédérale, d’un cas précis de non-reconnaissance du statut d’une langue officielle, de manquement à une loi ou un règlement fédéraux sur le statut ou l’usage des deux langues officielles ou encore à l’esprit de la présente loi et à l’intention du législateur.

[…]

PARTIE X

Recours judiciaire

[…]

Recours

77 (1) Quiconque a saisi le commissaire d’une plainte visant une obligation ou un droit prévus aux articles 4 à 7 et 10 à 13 ou aux parties IV, V ou VII, ou fondée sur l’article 91, peut former un recours devant le tribunal sous le régime de la présente partie.

[…]

Ordonnance

(4) Le tribunal peut, s’il estime qu’une institution fédérale ne s’est pas conformée à la présente loi, accorder la réparation qu’il estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

[…]

Preuve — plainte de même nature

79 Sont recevables en preuve dans les recours les renseignements portant sur des plaintes de même nature concernant une même institution fédérale.

[…]

PARTIE XI

Dispositions générales

Primauté sur les autres lois

82 (1) Les dispositions des parties qui suivent l’emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi ou de tout règlement fédéraux :

a) partie I (Débats et travaux parlementaires);

b) partie II (Actes législatifs et autres);

c) partie III (Administration de la justice);

d) partie IV (Communications avec le public et prestation des services);

e) partie V (Langue de travail).

[…]

Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]

Langues officielles du Canada

Langues officielles du Canada

16 (1) Le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada; ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada.

[…]

Progression vers l’égalité

(3) La présente charte ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l’égalité de statut ou d’usage du français et de l’anglais.

[…]

Communications entre les administrés et les institutions fédérales

20 (1) Le public a, au Canada, droit à l’emploi du français ou de l’anglais pour communiquer avec le siège ou l’administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services; il a le même droit à l’égard de tout autre bureau de ces institutions là où, selon le cas :

a) l’emploi du français ou de l’anglais fait l’objet d’une demande importante;

b) l’emploi du français et de l’anglais se justifie par la vocation du bureau.

[…]

Droits à l’instruction dans la langue de la minorité

Langue d’instruction

23 (1) Les citoyens canadiens :

a) dont la première langue apprise et encore comprise est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province où ils résident,

b) qui ont reçu leur instruction, au niveau primaire, en français ou en anglais au Canada et qui résident dans une province où la langue dans laquelle ils ont reçu cette instruction est celle de la minorité francophone ou anglophone de la province,

ont, dans l’un ou l’autre cas, le droit d’y faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans cette langue.

Continuité d’emploi de la langue d’instruction

(2) Les citoyens canadiens dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction, au niveau primaire ou secondaire, en français ou en anglais au Canada ont le droit de faire instruire tous leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de cette instruction.

Justification par le nombre

(3) Le droit reconnu aux citoyens canadiens par les paragraphes (1) et (2) de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province :

a) s’exerce partout dans la province où le nombre des enfants des citoyens qui ont ce droit est suffisant pour justifier à leur endroit la prestation, sur les fonds publics, de l’instruction dans la langue de la minorité;

b) comprend, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics.

[…]

Recours

Recours en cas d’atteinte aux droits et libertés

24 (1) Toute personne, victime de violation ou de négation des droits ou libertés qui lui sont garantis par la présente charte, peut s’adresser à un tribunal compétent pour obtenir la réparation que le tribunal estime convenable et juste eu égard aux circonstances.

[…]

Application de la charte

Application de la charte

32 (1) La présente charte s’applique :

a) au Parlement et au gouvernement du Canada, pour tous les domaines relevant du Parlement, y compris ceux qui concernent le territoire du Yukon et les territoires du Nord-Ouest;

b) à la législature et au gouvernement de chaque province, pour tous les domaines relevant de cette législature.



[1] La partie IV de la LLO et les obligations qu’elle comporte, dont celle d’offrir des services au public dans l’une ou l’autre des deux langues officielles lorsque le nombre le justifie, s’appliquent aux provinces lorsqu’elles agissent au nom ou plus précisément « pour [le] compte » du gouvernement fédéral.

[2] La partie VII traduit l’engagement du gouvernement fédéral à favoriser l’épanouissement des minorités francophones et anglophones au Canada et énonce l’obligation qu’ont les institutions fédérales de prendre des mesures positives à cette fin.

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