T-2285-71
In re Penn Central Transportation Company
(Débitrice) •
et
Robert W. Blanchette, Richard C. Bond et John
H. McArthur, fiduciaires des biens de la Penn
Central Transportation Company
et
In re Canada Southern Railway Company
(Créancière)
et
In re The Penn Central Corporation (Requérante)
Division de première instance, le juge Addy—
Toronto, 24 et 25 juin; Ottawa, 12 décembre 1980.
Chemins de fer — Contrat — Requête sollicitant une
ordonnance en annulation d'une ordonnance antérieure de cette
Cour — La requérante cherche à obtenir paiement de fonds
déposés en fidéicommis dans une banque canadienne
Demande reconventionnelle de Canada Southern qui sollicite
une ordonnance qui substituerait la requérante aux fiduciaires
de la Penn Central — Ordonnance antérieure nommait un
séquestre judiciaire en attendant la liquidation des créances de
Canada Southern par une Cour de l'Ontario — La Reorgani
zation Court américaine autorise le dépôt en fidéicommis au
Canada des fonds — Il s'agit de déterminer si une mesure
d'exécution éventuelle du jugement rendu contre la requérante
par la Cour de l'Ontario peut être réservée à la Reorganization
Court.
La requérante sollicite une ordonnance révoquant les fidu-
ciaires de la Penn Central Transportation Company (PCTC),
révoquant le projet de concordat et annulant une ordonnance
antérieure de cette Cour, de façon à lui permettre d'obtenir
paiement de fonds déposés en fidéicommis dans une banque
canadienne. La Canada Southern Railway (CSR), créancière
canadienne, conteste cette requête et sollicite une ordonnance
de la Cour qui substituerait la requérante aux fiduciaires.
L'ordonnance rendue accueillait la requête de la CSR et pres-
crivait la nomination d'un séquestre judiciaire devant garder le
produit de la vente par la PCTC de ses actions dans la Toronto,
Hamilton and Buffalo Railway Co. (TH&B), en attendant la
liquidation des créances de la CSR par une Cour de l'Ontario.
A la suite de cette ordonnance, la Reorganization Court améri-
caine autorisait les fiduciaires à déposer en fidéicommis au
Canada les fonds. La requérante demande essentiellement que
toute mesure d'exécution éventuelle du jugement rendu contre
elle par la Cour de l'Ontario soit réservée à la Reorganization
Court.
Arrêt: la demande et la demande reconventionnelle sont
rejetées. La réorganisation du chemin de fer, homologuée par la
Cour américaine, n'a pas de portée extra-territoriale qui empê-
cherait l'exécution sur des biens situés au Canada au profit de
créanciers canadiens; elle ne prétend du reste pas avoir un tel
effet. L'ordonnance rendue vise clairement à garder les fonds
au Canada en attendant le jugement des actions en justice, dont
celles intentées par la CSR. Rien ne justifie que la requérante,
en sa qualité de subrogée des fiduciaires, demande maintenant
à être relevée de l'engagement pris à l'égard des fonds déposés
en fidéicommis. Accorder la demande reviendrait à rapporter
cette ordonnance, chose qui n'est certes pas du pouvoir de la
Cour. Quant à la demande reconventionnelle, elle est rejetée du
fait du refus de la requérante d'accepter la fiducie. Cette Cour,
même si elle était habilitée à le faire, n'essaierait jamais
d'imposer une fiducie à venir à un fiduciaire contre son gré, à
plus forte raison si ce fiduciaire réside à l'étranger.
REQUÊTE.
AVOCATS:
Duncan Finlayson, c.r. et Gerald C. Hollyer,
c.r. pour la requérante.
J. E. Sexton, c.r. et J. Steiner pour la
créancière.
PROCUREURS:
Kingsmill, Jennings, Toronto, pour la requé-
rante.
Osier, Hoskin & Harcourt, Toronto, pour la
créancière.
Voici les motifs de l'ordonnance rendus en fran-
çais par
LE JUGE ADDY: La requérante, The Penn Cen
tral Corporation, en qualité de continuatrice de la
Penn Central Transportation Company, débitrice,
sollicite de la Cour une ordonnance:
I. en révocation ou confirmation de la révoca-
tion de MM. Blanchette, Bond et McArthur,
fiduciaires des biens de la Penn Central Trans
portation Company, débitrice, au Canada, à la
suite de mon ordonnance, en date du 27 septem-
bre 1974, accueillant et homologuant le projet
de concordat;
2. en révocation du projet de concordat homolo-
gué par ladite ordonnance; et
3. en annulation ou, subsidiairement, en modifi
cation de l'ordonnance rendue le 14 avril 1977
par mon collègue le juge Cattanach, de façon à
permettre à la requérante, en sa qualité de
continuatrice de ladite débitrice et de ses fidu-
ciaires, d'obtenir paiement des fonds mentionnés
dans ladite ordonnance du juge Cattanach, à
permettre à la requérante de retirer lesdits fonds
déposés actuellement en fidéicommis à la
banque, et à autoriser la banque où ledit argent
est actuellement déposé à libérer les fonds déte-
nus en fidéicommis en faveur de la requérante à
l'instance.
La Canada Southern Railway Company con-
teste cette requête et, en même temps, sollicite une
ordonnance qui substituerait The Penn Central
Corporation aux trois fiduciaires de la Penn Cen
tral Transportation Company.
Les faits sur lesquels repose la demande princi-
pale sont, quoique dans l'ensemble non contestés,
loin d'être simples. Nous essaierons de résumer les
principaux.
Les abréviations suivantes seront utilisées pour
désigner certaines compagnies et entités:
Canada Southern Railway Company CSR
(qui conteste la demande principale et est la
requérante dans la demande reconvention-
nelle.)
Penn Central Transportation Company PCTC
Taie Penn Central Corporation Penn
(la continuatrice de la PCTC et la requérante Central
dans la demande principale.)
Robert W. Blanchette, Fiduciaires
Richard C. Bond et de la PCTC
John H. McArthur,
fiduciaires des biens de la Penn Central
Transportation Company
Consolidated Rail Corporation Conrail
(une nouvelle compagnie de chemins de fer
du gouvernement américain, à laquelle PCTC
et plusieurs compagnies de chemins de fer
américaines en faillite ont été contraintes par
le Congrès américain à céder leurs avoirs
ferroviaires.)
Michigan Central Railroad Company MCR
(Locataire, en vertu d'un bail de 999 ans, des
biens ferroviaires de la CSR et bailleresse de
ces biens en vertu d'un bail de sous-location
de 99 ans consenti à la New York Central
Railway.)
New York Central Railway NYC
(Locataire des biens ferroviaires de la CSR
en vertu d'un bail de sous-location de 99 ans
consenti par MCR.)
Toronto, Hamilton and Buffalo Railway TH&B
Company
Canadien Pacifique Ltée CP
(Acheteuse des actions de la TH&B aux fidu-
ciaires de la PCTC et à la MCR.)
La CSR a été constituée en 1868 ou vers cette
date et, par une Loi spéciale du Parlement du
Canada datée de 1874, a été transformée en entre-
prise fédérale. Elle possédait, et avait exploité pour
une brève période, une ligne ferroviaire reliant
Windsor à Welland et deux embranchements, l'un
entre Welland et Niagara Falls, l'autre entre Wel-
land et Fort Érié. En 1903, elle loua, en vertu d'un
bail de 999 ans qui fut approuvé par une loi du
Parlement du Canada, ses biens ferroviaires à la
MCR. En 1930, celle-ci concéda à la NYC ses
droits sur les biens ferroviaires de la CSR, pour
une période de 99 ans. En 1968, la NYC et la
Pennsylvania Railroad fusionnèrent pour former la
Penn Central Transportation Company (PCTC).
Antérieurement au 1er avril 1976, la CSR avait
été, au moyen d'avoir en actions, contrôlée par la
MCR, la PCTC et ses prédécesseurs et puis les
fiduciaires. La MCR était elle-même contrôlée par
la PCTC et ses prédécesseurs.
Le 21 juin 1970, la PCTC introduisit devant la
District Court of the United States of America for
the Eastern District of Pennsylvania (ci-après
nommée la «Reorganization Court») une requête
tendant à l'obtention d'une ordonnance qui autori-
serait sa réorganisation en tant que compagnie de
chemins de fer en vertu de l'article 77 de la
Bankruptcy Act des États-Unis d'Amérique. L'or-
donnance accueillant cette requête fut rendue le
jour même et plus tard, le 22 juillet 1970, certains
fiduciaires furent nommés fiduciaires des biens de
la PCTC en vue de cette réorganisation. Les fidu-
ciaires figurant à l'intitulé de la présente cause,
MM. Blanchette, Bond et McArthur, étaient les
fiduciaires en fonctions à l'époque de la promulga
tion du projet de concordat ci-inclus. Ils restèrent,
semble-t-il, en fonctions jusqu'à leur révocation
par la Reorganization Court, le 24 octobre 1978.
En mai 1973, la MCR, une filiale presque à 100 p.
100 de la PCTC, introduisit, en vertu de la Bank
ruptcy Act américaine, une requête en réorganisa-
tion et Douglas Campbell fut nommé fiduciaire de
ses biens par la Reorganization Court. Au Canada,
aucun projet de concordat ne fut déposé devant la
Cour fédérale du Canada pour le compte de la
MCR.
En plus des actions engagées aux États-Unis
devant la Reorganization Court, les fiduciaires de
la PCTC ont, en vertu des articles 95 99 de la
Loi sur les chemins de fer' et des articles 26 28
de la Loi sur la Cour de l'Échiquier 2 , intenté des
actions en vue de la continuation au Canada de
l'entreprise ferroviaire de la PCTC et du désinté-
ressement de certains créanciers. Parmi les créan-
ciers susceptibles de faire valoir leurs créances
dans le cadre du projet de concordat figurent les
bailleurs de biens ferroviaires canadiens. Antérieu-
rement au 22 juin 1970, la PCTC avait contracté
des dettes envers certains créanciers canadiens du
fait de ses opérations ferroviaires au Canada et
pris, au Canada, certains autres engagements à
exécuter au Canada, notamment des engagements
en vertu de la prise à bail de biens ferroviaires
canadiens.
Il a été établi que le prix de location a été, en
vertu du bail, payé à la CSR au cours de la
réorganisation entreprise sous le régime de la
Bankruptcy Act américaine. Les sommes dues par
les fiduciaires de la PCTC à la CSR en vertu du
bail ont toujours été versées au terme.
Conformément au projet de concordat approuvé
par mon ordonnance du 27 septembre 1974, un
rapport a été déposé le 27 mai 1975 devant la
Cour. Toutes les créances présentées et suscep-
tibles d'être payées en vertu de ce projet de concor-
dat ont, à ce qu'il semble, été intégralement
réglées. Un certain nombre d'actions qui avaient
été intentées à Montréal contre la PCTC et qui
avaient été contestées, ont, en fin de compte, fait
l'objet d'un compromis et d'un règlement du fait
du projet de concordat.
Le 1" avril 1976, les fiduciaires de la PCTC ont
mis fin à l'exploitation d'une ligne de chemin de
fer, tant au Canada qu'aux États-Unis. En vertu
de la Regional Rail Reorganization Act, une loi
du Congrès américain, pratiquement toutes leurs
lignes et tous leurs avoirs ferroviaires ont été trans-
férés à la Conrail, notamment leur intérêt dans le
bail de la CSR et leurs actions dans celle-ci.
Les fiduciaires de la PCTC, le fiduciaire de la
MCR et la CSR détenaient, à un moment donné,
une majorité substantielle des actions de la
TH&B, celles-ci n'ayant pas fait l'objet de la
cession à la Conrail. En mai 1976, les fiduciaires
' S.R.C. 1970, c. R-2.
2 S.R.C. 1970, c. E-11.
de la PCTC et de la MCR ont vendu au CP leurs
actions dans la TH&B. De son côté, la CSR a
accepté de vendre, séparément, ses actions au CP.
La date limite de signature de ces deux ententes
était fixée au ler novembre 1976. Avant cette date,
la CSR a saisi la Cour fédérale du Canada d'une
demande tendant à la nomination d'un séquestre, à
l'obtention d'une injonction et d'autres redresse-
ments au sujet du produit de la vente par les
fiduciaires de la PCTC et de la MCR des actions
de la TH&B. A la suite du prononcé par la
présente Cour d'une série d'ordonnances, dont
celle rendue le 17 novembre 1976 par mon collè-
gue le juge Walsh et celle en date du 14 avril 1977
rendue par mon collègue le juge Cattanach, la
somme de $2,776,184 tirée du produit de la vente
fut déposée en fidéicommis à la Banque de
Montréal.
La CSR a fait valoir d'importantes créances
contre la MCR, la PCTC, leurs fiduciaires respec-
tifs et la Penn Central. Ces revendications ont trait
à la manière dont la MCR et la PCTC ont disposé
des biens ferroviaires de la CSR et à d'autres
questions connexes. Elles ont été, pour la première
fois, formellement formulées en 1976 dans une
requête en arbitrage et, plus tard, dans une action
intentée le Pr juin 1979 par la CSR devant la Cour
suprême de l'Ontario contre la MCR et la Penn
Central. Il y a eu, dans l'intervalle, un grand
nombre d'actions connexes.
Entre-temps, devant la Reorganization Court
américaine, un nouveau plan de réorganisation de
la faillite PCTC a été proposé et finalement
approuvé par une ordonnance d'exécution et un
jugement définitif de ladite Cour en date du 17
août 1978 (ci-après nommée l'«ordonnance d'exé-
cution»).
Ce plan de réorganisation prévoyait que les
créanciers, les autres réclamants et actionnaires de
la PCTC et certaines compagnies concessionnaires
accepteraient, compte tenu des incertitudes de
l'avenir, un compromis quant à leurs revendica-
tions en vue d'obtenir un prompt recouvrement et
d'éviter les dépenses et retards que causeraient des
litiges longs et complexes. Le plan prévoyait que la
compagnie débitrice, la PCTC, continuerait à
fonctionner en tant que compagnie réorganisée
sous le nom de The Penn Central Corporation (la
«Penn Central»), et les créances de différentes
catégories seraient payées ou feraient l'objet d'une
transaction. Une ordonnance de la Reorganization
Court portant révocation de MM. Blanchette,
Bond et McArthur en tant que fiduciaires a été
plus tard obtenue. La direction de la compagnie
réorganisée Penn Central a été confiée à de nou-
veaux dirigeants et administrateurs.
Les ex-fiduciaires de la PCTC ont, conformé-
ment à l'ordonnance d'exécution, reçu l'autorisa-
tion et l'ordre de signer des actes translatifs de
tous actifs et biens des fiduciaires de la PCTC et
de remettre ces actes à la PCTC; à la suite de ces
transferts, ces avoirs 'et biens sont devenus la pro-
priété absolue de la Penn Central à la date d'exé-
cution, qui était le 24 octobre 1978. A compter de
la même date, tous les fonds détenus par les
anciens fiduciaires de la PCTC, et, plus tard,
conformément aux ordonnances de la Reorganiza
tion Court, par un fidéicommissaire ou fiduciaire,
devenaient complètement et sans réserves propriété
de la Penn Central et devaient par la suite être
versés à la Penn Central ou sur son ordre par ce
fidéicommissaire ou fiduciaire, ces paiements
valant libération de ce dernier.
Le paragraphe 3.10 de l'ordonnance d'exécution
porte ce qui suit:
[TRADUCTION] A compter de la date d'exécution, les fiduciai-
res de la PCTC ... seront révoqués et relevés de toutes
fonctions et responsabilités relatives à la gestion des biens ou à
la conduite de l'entreprise et des affaires transférées à la
compagnie réorganisée ... à la date d'exécution. De cette date,
les fiduciaires n'auront plus le pouvoir ni l'obligation d'agir
pour le compte de la compagnie réorganisée ou relativement à
celle-ci ....
Le projet de réorganisation et mon ordonnance
du 27 septembre 1974 comportent tous deux la
disposition suivante:
[TRADUCTION] 8. Il est convenu que les présentes dispositions
sont prises uniquement pour permettre à la compagnie de
continuer son entreprise de chemins de fer au Canada par
l'entremise des fiduciaires de ses biens, et pour nul autre but.
Les présentes et le concordat resteront en vigueur jusqu'à la
survenance de l'un des événements suivants: a) l'annulation des
procédures intentées devant la Reorganization Court en vue de
la réorganisation de la compagnie; ou b) la révocation des
fiduciaires ou de leurs successeurs; ou c) la décision par la Cour
fédérale du Canada de ne pas homologuer le concordat, de le
rejeter, de le remplacer ou de le déclarer inexécuté, pourvu que
la non-confirmation ou le rejet du concordat n'opère pas dessai-
sissement des fiduciaires des biens de la compagnie au Canada.
Il semble que la Reorganization Court ait agi en
partant du principe que les demandes de la CSR
doivent être jugées au Canada et payées à même
l'actif de la Penn Central. En août 1978, elle a
accueilli la requête de la CSR en modification de
l'ordonnance d'exécution de façon que celle-ci ne
s'applique pas aux réclamations formées au
Canada par la CSR contre la Penn Central et la
MCR.
L'ordonnance de mon collègue le juge Walsh
datée du 17 novembre 1976, que j'ai mentionnée
précédemment, prescrivait la nomination d'un
séquestre judiciaire et la détention par ce dernier
du produit de la vente des actions de la TH&B
jusqu'à la survenance de l'un quelconque des évé-
nements suivants:
a) le prononce par la Reorganization Court
d'une ordonnance permettant aux fiduciaires de
la Penn Central de déposer en fidéicommis au
Canada le produit de la vente des actions de la
TH&B et un engagement de leur part à cet
effet;
b) la constitution par les fiduciaires d'un cau-
tionnement équivalant au montant de la vente
des actions de la TH&B [TRADUCTION] «pour
garantir les réclamations des créanciers cana-
diens contre lesdits fonds, au cas où ils décide-
raient de retirer ces derniers du Canada»; ou
c) la détermination, par arbitrage, par jugement
d'un tribunal compétent ou par transaction, des
créances de la CSR ou de tout autre créancier
canadien contre le produit de la vente des
actions de la TH&B et le paiement de la
créance ou des créances ainsi établies sur ledit
produit.
Il ressort de ce qui précède et des motifs du
jugement du juge Walsh [[1977] 2 C.F. 624] que
cette ordonnance visait à garder au Canada des
fonds équivalant au montant de la vente des
actions TH&B en attendant la liquidation des
créances de la CSR et de tout autre créancier
canadien et le paiement de celles-ci sur ces fonds.
Les événements b) et c) ne sont pas survenus.
Les fiduciaires ont demandé à la Reorganization
Court l'autorisation de garder en fidéicommis au
Canada le produit de la vente des actions TH&B
conformément à la solution a) susmentionnée et
aussi de procéder à [TRADUCTION] «la satisfaction
au Canada des créances de la Canada Southern.»
La Cour a accueilli cette requête en mars 1977.
De toute évidence, l'ordonnance du juge Catta-
nach a été rendue pour donner effet à celle du juge
Walsh. Il a également enjoint aux deux parties
d'agir avec diligence pour déterminer les créances
de la CSR. Rien n'indique que ceci n'ait pas été
fait. Si le dépôt en fidéicommis était levé et si
l'argent retournait aux États-Unis, l'objet même
du fidéicommis serait contredit. Rien ne justifie
que la Penn Central, en sa qualité de subrogée des
fiduciaires ou autres, demande maintenant à être
relevée de l'engagement pris à l'égard des fonds
détenus en fidéicommis. Accorder le redressement
demandé reviendrait à rapporter cette ordonnance,
chose qui n'est certes pas en mon pouvoir.
La requérante prétend aussi que les revendica-
tions de la CSR découlant du bail ne tombent pas
sous le coup du projet de concordat. C'est mainte-
nant chose réglée entre les parties, puisque mon
collègue le juge Walsh a statué qu'elles y tom-
baient, ainsi qu'il ressort des motifs de son ordon-
nance. Il a estimé devoir statuer ainsi pour accueil-
lir la demande. Son ordonnance a été rendue voilà
trois ans et n'a pas été frappée d'appel. Je ne
pourrais pas annuler cette décision même si je le
voulais.
La requérante fait valoir que la présente Cour
ne peut maintenir le dépôt en fidéicommis, puisque
la Penn Central est actuellement en état de solva-
bilité et que les créanciers américains sont en voie
d'être intégralement payés. Je ne suis pas de cet
avis, puisque les créanciers américains ne sont pas
payés comptant pour ce qui est de leurs créances,
mais qu'ils sont contraints par la Reorganization
Court à accepter d'être payés en titres plutôt qu'en
espèces. Un débiteur incapable de payer comptant
ses créanciers n'est pas solvable. Si la Penn Cen
tral était solvable, il importerait peu que les créan-
ces soient payées comptant au Canada ou aux
États-Unis et la requérante ne tiendrait pas tant à
retirer les fonds du Canada. La requérante pré-
tend, assez curieusement, qu'il serait injuste pour
la CSR d'être payée à même les fonds canadiens
plutôt que d'aller aux États-Unis. Il ne saurait, en
tout cas, y avoir d'injustice à l'égard des créanciers
américains si l'on devait payer comptant la CSR.
Demander que la CSR soit obligée de «partager»
avec les autres créanciers devant la Cour améri-
caine revient à admettre son insolvabilité.
Encore à propos de cette question de la solvabi-
lité, un certain Roger Frish, agissant pour le
compte de la CSR, a dans un affidavit affirmé
que, d'après un mémoire des fiduciaires daté du 16
mars 1978, les créances de la CSR tomberaient
dans la catégorie des créances «M» et qu'en tant
que telles, elles pourraient être réglées par la [TRA-
DUCTION] «délivrance de certificats de beneficial
interest d'un montant égal à 30 % des créan-
ces ....» Aux pages 26 et 27 de son affidavit, il
dépose relativement à d'autres faits, dont la valeur
marchande des actions émises en règlement des
créances de la catégorie «M», ce qui établirait que
la CSR ne serait probablement jamais payée en
entier même si elle acceptait les actions et titres
qu'elle serait, semble-t-il, obligée d'accepter en
règlement de ses créances. M. Frish n'a jamais été
contre-interrogé sur ces affirmations, qui ont trait
on ne peut plus directement à la solvabilité de la
requérante.
L'avocat de la requérante fait valoir d'une part
que les procédures devant la Reorganization Court
ont été annulées et soutient d'autre part que la
CSR pourra présenter devant celle-ci tout juge-
ment qu'elle obtiendra au Canada en vue du paie-
ment ou du règlement selon la décision de cette
Cour. Les deux arguments semblent se contredire
et être inconciliables.
La requérante demande aussi la mainlevée du
dépôt en fidéicommis en se fondant sur le passage
suivant du paragraphe 8 de mon ordonnance du 27
septembre 1974:
... les présentes dispositions sont prises uniquement pour
permettre à la compagnie de continuer son entreprise de che-
mins de fer au Canada par l'entremise des fiduciaires de ses
biens, et pour nul autre but.
Pour ce qui est des parties, cette ordonnance a été
rendue «uniquement pour permettre à la compa-
gnie de continuer son entreprise de chemins de
fer», mais en ce qui concerne les créanciers, elle
visait, de toute évidence, à les protéger et à fournir
une somme suffisante pour couvrir leurs créances.
D'après la déclaration de la CSR dans l'action
intentée en Ontario, beaucoup de ses créances ont
pris naissance avant le 22 juin 1970, et mon ordon-
nance a expressément enjoint aux fiduciaires de
[TRADUCTION] «payer en entier les créances des-
dits créanciers de la compagnie au Canada, prove-
nant de l'exploitation de l'entreprise de chemins de
fer de celle-ci avant le 22 juin 1970 ....» L'ordon-
nance prévoyait également l'allocation d'un délai
supplémentaire suffisant pour la liquidation de
toute créance non liquidée. C'est précisément le
résultat escompté de l'action intentée en Ontario.
Les créances sont celles d'un créancier canadien,
prenant naissance antérieurement à cette date tant
en vertu de baux de location de biens ferroviaires
canadiens que de charges fiscales au Canada.
Il a été également allégué que la Penn Central
n'était pas partie au bail. Par ailleurs, cette com-
pagnie et ses prédécesseurs ont, depuis les années
30, pleinement fait usage des fonds locatifs et il
semble qu'elle soit légalement responsable, en
vertu du bail, de tout paiement et de tout autre
engagement qu'elle est censée, aux yeux de la loi,
avoir pris. Quoi qu'il en soit, c'est là une des
questions à trancher par la Cour suprême de l'On-
tario à partir des éléments de preuve qui lui seront
soumis.
Bien que la requérante admette que la Cour
suprême de l'Ontario ait compétence sur les reven-
dications de la CSR, elle demande essentiellement
que toute mesure d'exécution de son jugement
contre la requérante soit réservée à la Reorganiza
tion Court américaine. La créance de la CSR est
une créance appartenant à une compagnie cana-
dienne, née au Canada et découlant d'un contrat
affectant des biens canadiens, et, pourtant, on
demande à la Cour fédérale du Canada de céder
son contrôle sur la disposition effective des fonds
qui se trouvent actuellement ici et qui ont été
spécialement affectés à la satisfaction des créan-
ciers canadiens.
La réorganisation du chemin de fer, homologuée
par la Cour américaine, n'a pas de portée extra-
territoriale qui empêcherait l'exécution sur des
biens situés au Canada au profit de créanciers
canadiens; elle ne prétend du reste pas avoir un tel
effet. L'ordonnance du juge Walsh vise clairement
à garder les fonds au Canada en attendant le sort
des actions telles que celles que la CSR a intentées
contre les fiduciaires de la PCTC et celui de la
MCR.
Par les motifs qui précèdent, la demande de la
Penn Central sera rejetée.
Sans tenir compte de la question de la compé-
tence de la présente Cour soulevée par le point de
savoir si la Penn Central est maintenant véritable-
ment une compagnie de chemins de fer, et égale-
ment en dehors du fait que, en l'absence de dispo
sitions spéciales d'une loi ou d'un acte de fiducie,
les tribunaux ne nomment pas de fiduciaires même
si elles peuvent nommer des séquestres, la
demande reconventionnelle par laquelle la CSR
prie la Cour de substituer la Penn Central aux
fiduciaires de la PCTC est rejetée du fait du refus
par la Penn Central d'accepter la fiducie. La pré-
sente Cour, même si elle était habilitée à le faire,
n'essaierait jamais d'imposer une fiducie à venir à
un fiduciaire contre son gré, à plus forte raison à
un fiduciaire résidant à l'étranger. Ma décision sur
cette demande a été rendue oralement à l'au-
dience, à l'issue de l'audition.
Il se peut que, du fait de ses actions, la Penn
Central se soit constituée ou bien fiduciaire de son
tort, ou bien fiduciaire par détermination de la loi,
mais la Cour n'est pas saisie de cette question.
ORDONNANCE
Par ces motifs, LA COUR ORDONNE le rejet,
avec dépens, des deux demandes.
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