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NOTE DE L’ARRÊTISTE : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des décisions des Cours fédérales.

A-232-20

2022 CAF 96

CSX Transportation, Inc. (appelante)

c.

ABB Inc. et Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (intimées)

Répertorié : Csx Transportation, Inc. c. ABB Inc.

Cour d’appel fédérale, juges Stratas, Rennie et Laskin, J.C.A.—Par vidéoconférence; Toronto, 31 mai 2022.

Droit administratif — Équité procédurale — Appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale concluant, entre autres, que l’appelante était responsable en application du Code civil du Québec dans une action en dommages-intérêts intentée par l’intimée ABB Inc. — ABB Inc., un fabricant du Québec, a retenu les services de l’intimée, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (l’intimée), pour envoyer un transformateur électrique au Kentucky — L’intimée a géré le transport ferroviaire au Canada, retenant les services de l’appelante pour assurer le transport ferroviaire aux États-Unis — L’appelante est une société de la Virginie dont le siège social est situé en Floride — Le transformateur électrique a été endommagé alors qu’il était transporté par l’appelante aux États-Unis — ABB Inc. a poursuivi l’intimée et l’appelante — L’appelante a invoqué plusieurs motifs pour interjeter appel de la décision de la Cour fédérale, notamment que la Cour fédérale n’avait pas respecté l’équité procédurale — Il s’agissait en l’espèce de déterminer la présence d’un manquement à l’équité procédurale — Il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce, surtout du fait qu’ABB Inc. n’a pas fait valoir que l’appelante était de quelque façon responsable en application du Code civil — Même si la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en soulevant avec les parties la question de savoir si elles avaient omis de tenir compte du Code civil, pour répondre aux obligations de l’équité procédurale, elle devait être plus précise à propos de ses questionnements, ou faire des propositions précises aux parties afin qu’elles puissent en débattre de façon éclairée — Considérant les lacunes relatives à l’équité procédurale en l’espèce, le verdict de la Cour fédérale sur la question de la responsabilité de l’appelante n’était pas sûr — Par conséquent, le jugement de la Cour fédérale a été annulé et la tenue d’un nouveau procès devant la Cour fédérale, devant un autre juge, a été ordonnée — Appel accueilli.

Transports — La Cour fédérale a conclu, entre autres, que l’appelante était responsable en application du Code civil du Québec dans une action en dommages-intérêts intentée par l’intimée ABB Inc. — ABB Inc., un fabricant du Québec, a retenu les services de l’intimée, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (l’intimée), pour envoyer un transformateur électrique au Kentucky — L’intimée a géré le transport ferroviaire au Canada, mais a retenu les services de l’appelante pour assurer le transport ferroviaire aux États-Unis — Le transformateur électrique a été endommagé alors qu’il était transporté par l’appelante aux États-Unis — ABB Inc. a poursuivi l’intimée et l’appelante — L’appelante a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale — Il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce, plus particulièrement, ABB Inc. n’a pas fait valoir que l’appelante était de quelque façon responsable en application du Code civil; la Cour fédérale n’a pas invité les parties à déposer des observations visant précisément l’application du Code civil aux faits de l’espèce à la lumière des dispositions de la Loi sur les transports au Canada — Pour répondre aux obligations de l’équité procédurale, la Cour fédérale devait être plus précise à propos de ses questionnements, ou faire des propositions précises aux parties afin qu’elles puissent en débattre de façon éclairée — Considérant les lacunes relatives à l’équité procédurale en l’espèce, le verdict de la Cour fédérale sur la question de la responsabilité de l’appelante n’était pas sûr.

Chemins de fer — La Cour fédérale a conclu, entre autres, que l’appelante était responsable en application du Code civil du Québec dans une action en dommages-intérêts intentée par l’intimée ABB Inc. — ABB Inc., un fabricant du Québec, a retenu les services de l’intimée, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (l’intimée), pour envoyer un transformateur électrique au Kentucky — L’intimée a géré le transport ferroviaire au Canada, mais a retenu les services de l’appelante pour assurer le transport ferroviaire aux États-Unis — Le transformateur électrique a été endommagé alors qu’il était transporté par l’appelante aux États-Unis — ABB Inc. a poursuivi l’intimée et l’appelante — L’appelante a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale — Il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce, plus particulièrement, du fait que la Cour fédérale n’a pas invité les parties à déposer des observations visant précisément l’application du Code civil aux faits de l’espèce à la lumière des dispositions de la Loi sur les transports au Canada et du Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises — Toutefois, pour répondre aux obligations de l’équité procédurale, la Cour fédérale devait être plus précise à propos de ses questionnements, ou faire des propositions précises aux parties afin qu’elles puissent en débattre de façon éclairée — Considérant les lacunes relatives à l’équité procédurale en l’espèce, le verdict de la Cour fédérale sur la question de la responsabilité de l’appelante n’était pas sûr.

Code civil — La Cour fédérale a conclu, entre autres, que l’appelante était responsable en application du Code civil du Québec dans une action en dommages-intérêts intentée par l’intimée ABB Inc. (ABB Inc.) — ABB Inc., un fabricant du Québec, a retenu les services de l’intimée, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (l’intimée), pour envoyer un transformateur électrique au Kentucky — L’intimée a géré le transport ferroviaire au Canada, mais a retenu les services de l’appelante pour assurer le transport ferroviaire aux États-Unis — Le transformateur électrique a été endommagé alors qu’il était transporté par l’appelante aux États-Unis — ABB Inc. a poursuivi l’intimée et l’appelante — L’appelante a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale — Il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce, surtout du fait qu’ABB Inc. n’a pas fait valoir que l’appelante était de quelque façon responsable en application du Code civil;  les actes de procédure ne mentionnaient pas que le droit applicable était celui du Québec; et la Cour fédérale a soulevé d’elle-même la possibilité que l’intimée et l’appelante soient responsables en application du Code civil, mais elle ne l’a fait que de façon vague et générale — Toutefois, pour répondre aux obligations de l’équité procédurale, la Cour fédérale devait être plus précise à propos de ses questionnements, ou faire des propositions précises aux parties afin qu’elles puissent en débattre de façon éclairée — Considérant les lacunes relatives à l’équité procédurale en l’espèce, le verdict de la Cour fédérale sur la question de la responsabilité de l’appelante n’était pas sûr.

Il s’agissait d’un appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale concluant, entre autres, que l’appelante était responsable en application du Code civil du Québec dans une action en dommages-intérêts intentée par l’intimée ABB Inc.

ABB Inc., un fabricant du Québec, a retenu les services de l’intimée, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (l’intimée), pour envoyer un transformateur électrique au Kentucky. L’intimée a géré le transport ferroviaire au Canada. Elle a retenu les services de l’appelante pour assurer le transport ferroviaire aux États-Unis. Il n’y avait aucune relation contractuelle entre ABB Inc. et l’appelante. L’appelante ne connaissait pas les arrangements entre l’intimée et ABB Inc. L’appelante est une société de la Virginie dont le siège social est situé en Floride. Le transformateur électrique a été endommagé alors qu’il était transporté par l’appelante aux États-Unis. ABB Inc. a poursuivi l’intimée et l’appelante. L’appelante a invoqué plusieurs motifs pour interjeter appel de la décision de la Cour fédérale. Un de ces motifs était que la Cour fédérale n’a pas respecté l’équité procédurale. L’appelante a affirmé qu’elle a été prise par surprise par la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle elle était responsable des dommages en application du Code civil.

Il s’agissait en l’espèce de déterminer la présence ou non d’un manquement à l’équité procédurale.

Arrêt : l’appel doit être accueilli.

Il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce. Notamment, ABB Inc. n’a pas fait valoir que l’appelante était de quelque façon responsable des dommages aux termes du Code civil. Les actes de procédure ne mentionnaient pas que le droit applicable était celui du Québec; la Cour fédérale a soulevé d’elle-même la possibilité que l’intimée et l’appelante soient responsables en application du Code civil, mais elle ne l’a fait que de façon vague et générale; et la Cour fédérale n’a pas invité les parties à déposer des observations visant précisément l’application du Code civil aux faits de l’espèce à la lumière des dispositions de la Loi sur les transports au Canada et du Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises. En fin de compte, la Cour fédérale a conclu que l’appelante était responsable aux termes du Code civil. Il semble qu’elle ait supposé que, dans le contexte du droit international privé, le Code civil pouvait s’appliquer à l’appelante, une entité étrangère exerçant ses activités à l’extérieur du Canada et n’ayant aucune relation contractuelle ou autre avec ABB Inc.

Une cour a l’obligation de trancher les dossiers en fonction de l’ensemble du droit applicable. Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en soulevant avec les parties la question de savoir si elles avaient omis de tenir compte du Code civil. Toutefois, pour répondre aux obligations de l’équité procédurale, la Cour fédérale devait être plus précise à propos de ses questionnements, ou faire des propositions précises aux parties afin qu’elles puissent en débattre de façon éclairée. Sans avoir à développer de façon très détaillée les questions aux parties, la Cour fédérale devait signaler les questions avec assez d’explications pour faciliter la présentation des observations. Considérant les lacunes relatives à l’équité procédurale en l’espèce, le verdict de la Cour fédérale sur la question de la responsabilité de l’appelante n’était pas sûr. En outre, si les questions en litige entre les parties avaient été complètement définies et claires, l’appelante aurait peut-être adopté une approche tactique et de présentation de la preuve différente en l’espèce. Cela aurait pu avoir une incidence sur l’issue de l’affaire.

Par conséquent, le jugement de la Cour fédérale contre l’appelante a été annulé et, puisque l’ensemble du recours était entaché de manquement à l’équité procédurale à l’égard de l’appelante, la tenue d’un nouveau procès devant la Cour fédérale, devant un autre juge, a été ordonnée relativement à la responsabilité de l’appelante et à toute autre question connexe ou qui en découlait.

LOIS ET RÈGLEMENTS CITÉS

Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991

Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10.

Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises, DORS/91488.

JURISPRUDENCE CITÉE

DÉCISIONS MENTIONNÉES

Unifund Assurance Co. c. Insurance Corp. of British Columbia, 2003 CSC 40, [2003] 2 R.C.S. 63; Rodaro v. Royal Bank of Canada (2002), 59 O.R. (3d) 74, 157 O.A.C. 203 (C.A.); R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689; Pinder Jr. c. Canada, 2016 CAF 317; Tervita Corporation c. Commissaire de la concurrence, 2013 CAF 28, [2014] 2 R.C.F. 352, infirmé pour un autre motif, 2015 CSC 3, [2015] 1 R.C.S. 161.

APPEL à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2020 CF 817, [2020] 4 R.C.F. 303) concluant, entre autres, que l’appelante était responsable en application du Code civil du Québec dans une action en dommages-intérêts intentée par l’intimée ABB Inc. Appel accueilli.

ONT COMPARU :

Christopher Hubbard et Gabrielle Schachter pour l’appelante.

Ryan R. Lee et Thomas Hanson pour l’intimée Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

McCarthy Tétrault S.E.N.C.R.L., s.r.l., Toronto pour l’appelante.

Watson Goepel LLP, Vancouver, pour l’intimée Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour rendus par

 

Le juge Stratas :

[1]        L’appelante, CSX Transportation, Inc. [CSXT], interjette appel du jugement rendu par le juge Grammond de la Cour fédérale (2020 CF 817).

[2]        ABB Inc., un fabricant du Québec, a retenu les services de l’intimée, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN), pour envoyer un transformateur électrique au Kentucky. Le CN a géré le transport ferroviaire au Canada. Le CN a retenu les services de CSXT pour assurer le transport ferroviaire aux États-Unis. Il n’y avait aucune relation contractuelle entre ABB Inc. et CSXT. CSXT ne connaissait pas les arrangements entre le CN et ABB Inc. CSXT est une société de la Virginie dont le siège social est situé en Floride.

[3]        Le transformateur électrique a été endommagé alors qu’il était transporté par CSXT aux États-Unis. ABB Inc. a poursuivi le CN et CSXT. La Cour fédérale a notamment conclu que CSXT était responsable en application du Code civil du Québec, RLRQ, ch. CCQ-1991.

[4]        Devant notre Cour, CSXT invoque plusieurs motifs pour interjeter appel. Un de ces motifs est que la Cour fédérale n’a pas respecté l’équité procédurale. CSXT affirme qu’elle a été prise par surprise par la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle elle était responsable des dommages en application du Code civil.

[5]        Nous sommes d’accord avec CSXT qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale en l’espèce. Par conséquent, l’appel doit donc être accueilli.

[6]        Les circonstances suivantes, prises dans leur ensemble, nous ont menées à la conclusion qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale.

•      ABB Inc. n’a pas fait valoir que CSXT était de quelque façon responsable des dommages aux termes du Code civil. Les actes de procédure ne mentionnaient pas que le droit applicable était celui du Québec. Les actes de procédure n’ont jamais été modifiés, aucune partie n’a demandé de modifier les actes de procédure et la Cour fédérale n’a pas soulevé la question des actes de procédure. Il existe des circonstances où les tribunaux et les parties peuvent aborder des questions n’étant pas circonscrites dans les actes de procédure, mais le défaut de modifier les actes de procédure peut entraîner de l’incertitude à propos des questions en litiges qui doivent être tranchées. C’était le cas en l’espèce, particulièrement vu les événements suivants.

•      Pendant l’audience, la Cour fédérale a soulevé d’elle-même la possibilité que le CN et CSXT soient responsables en application du Code civil. Cependant, elle ne l’a fait que de façon vague et générale, se demandant seulement si le Code civil avait une quelconque application en l’espèce. La Cour fédérale n’a jamais présenté aux parties une théorie précise de la responsabilité aux termes du Code civil, ni donné aucun détail de ce qu’elle avait à l’esprit. Elle n’a jamais demandé explicitement aux parties de présenter des observations sur la responsabilité de CSXT aux termes du Code civil.

•      La Cour fédérale n’a pas invité les parties à présenter des observations sur le choix du droit et du droit international privé, plus particulièrement sur la question de savoir si le Code civil, qui est une loi du Québec, s’appliquait à CSXT, une entité résidente des États-Unis et une entité qui n’avait aucune relation contractuelle avec ABB Inc. Par exemple, n’ayant reçu aucun avis sur la question en litige, les parties n’ont pas abordé de façon détaillée, si même elles l’ont abordée, la question des limites de l’application extraterritoriale des lois provinciales. Voir Unifund Assurance Co. c. Insurance Corp. of British Columbia, 2003 CSC 40, [2003] 2 R.C.S. 63.

•      La Cour fédérale n’a pas invité les parties à déposer des observations visant précisément l’application du Code civil aux faits de l’espèce à la lumière des dispositions de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10, et du Règlement sur la responsabilité à l’égard du transport ferroviaire des marchandises, DORS/91-488, interprétés en conformité avec leur texte, le contexte et leur objectif, et sur la question de savoir s’ils ont préséance sur le Code civil. La Cour fédérale n’a pas non plus invité les parties à présenter des observations à savoir si CSXT était une « partie implicite » ou sur toute autre question relative au Code civil. Elle a uniquement exprimé un intérêt envers le Code civil et son interaction possible avec le présent dossier. Les parties ont pratiquement dû deviner ce qu’elles devaient faire valoir en application du Code civil.

•      À la demande des parties, peu avant la fin de l’audience, la Cour fédérale a demandé que des observations écrites supplémentaires soient déposées. Par la suite, l’avocat du CN, n’étant pas certain des aspects du Code civil visés par ces observations, a demandé des clarifications et des détails à la Cour fédérale : dossier d’appel, à la page 88. Fait important, il s’agit d’un signe qu’à cette étape tardive, les parties étaient incertaines de la question en litige et des arguments qu’elles devaient faire valoir.

•      Plus important encore, la Cour fédérale a répondu d’une façon qui n’a pas aidé les parties et n’a pas clarifié ce qui devait l’être (dossier d’appel, à la page 91).

[traduction]

Concernant la demande de clarification du CN, voici ce que notre Cour retient : Lors de l’audience, la Cour a demandé aux parties si elles avaient examiné la possibilité que le Code civil du Québec puisse régir certains aspects de cette affaire. C’est en réponse à cette question que le CN a demandé l’occasion de présenter des observations écrites supplémentaires. Il faut souligner qu’en posant cette question, la Cour n’avait pas l’intention d’exprimer une opinion préliminaire sur le sujet, afin de ne pas orienter les parties sur la façon de soutenir leur dossier. Néanmoins, si cela peut être d’une quelconque aide, la question de la Cour ne se limitait pas à un aspect particulier de l’affaire.

•      La Cour fédérale n’a pas donné avis d’une autre question connexe, notamment sur le droit international privé, l’application du Code civil à la lumière de dispositions particulières de la Loi sur les transports au Canada, ou sur toute autre question connexe.

•      Ainsi, sans clarification dans les actes de procédure ou de la Cour fédérale, les parties n’ont pu faire autrement que tenter d’aborder la question.

•      En fin de compte, dans ses motifs exhaustifs, la Cour fédérale a conclu que CSXT était responsable aux termes du Code civil. La Cour fédérale semble avoir supposé que, dans le contexte du droit international privé, le Code civil pouvait s’appliquer à CSXT, une entité étrangère exerçant ses activités à l’extérieur du Canada et n’ayant aucune relation contractuelle ou autre avec ABB Inc.

[7]        Une cour a l’obligation de trancher les dossiers en fonction de l’ensemble du droit applicable. Par conséquent, la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en soulevant avec les parties la question de savoir si elles avaient omis de tenir compte du Code civil.

[8]        Toutefois, pour répondre aux obligations de l’équité procédurale, la Cour fédérale devait être plus précise à propos de ses questionnements, ou faire des propositions précises aux parties afin qu’elles puissent en débattre de façon éclairée. Pour ce faire, elle devait inviter les parties à présenter des observations aux questions particulières qui la préoccupaient par rapport au Code civil dans le cadre du droit international privé et de son application compte tenu des dispositions de la Loi sur les transports au Canada.

[9]        La Cour fédérale n’avait pas à développer de façon très détaillée les questions aux parties. Elle devait seulement signaler les questions avec assez d’explications pour faciliter la présentation des observations. Sur la question de l’équité procédurale dans ce contexte, voir l’arrêt Rodaro v. Royal Bank of Canada (2002), 59 O.R. (3d) 74, 157 O.A.C. 203 (C.A.); les commentaires de la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Mian, 2014 CSC 54, [2014] 2 R.C.S. 689 concernant l’équité procédurale dans le cas des nouvelles questions soulevées devant les cours d’appel sont également utiles aux cours de première instance.

[10]      Considérant les lacunes relatives à l’équité procédurale en l’espèce, nous sommes d’avis que le verdict de la Cour fédérale sur la question de la responsabilité de CSXT n’est pas sûr. Les parties ont tenté de leur mieux d’anticiper les questionnements relatifs au Code civil et aux questions connexes. Malgré cela, les observations des parties sur l’application du Code civil étaient, au mieux, clairsemées et n’abordaient pas la question plus générale du droit international privé. Si la Cour fédérale avait reçu des observations réellement éclairées sur chacune des questions pertinentes, les observations et la décision auraient pu être différentes. Il nous est en effet impossible d’exclure la possibilité que, si la Cour fédérale avait présenté des questions précises aux parties, celles-ci auraient décidé de déposer des éléments de preuve ou des décisions supplémentaires.

[11]      En outre, si les questions en litige entre les parties avaient été complètement définies et claires, CSXT aurait peut-être adopté une approche tactique et de présentation de la preuve différentes en l’espèce. Cela aurait pu avoir une incidence sur l’issue de l’affaire.

[12]      Tant que les parties bénéficient de l’équité procédurale, une cour peut tenir compte de questions en litiges devant être tranchées, même si elles n’ont pas été plaidées : Pinder Jr. c. Canada, 2016 CAF 317; Tervita Corporation c. Commissaire de la concurrence, 2013 CAF 28, [2014] 2 R.C.F. 352, au paragraphe 72, infirmé pour un autre motif, 2015 CSC 3, [2015] 1 R.C.S. 161. Toutefois, maintenant que de nouvelles questions en litige sont soulevées, nous sommes d’avis qu’il est souhaitable que les parties modifient leurs actes de procédure devant la Cour fédérale pour tenir compte de ces questions.

[13]      Par conséquent, nous accueillons l’appel, le tout avec dépens, annulons le jugement de la Cour fédérale contre CSXT et, puisque l’ensemble du recours est entaché de manquement à l’équité procédurale à l’égard de CSXT, nous ordonnons la tenue d’un nouveau procès devant la Cour fédérale, devant un autre juge, relativement à la responsabilité de CSXT et à toute autre question connexe ou qui en découle. La dernière partie de notre jugement est nécessaire, car le juge ayant rendu le jugement de la Cour fédérale a déjà exprimé son avis sur certaines des questions en litige.

[14]      En jugeant cette affaire de nouveau, la Cour fédérale ne doit pas se considérer comme liée ou se laisser influencer, d’une façon ou d’une autre, par les motifs du jugement de la Cour fédérale en l’espèce touchant la responsabilité de CSXT, notamment sur les questions relatives au Code civil et à savoir si le Code civil peut même s’appliquer. Les questions visant CSXT doivent être abordées comme n’ayant pas été tranchées. Elles doivent être examinées avec un regard neuf et indépendant, éclairé par les observations des parties.

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